La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.
Le Sénat va examiner les crédits des missions « Remboursements et dégrèvements », et « Engagements financiers de l’État » (et article 77), des comptes d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce », « Participations financières de l’État », des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », ainsi que de la mission « Investissements d’avenir ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du numérique, mes chers collègues, la mission « Remboursements et dégrèvements » retrace les dépenses budgétaires résultant mécaniquement de l’application des dispositions fiscales prévoyant des dégrèvements d’impôts, des remboursements ou des restitutions de crédits d’impôt. Le caractère mécanique de ces dépenses implique que les crédits de la présente mission soient évaluatifs. En d’autres termes, ils ne constituent pas un plafond, contrairement à ceux des autres missions budgétaires.
La mission est composée de deux programmes, l’un consacré aux remboursements et dégrèvements d’impôts d’État, l’autre dédié aux mêmes opérations pour les impôts directs locaux, que je vous présenterai successivement, après avoir dit quelques mots de l’ensemble de la mission.
Pour 2019, 135, 7 milliards d’euros de crédits sont demandés au titre de la présente mission. Ce montant est en augmentation de 15 milliards d’euros environ par rapport à la loi de finances pour 2018. Il s’agit là d’un nouveau record pour cette mission. Cette augmentation très importante des crédits s’explique notamment, pour les impôts d’État, par la mise en œuvre du prélèvement à la source pour l’impôt sur le revenu et, pour les impôts locaux, par la deuxième tranche du dégrèvement de taxe d’habitation pour 80 % des Français et des Françaises.
Au total, en 2019, les remboursements et dégrèvements devraient représenter un tiers environ des recettes fiscales brutes. Cette proportion, qui ne cesse d’augmenter après la parenthèse consécutive de la réforme de la taxe professionnelle en 2010, traduit une politique fiscale qui repose de façon importante et croissante sur des mécanismes de réduction fiscale, lesquels grèvent en contrepartie les dépenses budgétaires et entravent les possibilités d’action de l’État.
Le montant très important que représentent les remboursements et dégrèvements rendrait nécessaire une revue régulière et détaillée de leur pertinence.
Les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État sont évalués à 115, 8 milliards d’euros pour 2019. Ce montant est, lui aussi, en augmentation, de 7 milliards d’euros par rapport à l’année dernière, dans le prolongement de la hausse quasi ininterrompue de ces remboursements et dégrèvements depuis 2010.
Un paramètre permet d’expliquer cette augmentation pour 2019 : l’entrée en vigueur du prélèvement à la source à compter du 1er janvier 2019. Le projet de loi de finances évalue les conséquences du prélèvement à la source à 11 milliards d’euros supplémentaires de remboursements et dégrèvements, en raison de l’acompte portant sur les crédits et réductions d’impôt de l’année précédente, qui sera versé en janvier 2019, et des restitutions d’excédents de crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement.
Chers collègues, vous connaissez mon opinion au sujet du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
Sans surprise, le CICE continue également de peser sur les remboursements et dégrèvements. Son coût prévu pour 2019 est proche de celui de l’année dernière. L’ensemble de l’effet budgétaire atteint quasiment 20 milliards d’euros en 2019. À partir de 2020, on pourra constater une diminution des remboursements et dégrèvements liés à ce dispositif, puisqu’il sera transformé en réduction de cotisations sociales employeurs l’année prochaine. Double bénéfice ou double peine ? Chacun donnera son opinion au cours de la discussion…
Les données que j’ai obtenues quant à la répartition des bénéficiaires du CICE montrent que ce sont les petites et moyennes entreprises qui ont bénéficié le plus de ce dispositif, non seulement en volume, mais également si l’on rapporte les montants au nombre d’emplois salariés que représentent ces PME.
Quant aux secteurs d’activité, ce sont les industries manufacturières, le commerce – il s’agit de grandes enseignes comme Auchan ou Carrefour, pour ne pas les citer
Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
J’en viens à la partie relative aux impôts locaux.
Le montant des remboursements et dégrèvements d’impôts locaux atteint le niveau record de 20 milliards d’euros, notamment du fait de la deuxième tranche du dégrèvement de taxe d’habitation pour 80 % des Françaises et des Français. Il continuera à croître en 2020, lorsque sera mise en œuvre la troisième tranche du dégrèvement.
Ainsi, dix ans à peine après la réforme de la taxe professionnelle, l’État redevient le premier contribuable local, dans la mesure où, en 2020, il prendrait en charge 22 % de la fiscalité économique et 37 % de la fiscalité « ménages », en attendant la future réforme de la fiscalité locale.
Chers collègues, je souhaite – et j’espère ne pas être seul – que cette réforme se traduise par plus de justice et plus d’efficacité.
Précisément, je souhaite profiter de l’examen de la présente mission pour évoquer l’avenir de la taxe d’habitation, qui devrait être supprimée d’ici à 2021, d’après le Premier ministre, et dont nous devrions débattre début 2019.
Nous connaissons bien les limites de cette imposition, qui pèse parfois davantage sur les ménages modestes que sur les ménages aisés, sans qu’il soit possible de justifier de manière satisfaisante les écarts au sein d’une même commune. Cependant, je regrette que le Gouvernement choisisse de supprimer cette imposition plutôt que de la réformer pour qu’elle fonctionne de façon satisfaisante et juste.
La taxe d’habitation représente un tiers des recettes fiscales du bloc local et plus de 20 % de ses recettes totales. Sa suppression déstabilisera les collectivités territoriales concernées en leur retirant un levier essentiel de leur action. In fine, c’est l’investissement local qui pourrait en pâtir, alors même qu’il représente 56 % de l’investissement public total et qu’il constitue un levier important pour la croissance.
Je conclus, monsieur le président.
Pour ma part, je souhaite le maintien de la taxe d’habitation, associée à une mise en œuvre rapide de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation, qui résoudrait à mon avis une grande partie des difficultés posées par cette taxe.
Compte tenu des éléments que je viens de rappeler et des amendements dont j’ai pu prendre connaissance, nous serons sans doute également appelés à débattre de l’aide et de l’accompagnement aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire.
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Le déficit annihile notre liberté, disait Jean Arthuis.
Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à vous dire que je suis extrêmement contente de vous voir au banc du Gouvernement. En effet, vous êtes chargé du numérique, et vous avez en poche ce nombre magnifique, quarante-deux, qui, d’après Le Guide du voyageur galactique de Douglas Adams, a une valeur universelle. Or, 42, 2 milliards d’euros, c’est la charge d’intérêts de la dette de l’État inscrite dans la mission dont je suis rapporteur spécial. Nous étions donc faits pour nous rencontrer, même si ce n’est pas vous que nous attendions particulièrement pour examiner les budgets de cet après-midi !
Sourires.
Mes chers collègues, nous débattons du troisième budget de l’État.
Le montant global de la dette publique de l’ensemble des administrations publiques a temporairement dépassé le seuil symbolique des 100 % du PIB – ce chiffre est tout de même assez frappant… La dette publique était à peine au-dessus du seuil des 60 points de PIB en 2007. Elle a augmenté de 40 points en dix ans ! En 2006, nous étions dans la même situation d’endettement que l’Allemagne. Aujourd’hui, 40 points de PIB nous séparent d’elle : la dette allemande représente moins de 60 % de son PIB, et son budget est en excédent. Vous voyez que nous sommes dans une position extrêmement difficile.
Notre situation budgétaire est exposée à trois risques majeurs.
Le premier, c’est la remontée des taux. Plus qu’un risque, c’est une certitude. C’est comme pour le fût du canon : on ne sait pas combien de temps ça va prendre, mais ça va arriver… Certes, à force de crier au loup, plus personne n’y croit, mais, d’après l’Agence France Trésor, une hausse de 1 point de taux d’intérêt, toutes choses égales par ailleurs, aurait un coût cumulé de 35 milliards d’euros après cinq ans, un chiffre à rapprocher des 40 milliards d’euros de la mission !
Le deuxième risque, ce sont les engagements hors bilan, par exemple, la reprise de la dette de la SNCF.
À l’heure actuelle, la dette de SNCF Réseau reste assumée par l’opérateur ferroviaire, mais, dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances, le Gouvernement s’est engagé à procéder à « une reprise par l’État de 35 milliards d’euros », ce qui n’est pas rien ! Cette reprise permettrait à SNCF Réseau de ne plus avoir à s’acquitter du service de sa dette. En d’autres termes, le gestionnaire d’infrastructure pourrait devenir, dans le contexte de l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire, une société anonyme à capitaux publics disposant de comptes assainis sur le dos du contribuable. C’est une méthode qui en vaut une autre…
De plus, il convient d’être vigilant quant au calendrier et aux modalités de transfert de la gestion de la dette de la SNCF à l’État, prévu en 2020.
En tant que rapporteur spécial, je tiens à appeler l’attention sur ce point : au-delà de la SNCF, il faudra être prudent pour ce qui concerne EDF, qui pourrait bien connaître le même genre de mésaventures…
En outre, les auditions l’ont montré, il faudra faire très attention à la requalification de certaines dettes d’opérateurs de l’État en dettes publiques. Les pouvoirs publics peuvent être appelés à revoir les structures de gouvernance de ces opérateurs pour y diminuer la présence des représentants de l’État ou du Parlement.
Les engagements hors bilan reflètent donc des niveaux de risque très divers et leur contrôle par le Parlement est variable, tendance faible…
Le troisième risque, c’est celui de la notation. À ce titre, nos auditions se sont révélées plutôt rassurantes. La France a la confiance des marchés. Cette crédibilité reste un enjeu de la réforme de l’État, mais nos ambitions doivent être à la hauteur de l’enjeu. Or j’appelle votre attention sur un point qui me semble essentiel : les agences de notation sont extrêmement inquiètes au sujet des élections européennes. Le prochain scrutin pourrait conduire au Parlement européen une majorité populiste eurosceptique, susceptible d’avoir une incidence sur nos politiques.
Le cercle vicieux du déficit et de la dette, qui s’alimentent l’un l’autre, a deux conséquences : une injustice intergénérationnelle et un effet d’éviction aux dépens des dépenses budgétaires les plus productives.
Le niveau de la dette est un problème évident pour la France, mais c’est aussi un problème pour l’Europe. Or je ne vois pas très bien comment nous arriverons à résorber cette dette, qui est si élevée, tout en faisant face aux enjeux. La situation devient tout à fait anxiogène.
Nous avons cherché des solutions, sans beaucoup d’espoir, dans la mutualisation des emprunts européens, en nous inspirant notamment des rachats de dettes déjà pratiqués en matière de défense.
Pour ma part, j’ai une petite recette. Elle vaut ce qu’elle vaut, mais je sais que mes amis du groupe communiste républicain citoyen et écologiste l’approuvent : c’est la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.
À mon sens, nous n’aurons pas d’autre solution que de procéder ainsi. Quand les fonds sont dehors, par définition, ils ne sont pas dedans ! On ne peut pas raboter indéfiniment des budgets dont on a besoin en laissant tant d’argent à l’extérieur du pays.
Mes chers collègues, j’arrive déjà à épuisement de mes cinq minutes de temps de parole. J’en suis absolument navrée, mais je vous renvoie à l’excellent rapport écrit que j’ai composé grâce à nos excellents administrateurs. Mais je n’oublie pas de vous dire, dans les quinze secondes qu’il me reste, que la commission des finances vous propose l’adoption des crédits de la mission et des comptes spéciaux.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, l’exercice auquel nous nous prêtons en ce début d’après-midi est pour le moins étrange. En effet, la présentation du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » s’opère de façon conventionnelle, avec un montant artificiel de crédits. Les impératifs de la LOLF sont aménagés afin de préserver la confidentialité des opérations de cession envisagées au cours de l’année suivante.
Cette année, le montant conventionnel de crédits est multiplié par deux. Ce choix artificiel est censé tenir compte des cessions envisagées par le Gouvernement et faisant l’objet de dispositions législatives dans le projet de loi dit « PACTE », que nous allons prochainement examiner.
Mes chers collègues, vous connaissez sans doute à grands traits le projet du Gouvernement. Il s’agit de céder 10 milliards d’euros de participations afin d’abonder un fonds pour l’innovation dite « de rupture », dont seuls les intérêts seront affectés à l’innovation. La dotation du fonds est donc non consomptible.
