Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, au moment de son dépôt, ce texte de loi comportait 58 articles. La version votée par l’Assemblée nationale en comptait 87, et celle que le Sénat a adoptée 95, dont 49, soit plus de la moitié du texte, ont été votés conformes. Nous avons modifié 30 articles, en avons supprimé 8 et ajouté 25. C’est donc avec mesure et bienveillance que le Sénat a travaillé, en gardant pour objectif de présenter un PLFSS à l’équilibre, ce qui fut le cas.
Monsieur le secrétaire d’État, je tenais à rassurer votre collègue M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics : le Sénat est reconnu pour sa sagesse, et non pour son hypocrisie !
Parce que nous sommes sages, nous reconnaissons l’intérêt de certaines dispositions présentées, que nous avons d’ailleurs soutenues. Nous avons été au rendez-vous. Je veux, à cet égard, procéder à trois rappels importants – je serai synthétique, mes collègues s’étant déjà exprimés à ce sujet.
Premièrement, nous soutenons la perspective de l’application du plan « Ma santé 2022 ». Les premières déclinaisons qui se retrouvent dans le présent PLFSS vont globalement dans le bon sens. Certaines craintes subsistent toutefois concernant le reste à charge zéro. Nous serons vigilants sur ce point.
Deuxièmement, le Sénat a adopté conforme l’article 7, qui met en place l’exonération des cotisations sociales sur les heures complémentaires et supplémentaires.
Troisièmement, je veux évoquer l’article 8, qui transforme le CICE et le CITS en baisse pérenne de cotisations sociales, en précise le calendrier et définit des mesures d’adaptation pour diverses catégories d’employeurs qui bénéficiaient, jusqu’à présent, de dispositifs particuliers.
Après examen attentif des effets de cet article, une solution a été trouvée pour le dispositif TO-DE, avec le maintien d’une exonération totale, même si elle n’est pas pérenne, jusqu’à 1, 20 SMIC, à compter de 2019. Nous nous réjouissons de l’adoption de cette mesure, en nouvelle lecture, par nos collègues députés.
Pour ce qui concerne les outre-mer, des adaptations ont été trouvées, notamment grâce à l’application du « dispositif LODEOM » à la Guyane, qui avait été oubliée.
Reste cependant un bémol : à nos yeux, un risque demeure du fait des attitudes pressenties chez les particuliers employeurs. L’application du chèque emploi service universel, le CESU, entraînera une augmentation de 15 % du coût de l’emploi, lequel sera également majoré de 13 % du fait du « dispositif LODEOM ». Le risque est l’augmentation du travail non déclaré, ou travail au noir. Or l’on connaît les graves conséquences sociales qu’entraîne ce recours non affiché.
Aussi, j’invite le Gouvernement à agir à l’avenir avec plus de mesure lorsqu’il touchera à des dispositifs ayant des conséquences naturellement, et malheureusement, exacerbées dans les outre-mer.
J’ajoute que les dérives très inquiétantes du mouvement des « gilets jaunes », en particulier à La Réunion, témoignent d’une situation sociale infiniment préoccupante.
Comme l’a souligné M. le rapporteur général, nous regrettons que le PLFSS ne soit désormais plus à l’équilibre, en raison, non pas de notre action, mais de l’adoption de deux amendements du Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d’État, cette situation est troublante, lorsqu’on se rappelle que vous nous avez reproché l’adoption de mesures coûteuses… Nous regrettons que l’Assemblée nationale n’ait pas suivi la position du Sénat, notamment quant à l’atténuation de l’effet de seuil de la CSG pour les retraités qui passeraient du taux nul au taux réduit de 3, 8 %.
Selon nous, le rétablissement du forfait de réorientation des urgences ne va pas non plus dans le bon sens.
Cependant, certaines mesures proposées par le Sénat ont été conservées. Je pense en particulier à l’alignement sur six ans de la fiscalité sur les alcools forts dans les outre-mer sur celle qui est en vigueur dans l’Hexagone, ou encore à la possibilité de prescription du médecin coordonnateur des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD.
Sages, nous le sommes également lorsque nous légiférons en vertu de notre mandat et dans le respect de notre Constitution.
