Intervention de Jean Sol

Réunion du 29 novembre 2018 à 10h30
Financement de la sécurité sociale pour 2019 — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Jean SolJean Sol :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je veux tout d’abord exprimer mon regret que les propositions de la commission des affaires sociales de notre assemblée aient été balayées d’un revers de manche pour la plupart d’entre elles.

Pourtant, notre chambre s’est efforcée d’apporter, de façon constructive, des pistes d’amélioration de notre système de santé, tout en maintenant un équilibre budgétaire.

Sans revenir sur les propos qui ont été tenus précédemment ni sur l’échec de la CMP, monsieur le secrétaire d’État, je ne peux que saluer l’augmentation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, porté à 2, 5 pour 2019.

Toutefois, cela reste tout à fait insuffisant pour répondre aux besoins de nos patients et aux contraintes imposées à nos établissements, qui font de la gestion de la pénurie des moyens humains et logistiques un mode opératoire. Cela reste tout à fait insuffisant, compte tenu de l’activité croissante à laquelle doivent faire face les équipes soignantes, dans des conditions de travail qui se dégradent au fil des jours.

Je souhaite rappeler que nos hôpitaux publics sont à bout de souffle : malgré les efforts de rationalisation et une activité stable, l’aggravation de la situation de leurs finances persiste. Force est de constater que le déficit du budget principal des hôpitaux publics a quant à lui doublé entre 2016 et 2017, passant de 470 millions d’euros à près de 1 milliard d’euros.

Outre les déficits, il faut déplorer la nouvelle baisse tarifaire de 0, 8 % sur les tarifs des séjours hospitaliers en 2018, ainsi que l’économie annoncée à cinq ans de 1, 2 milliard sur les dépenses de personnel. Il faut également déplorer une diminution des dépenses d’investissement, qui sont passées sous le seuil de 4 milliards d’euros en 2017. Les investissements sont pourtant indispensables à l’entretien, à la rénovation des bâtiments, au renouvellement des équipements médicaux et hôteliers ou encore à l’innovation.

Par ailleurs, nos hôpitaux sont exposés à une judiciarisation exponentielle. Alors qu’ils sont asphyxiés par leurs déficits et doivent faire face aux nombreuses normes, à la gestion des risques et aux plaintes, vous allez leur proposer un dispositif d’incitation financière à l’amélioration de la qualité, ou IFAQ, qui prévoit notamment la mise en place d’un système de malus. Cette mesure conduit à infliger une double peine, car elle est redondante avec le dispositif de sanctions intégré dans le volet relatif au contrat d’amélioration des pratiques en établissement de santé, le CAPES, du contrat d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins, le CAQES.

Monsieur le secrétaire d’État, derrière les hôpitaux publics au bord du gouffre, ce sont les soins d’urgences, les EHPAD, les établissements médico-sociaux, les soins palliatifs qui sont en crise. Le budget alloué à votre ministère ne répond pas à ces problèmes, non plus que l’ONDAM ou le PLFSS et surtout pas l’abandon des promesses du chef de l’État sur l’arrêt des économies réalisées sur les hôpitaux. Dès lors, une question simple se pose : quel plan d’action immédiat ?

Je vous ai fait part de la situation singulière, mais non exceptionnelle du service des urgences du centre hospitalier de Perpignan, dont les médecins se disent incapables de soigner les patients qui arrivent en son sein. Ce faisant, ils tirent simplement la sonnette d’alarme pour l’ensemble des services d’urgence de notre territoire ! Et ce n’est pas le forfait de 40 euros de réorientation des patients sur la médecine de ville qui va régler la problématique de la prise en charge des patients aux urgences. Il ouvre la voie à la rémunération de l’absence d’acte.