Ce projet initial a été précisé dans le courant de l’année. Créé en janvier dernier, le fonds est placé auprès de l’EPIC Bpifrance. Il a reçu une dotation transitoire dans l’attente des cessions effectives d’Aéroports de Paris et de la Française des jeux, soit 1, 6 milliard d’euros en numéraire, et des titres de l’État dans Thales et EDF. Ces titres n’ayant pas vocation à être cédés, ils sont confiés au fonds à titre temporaire, afin d’assurer dès cette année le soutien à l’innovation de 250 millions d’euros.
Surtout, en août dernier, les modalités de placement de la dotation en numéraire du fonds ont été précisées. En pratique, les 10 milliards d’euros seront placés sur un compte ouvert auprès du Trésor, portant des intérêts annuels de 2, 5 %. Compte tenu de ce taux, particulièrement avantageux dans le contexte actuel de taux faibles, je serais tenté de féliciter le Gouvernement pour ce rendement. La réalité est malheureusement plus sombre : le rendement annuel du fonds de 250 millions d’euros sera retracé dans le budget général de l’État au titre du service de la dette. J’y vois tout simplement un tour de passe-passe. En effet, la dotation du fonds pour l’innovation viendra s’inscrire en déduction de la dette maastrichtienne. Par cet artifice, le Gouvernement affiche une réduction artificielle de l’endettement public. Le mécanisme du Gouvernement permet, en réalité, de contenir de 20 % le dérapage de l’endettement de l’État.
Compte tenu de ce mécanisme, la commission des finances a adopté un amendement visant à réduire la contribution au désendettement assurée par le compte, dont le montant est doublé par rapport à l’an dernier. Il ne faudrait pas que l’État préempte les recettes des privatisations en empêchant le Parlement de donner son avis.
Récapitulons les conséquences pour le budget général de cette opération : les dividendes tirés d’ADP et de la FDJ seront perdus, pour un montant moyen de 200 millions d’euros par an, tandis que les intérêts dus au titre de la dotation du fonds pour l’innovation s’élèveront à 250 millions d’euros par an. Or le Parlement ne sera nullement associé aux modalités du soutien à l’innovation qui sera apporté par le fonds.
Mes chers collègues, relevez que, jusqu’à présent, je n’ai pas abordé la pertinence de ces cessions d’entreprises. Ces débats auront lieu lors de l’examen du projet de loi PACTE, et ils seront nourris, j’en suis certain. J’appelle simplement votre attention sur la manœuvre du Gouvernement, sur les risques qu’elle fait courir aux intérêts patrimoniaux de l’État, donc à ceux de nos enfants, que le Gouvernement affirme pourtant privilégier par ce tour de bonneteau.
D’autres solutions existent ; j’en citerai deux.
La première nous est livrée par le Gouvernement lui-même : la dotation transitoire actuelle pourrait être prolongée, dans l’attente des retours des investissements consentis dans le cadre des PIA. Ces derniers sont estimés à près de 3 milliards d’euros d’ici à 2022, puis à 8 milliards d’euros d’ici à dix ans. C’est précisément le montant nécessaire pour compléter la dotation du fonds.
La seconde consiste en une évolution du statut de l’Agence des participations de l’État. Actuellement, il s’agit sans doute du seul gestionnaire de participations qui ne bénéficie pas du produit des actifs qu’il gère. Si cette agence était dotée de la personnalité morale, elle pourrait percevoir ces dividendes. Elle serait liée à l’État par un contrat pluriannuel déterminant le montant du dividende annuel qu’elle serait tenue de lui verser.
Cette évolution apporterait une solution aux deux difficultés principales actuellement constatées : d’une part, l’instabilité du montant annuel des dividendes perçus par l’État serait lissée ; d’autre part, l’information du Parlement ainsi que ses pouvoirs de contrôle seraient améliorés. L’équation insoluble entre l’information du Parlement et la confidentialité des opérations de l’État actionnaire, que le Gouvernement invoque pour justifier la mise à l’écart des deux assemblées, serait résolue.
Sous réserve de l’adoption de l’amendement que je vous présenterai et des observations que j’ai formulées, je vous recommanderai d’adopter, quoique dans la douleur, les crédits du compte spécial pour 2019.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, créée par la loi de finances pour 2017, la mission « Investissements d’avenir » couvre uniquement les autorisations d’engagement et les crédits de paiement du troisième programme d’investissements d’avenir, ou PIA 3. Les PIA 1 et 2, d’un montant total de 47 milliards d’euros, font, eux, l’objet d’un suivi dans le cadre d’un jaune budgétaire.
La loi de finances pour 2018 a inclus le PIA 3 dans le Grand Plan d’investissement et a doté la mission de ces premiers crédits de paiement à hauteur de 1, 08 milliard d’euros. Le projet de loi de finances pour 2019 fait évoluer la maquette budgétaire en dotant la mission d’indicateurs de performance plus lisibles. Ces modifications, qui participent d’une meilleure information du Parlement, sont les bienvenues. Elles sont perfectibles : l’indicateur de performance des dispositifs de valorisation de la recherche pourrait inclure l’évolution du nombre de concessions de licences et de créations de start-up.
En 2019, 1, 05 milliard d’euros de crédits de paiement seulement sont inscrits. Ainsi, les crédits de paiement ouverts ne représentent que 21 % des 10 milliards d’euros d’autorisations d’engagement de la mission. L’effort budgétaire est repoussé vers la fin du quinquennat. Il est d’autant plus repoussé que les premiers crédits de paiement ouverts sont surtout ceux qui n’ont pas d’impact sur le déficit maastrichtien.
Si la maquette n’évolue pas, certaines actions sont réorientées pour tenir compte du changement de politique depuis 2017, notamment dans le domaine de l’éducation.
Cette mission étant jeune, nous pouvons encore l’aider à bien grandir. Sans prétention aucune, voici quelques pistes d’amélioration ou de vigilance.
Tout d’abord, le décaissement des crédits de paiement sur plusieurs années induit des difficultés de gestion : premièrement, un stop and go dans le soutien à certains projets, qui provoque un décalage avec le rythme de vie des entreprises ; deuxièmement, une frilosité – les opérateurs attendent que les crédits de paiement soient disponibles pour finaliser les cahiers des charges ou commencent à financer les actions avec des aides d’un montant faible ; troisièmement, un pilotage des projets par les opérateurs, non seulement par engagements, mais aussi par les décaissements, ce qui peut se traduire par une négociation projet par projet des priorités de paiements, avec, en conséquence, une hausse des coûts de traitement administratifs.
Ensuite, la faible part des subventions et des avances remboursables, à savoir 40 % des autorisations d’engagement de la mission, minore la pertinence de l’outil PIA pour les filières en cours de structuration. Ainsi, l’appel à manifestation d’intérêts lancé en mars 2018 pour l’action Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques n’a reçu aucune candidature. L’absence de crédits d’ingénierie pourrait expliquer cette inefficacité, les universités ou les écoles ne disposant pas, en interne, des compétences nécessaires à la constitution d’un dossier ou à la recherche d’investisseurs privés, qui doivent établir un socle minimum de financement du projet.
De surcroît, l’articulation du PIA 3 avec le fonds pour l’innovation et l’industrie reste floue. Les 250 millions d’euros de dividendes annuels doivent se répartir entre 70 millions d’euros fléchés vers les start-up spécialisées dans les innovations de rupture et 150 millions d’euros destinés au financement des « grands défis de rupture ». Je précise que deux grands défis seraient déjà identifiés dans le domaine de l’intelligence artificielle. Dans le même temps, le projet annuel de performance du PIA 3 indique que l’action Programmes prioritaires de recherche devrait contribuer au financement du programme national pour l’intelligence artificielle, annoncé par le Président de la République le 29 mars 2018.
Enfin, on observe un recours aux fonds du PIA pour financer les nouvelles politiques ou la relance industrielle territoriale. Ainsi, l’action Programmes prioritaires de recherche devrait contribuer au financement du programme de recherche consacré aux solutions alternatives aux produits phytosanitaires et à un programme de recherche dans le domaine du sport, dans la perspective des jeux Olympiques de Paris en 2024. Quant à l’action Démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition, elle devrait participer au financement de la reconversion économique du site nucléaire de Fessenheim.
Le retard pris dans la publication de l’appel à projets sur le volet « territoires d’innovation de grande ambition » de la même action s’explique par la volonté du Gouvernement de recentrer l’action sur les « territoires d’industrie », dont le zonage doit être articulé à la carte des 222 villes du plan « Action cœur de ville ».
Avant de céder la parole, je ne peux manquer d’évoquer la question de la rénovation du Grand Palais.
D’après les informations communiquées, l’action Grands défis du programme 423 bénéficierait avant 2021 d’un redéploiement de 200 millions d’euros de subventions pour contribuer au financement de la rénovation de ce monument parisien. Le plan de financement de la rénovation présenté par nos deux rapporteurs spéciaux du budget de la culture confirme cette hypothèse. À mon sens, on ne peut que regretter un tel détournement de l’esprit du PIA.
Mes chers collègues, même si nous sommes loin de l’esprit du rapport remis par Jean Pisani-Ferry en septembre 2017, je vous recommande d’adopter les crédits de la mission. Nous nous retrouverons l’année prochaine, pour voir si la situation a évolué dans un sens meilleur.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Anne Chain-Larché, en remplacement de M. le rapporteur pour avis.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sur le rapport de notre collègue Alain Chatillon, empêché, la commission des affaires économiques a regretté une nouvelle fois la présentation « conventionnelle » des recettes et des dépenses du compte, même si elle prend en considération pour 2019 des opérations de cession conditionnées à l’adoption du projet de loi PACTE, à savoir les cessions de titres d’Aéroports de Paris et de la Française des jeux.
De plus, l’allocation du produit de ces cessions suscite des interrogations, avec, au premier chef, l’abondement du fonds pour l’innovation et l’industrie.
D’une part, sur le principe, on peine toujours à comprendre l’intérêt financier de cette opération : il s’agit de céder des titres dont le rendement est de 3, 5 % par an pour les placer à un taux inférieur à 2, 5 %. Il serait plus judicieux financièrement, et plus simple en pratique, d’affecter directement une partie des dividendes dégagés par le portefeuille de l’État au financement de l’innovation. La constitution provisoire du fonds depuis janvier 2018, par apport de titres d’EDF et de Thales, a d’ailleurs montré que le portefeuille de l’État était parfaitement à même d’assurer un rendement semblable.
D’autre part, cette cession risque de réduire les capacités futures d’intervention de l’État. En effet, c’est le portefeuille de ses participations qui lui a donné les moyens destinés à restructurer la filière nucléaire française en 2016 ou à recapitaliser des entreprises stratégiques, comme PSA en 2014. L’État doit donc conserver des marges de manœuvre et éviter de vendre les bijoux de famille.
Plus généralement, la commission souhaite appeler l’attention du Sénat sur le déficit d’information du Parlement, quant à la gestion par l’État de ses participations dans les entreprises. Tout d’abord, un fort décalage ne peut être exclu entre les prévisions conventionnelles affichées par le CAS et la réalité de l’exécution du compte. Ensuite, le Parlement n’est pas mis en mesure de participer effectivement à la définition de la stratégie de l’État actionnaire. Nous le déplorons.
Il faut donc trouver les moyens d’associer en amont le Parlement aux décisions. Il faut que le Gouvernement informe et consulte périodiquement les commissions permanentes compétentes du Sénat et de l’Assemblée nationale, au sujet de la stratégie de cession ou d’acquisition d’actifs qu’elle entend mener, dans le respect de la confidentialité qui s’attache aux informations relatives aux décisions de cession ou d’achat d’actifs. On peut penser à des échanges en commission restreinte ou à huis clos, le cas échéant, avec un engagement à respecter le caractère confidentiel des données transmises. Le projet de loi PACTE fournira le support législatif idoine.
Compte tenu du manque structurel d’information lié à la présentation du compte, et comme les années précédentes, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat pour ce qui concerne son adoption.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Françoise Laborde.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est en m’efforçant d’observer une certaine concision que je vais aborder les trois missions « Remboursements et dégrèvements », « Engagements financiers de l’État » et « Investissements d’avenir », ainsi que les comptes d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » et « Participation de la France au désendettement de la Grèce », dont le contenu est pour l’essentiel la conséquence de la politique menée au cours des dernières années, voire des dernières décennies.
Ces missions ne suscitent pas de critiques majeures de la part des élus du RDSE. Nous approuverons donc les crédits dont il s’agit, à moins qu’ils ne soient profondément modifiés par certains amendements. Ils méritent toutefois quelques remarques et suscitent un certain nombre d’interrogations.
