Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 29 novembre 2018 à 22h15
Loi de finances pour 2019 — Vote sur l'ensemble de la première partie du projet de loi

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Il faudra chercher dans les annales du Sénat : c’est peut-être la première fois que nous ne nous mettons pas d’accord avec le Gouvernement sur le chiffrage et les conséquences à tirer de nos votes !

Comme nous l’avions annoncé, monsieur le secrétaire d’État, nous considérons que ce projet de loi de finances a été construit sur des bases sincères et des hypothèses macroéconomiques raisonnables, même si la conjoncture semble se dégrader légèrement en cette fin d’année.

La majorité sénatoriale adoptera donc la première partie, telle qu’elle l’a modifiée, parfois même de manière consensuelle avec presque tous les autres groupes, tant les votes ont dépassé les clivages sur un très grand nombre de sujets.

Je ne les listerai pas toutes les mesures adoptées, faute de temps, mais j’en retiendrai deux.

La première, c’est bien sûr l’arrêt de la hausse des taxes sur les carburants, le gaz et le fioul domestique, avec la suppression de la nouvelle hausse prévue le 1er janvier prochain. Il ne s’agit là nullement d’une mesure opportuniste en plein milieu du mouvement des « gilets jaunes ». Je vous le rappelle, mes chers collègues, le Sénat n’a fait que confirmer sa position de 2017 : nous avions malheureusement « prévu » ce qui pouvait arriver en cas d’augmentation du prix du baril, et nous y voilà cette année, en plein milieu de l’examen du budget.

Si mon groupe soutient la transition énergétique, il constate à regret, une nouvelle fois, que cette hausse de fiscalité est intégralement affectée au budget général pour 2019 et que les dépenses fiscales et crédits budgétaires relatifs à la transition écologique seront globalement en baisse l’année prochaine.

L’écologie ne peut et ne doit pas être la variable d’ajustement budgétaire du Gouvernement, sur le dos des Français. Ces derniers l’ont compris, monsieur le secrétaire d’État, et ne le supportent pas.

Depuis 2012, les classes moyennes sont les grandes oubliées des gouvernements successifs. Elles expriment aujourd’hui leur colère due à un ras-le-bol fiscal – le mot est de nouveau sur toutes les lèvres. Souvent peu habituées des manifestations, habitant les zones périurbaines ou rurales, pour elles, mettre un gilet jaune est une façon de tenter de se rendre visibles aux yeux des gouvernants qui les ont oubliées ces dernières années, simplement parce que cette majorité était silencieuse.

Amputer de nouveau leur pouvoir d’achat en 2019, dans le but non pas de favoriser l’écologie, mais, en réalité, de compenser l’absence d’efforts d’économies du Gouvernement, est une faute politique, mais remet même en cause notre pacte citoyen. Le ras-le-bol fiscal est tel chez les classes moyennes, que c’est le principe même du consentement à l’impôt qui est menacé. S’il est menacé, c’est au bout du compte notre démocratie qui l’est aussi.

Face à cette colère, la réponse du Gouvernement nous a laissés pantois. Quand les Français demandent du pouvoir d’achat, le Président de la République leur parle de technostructure, d’experts et de nouvelles dépenses au travers de la création d’un Haut Conseil pour le climat !

La seule mesure concrète annoncée consisterait à stopper ou ralentir la hausse des taxes en cas de forte hausse du prix du baril. Mais le flou le plus total entoure cette mesure ! Le Premier ministre lui-même n’a pas été capable d’expliquer comment fonctionnerait ce nouveau mécanisme… Si le Président de la République et le Premier ministre ne sont pas capables de nous l’expliquer, comment voulez-vous que les Français le comprennent ? Il en va de même des parlementaires.

Pourtant, monsieur le secrétaire d’État, vous le savez, selon un récent sondage, huit Français sur dix disent attendre du Gouvernement le gel de la hausse des taxes sur les carburants.

Le Sénat a également unanimement voté une autre mesure – nous l’avons tous évoquée –, présentée par l’ensemble des groupes politiques en première partie, permettant de mettre fin à la fraude aux dividendes, révélée le 19 octobre dernier seulement par un grand quotidien.

Nous l’avons dit, la mesure est opérationnelle et, d’après nos chiffres, elle pourrait rapporter entre 1 milliard et 3 milliards d’euros. Vous n’avez pas fourni d’estimation et avez malheureusement retenu un chiffre nul. Voilà où nous en sommes ! Nous comptons sur la mise en application de cette mesure, et le plus tôt sera le mieux.

C’est dans un même esprit de responsabilité que nous aborderons la seconde partie.

Je m’arrête là, par manque de temps. Monsieur le secrétaire d’État, nous vous démontrerons, dans cette seconde partie, que nous sommes capables de proposer des économies qui nous permettront de compenser, pour partie, la dégradation du solde, car c’est toujours dans un esprit de responsabilité…

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