Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, créée par la loi de finances pour 2017, la mission « Investissements d’avenir » couvre uniquement les autorisations d’engagement et les crédits de paiement du troisième programme d’investissements d’avenir, ou PIA 3. Les PIA 1 et 2, d’un montant total de 47 milliards d’euros, font, eux, l’objet d’un suivi dans le cadre d’un jaune budgétaire.
La loi de finances pour 2018 a inclus le PIA 3 dans le Grand Plan d’investissement et a doté la mission de ces premiers crédits de paiement à hauteur de 1, 08 milliard d’euros. Le projet de loi de finances pour 2019 fait évoluer la maquette budgétaire en dotant la mission d’indicateurs de performance plus lisibles. Ces modifications, qui participent d’une meilleure information du Parlement, sont les bienvenues. Elles sont perfectibles : l’indicateur de performance des dispositifs de valorisation de la recherche pourrait inclure l’évolution du nombre de concessions de licences et de créations de start-up.
En 2019, 1, 05 milliard d’euros de crédits de paiement seulement sont inscrits. Ainsi, les crédits de paiement ouverts ne représentent que 21 % des 10 milliards d’euros d’autorisations d’engagement de la mission. L’effort budgétaire est repoussé vers la fin du quinquennat. Il est d’autant plus repoussé que les premiers crédits de paiement ouverts sont surtout ceux qui n’ont pas d’impact sur le déficit maastrichtien.
Si la maquette n’évolue pas, certaines actions sont réorientées pour tenir compte du changement de politique depuis 2017, notamment dans le domaine de l’éducation.
Cette mission étant jeune, nous pouvons encore l’aider à bien grandir. Sans prétention aucune, voici quelques pistes d’amélioration ou de vigilance.
Tout d’abord, le décaissement des crédits de paiement sur plusieurs années induit des difficultés de gestion : premièrement, un stop and go dans le soutien à certains projets, qui provoque un décalage avec le rythme de vie des entreprises ; deuxièmement, une frilosité – les opérateurs attendent que les crédits de paiement soient disponibles pour finaliser les cahiers des charges ou commencent à financer les actions avec des aides d’un montant faible ; troisièmement, un pilotage des projets par les opérateurs, non seulement par engagements, mais aussi par les décaissements, ce qui peut se traduire par une négociation projet par projet des priorités de paiements, avec, en conséquence, une hausse des coûts de traitement administratifs.
Ensuite, la faible part des subventions et des avances remboursables, à savoir 40 % des autorisations d’engagement de la mission, minore la pertinence de l’outil PIA pour les filières en cours de structuration. Ainsi, l’appel à manifestation d’intérêts lancé en mars 2018 pour l’action Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques n’a reçu aucune candidature. L’absence de crédits d’ingénierie pourrait expliquer cette inefficacité, les universités ou les écoles ne disposant pas, en interne, des compétences nécessaires à la constitution d’un dossier ou à la recherche d’investisseurs privés, qui doivent établir un socle minimum de financement du projet.
De surcroît, l’articulation du PIA 3 avec le fonds pour l’innovation et l’industrie reste floue. Les 250 millions d’euros de dividendes annuels doivent se répartir entre 70 millions d’euros fléchés vers les start-up spécialisées dans les innovations de rupture et 150 millions d’euros destinés au financement des « grands défis de rupture ». Je précise que deux grands défis seraient déjà identifiés dans le domaine de l’intelligence artificielle. Dans le même temps, le projet annuel de performance du PIA 3 indique que l’action Programmes prioritaires de recherche devrait contribuer au financement du programme national pour l’intelligence artificielle, annoncé par le Président de la République le 29 mars 2018.
Enfin, on observe un recours aux fonds du PIA pour financer les nouvelles politiques ou la relance industrielle territoriale. Ainsi, l’action Programmes prioritaires de recherche devrait contribuer au financement du programme de recherche consacré aux solutions alternatives aux produits phytosanitaires et à un programme de recherche dans le domaine du sport, dans la perspective des jeux Olympiques de Paris en 2024. Quant à l’action Démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition, elle devrait participer au financement de la reconversion économique du site nucléaire de Fessenheim.
Le retard pris dans la publication de l’appel à projets sur le volet « territoires d’innovation de grande ambition » de la même action s’explique par la volonté du Gouvernement de recentrer l’action sur les « territoires d’industrie », dont le zonage doit être articulé à la carte des 222 villes du plan « Action cœur de ville ».
Avant de céder la parole, je ne peux manquer d’évoquer la question de la rénovation du Grand Palais.
D’après les informations communiquées, l’action Grands défis du programme 423 bénéficierait avant 2021 d’un redéploiement de 200 millions d’euros de subventions pour contribuer au financement de la rénovation de ce monument parisien. Le plan de financement de la rénovation présenté par nos deux rapporteurs spéciaux du budget de la culture confirme cette hypothèse. À mon sens, on ne peut que regretter un tel détournement de l’esprit du PIA.
Mes chers collègues, même si nous sommes loin de l’esprit du rapport remis par Jean Pisani-Ferry en septembre 2017, je vous recommande d’adopter les crédits de la mission. Nous nous retrouverons l’année prochaine, pour voir si la situation a évolué dans un sens meilleur.