Les engagements financiers de l’État relèvent essentiellement de la charge de la dette, qui représente la quasi-totalité des crédits. Elle est relativement stable depuis plusieurs années, à un peu plus de 42 milliards d’euros, soit une légère hausse de 1, 02 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. Cette stabilisation a pour origine des taux d’intérêt extrêmement bas, qui ont néanmoins commencé à légèrement remonter cette année.
L’encours de la dette continue d’augmenter. Il devrait atteindre 98, 7 % du PIB en 2019, alors que la majorité des États de la zone euro connaissent désormais une trajectoire inverse, à la baisse.
Le besoin de financement progresse également en raison de cette majoration et de l’arrivée à échéance de certains titres émis lors de la crise financière de 2008-2009. Cette situation fait peser sur nos finances publiques des risques, dont le plus important est la remontée des taux d’intérêt, qui commence à se matérialiser. Il est donc nécessaire de poursuivre et d’accentuer les efforts pour engager un réel désendettement, et non plus seulement une contribution au remboursement de la dette, comme c’est le cas aujourd’hui.
La mission « Investissements d’avenir », qui trouve ses origines dans les travaux d’une commission présidée, il y a une décennie, par Alain Juppé et Michel Rocard, illustre la volonté des gouvernements successifs de soutenir de manière dynamique et sélective les actions porteuses d’avenir pour notre économie. Elle souligne en même temps la difficulté de mettre en œuvre rapidement les mesures d’incitation ou d’accompagnement choisies dans différents programmes.
Les trois programmes d’investissements d’avenir ont été réunis l’an dernier au sein d’un Grand Plan d’investissement de 57 milliards d’euros. Celui-ci se traduit dans le projet de loi de finances pour 2019 par l’inscription de 1, 05 milliard d’euros en crédits de paiements. Ce montant est relativement modeste et ne paraît pas être à la hauteur de l’ambition affichée de doter notre pays d’une économie performante. On ne peut pas réduire une logique de projet à une stricte logique budgétaire, même si, en agissant ainsi, le Gouvernement est dans son rôle.
La mission « Remboursements et dégrèvements », qui recouvre 115, 8 milliards d’euros de crédits en 2019, est en hausse de 7 milliards d’euros par rapport à 2018, soit une hausse un peu moins forte que l’an dernier, mais tout de même importante, qui résulte, notamment, de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source, du poids persistant du CICE, ainsi que de la censure par le Conseil constitutionnel du mode de calcul de la CVAE.
Lors de sa création, le CICE a été fortement critiqué, voire caricaturé, à droite et à gauche, pour des raisons différentes. En janvier 2019, il va laisser place à un dispositif de baisse des charges sociales. On passera ainsi d’une mesure au caractère conjoncturel et fragile à un statut structurel et permanent offrant au monde économique une meilleure visibilité, ce qui ne sera toutefois pas sans conséquence sur le solde public.
Enfin, j’évoquerai les comptes d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » et « Participation au désendettement de la Grèce ».
Le premier est le support budgétaire de l’État actionnaire. Sa particularité est de présenter une programmation conventionnellement à l’équilibre afin de préserver la confidentialité des opérations de cession ou d’acquisition à venir. À ce titre, la vraie question est la suivante : quelle ligne directrice en matière de participation de l’État au capital de certaines grandes entreprises le Gouvernement souhaite-t-il choisir ? S’impliquera-t-il, ou non, dans les filières stratégiques ? Les débats à venir dans le cadre du projet de loi PACTE permettront, je l’espère, d’apporter des réponses plus limpides.
Le compte d’affectation spéciale « Participation au désendettement de la Grèce » est légèrement déficitaire. Il traduit pourtant l’engagement de notre pays envers cet important partenaire européen.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est intéressant que nous examinions conjointement les crédits des missions « Engagements financiers de l’État » et « Investissements d’avenir ». Le montant des crédits dédiés à la charge de la dette représente le poids du passé, qui obère nos politiques publiques aujourd’hui et pèsera, demain, sur les épaules de nos enfants. À l’inverse, les investissements d’avenir constituent un effort salutaire, mais bien modeste en comparaison, pour préparer le futur de notre économie et de notre société.
Je commencerai par évoquer le poids du passé : la dette.
Le programme 117 de la mission « Engagements financiers de l’État », qui représente la quasi-totalité des crédits de la mission, contient la charge d’intérêts de notre dette souveraine. Celle-ci atteint dans le projet de loi de finances pour 2019 un montant de 42, 47 milliards d’euros, en croissance de 1, 7 % par rapport à 2018. C’est six fois le budget de la justice ou encore 10 milliards d’euros de plus que le budget de la défense. On mesure ainsi le gaspillage de ressources auquel nous consentons chaque année.
Malgré les efforts du Gouvernement, la dette française continue donc de s’accroître inexorablement, alimentée par des déficits qui ne se résorbent que trop lentement.
Nous l’avons rappelé lors de la discussion générale, la réforme de l’État menée par le Gouvernement, notamment dans le cadre du Comité Action publique 2022, va dans le bon sens. Elle reste néanmoins très insuffisante pour réduire vigoureusement la dépense publique et combler notre retard sur d’autres pays européens, en particulier sur l’Allemagne. Notre trajectoire de désendettement, par exemple, est nettement en deçà de celle de nos voisins : à la fin de cette année, notre dette publique représentera 98, 7 % du produit intérieur brut, contre 64 % pour l’Allemagne, soit un écart de 34 points de PIB, qui atteindra, selon les estimations de notre commission des finances, 39 points en 2022, l’Allemagne approchant alors les 50 % d’endettement.
Ce différentiel d’endettement avec l’Allemagne en 2022 sera sans précédent dans l’histoire récente de l’Europe. Il augure une perte d’influence durable de la France face à des partenaires disposant de marges de manœuvre plus importantes pour agir et, par conséquent, pour décider.
Si nous ne parvenons pas à maîtriser plus sérieusement les dépenses de l’État, qui ont progressé de 20 % entre 2007 et 2016 ; si nous ne parvenons pas à résorber nos déficits effectifs et structurels de façon plus volontaire ; et si, enfin et en conséquence, nous ne parvenons pas à diminuer le stock de notre dette de manière forte, c’est bien notre stature politique en Europe et dans le monde qui en pâtira. Il ne s’agit pas ici que de chiffres, mais il s’agit bel et bien de notre capacité à agir.
J’en viens à un aspect qui nous rend plus optimistes : les crédits dédiés à la mission « Investissements d’avenir ». Leur objectif est d’augmenter la croissance potentielle de la France, en misant sur l’économie de l’intelligence, sur l’innovation et sur la recherche. Leur montée en puissance, tant quantitative que qualitative, doit être saluée, mais nous nous interrogeons sur leur articulation avec le fonds pour l’innovation et l’industrie prévu par le Gouvernement.
La gamme des outils mobilisés nous semble également pertinente. Je rends en particulier hommage aux travaux de notre collègue Christine Lavarde sur le dispositif des avances remboursables, qui montrent que cet outil est très utile, notamment pour les PME. Leur usage pourrait être davantage développé.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les crédits de ces missions, en espérant avoir plus de raisons encore de le faire l’année prochaine.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, la mission « Engagements financiers de l’État » n’est, à première vue, ni la plus simple ni la plus enthousiasmante du budget général, mais elle est essentielle. Ses crédits ont la spécificité d’être évaluatifs et non limitatifs, car c’est dans cette mission que le Gouvernement prévoit le montant de la charge de la dette publique. Celui-ci s’élève à 42, 5 milliards d’euros pour l’année 2019, constituant le quatrième poste de dépenses, avec près de 13 % des crédits du budget général de l’État. La charge de la dette progresse donc, sans toutefois égaler les niveaux des années 2012 et 2013, quand elle atteignait quelque 55 milliards d’euros.
La situation macroéconomique pour 2019 reste contrastée. Pour le FMI, la croissance sera de 3, 7 % dans le monde ; pour la Commission européenne, elle sera assez forte, bien qu’en léger repli, à 2, 1 % en zone euro et à 2 % dans l’Union européenne. Cependant, ces prévisions sont entachées d’un certain nombre d’aléas, parmi lesquels les tensions commerciales avec les États-Unis et le retour de la volatilité sur les marchés financiers. Dans ce contexte, et non sans prudence, le Gouvernement a choisi une hypothèse de croissance de 1, 7 % pour 2019, comme, d’ailleurs, pour les budgets à venir jusqu’en 2022.
En 2019, l’encours de la dette négociable de l’État va poursuivre sa progression, avec une augmentation de 84 milliards d’euros par rapport à 2018, pour atteindre 1 845 milliards d’euros, soit deux fois le niveau de 2007. Cela résulte également d’une normalisation des conditions de financement de l’État, avec une remontée progressive des taux d’intérêt ainsi qu’une reprise de l’inflation.
La durée de vie moyenne de la dette négociable de l’État continue de s’allonger et s’établit à 7 ans et 325 jours à l’automne 2018, traduisant une stratégie mise en œuvre par l’Agence France Trésor afin de profiter de l’environnement de taux pour allonger la maturité de la dette, de manière à se protéger du risque d’une remontée brutale des taux d’intérêt. Cet allongement s’explique également par la demande des investisseurs pour des titres de maturité plus longue, générant des rendements plus élevés.
Pour faire un sort à une fake news récurrente, je tiens à rappeler que la détention de la dette négociable de l’État par des non-résidents est à son plus bas niveau depuis dix ans : à la fin de 2009, deux tiers de la dette négociable était entre leurs mains, contre seulement un peu plus de la moitié – 53, 3 % – à l’automne 2018. Rappelons que ces non-résidents sont surtout européens, pour 60 %, et, dans une bien moindre mesure, asiatiques pour 13 % ou américains pour 9 %.
J’ajoute un mot sur un nouveau produit de la dette : l’OAT verte. Émise par la France depuis janvier 2017 pour un montant initial de 7 milliards d’euros, mais dont l’encours atteint aujourd’hui presque 15 milliards d’euros. Cette obligation assimilable du Trésor verte permet de financer quatre objectifs : la lutte contre le changement climatique, l’adaptation au changement climatique, la protection de la biodiversité ou encore la lutte contre la pollution. L’OAT verte est un instrument intéressant qui permet de rendre plus transparentes les dépenses environnementales de l’État, notamment en matière de transition énergétique.
Je souhaite également dire un mot des investissements d’avenir, qui font désormais partie du Grand Plan d’investissement d’un montant de 57 milliards d’euros sur le quinquennat et dont je rappelle les quatre points cardinaux : accélération de la transition écologique, développement d’une société de compétences, ancrage de la compétitivité sur l’innovation et construction de l’État de l’âge numérique.
Je rappelle que ce troisième plan d’investissements d’avenir, ou PIA 3, s’inscrit dans des actions au-delà du cadre budgétaire que nous connaissons : les autorisations d’engagement ont été ouvertes en 2017 et atteignent 10 milliards d’euros, mais ce qu’il faut regarder, vous le savez bien, ce sont les crédits de paiement autorisés annuellement. Pour l’exercice 2019, ceux-ci s’élèvent à 1, 05 milliard d’euros. Il s’agit donc d’un effort substantiel.
Plus de 200 millions d’euros sont consacrés au soutien à la constitution de grandes universités de recherche de rang mondial et 430 millions d’euros à la valorisation de la recherche et au transfert de technologie. À ce sujet, j’appelle votre attention sur le rapport de la Cour des comptes publié en mars 2018, qui nous invite à regarder les résultats de ce plan. La Cour recommande notamment de « resserrer le périmètre des outils du PIA » pour « améliorer les conditions de valorisation de la recherche publique. » Il est parfois difficile de tenir compte des rapports dans nos débats budgétaires, même si l’on en écrit et que l’on en lit beaucoup…
Enfin, 400 millions d’euros sont fléchés vers l’accompagnement de la modernisation de nos entreprises, pour, notamment, les aider à s’adapter au défi numérique. La discussion du projet de loi PACTE nous donnera l’occasion d’évoquer de nouveau ces sujets.
Je termine la présentation de ces « zakouskis budgétaires » avec un mot rapide sur la mission « Remboursements et dégrèvements », qui gonfle logiquement en 2019, car elle contient le dégrèvement versé par l’État au bloc communal au titre de l’exonération de taxe d’habitation, lequel passe de 7 milliards d’euros pour 2018 à 11, 5 milliards d’euros en 2019. Cela ne correspond pas à ma définition d’une fiscalité punitive ! C’est le résultat d’un engagement fort en faveur des Français des classes populaires !