Nous nous interrogeons : le Gouvernement souffrirait-il en découvrant que le Parlement, et singulièrement le Sénat, est réellement en mesure de proposer des solutions alternatives ?
La commission mixte paritaire ayant échoué, l’Assemblée nationale a rétabli l’essentiel de son texte. Elle a conservé certaines de nos améliorations – je le souligne également –, mais elle a, sans surprise, supprimé l’indexation des prestations sociales sur l’inflation, que nous avions réintroduite.
Cette mesure, souhaitée par le Gouvernement et par l’Assemblée nationale, cible une nouvelle fois les mêmes personnes : les retraités. §Les dommages collatéraux de la politique budgétaire du Gouvernement se révèlent très lourds socialement.
Autant nous saluons l’effort accompli pour présenter un budget en équilibre, autant nous déplorons le levier budgétaire utilisé pour y arriver. Nous ne pouvons pas laisser le Gouvernement prendre pour cibles les retraités et les familles. C’est pourquoi nous avions rétabli l’indexation des pensions, que nous compensions, d’une part, en effectuant un prélèvement sur les OCAM et, d’autre part, en reportant l’âge de départ à la retraite. Ces deux mesures se justifient pleinement, et nous avons déjà dit pourquoi dans cet hémicycle.
Monsieur le secrétaire d’État, votre collègue Mme Agnès Buzyn nous a expliqué il y a quelques jours que gouverner, c’est faire des choix. Je puis vous l’assurer : c’est ce que nous faisons aujourd’hui, tout comme dans l’exercice courant de nos mandats actuels et passés. Nous faisons notre travail et nous savons faire des choix.
En réalité, le Gouvernement nous reproche de critiquer une mesure sans prendre en compte la globalité de sa politique. Dès lors, je me permettrai quelques observations qui sortent peut-être du champ du PLFSS.
À vous entendre, vous donnez la priorité à votre action en faveur des plus fragiles, aux mesures visant à libérer le travail et l’emploi. S’il est vrai que nous vous rejoignons sur ces deux idées, plusieurs mesures de contraction budgétaire prennent vos annonces à contre-pied.
Sur le terrain de l’emploi, les crédits baissent, alors que le nombre de chômeurs de longue durée a progressé de 133 % depuis 2007 et que le chômage des plus de cinquante ans augmente aussi. On n’en parle que trop peu !
Sur le terrain des solidarités, des réformes paramétriques amoindrissent les revalorisations annoncées. Ainsi, pour une personne au SMIC, la prime d’activité n’augmentera que de 8 euros, et non de 20 euros comme annoncé. Il faut donc retenir que les effets des revalorisations de la prime d’activité et de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, seront minorés ou neutralisés pour certains de leurs bénéficiaires.
J’ajoute que votre majorité à l’Assemblée nationale durcit cette ligne. En effet, c’est seule contre tous les autres groupes politiques qu’elle a rejeté, hier en commission, la proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants, que le Sénat avait adoptée à l’unanimité en octobre dernier. Le monde associatif ne comprend pas le Gouvernement, et il s’insurge.
Là est bien votre choix politique. Inutile de vous rappeler que ce n’est pas tout à fait le nôtre.
Pour en revenir au PLFSS, la recherche d’équilibre budgétaire, l’article 7 ou encore l’issue trouvée pour le dispositif TO-DE vont dans le bon sens. Toutefois, nous ne pouvons accepter que la seule mesure d’équilibre substantielle soit prise au détriment des familles et des retraités. Il s’agit tout de même de 3 milliards d’euros, et ce choix a des airs d’austérité segmentée…
Les principaux intéressés seront, cette année encore, mis à contribution. Ils se sont exprimés et marquent leur désapprobation. Ils seront dorénavant excédés.
Pour résumer, la commission mixte paritaire n’a pas abouti. Aucun compromis n’a été trouvé, aucune mesure limitant les conséquences de la désindexation n’a été adoptée. Une nouvelle fois – j’aimerais que ce soit la dernière ! –, les membres du groupe Union Centriste sont contraints de constater cet échec.