Pour tout vous dire, c’est l’un des obstacles à la création d’une politique européenne de sécurité et de défense. Si l’Allemagne avait la volonté d’y participer, cela changerait complètement la donne : nous disposerions d’une base industrielle beaucoup plus puissante, compte tenu de ce que l’Allemagne peut mettre dans la corbeille. Cela montrerait également que ce pays a réellement la volonté de se défendre.
Or quelle est la conséquence de l’attitude allemande ? Au sein de l’OTAN, ce sont les États-Unis, si la France et la Grande-Bretagne ne mutualisent pas leurs efforts, qui donneront en permanence le ton. Nous souhaitons participer à la défense antimissile balistique. Mais si on avait écouté les Allemands, les États-Unis auraient, seuls, mis en place cette défense au sein de l’OTAN : on imagine la vulnérabilité qui serait la nôtre, puisque nous dépendrions totalement, en la matière, des États-Unis.
Une telle situation serait particulièrement dangereuse, car nous ne savons pas si l’Europe continuera de constituer, aux yeux des États-Unis, un enjeu ou une zone considérée comme prioritaire en matière de défense. Regardez en effet dans quelle direction ce pays s’engage aujourd’hui : il se tourne vers l’Asie.
Je dois le dire, l’attitude allemande en la matière est très décevante, d’autant que ce pays n’est guère favorable à la dissuasion. Le fait que la Grande-Bretagne et la France partagent la même vision en matière nucléaire a incité l’OTAN à considérer que la dissuasion continuait à faire partie de son concept stratégique. Notre alliance, sur ce plan, est extrêmement positive.
Vous vous interrogiez, monsieur Carrère, sur notre stratégie : c’est bien celle que je viens de décrire. Si nous voulons maintenir notre crédibilité et notre autonomie au sein de l’OTAN, il faut que nous puissions nous appuyer sur une puissance qui possède la même volonté que nous. Tel est le cas de la Grande-Bretagne, qui possède une défense atomique crédible.
À mes yeux, la question qui se pose est celle de savoir s’il existera un jour une politique européenne de sécurité et de défense commune. Ce traité n’empêche pas l’émergence d’une telle politique : du jour au lendemain, les pays de l’Union européenne peuvent décider de rejoindre, non pas le dispositif nucléaire – la France et le Royaume-Uni sont les deux seules nations nucléaires –, mais l’ensemble de la coopération initiée par le traité de Londres. Cette coopération est ouverte à qui le veut ; encore faudrait-il que nos partenaires manifestent leur volonté en ce sens !
Pour ma part, je ne crois pas qu’il y ait, sur le plan des principes, une opposition fondamentale entre le traité franco-britannique et la politique européenne de sécurité et de défense commune.
Je le répète, la porte est ouverte à qui veut bien entrer, mais, pour appartenir au club, il faut avoir la volonté de se défendre. §