Le projet de loi sur les finances locales, qui sera, selon toute vraisemblance, présenté au premier semestre, permettra de débattre du bouclage financier total de cette exonération. Il constituera un événement très important auquel nous serons attentifs, monsieur le secrétaire d’État. Vous pouvez compter sur la mobilisation vigilante et précise du Sénat sur ce sujet.
Au regard de tous ces enjeux – gestion de la dette, investissements d’avenir, baisse de la taxe d’habitation –, nous voterons les différents crédits de ces missions.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous avions l’habitude, chaque année, que le montant des recettes pour le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » soit fixé de manière conventionnelle à 5 milliards d’euros. Pour l’année 2019, le projet de loi de finances double la prévision de recettes en la portant à 10 milliards d’euros. Cette hausse prévisionnelle découle des privatisations envisagées l’année prochaine par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi PACTE, qui sera bientôt examiné au Sénat. L’État entend ainsi se séparer d’Aéroports de Paris, de la Française des jeux et d’Engie.
Inscrite aujourd’hui au budget sans l’avis du Parlement, ainsi que l’a justement fait remarquer notre collègue Victorin Lurel, cette recette importante doit être consacrée, d’une part, au désendettement de l’État, pour 2 milliards d’euros, et, d’autre part, à la création en capital du fonds pour l’innovation et l’industrie. Pour nous, c’est un non-sens stratégique, économique et politique, et je vais essayer de le démontrer dans la suite de mes propos.
C’est un non-sens économique, parce que le Gouvernement estime lui-même que ce fonds pour l’innovation ne serait doté chaque année que de 250 millions d’euros, distribués sous forme de prêts ou d’avances remboursables. Cette somme correspond aux dividendes issus du placement du capital obtenu par la cession des actifs en question. Or l’État percevra 173 millions d’euros de dividendes du seul groupe ADP en 2018. En outre, avec une progression moyenne de 10 % du résultat net observé lors des dix dernières années, on estime que, d’ici à cinq ans, les seuls dividendes perçus d’ADP pourraient financer la totalité de ce fonds.
J’apprécierais vivement que l’on nous explique, dès lors, l’intérêt économique que l’on trouve à se séparer d’un groupe comme ADP, d’autant que d’importants investissements sont par exemple réalisés pour l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, qui permettront d’augmenter sa capacité de 10 millions de voyageurs. Il est également question d’améliorer sa desserte grâce à l’efficience de sa plateforme multimodale et de créer un quartier d’affaires international dans le cadre du projet « Cœur d’Orly ».
Pourquoi nous séparer d’infrastructures aussi stratégiques ? Pourquoi perdre la maîtrise de cette entreprise, alors qu’il est possible de flécher, tout simplement, la totalité des dividendes perçus d’ADP vers ce fonds pour l’innovation et l’industrie ? Autrement dit, pourquoi choisir une privatisation plutôt qu’une optimisation des dividendes actuellement perçus, au regard de leur produit ?
Ce sont des questions essentielles qui sont posées au Gouvernement, lequel, à l’heure actuelle, ne nous a toujours pas démontré l’efficacité d’une telle opération. Bien au contraire ! Dois-je rappeler comment ce gouvernement a décidé de céder Alstom à Siemens pour zéro euro ? Vous pouvez froncer les sourcils, monsieur le secrétaire d’État, mais c’est ainsi : vous avez accepté que Siemens soit majoritaire dans le groupe résultant de la fusion ! Nous n’aurons donc plus la maîtrise d’Alstom ni de la filière ferroviaire !
Je n’ai pas encore évoqué la privatisation de la Française des jeux, qui laissera l’État gérer et supporter seul les dépenses sociales liées aux addictions et au surendettement sans même percevoir des dividendes. Les plus grandes craintes ont également été exprimées à l’Assemblée nationale quant à un désengagement de la Française des jeux du financement du sport, un domaine déjà fortement amputé dans le projet de loi de finances pour 2019.
Permettez-moi de faire ici le lien avec l’incohérence et le non-sens stratégique que j’évoquais au début de mon propos. L’année dernière, j’avais déjà souligné le danger de perdre la main sur des entreprises stratégiques pour notre pays. Je le redis cette année avec force : ces cessions risquent de considérablement diminuer les capacités d’intervention de l’État et, à terme, de l’empêcher de se mobiliser pour sauver une grande entreprise française, comme il l’a fait pour PSA il y a quelques années.
Une autre question se pose : ce fonds pour l’innovation et l’industrie n’est-il pas mis en place au détriment de la capacité d’action et de stratégie industrielle de l’État ? Les raisons mêmes de sa création nous échappent, puisque le crédit d’impôt recherche, le CIR, permet déjà de mobiliser des sommes autrement plus importantes.
L’année dernière, la question de l’intérêt de ce fonds avait également été posée, dans la mesure où deux acteurs publics importants agissaient antérieurement dans ce domaine : le Commissariat général à l’investissement et, surtout, Bpifrance, une belle réalisation que l’on aurait pu recapitaliser afin de lui permettre d’être plus interventionniste encore dans les territoires. Pourquoi ne pas l’avoir fait ? À l’issue de la mission d’information que j’ai menée avec Alain Chatillon, nous avions souligné notre préférence pour un renforcement de Bpifrance, afin de lui permettre d’assurer un niveau plus élevé de financement de l’innovation. Nous insistions aussi sur l’importance de coordonner ses actions avec celles du Commissariat général à l’investissement. À l’heure actuelle, nous ne percevons toujours pas la valeur ajoutée de ce fonds pour l’innovation et l’industrie par rapport aux deux structures existantes.
En bref, nous persistons et nous signons : ce fonds pour l’innovation et l’industrie n’a pas remplacé et ne remplacera jamais la volonté politique d’un État stratège pour soutenir à tout moment nos entreprises nationales, les plus grandes – quand elles sont en difficulté –, mais aussi les PME, les ETI et les TPE.
Dans une économie-monde, alors que la Chine met le paquet pour défendre ses industries et les subventionne sous le contrôle d’un parti État, alors que l’Amérique de Donald Trump soutient son industrie avec des relents protectionnistes, nous nous séparons de bijoux industriels, de grandes entreprises nationales. Ce n’est certainement pas la bonne méthode pour faire face à la mondialisation qui est devant nous !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial, et M. Fabien Gay applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais à mon tour évoquer les trois missions sur lesquelles nous devons nous prononcer cet après-midi.
Les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » sont consacrés pour l’essentiel – à hauteur de 99 % – à couvrir la charge de la dette publique. Malgré la volonté des gouvernements successifs, nous constatons malheureusement que la dette publique poursuit depuis longtemps son inquiétante envolée : elle se situe aujourd’hui à près de 100 % du PIB. Notre rapporteur spécial, Nathalie Goulet, a parfaitement identifié les risques qui pourraient nous contraindre à réévaluer la charge de la dette en 2019 et notre collègue Emmanuel Capus rappelait le montant très élevé de ses intérêts.
Bien sûr, le défi de l’endettement public n’est pas nouveau, mais il se fait de plus en plus pressant et redoutable. Sur ce sujet, il nous faut, ensemble, faire preuve de la plus grande responsabilité ; nous le devons aux générations à venir. Nous ne pouvons plus continuer à réclamer sans cesse l’allégement des prélèvements obligatoires et la réduction de la dépense publique sans avoir collectivement le courage de définir précisément les dépenses qu’il convient de réduire.
Monsieur le secrétaire d’État, il me semble urgent de définir une stratégie à court, moyen et long terme pour diminuer durablement notre endettement en agissant sur deux leviers : un plan de réduction de la dépense publique, dont je m’empresse de dire qu’il ne devra pas pénaliser les plus démunis de nos concitoyens ni accroître la fracture territoriale, et une lutte plus offensive et plus efficace contre la fraude fiscale, dont on sait qu’elle représente chaque année l’équivalent de notre déficit.
La mission « Investissements d’avenir » procède à la mise en œuvre d’un troisième programme d’investissements d’avenir. La programmation pour la période triennale 2018-2020 est scrupuleusement respectée, et nous tenons à le saluer : l’année dernière, 1, 08 milliard d’euros de crédits de paiement avaient été attribués à cette mission ; 1, 05 milliard d’euros lui sont consacrés dans le projet de loi de finances pour 2019. Il faudra toutefois veiller à ce que la redéfinition de certaines actions et priorités ne menace pas les projets qui, depuis l’origine, sont au cœur des enjeux du PIA 3.
Enfin, la mission « Remboursements et dégrèvements » retrace les dépenses budgétaires résultant mécaniquement de l’application des dispositions fiscales : dégrèvements d’impôts, remboursements, restitutions de crédits d’impôt, compensations. Certes, les crédits demandés au titre de la mission sont en nette progression cette année – ils augmentent de 15 milliards d’euros –, mais ces chiffres doivent être relativisés au regard de certaines dépenses temporaires qui ne concernent que l’année 2019.
Ainsi, la hausse de 7, 3 milliards d’euros sur le programme 200 prend en compte l’application prochaine de la réforme du prélèvement à la source. Cette dépense, limitée à 2019, sert à accompagner les ménages dans cette transition. Vous avez, à juste titre, mis en place un crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement, dont le coût est évalué à 6, 9 milliards d’euros et qui vise à neutraliser le passage au prélèvement à la source. En outre, 5, 5 milliards d’euros sont destinés à financer les acomptes à hauteur de 60 % du montant de certains crédits et réductions d’impôt perçus au titre de l’année précédente.
Nous saluons les précautions prises par le Gouvernement pour que cette année de transition se passe le mieux possible pour l’ensemble des ménages, en particulier pour les plus vulnérables, auxquels sont accordés des avantages de trésorerie significatifs.
La seconde spécificité de cette année tient aux remboursements et dégrèvements d’impôts locaux, en hausse de 3, 8 milliards d’euros. Cela correspond simplement à la deuxième année de mise en application de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages.
Le mécanisme de dégrèvement par lequel l’État se substitue au contribuable dans le paiement de la taxe d’habitation permettra aux collectivités locales de conserver l’intégralité de leurs recettes ; nous nous réjouissons de ce choix qui les préserve.
Lors de l’examen, au printemps 2019, du projet de loi spécifiquement dédié à la refonte de la fiscalité et des finances locales, nous aurons l’occasion de revenir sur les mécanismes de compensation qui devront être mis en œuvre à l’horizon de 2020, lorsque la taxe d’habitation sera supprimée pour l’intégralité des foyers français. Nous aurons à cœur de veiller à la mise en place d’un système pérenne permettant d’assurer des recettes aux collectivités locales.
Pour conclure, j’indique que le groupe Union Centriste adoptera les crédits de ces trois missions, conformément à l’avis de la commission des finances.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Emmanuel Capus applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’aborderai plus spécifiquement la mission « Investissements d’avenir », créée, je le rappelle, par la loi de finances initiale pour 2017. Elle comportait alors une enveloppe de 10 milliards d’euros au titre des autorisations d’engagement visant à mettre en œuvre le troisième programme d’investissements d’avenir. Toutefois, aucun crédit de paiement n’était inscrit. Qu’en est-il du projet de loi de finances pour 2019 ?
Le PIA 3, qui s’était vu attribuer 1, 08 milliard d’euros en crédits de paiement en 2018, continue sur sa lancée et bénéficie de 1, 05 milliard d’euros. Le projet de budget pour 2019 est, par conséquent, conforme à la programmation triennale 2018-2020 annoncée il y a un an, qui prévoyait 4 milliards d’euros sur les trois années. Le plafond fixé pour 2019 est ainsi entièrement respecté, il faut le dire.