Aussi, ce PLFSS n’apporte aucune solution capable d’améliorer les conditions d’exercice des personnels soignants, qui expriment, vous le savez bien, un sentiment de malaise, alimenté par la charge et à l’organisation du travail, la répartition du temps de travail entre les charges administratives et la fonction de soins, la nature et la répartition des tâches entre les différents professionnels de santé, l’impact de la mise en place des 35 heures, l’explosion des RTT et de l’absentéisme, l’évolution du rapport aux patients, l’ampleur des réformes et des restructurations.

La frustration et l’agacement chez les soignants comme chez les patients détériorent inévitablement ce qu’ils considèrent comme le pilier de leur métier, à savoir la relation humaine. Et il me semble que ce n’est pas aux personnels soignants ni aux patients d’être des variables d’ajustement ! La rémunération des infirmiers, professionnels de santé les plus nombreux en France aujourd’hui, reste toujours aussi indigne, comme le montre le panorama 2017 de l’OCDE.

Face à cette situation, vous annoncez la création d’une nouvelle profession médico-administrative, celle des assistants médicaux. Cependant, quid de leurs missions et du calendrier d’exécution ? Ne faudrait-il pas plutôt renforcer les compétences de nos infirmiers, développer et valoriser les délégations de tâches, mieux former nos personnels et transformer la formation ?

Ce sont les patients qui en pâtissent avant tout : les conditions de prises en charge sont loin d’être optimales. Les personnes âgées en souffrance et en perte d’autonomie attendent souvent des heures durant sur des brancards au service des urgences. Surtout, la baisse du nombre de lits continue. Les maladies nosocomiales représentent toujours un risque.

Finalement, nous assistons progressivement à une prise en charge à deux vitesses, qui est la négation de notre système de sécurité sociale né après-guerre. Nous devons nous attacher à réformer notre système plutôt qu’à le détruire.

Certes, la sortie progressive d’une vision hospitalo-centrée de notre système de soins est une issue, répondant mieux aux soins de proximité, avec l’émergence notamment de pôles d’excellence, de complémentarités, de coopérations pluriprofessionnelles et davantage d’homogénéité entre pratiques publiques et privées.

En conclusion, monsieur le secrétaire d’État, l’hôpital public ne doit-il pas être un véritable point d’ancrage sur les territoires, sur lequel on ne raboterait pas ? Il aurait besoin de plus de souplesse et de responsabilité pour améliorer sa performance. De fait, davantage d’État ne signifie pas pour autant moins de politiques libérales pour fluidifier notre système.

Le plan « Ma santé 2022 », qui doit en partie être inscrit dans le projet de loi relatif à la santé que l’on nous promet pour l’année prochaine, sera-t-il effectivement mis en œuvre ? Nous l’espérons, mais je crois aussi, malheureusement, que l’ensemble des signaux d’alerte qui ont été évoqués précédemment ne seront pas levés à la seule lumière de cette nouvelle, que dis-je, de cette énième loi. Cette dernière permettra-t-elle, à elle seule, de placer le patient au cœur du système et de faire de la qualité la boussole de la réforme ?

Monsieur le secrétaire d’État, nos hôpitaux sont en apnée et votre gouvernement peine à les réanimer. Notre solidarité s’étiole là où elle devrait être à son apogée.

Les professionnels, qu’ils soient administratifs, médecins ou paramédicaux, ont aujourd’hui besoin d’un signal fort de votre part.

Une volonté politique est nécessaire pour réformer structurellement notre système de protection sociale et pour l’adapter aux enjeux du vieillissement et de l’innovation, en préservant son principe d’universalité. Je vous le dis aujourd’hui en tant que parlementaire qui, hier, avait des responsabilités managériales dans un établissement public et au nom de mon groupe, qui votera cette question préalable.

Comme Simone Veil le soulignait, c’est sur les drames que nous subissons que « la volonté doit refaire surface, pour un monde fraternel, un monde basé sur le respect de l’homme et sa dignité. » Monsieur le secrétaire d’État, ne laissons pas nos hôpitaux devenir un écueil pour ces valeurs, indispensables à notre condition.

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