Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l’examen de la première partie du budget est intervenu dans un contexte particulièrement troublé, nous l’avons longuement évoqué. Surtout, sur le fond, nous pensons que ce budget ne répond pas à la colère qui s’exprime dans notre pays.
Alors que ce conflit des « gilets jaunes », quoi qu’on en pense et quelles que soient ses contradictions, devrait être une alerte et avoir des conséquences concrètes, le Gouvernement répond : « Je vous ai entendus, mais je ne changerai rien. » Ce budget en est l’illustration. Est-ce bien raisonnable ? Est-ce responsable ?
Oui, des améliorations ponctuelles ont été apportées par le Sénat au cours de l’examen des articles.
Face à un gouvernement peinant à justifier la pertinence de ses mesures, nous avons, par exemple, réussi à rendre moins violent le coup de massue fiscal porté à nos compatriotes d’outre-mer en étalant sur deux ans l’augmentation vertigineuse de l’impôt sur le revenu.
Nous avons aussi empêché le Gouvernement de supprimer arbitrairement et sans étude d’impact les dispositifs fiscaux relatifs à l’acquisition et à la construction de logements sociaux dans les départements d’outre-mer.
Je citerai aussi l’amélioration de la lutte contre la fraude fiscale, ou encore la taxation des GAFA, adoptée hier soir. Ces deux points sont très importants. Espérons que ces acquis de la discussion au Sénat ne soient pas remis en cause dans la suite de la discussion parlementaire.
Mais, pour l’essentiel, le compte n’y est pas. L’orientation profonde du Gouvernement s’est encore exprimée mardi quand, à sa demande, la majorité sénatoriale a supprimé la disposition, présentée par un député de la majorité présidentielle, qui visait à créer un crédit d’impôt pour l’hébergement des réfugiés.
Il est tout de même désolant de constater que, lorsqu’un député de sa majorité a une bonne idée, progressiste et pragmatique, le Gouvernement fait appel à la majorité sénatoriale pour la supprimer !
Enfin, en ce qui concerne le sujet principal qui nous occupe en ce moment, celui de la fiscalité énergétique, le Sénat a choisi de revenir sur la hausse des taxes sur les carburants prévue au début de l’année 2019. Dans la situation d’impasse dans laquelle s’est mis le Gouvernement, cette solution est certainement sage et vaut mieux que la rigidité et l’entêtement, avec tous les risques que ceux-ci comportent.
De nombreuses autres pistes étaient également ouvertes, mais, monsieur le secrétaire d’État, vous les avez malheureusement toutes refermées : retour à la trajectoire définie dans la loi de 2015, recettes supplémentaires des taxes sur l’énergie mises au service de la transition énergétique plutôt que d’être affectées au budget général, accompagnement bien plus important des plus modestes pour faire face à la transition énergétique, mise en place d’une grande conférence nationale sur le pouvoir d’achat et la fiscalité écologique. Tout a été rejeté !
La seule mesure retenue sera peut-être celle concernant la TICPE flottante et, encore, elle aura peut-être été retenue bien à votre insu. En effet, le Président de la République l’a annoncée avant-hier, mais elle n’avait pas été adoptée la veille ici, car, lors de l’examen de notre amendement, le Gouvernement l’avait jugée sans intérêt. Nous le voyons bien, tout cela relève de l’improvisation et du bricolage.
En réalité, dans la crise actuelle, la fiscalité écologique qui pèse lourdement sur les plus modestes et les plus dépendants à la voiture est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Ce qui se passe aujourd’hui est le résultat d’une succession d’injustices, dont la première étape, et la plus marquante, a été symbolisée par la suppression de l’ISF et la mise en place l’an dernier de la flat tax. Vous légitimiez ces mesures en faveur des plus riches par le ruissellement qu’elles entraîneraient, mais aujourd’hui, un an après, en guise de ruissellement nous avons la sécheresse !
Face à cet échec manifeste, le président de notre groupe, Patrick Kanner, a défendu hier le rétablissement de l’ISF. Vous l’avez bien sûr refusé, alors que, dans le même temps, vous baissez les APL, vous asphyxiez les organismes HLM, vous gelez le point d’indice des fonctionnaires, vous augmentez la CSG avec les conséquences que l’on sait sur le pouvoir d’achat des retraités. Cette injustice, cet écart de traitement permanent, c’est pour l’instant la marque de ce quinquennat.
Alors, monsieur le secrétaire d’État, cela ne vous surprendra pas, le groupe socialiste votera contre cette première partie du projet de loi de finances.