La mission « Investissements d’avenir », telle qu’elle est présentée dans le projet de loi de finances pour 2019, reste sensiblement identique à ce qu’elle était en 2018, qu’il s’agisse de la répartition des autorisations d’engagement inscrites ou des actions et des programmes qui la constituent. Permettez-moi néanmoins de rejoindre les propos de Mme le rapporteur spécial et d’appeler votre attention sur les conséquences que pourrait engendrer le choix du Gouvernement de lier les décaissements des crédits du PIA 3 aux contraintes budgétaires. Il me semble en effet important de garder en tête que le choix d’un décaissement progressif des crédits de paiement ne sera pas sans conséquence sur le bon déroulement du PIA, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, force est de constater que l’ouverture progressive des crédits de paiement risque de ralentir la mise en œuvre des actions. Dans son rapport, notre collègue rapporteur spécial évoquait à ce titre deux conséquences du décalage temporel entre décaissement des autorisations d’engagement et des crédits de paiement, évoquées par les opérateurs à l’occasion des auditions : d’une part, le problème du stop and go, qui se pose dans le soutien à certains projets, provoque un décalage avec le rythme de vie des entreprises et expose au risque d’à-coups dans la mise en œuvre du PIA ; d’autre part, les opérateurs reconnaissent qu’une certaine frilosité les conduit à attendre que les crédits soient disponibles avant de finaliser le cahier des charges et de lancer l’appel à projets ou de commencer le financement des actions avec des « tickets » de taille inférieure.
Ensuite, le fait que les crédits de paiement ne soient pas intégralement ouverts et versés aux opérateurs conduit à une gestion différente des actions par ces derniers, qui opèrent davantage sous contrainte. Je pense notamment au suivi informatique, qui nécessite dès lors un pilotage non plus seulement par les engagements, mais également par les décaissements, afin de veiller à ce que les décaissements de l’année soient inférieurs ou égaux aux plafonds de crédits de paiement imposés.
Enfin, je conclurai mes propos en rappelant la nécessité de veiller à ne pas multiplier les aides à l’innovation, ce qui revient finalement à saupoudrer l’argent public ici et là. Il me semble incontestable que doublonner les aides à l’innovation ne conduirait à rien, si ce n’est à déboussoler ou désorienter les porteurs de projets. À cet égard, je citerai plus spécifiquement le récent fonds pour l’innovation et l’industrie, initiative du GPI, et dont l’articulation avec le PIA 3 apparaît fragile.
Dans cette optique, au-delà de la proximité sémantique entre les « grands défis » du PIA 3 et ceux du fonds pour l’innovation et l’industrie, je me dois de relever la proximité des projets que financerait le fonds pour l’innovation et l’industrie avec les actions soutenues dans le cadre du PIA 3.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ne disposant que de cinq minutes, je concentrerai mes propos sur deux aspects.
Les dégrèvements, à qui profitent-ils ? Pour 101 milliards d’euros, aux entreprises !
Je souhaite évoquer le rapport d’étape de France Stratégie sur la mise en œuvre du CICE. Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, c’est 20 milliards d’euros par an de cadeaux aux entreprises – 99, 3 milliards depuis 2013 !
Selon ce rapport, « on sait peu de choses sur la nature des emplois créés ou sauvegardés », et « les conséquences à moyen et long terme sur l’appareil productif sont largement inconnues ». Enfin, « on ne dispose d’aucune étude sur leurs effets sur la formation, les investissements, l’innovation, la montée en gamme de l’économie française et sur la croissance ».
Le rapport reste prudent sur les effets sur l’emploi, donnant une fourchette de 10 000 à 200 000 emplois. Si on prend la partie haute de cette fourchette, c’est-à-dire 200 000 emplois, on arrive à la modique somme de 496 000 euros par emploi créé pour 99, 3 milliards d’euros investis !
Sourires.
Nouveaux sourires.
Le CICE a donc été une ristourne fiscale et un dispositif de baisse du coût du travail.
Vous me direz que le CICE ne vise pas que l’emploi. Or le rapport souligne « qu’il y a une absence d’effet ou un effet très limité, et même nul, du CICE en matière d’exportations, d’investissements, de salaires, de taux de marge, de recherche-développement, voire de création d’emploi ».
L’exemple le plus parlant, c’est Carrefour, un des champions du CICE. Cette entreprise a perçu 2 milliards d’euros d’aides publiques en cinq ans, dont 744 millions d’euros au titre du CICE. Durant la même période, devinez combien les actionnaires ont perçu ? Près de 2 milliards d’euros ! S’y ajoutent les suppressions de 2 400 emplois au siège social et de 2 100 emplois avec la fermeture des ex-Dia, toujours dans le même temps.
En bref, le CICE a été accaparé par les actionnaires et la rémunération des dividendes. Et c’est avec nos impôts, monsieur le secrétaire d’État, qu’on licencie aujourd’hui en France !
Si on combine les aides de l’État, les exonérations de cotisations sociales, les aides régionales et européennes, on se retrouve avec près de 6 000 dispositifs, comme le montre bien le site deficréation.com, destiné aux futurs entrepreneurs.
On se rend alors compte que le capital coûte près de 200 milliards d’euros par an. Et pourtant, vous continuez à nous asséner qu’il faut libérer les entreprises – comme si elles étaient emprisonnées ! – sans nous dire que le taux normal de l’imposition sur les sociétés est passé de 33, 33 % à 22, 5 %…
Nous sommes de plus en plus nombreuses et nombreux à nous poser une question : où est passé l’argent du CICE ? S’il n’a servi ni à l’investissement, ni à la recherche, ni à la création d’emploi, ni à la hausse des salaires, ni aux exportations, qu’en est-il advenu ?
Voilà quelques semaines, dans Le Parisien, M. Le Maire disait que l’État prendrait ses responsabilités en 2020 si les entreprises ne jouent pas le jeu. Notre groupe répond : chiche ! Nous sommes même prêts à travailler avec vous à l’élaboration d’un texte de loi. Sommes-nous d’accord, par exemple, pour dire que les entreprises qui ne jouent pas le jeu doivent rembourser ? Nous sommes à votre disposition pour vous aider à répondre à cette question…
Après la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, après la flat tax, après la suppression de l’exit tax, vous décidez de poursuivre avec le CICE, et même de le pérenniser sous forme d’allégements de cotisations patronales. Et comme on peut le faire à la Française des jeux, vous doublez la mise : 40 milliards d’euros, alors que, dans le même temps, les dotations des autres missions du budget de l’État sont affaiblies.
Pour finir, je voudrais vous parler de la cession des titres détenus par l’État, en me concentrant sur ADP.
Comme le souligne très justement le rapporteur spécial, la valorisation boursière d’ADP a été multipliée par quatre en dix ans. Ce groupe a versé à l’État un dividende de 132 millions d’euros en 2017. Je sais que nous avons des débats entre nous sur les privatisations, mais quand on confie au secteur privé un monopole naturel comme celui d’ADP, c’est un peu comme s’il obtenait le billet gagnant du loto chaque semaine.
Rappelons-nous, chers collègues, le scandale de la privatisation des autoroutes. Vendues en 2006 par Dominique de Villepin, sous forme d’une concession de vingt-cinq ans, pour 15 milliards d’euros, les actionnaires se sont remboursés en dix ans. Or nos collectivités locales continuent d’être sollicitées pour investir et les sociétés comme Vinci, elles, empruntent. Au final, c’est nous qui payons les taux d’intérêt, grâce à une niche fiscale qui coûte près de 3 milliards d’euros chaque année. Et le consommateur est floué, car le prix des péages augmente chaque année – en hausse de 22 % en dix ans –, contrairement aux engagements pris en 2006 !
Vous le savez, ce sera la même musique pour ADP, notamment sur le prix des parkings, extrêmement rémunérateurs. Lors de la discussion du projet de loi PACTE, nous vous proposerons, mes chers collègues, de nous associer pour refuser cette privatisation.
Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, nous voterons contre les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – MM. Martial Bourquin et Franck Montaugé applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà l’état du pays, voilà l’avenir du pays et, à la fin, je vous dirai, voilà ma crainte pour le pays !
La dette, les dégrèvements, c’est-à-dire notre politique fiscale avec tous ces errements, toutes ces modifications auxquels on ne comprend finalement goutte, voilà l’état du pays !
En ce qui concerne les dégrèvements, je suis obligé de revenir sur ces 4 milliards d’euros en plus pour la taxe d’habitation. Nous n’en avons pas fait un grand sujet, cette année, au Sénat. Nous attendons le projet de loi de finances rectificative annoncé pour le mois d’avril prochain. Cependant, je vais proposer quelque chose au Gouvernement : si, avec ces 4 milliards d’euros, on faisait une pause d’un an sur la baisse de la taxe d’habitation et aussi une pause sur la TICPE ? Cela permettrait à tout le monde d’y voir plus clair lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative et aux Français de reprendre confiance. C’est une proposition que je vous fais, monsieur le secrétaire d’État.
Non, ce n’est pas trop tard, nous voterons la loi de finances le 11 décembre prochain, date sur laquelle je reviendrai.
En ce qui concerne le compte d’affectation spéciale, il me semble que consacrer 2 milliards d’euros au désendettement est peu ambitieux. Pour autant, je ne suis même pas sûr que vous atteigniez ces objectifs.
Mais il y a aussi tout ce qui manque, à savoir l’ensemble des actifs de l’État qu’on trouve à la Caisse des dépôts et consignations, soit à Bpifrance, soit en filiale directe de la Caisse. On passe tout cela sous silence, alors que certaines entreprises telles que la CNP, La Poste ou la Compagnie des Alpes pourraient très bien être privatisées, au moins partiellement. Eu égard à la situation dans laquelle se trouve l’État, il me semble dommage de passer ces questions sous silence.
Le PIA, voilà l’avenir ! Le problème est qu’il sert à tout et à n’importe quoi et qu’il ne prépare plus l’avenir. Il est aujourd’hui quasiment le seul budget d’investissement de ce projet de loi de finances. Je n’en fais pas grief au Gouvernement, mais il est bien triste que l’investissement de l’État se soit réduit comme peau de chagrin.
Comme je le disais, on y trouve tout et n’importe quoi. Voilà dix ans, la rénovation du Grand Palais était financée sur les fonds du ministère de la culture ; aujourd’hui, on fait appel au PIA, parce qu’on ne sait pas bien comment boucler les fins de mois…
Le plan d’investissements d’avenir devrait se concentrer sur l’énergie, peut-être, et sur le verdissement, sur le spatial – car nous avons énormément de dettes vis-à-vis de l’ESA et qu’il y a d’énormes enjeux – et sur le très haut débit. Sur ce dernier sujet, je vous sais convaincu d’avance, monsieur le secrétaire d’État.
Enfin, ma crainte porte sur le vote du 11 décembre prochain. Je ne pense pas au vote du Sénat sur le projet de loi de finances, mais au vote du Parlement britannique sur le Brexit. S’il advenait que les parlementaires britanniques rejettent le Brexit tel qu’il leur est proposé, les 42 milliards d’euros affectés au remboursement des intérêts de la dette risquent d’être très insuffisants.
Je terminerai en citant Winston Churchill : « L’Angleterre s’écroule dans l’ordre et la France se relève dans le désordre ». Cette fois, je crains que l’Angleterre ne s’écroule dans le désordre et que la France ne se relève pas dans le désordre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a finalement une très grande unité à aborder ces différents sujets aujourd’hui et une très grande justesse à ce que je vienne les porter. Nous avons parlé de ce dont nous héritons, le patrimoine de l’État, de ce que nous construisons, le plan d’investissements d’avenir, et puis de cette dette, qui était là, qui sera là, et à laquelle il faut donner du sens.
En ce qui concerne les participations financières de l’État, il s’agit d’abord de respecter les engagements pris. Il s’agit ensuite de financer l’innovation et de contribuer au désendettement.
Au-delà des dépenses déjà identifiées, le doublement des crédits ouverts au titre du programme 731 en 2019, par rapport à 2018, reflète la volonté du Gouvernement d’abonder rapidement le fonds pour l’innovation et l’industrie en fonction du calendrier des cessions permises par la loi PACTE.
La priorité au désendettement se manifeste par l’ouverture de 20 % des crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », le CAS PFE, sur le programme 732.
L’équilibre du CAS PFE dans le projet de loi de finances pour 2019 – avec 10 milliards d’euros de recettes – et la répartition des crédits tiennent ainsi compte du niveau de recettes potentiellement élevé pouvant résulter des cessions permises par la loi PACTE, ainsi que de l’engagement de consacrer principalement ces recettes au fonds pour l’innovation et l’industrie et au désendettement de l’État.
Vous avez parlé du passé et de la nécessaire préservation des intérêts patrimoniaux de l’État. De manière constante, tous les gouvernements ont fait le choix de retenir un montant notionnel de prévisions de recettes et de dépenses afin de ne pas donner de signaux aux marchés.
Le Gouvernement est soumis à une double obligation : celle d’information et de transparence à l’égard du Parlement et celle de gérer au mieux les deniers publics face aux marchés, ce qui suppose de ne pas leur révéler nos intentions. C’est cette tension entre deux impératifs qui s’imposent au Gouvernement qui justifie l’inscription de crédits notionnels dans le CAS PFE.
Enfin, nous veillons à l’augmentation de la valeur des participations financières de l’État.
Depuis le début de cette année, le portefeuille coté de l’État poursuit sa très bonne performance. Il est important de le souligner.
En ce qui concerne le programme d’investissements d’avenir, comme vous le savez, le Gouvernement s’est engagé dans une politique d’investissements volontariste pour accompagner les réformes structurelles que nous portons et répondre aux défis majeurs de la France. C’est le sens du Grand Plan d’investissement lancé par le Premier ministre, le 25 septembre dernier, et qui va se déployer tout au long du quinquennat.
Le troisième volet du programme d’investissements d’avenir est une composante pleine et entière de ce GPI. Il contribue directement à ses champs d’intervention prioritaires : accélérer la transition écologique, édifier une société de compétences, ancrer la compétitivité sur l’innovation, construire l’État de l’âge numérique.
Avec le PIA 3 et ses 10 milliards d’euros, actés par la loi de finances pour 2017, l’État s’est donné les moyens de transformer profondément le tissu économique français. Ainsi, le PIA 3 n’est pas structuré par secteur, mais de l’amont à l’aval, de l’enseignement et la recherche jusqu’à l’innovation et le développement des entreprises, autour de deux vecteurs de transformation : la transition à l’heure d’un monde numérique et l’impératif de développement durable.
Sur la nature des crédits, entre fonds propres et avances remboursables, le PIA 3 fait une large place aux fonds propres, avec près de 4 milliards d’euros, afin de valoriser économiquement l’effort exceptionnel consenti pour la recherche et l’innovation des PIA 1 et 2, en partageant mieux les risques avec les entreprises et donc également les perspectives de rentabilité en cas de succès.
Au total, ce sont près de 5 milliards d’euros de crédits du PIA 3 qui ont vocation à générer, par nature, un retour financier pour l’État.
En ce qui concerne les crédits de paiement 2019 et l’annualisation des décaissements, 1 milliard d’euros en crédits de paiement seront ouverts en 2019 afin de concrétiser ces ambitions, conformément à la trajectoire triennale, ce qui correspond à une montée en charge progressive des décaissements directement liée à la programmation et aux mécanismes des différents dispositifs.
Enfin – il s’agit d’un sujet important –, le Gouvernement a acté, début 2018, en complément du PIA 3 qui avait été décidé en 2016, la création du fonds pour l’industrie et l’innovation, doté de 10 milliards d’euros. Ce fonds marque notre volonté d’amplifier l’effort en faveur de l’innovation de rupture en ciblant prioritairement les entreprises à très forte intensité technologique, en assumant une prise de risque plus grande, notamment s’agissant des grands défis que nous avons annoncés, avec le ministre de l’économie et la ministre de la recherche. La complémentarité avec les aides existantes et la cohérence globale de la politique de l’innovation seront assurées par le Conseil de l’innovation, qui s’est déjà réuni.
Enfin, je terminerai en évoquant les engagements financiers de l’État, cette dette, ce fameux nombre 42 que vous avez souhaité rappeler, madame la rapporteur spécial, et qui a été au cœur de nombreuses prises de parole.
Les crédits de cette mission s’élèvent précisément à 41, 8 milliards d’euros et portent pour l’essentiel sur la charge de la dette, à hauteur de 41, 2 milliards d’euros.
Le projet de loi de finances reprend et crédibilise les cibles que le Gouvernement s’était fixées dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 : la trajectoire pluriannuelle retenue assure un redressement budgétaire progressif grâce à une réduction du poids de la dépense publique de plus de 3 points et à une diminution des prélèvements obligatoires de 1 point, ainsi qu’une baisse du ratio de dette publique d’au moins 5 points à l’horizon du quinquennat à l’aide de réformes structurantes et volontaires que vous avez très généreusement commentées dans vos interventions.
Je tiens à vous répéter notre détermination à redresser durablement les finances publiques françaises, un redressement allant de pair avec les réformes structurelles que nous menons pour rendre la France toujours plus attractive.
Par ailleurs, je vous rappelle que les crédits de cette mission comportent également les appels en garantie liés aux dispositifs de garantie à l’export que nous avons profondément modernisés et renforcés, notamment avec la réforme de l’assurance prospection, dont le plein effet budgétaire ne se fera sentir qu’en 2020, ainsi que ceux liés au soutien à l’accession à la propriété dont les encours augmentent, mais la sinistralité reste très faible.
Vous l’aurez compris, c’était à la fois une réflexion sur le passé et sur le présent.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Remboursements et dégrèvements
Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (crédits évaluatifs)
Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux (crédits évaluatifs)
J’ai fait part dans mon rapport d’un certain nombre d’observations, voire de doutes, sur l’efficience du CICE ou sur la compensation de l’allégement de la taxe d’habitation. Je me dois d’être, comme à mon habitude, d’une grande sincérité et d’une grande honnêteté : à titre personnel, je vous invite, mes chers collègues, à votre contre les crédits de cette mission ; en tant que rapporteur spécial, je vous invite à suivre l’avis de la commission des finances et donc à les adopter.
Vous l’aurez compris, je ne suis pas bipolaire, mais sincère et authentique.
Sourires.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Les crédits sont adoptés.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Engagements financiers de l’État
Charge de la dette et trésorerie de l’État (crédits évaluatifs)
Appels en garantie de l’État (crédits évaluatifs)
Épargne
Dotation en capital du Mécanisme européen de stabilité
Augmentation de capital de la Banque européenne d’investissement
Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Les crédits sont adoptés.
J’appelle en discussion l’article 77, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Engagements financiers de l’État ».
Le ministre chargé de l’économie est autorisé à souscrire à une augmentation de capital de la Banque européenne d’investissement à hauteur de 6 855 963 842 € de capital sujet à appel.
L ’ article 77 est adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce », figurant à l’état D.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Participation de la France au désendettement de la Grèce
Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs
Rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Les crédits sont adoptés.
Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », figurant à l’état D.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Participations financières de l’État
Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État
Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° II-221 rectifié ter est présenté par MM. Montaugé, M. Bourquin, Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, M. Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli et Raynal, Mme Taillé-Polian, M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° II-252 est présenté par M. Gay, Mmes Assassi et Cohen, MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État
Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° II-221 rectifié ter.
Je me suis exprimé ce matin sur ce sujet lors de l’examen des crédits de la mission « Économie ». Martial Bourquin vient de le faire à l’instant, comme un certain nombre de nos collègues, et la commission des affaires économique s’est également exprimée sur cette question.
Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes toujours dans l’attente d’une explication sur cette opération à 10 milliards d’euros.
Avec la vente annoncée de ses participations dans ADP, Engie et la Française des jeux, l’État va perdre un rendement d’environ 10 % par an en termes de dividendes, sinon plus. Une toute petite partie de cette vente – 2 milliards d’euros – sera affectée au désendettement, et le produit des dividendes générés par le placement des actions que vous allez vendre sera, lui, affecté au fonds pour l’innovation de rupture, pour un rendement d’environ 2, 5 %.
Au-delà des arguments évoqués par les uns et les autres – je pense notamment aux propos de Martial Bourquin sur ADP –, je ne comprends pas le sens de cette opération pour l’État.
En résumé, à partir de la huitième ou de la neuvième année suivant cette vente, l’État perdra de l’argent par rapport à la situation actuelle. Je ne comprends pas l’économie de ce projet de privatisation.
Par ailleurs, je m’interroge sur la stratégie de l’État. Nous aimerions tout de même avoir quelques explications, même si j’ai bien compris que nous y reviendrions lors de la discussion du projet de loi PACTE.
Les auteurs de cet amendement proposent de ne pas procéder à la vente de ces actions, en attendant d’obtenir des explications à même de nous convaincre, ce dont je doute fortement.
Nous voulons marquer, avant même les débats sur le projet de loi PACTE qui se tiendront au Sénat à la fin du mois de janvier prochain, notre opposition aux privatisations envisagées par le Gouvernement. Les cessions de capital d’ADP, de la Française des jeux et d’Engie sont un non-sens stratégique et économique.
Aéroports de Paris, entreprise en situation de monopole, représente des enjeux stratégiques considérables pour le pays. Cette entreprise est particulièrement prospère : ces cinq dernières années, le cours de son action est passé de 74 à 193 euros.
ADP représente près de 5 % du PIB régional, 1, 4 % du PIB national et génère 8 % des emplois régionaux et 2 % de l’emploi national. Il s’agit donc d’un actif particulièrement important pour l’État, lequel a perçu plus de 1, 1 milliard d’euros de dividendes en dix ans.
De plus, en 2017, ADP a été le point d’entrée sur le territoire de plus de 100 millions d’individus. À l’horizon de 2030, avec la fin des travaux du terminal 4, ADP sera le premier aéroport européen.
Voilà ce dont vous voulez vous débarrasser : un groupe en pleine santé économique et dont l’importance stratégique n’échappe à personne !
Nous ne développerons pas ici les enjeux en termes d’investissements, de sécurité des infrastructures et d’unité du système aéroportuaire. Nous ne développerons pas non plus la question de l’avenir du Grand Paris, dans lequel ADP occupe une place centrale, sans parler de la maîtrise du foncier, avec le risque d’une spéculation encore plus effrénée, nocive pour les communes avoisinantes et leurs habitants.
Ainsi, alors même que la décision de privatiser les aéroports de Toulouse et de Nice est aujourd’hui largement critiquée, vous maintenez le cap, même s’il vous mène droit dans le mur. En cédant cette entreprise, vous agissez contre les intérêts de notre pays. Et pour quels motifs ? Vous évoquez un fonds d’innovation de rupture ayant vocation à moderniser et à enrichir l’économie nationale et qui sera donc financé par la cession d’un groupe rapportant, chaque année, des dividendes importants à l’État. Cela n’a pas de sens.
Pour les mêmes raisons, vous entendez également privatiser la Française des jeux. Il s’agit pourtant d’une entreprise plus que rentable, qui a rapporté 3, 4 milliards d’euros à l’État en 2017, ce qui n’est pas rien. La cession envisagée privera donc l’État de ressources financières importantes, alors même que la Française des jeux n’aura pas besoin d’investissements importants. De plus, ce désengagement de l’État dans la Française des jeux vient tourner le dos à notre tradition républicaine de régulation des jeux d’argent.
Pour ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
L’amendement n° II-70, présenté par M. Lurel, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État
Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. J’avoue être un peu comme mon collègue Savoldelli : non pas bipolaire, mais authentique. J’ajouterai que, comme l’âne de Buridan, je suis partagé entre le picotin d’avoine et le seau d’eau.
Sourires.
La commission des finances a adopté un amendement qui vise à abaisser les prélèvements de l’État en matière de désendettement, préemptant ainsi, si j’ose dire, les recettes futures de privatisation.
Je partage, à titre personnel, la position, ou plutôt l’opposition, de MM. Montaugé et Gay. Très sincèrement, je n’ai pas compris la stratégie de l’État qui consiste à privatiser des biens fort rentables, alors que d’autres solutions existent. Tout cela figure dans le rapport spécial de la commission des finances.
Ainsi, compte tenu des taux faibles auxquels l’État se finance actuellement sur les marchés financiers, il ne paraît pas souhaitable de multiplier par deux la contribution au désendettement de l’État portée par le compte d’affectation spéciale en 2019.
La réduction de cette dépense prend de surcroît acte de deux risques identifiés pour 2019 : d’une part, le caractère improbable de l’encaissement dès 2019 du produit tiré de la cession des titres de participation de l’État dans la Française des jeux et, d’autre part, le risque résultant d’un solde cumulé du compte s’établissant à un niveau très faible pour la capacité de réaction de l’État actionnaire. En effet, en cas de survenance d’un risque systémique imprévu et à défaut de réserves suffisantes sur le compte, un versement du budget général serait nécessaire, ce qui assujettirait l’État actionnaire aux contraintes inhérentes à la gestion budgétaire annuelle.
Par cet amendement, il s’agit d’en rester à ce que nous faisions en 2018, en ne portant pas à 10 milliards d’euros les montants conventionnels, ce qui ne constitue pas vraiment une bonne affaire, compte tenu des taux actuellement pratiqués par les marchés.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques n° II-221 rectifié ter et II-252 ?
À titre personnel, je m’en remets à la sagesse de notre assemblée. Pour ma part, je les voterai.
Monsieur le rapporteur spécial, c’est l’avis de la commission qui est sollicité.
J’apprends que la commission a demandé le retrait de ces amendements, ce qui est logique.
Il faut que l’État soit plus sélectif dans l’utilisation des deniers publics et limite l’immobilisation de l’argent public.
Ces opérations sont le fruit d’une clarification du rôle de l’État. Les participations qui ne répondent pas aux missions fondamentales de l’État peuvent et doivent être cédées. C’est le rôle de l’État stratège que de ne pas se comporter comme un État rentier. Il s’agit d’utiliser l’argent public pour investir dans les technologies de demain et réduire l’endettement, parce que la dette est un poison lent et puissant pour l’économie française.
La logique du dispositif qui a été retenu est de céder des participations, plutôt que de les gérer passivement, et d’investir le produit des cessions dans un fonds dont le rendement financera durablement et de façon stable les innovations de rupture. Ce fonds a vocation à s’inscrire dans une durée longue, comme un outil de long terme pour le financement de ces innovations.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces trois amendements.
Avec le dernier amendement défendu ici ce matin, nous avons été un certain nombre à vouloir restaurer la pratique de l’évaluation de nos politiques publiques. Or, ici, nous ne disposons d’aucune évaluation précise.
En outre, il n’existe absolument aucun contrôle parlementaire sur ces privatisations. Après avoir évoqué ce sujet avec le rapporteur spécial en commission, j’estime qu’il est beaucoup trop important pour échapper complètement au contrôle du Parlement. Certes, nous disposons d’un jaune budgétaire sur les participations de l’État, mais, en l’occurrence – nous avons parlé en souriant des gens bipolaires –, l’État actionnaire est complètement bipolaire. Et ce n’est pas un petit sujet !
Ainsi, pour les raisons que je viens d’évoquer, à savoir le manque d’évaluation et l’impérieuse nécessité d’un contrôle parlementaire, je voterai ces amendements. C’est une question de principe !
MM. Martial Bourquin et Franck Montaugé applaudissent.
Sourires.
Regrets éternels depuis le Conseil national de la Résistance, mais il faut s’en remettre…
Leur portée est trop globale. Par définition, si on veut un tant soit peu parvenir à un budget à peu près à l’équilibre, il faudra bien trouver des solutions. En revanche, je ne suis pas certain – notre collègue Gay va s’en émouvoir – que la privatisation soit une bonne opération. §La Française des jeux, pour moi, c’est moins stratégique.
ADP a reçu, de la part des collectivités et de l’État, un important soutien au cours des vingt dernières années. Le groupe a posé, en Île-de-France, de nombreux problèmes, que nous avons, année après année, réglés. Faire tous ces efforts pour privatiser quand ça va mieux, ça crée un sentiment mitigé.
Nous nous y sommes tous mis pour faire en sorte que ce qui nous apparaissait comme stratégique soit préservé et sauvegardé. Puis, une fois que nous avons réussi, on privatise !
Personnellement, je ne suis pas hostile par principe aux privatisations. Toutefois, dans le cas précis d’ADP, je me pose de sérieuses questions.
Je ne voterai pas ces amendements, dont les dispositions, je le répète, sont trop globales. S’ils n’avaient concerné qu’ADP, je me serais posé la question.
Quoi qu’il en soit, je demande au Gouvernement de réfléchir. On a pu voir ce qui s’est passé avec les aéroports de province. Vous allez voir les conséquences d’une telle décision sur les transferts, les voyages, le Charles-de-Gaulle Express. On n’est pas sorti de l’auberge !
J’interviens dans le prolongement de ce qui vient d’être dit, notamment par mon camarade Fabien Gay.
Il faut tout se dire et tout assumer ! J’ai souvent entendu ici l’exécutif invoquer les directives européennes, qu’on soit d’accord ou pas avec leur transposition, pour justifier certaines dispositions. Pour ADP, il faut dire la vérité : il n’y a aucune directive européenne qui nous oblige à privatiser ce groupe. C’est donc un choix national et purement idéologique.
Par ailleurs, ADP est rentable. Il n’y a donc pas besoin de faire appel à des capitaux privés. Il y a là un non-sens ! Peut-être s’agit-il d’inviter certains, dont je ne connais ni le nom ni les capacités d’investissement, dans la souveraineté de notre croissance.
En touchant à ADP, on touche au transport aérien, qui représente 2 % du PIB de la France. Or ADP en est une part importante : il y a des commerces, des parkings et de nombreux autres services. Quel intérêt aurait notre pays à vendre le capital d’ADP, qui est une entreprise rentable lui assurant des rentrées annuelles importantes, pour s’engager dans un one shot ?
Certes, nous ne sommes pas encore en train d’examiner la loi PACTE, mais restons vigilants, mes chers collègues ! L’État s’apprête à vendre des parts de son capital, alors même que le concessionnaire ne sera pas contraint de répondre à un cahier des charges. Nous, quand nous gérons des collectivités, nous instaurons des contraintes !
Or, je le répète dans le cas qui nous occupe, on va vendre le capital de l’État, sans que le concessionnaire ait à respecter un cahier des charges !
À titre personnel, je voterai ces amendements, même s’ils concernent également Engie et la Française des jeux. J’aurais préféré limiter ma position à ADP.
À Blagnac, je peux vous dire que le consortium chinois à qui l’aéroport a été vendu – heureusement, il reste quelques parts du capital qui n’ont pas été privatisées – n’a pas fait autant d’investissements que promis. En revanche, il a recommencé à distribuer des dividendes, bien au-delà de ce qu’il avait annoncé.
Chat échaudé craint l’eau froide. J’attends donc avec impatience la loi PACTE.
Sans a priori dogmatique sur la question des privatisations, j’ai apprécié les propos de Nathalie Goulet. Nous sommes dans un entre-deux, puisqu’on nous demande de nous prononcer sur des affectations de crédits, indépendamment de la discussion de fond que nous aurons dans le cadre de la loi PACTE, en espérant que le Parlement soit associé dans le détail au processus de privatisation.
Il n’y a pas lieu de se presser. La bonne attitude, étant entendu que nous ne possédons pas tous les éléments pour pouvoir juger de manière objective, c’est de voter ces amendements. M. Karoutchi a également argumenté en ce sens, en disant qu’il était plutôt opposé à la privatisation d’ADP.
La situation est opaque, alors que l’enjeu est tout à fait considérable. Je le répète, il s’agit de 10 milliards d’euros. Pour l’État français, ce sont des revenus de haute performance financière. L’intérêt général est évidemment en cause.
Pour toutes ces raisons, sans prendre de décision définitive sur ces trois sujets, je vous invite, mes chers collègues, à voter ces amendements, pour lesquels notre groupe demandera un scrutin public.
Mes chers collègues, huit orateurs souhaitent encore expliquer leur vote sur ces amendements. Je leur demande de faire preuve de concision, pour que nous puissions tenir les délais.
La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
Faut-il ou ne faut-il pas privatiser ? Pour ma part, j’estime que, lorsqu’il ne s’agit pas de missions régaliennes de l’État, il vaut mieux privatiser. Les aéroports relèvent-ils du domaine régalien ? Compte tenu des questions de sécurité, on n’en est pas très loin.
Sur le plan financier, je souhaite répondre à nos camarades. Le meilleur moment pour privatiser une entreprise et pour défendre au mieux les deniers de l’État et, donc, de nos concitoyens, c’est quand elle est en bonne santé et non pas quand elle ne va pas bien. Dans ce dernier cas, des investisseurs privés arrivent, la redressent et réalisent ensuite d’énormes plus-values qui vous font hurler.
Dans le cas qui nous occupe, l’entreprise se porte bien, son cours en bourse ayant augmenté. C’est donc le moment idéal, pour bien défendre nos intérêts, de céder cette entreprise. Sur le plan économique, l’analyse est incontestable.
J’émettrai toutefois une réserve. Il s’agit de vendre les bijoux de famille, ce qui va nous faire perdre des recettes. Certes, à court terme, cela va nous rapporter du capital. J’aurais donc à cœur que cette recette en capital serve à réduire la dette ou à financer des restructurations qui nous permettront d’aller mieux demain. Il faut absolument éviter qu’elle alimente un trou sans fond en venant compenser des déficits de fonctionnement, sinon ce serait faire preuve d’une très mauvaise gestion.
Pour le bon déroulement de nos débats, sur la forme comme dans le temps, je rappelle que l’amendement de M. Lurel a bénéficié d’un avis favorable en commission et que les deux amendements identiques n° II-221 rectifié ter et II-252 ont reçu un avis défavorable de la commission ce matin.
Mes chers collègues, le projet de loi PACTE nous donnera l’occasion de débattre longuement de ce sujet sur le fond. De surcroît, vous aurez l’honneur et le plaisir de me retrouver à cette occasion. Je ne serai que l’un des animateurs, parmi l’ensemble de nos collègues, femmes et hommes, de cette assemblée. Je vous invite donc à être concis et raisonnables, dans notre intérêt et dans celui de la démocratie.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Julien Bargeton applaudit également.
Je serai bref.
À titre personnel, je suis assez opposé à la vente d’Aéroports de Paris. On ne vend pas des bijoux de famille de ce type, qui ont un caractère stratégique. Je rejoins donc la position de M. Karoutchi : si ces amendements avaient porté exclusivement sur ADP, je les aurais votés.
Je l’avoue, en tant que parlementaire, je n’ai jamais été aussi partagé. Nous avons là une option idéologique : nous sommes tous d’accord pour dire qu’il ne faut pas préempter le vote qui aura lieu dans le cadre du projet de loi PACTE, mais, si nous votons ces amendements, c’est en quelque sorte ce que nous ferons.
Notre collègue Karoutchi nous dit que ces amendements sont globaux. Je ne vois pas en quoi ! Pour ma part, j’ai proposé à la commission des finances un compromis, qu’elle a voté. Sans vouloir me prononcer sur le fond, notamment d’un point de vue idéologique, j’estime, comme mon collègue Joyandet, qu’une entreprise relevant du domaine régalien ne doit pas être privatisée. Or nous sommes tous d’accord pour dire qu’ADP relève du domaine régalien. Même aux États-Unis, les aéroports sont tous publics, seul l’aéroport de Londres-Heathrow ne l’est pas.
L’État vend des bijoux de famille en faisant une mauvaise affaire : la rentabilité est douteuse. Si nous sommes tous d’accord sur le constat, nous nous apprêtons à voter cette disposition en raison d’options idéologiques. En tant que rapporteur spécial de la commission des finances, j’ai estimé qu’il s’agissait d’une disposition artificielle. Le Parlement est mis de côté au nom de la confidentialité, l’État fait ce qu’il veut et la LOLF n’est pas respectée. Nous le savons tous, nous sommes en train de réaliser un exercice parfaitement artificiel. Pourtant, nous allons voter cette disposition, en tout cas du côté droit de cet hémicycle.
Je l’avoue, à titre personnel, en tant que membre bipolaire de cette assemblée – élu du groupe socialiste et rapporteur spécial –, je voterai les amendements de mes collègues.
M. Victorin Lurel. En effet, en mon for intérieur, je pense que c’est une mauvaise affaire pour le patrimoine de l’État.
M. Franck Montaugé applaudit.
Mon intervention ne durera que vingt secondes.
Je me souviendrai des propos tenus aujourd’hui. Pour la deuxième fois de la journée, je suis d’accord avec M. Karoutchi…
Rires.
Certes, FDJ, Engie et ADP ne sont pas des entreprises de même nature. Nous considérons qu’Engie est un bien commun de l’humanité. Je ne sais pas comment nous lutterons contre la précarité énergétique tant que nous ne maîtriserons pas de manière publique les questions de l’énergie, y compris s’agissant des prix. Mais c’est un autre débat, sur lequel nous ne serons peut-être pas d’accord…
Sur ADP, j’ai l’impression que nous pouvons trouver une position commune. Tous nos groupes doivent s’engager à travailler ensemble sur cette question. De notre côté, nous nous y emploierons.
M. Bernard Delcros. Au-delà des enjeux financiers qui ont été évoqués ou des enjeux locaux, qui ont leur importance, comme l’a dit Françoise Laborde, les aéroports relèvent d’un enjeu stratégique d’une telle portée pour notre pays que l’État doit conserver leur maîtrise, à plus forte raison quand on voit l’instabilité du monde dans lequel on vit.
M. Franck Montaugé applaudit.
Le mot « privatisation » ne me fait pas peur. Je n’appartiens pas à une école de pensée qui me dirait que c’est bien ou mal. Pour faire tourner l’économie, il vaut mieux que les entreprises soient gérées par des acteurs privés. Pour préserver les intérêts publics, l’action publique est préférable.
Pour ce qui concerne ADP, je ne comprends pas très bien. La nation, l’État, va consacrer des sommes considérables au Charles-de-Gaulle Express pour desservir tout un territoire. Et on va vendre l’un des bijoux de ce territoire avant d’avoir fait les investissements ? Il serait plus intéressant de reposer le problème dans quelques années, lorsque tous les investissements auront été effectués. L’aéroport pourra alors être revalorisé.
Je mets aux voix les amendements identiques n° II-221 rectifié ter et II-252.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 31 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° II-70.
L ’ amendement est adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », figurant à l’état D.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
Les crédits sont adoptés.
Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux », figurant à l’état D.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Accords monétaires internationaux
Relations avec l’Union monétaire ouest-africaine
Relations avec l’Union monétaire d’Afrique centrale
Relations avec l’Union des Comores
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Les crédits sont adoptés.
Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », figurant à l’état D.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics
Avances à l’Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune
Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics
Avances à des services de l’État
Avances à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de l’indemnisation des victimes du Benfluorex
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Les crédits sont adoptés.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Investissements d’avenir », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Investissements d’avenir
Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche
Valorisation de la recherche
Accélération de la modernisation des entreprises
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-233 rectifié ter est présenté par Mme Gruny, M. Mouiller, Mme Morhet-Richaud, M. J.M. Boyer, Mme Lopez, MM. Frassa, D. Laurent, Sol et Daubresse, Mme L. Darcos, MM. Houpert, Perrin et Raison, Mme Imbert, MM. Kennel, B. Fournier et Brisson, Mme Berthet, M. Cuypers, Mme Deseyne, M. Lefèvre, Mme Deromedi, MM. Paccaud, Pellevat et Vogel, Mme Dumas, MM. Mandelli, Gremillet, Piednoir et Duplomb, Mme Garriaud-Maylam, M. Sido, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Mayet et Pierre, Mme Bories et MM. Revet, Babary et Dallier.
L’amendement n° II-273 est présenté par Mme Espagnac.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Créer le programme :
Fonds pour l’innovation et le développement des entreprises artisanales
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche
Valorisation de la recherche
Accélération de la modernisation des entreprises
Fonds pour l’innovation et le développement des entreprises artisanales
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Pierre Cuypers, pour présenter l’amendement n° II-233 rectifié ter.
Cet amendement tend à créer, dans le cadre des crédits de la mission « Investissements d’avenir », un nouveau programme intitulé « Fonds pour l’innovation et le développement des entreprises artisanales », destiné en particulier à flécher des financements pour soutenir la transition numérique de ces entreprises.
Les entreprises artisanales rencontrent souvent des difficultés pour financer leur développement, en particulier leur transformation numérique. En effet, les outils financiers existants exigent des seuils de chiffres d’affaires trop élevés pour rendre ces entreprises éligibles aux dispositifs en vigueur. Rappelons que 41 % des artisans seulement ont un site web, 15 % procèdent à de la vente en ligne et 25 % utilisent les réseaux sociaux.
Il importe donc de permettre aux entreprises artisanales de s’inscrire dans le Grand Plan d’investissement. À cette fin, l’amendement vise à flécher 50 millions d’euros de crédits de paiement de l’action n° 02, Accompagnement et transformation des filières, du programme 423, « Accélération de la modernisation des entreprises », vers le financement d’un nouveau programme dédié au fonds d’innovation et de développement des entreprises artisanales, dont les modalités de mise en œuvre seront fixées par décret.
L’amendement n° II-273 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° II-233 rectifié ter ?
Ceux qui ont entendu mon intervention liminaire ne seront pas très surpris : je suis défavorable à cet amendement.
Comme je l’ai dit, le PIA n’est pas en premier lieu un outil d’aménagement du territoire – j’ai assez dénoncé les dévoiements de crédits qui ont été opérés par le Gouvernement.
Par ailleurs, la philosophie du PIA n’implique pas que celui-ci soit dédié à certaines catégories d’acteurs : il ne se décline pas en divers outils respectivement dédiés, par exemple, aux ETI, aux PME, aux commerçants ou aux artisans. Il s’agit plutôt d’un instrument visant à faire travailler ensemble toutes les catégories d’acteurs d’une même filière pour faire émerger de nouveaux projets et de nouveaux concepts.
J’invite les auteurs de cet amendement à étudier ce qui pourrait être fait dans le cadre de l’action n° 02, Accompagnement et transformation des filières, du même programme 423, qui vise à réaliser des investissements, via un fonds géré par Bpifrance, dans des sociétés de projets créées par plusieurs entreprises d’une même filière dans le but de favoriser la transformation de ladite filière. Des crédits pourraient notamment être consacrés, dans ce cadre, à la numérisation.
Des choses sont déjà donc prévues ; mais il ne saurait être question de cibler les commerçants : il s’agit plutôt de travailler dans le sens de la structuration complète d’une même filière, des plus petites aux plus grandes entreprises.
Monsieur le sénateur, je partage votre ambition sur la transformation numérique des entreprises artisanales – j’étais hier en Haute-Garonne pour aborder ce sujet avec de nombreux artisans.
La doctrine du PIA repose sur trois valeurs : l’innovation, la coopération et l’excellence. Tous les projets sont analysés à l’aune de ces valeurs. Les entreprises candidates ne sont donc pas jugées en fonction de leur taille.
Dès aujourd’hui, les entreprises artisanales bénéficient, directement ou indirectement, de nombreuses actions de ce PIA. Je citerai, par exemple, dans le cadre de l’action Démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition, le soutien au secteur du bâtiment, composé à 97 % d’entreprises artisanales, qui a permis le financement d’une plateforme numérique bénéficiant aujourd’hui à tous les acteurs.
La deuxième initiative que je citerai, que je suis fier de porter depuis près d’un an et demi, s’appelle France Num. Elle permet aux entreprises artisanales et aux plus petites entreprises, à travers tout le territoire, d’être accompagnées par des êtres humains, au niveau des régions notamment, et de bénéficier d’un prêt d’un montant total de 1 milliard d’euros, qui a été garanti à hauteur de 30 millions d’euros par ce même PIA.
Comme vous le voyez, nous agissons à destination des TPE et des PME. Je soulignerai que 90 % des bénéficiaires des garanties de la BPI sont des TPE, artisanales pour certaines.
Nul besoin de revenir sur l’affectation par programme des crédits de paiement du PIA, qui d’ailleurs correspondent à des autorisations d’engagement déjà consommées. L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur cet amendement.
Je prends acte de la réponse de notre rapporteur spécial. Je retire donc l’amendement.
L’amendement n° II-233 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° II-231, présenté par MM. Capus, Bignon, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Malhuret et A. Marc, Mme Mélot et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche
Valorisation de la recherche
Accélération de la modernisation des entreprises
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Emmanuel Capus.
Favoriser les PME de croissance est une cause nationale pour l’économie et l’emploi. Si l’économie ne repart pas en France, c’est en particulier à cause d’un déficit d’exportations, lié à un problème chronique d’offre de la part d’entreprises qui ne sont pas assez compétitives, notamment dans l’industrie. Sur les neuf premiers mois de l’année 2018 – je l’ai dit lors de la discussion générale –, le déficit cumulé de la France a ainsi atteint 48, 2 milliards d’euros, ce qui est une cause de faiblesse et de dépendance structurelle pour notre économie.
Si nos grandes entreprises n’ont pas de mal à agir, ou plutôt, d’ailleurs, ont moins de mal à agir, dans une économie mondialisée, la reconquête de parts de marché à l’étranger passe par l’internationalisation de nos ETI et de nos PME, qui n’ont pas la même facilité à exporter que leurs homologues allemandes. Dans le cadre des investissements d’avenir, il importe ainsi de leur apporter un soutien fort dans cette démarche – je crois néanmoins deviner l’avis que donnera notre rapporteur spécial sur ma proposition.
Tel est l’objet de cet amendement, qui vise à transférer 5 millions d’euros du programme 421 vers l’action n° 07, Fonds à l’internationalisation des PME, du programme 423, « Accélération de la modernisation des entreprises ».
J’ai précédemment regretté le taux d’ouverture des crédits de paiement, qui est modeste, puisqu’il est inférieur à 20 % sur l’ensemble du programme. Le programme particulier que vous visez, pour le coup, fonctionne : 50 % des crédits de paiement sont déjà ouverts. Ne serait-ce que pour cette raison, l’avis ne peut être que défavorable sur cet amendement.
De surcroît, l’action à laquelle vous souhaitez retirer des crédits, à savoir l’action n° 05, Constitution d’écoles universitaires et de recherche, répond à un enjeu véritable : elle vise à développer le modèle des graduate schools en rassemblant en un même lieu, dans le cadre d’un domaine scientifique particulier, formation et recherche. Il s’agit donc de renforcer l’attractivité et la visibilité internationales de nos grands pôles universitaires et de recherche – certains de nos collègues sont particulièrement attachés au développement de l’enseignement supérieur.
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d ’ État. Le Gouvernement fait sienne cette priorité stratégique consistant à accompagner l’accélération de la croissance vers l’étranger de nos entreprises les plus prometteuses, qu’on les appelle « scale-up » ou « build-up ».
Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.
C’est pourquoi j’ai commencé par désigner ces entreprises en bon français avant de préciser comment d’autres les appellent.
M. Alain Joyandet. Si la traduction est en bon français, c’est tolérable !
Sourires.
Cette priorité du Gouvernement se traduit déjà par certains engagements du PIA, à travers notamment le fonds Build-Up International – étant une action internationale, elle a un nom international –, qui est destiné à accompagner les PME et les ETI dans des prises de position stratégiques à l’étranger. Cette action a déjà fait l’objet de 200 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 100 millions d’euros de crédits de paiement en 2017 ; ces sommes ont ensuite été affectées à Bpifrance et commencent seulement à financer l’activité quotidienne de ces PME et ETI.
Vous le voyez, nous partageons cette ambition, et des fonds ont déjà été mobilisés. Aujourd’hui, un tel transfert de 5 millions d’euros ne nous paraît donc pas nécessaire. Par conséquent, l’avis du Gouvernement est défavorable sur cet amendement.
Compte tenu des explications qui m’ont été données, en deux langues, en plus, je vais retirer cet amendement.
Je ne veux pas déshabiller Paul pour habiller Jacques : mon but n’était pas de déshabiller la recherche, mais bien d’attirer l’attention sur la nécessité d’un développement des PME à l’international, dont nous partageons la volonté.
Je retire donc l’amendement.
L’amendement n° II-231 est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Investissements d’avenir », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Les crédits sont adoptés.
Nous avons achevé l’examen des crédits des missions « Remboursements et dégrèvements », « Engagements financiers de l’État » et « Investissements d’avenir », des comptes d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » et « Participations financières de l’État », ainsi que des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics ».
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Cohésion des territoires » (et articles 74, 74 bis, 74 ter, 74 quater, 74 quinquies et 74 sexies).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le ministre chargé de la ville et du logement, mes chers collègues, disons-le tout de suite : je proposerai au Sénat, au nom de la commission des finances, de rejeter les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». Cela ne signifie pas que, programme par programme, il n’y ait aucun point positif – j’y reviendrai –, mais ce budget traduit d’abord une politique que nous devons apprécier dans son ensemble et, avant tout, à l’aune de ses résultats ; or nous en constatons les premiers effets en matière de logement.
Ce n’est pas faute de vous avoir prévenu, monsieur le ministre. L’an dernier, ici même, sur toutes les travées, et en juillet encore, lors de l’examen de la loi ÉLAN, la bien mal nommée, nous avons dit et répété que vos choix politiques et budgétaires auraient des conséquences dramatiques. Nous y sommes ! Les derniers chiffres montrent une chute inquiétante des réservations pour la promotion privée, et le nombre de logements sociaux financés repassera probablement cette année sous le seuil des 100 000.
L’an dernier, et à l’été encore, vous vous vouliez rassurant. Les fameuses mesures de compensations de la Caisse des dépôts et consignations ainsi que la loi ÉLAN, qui mettra du temps à produire ses effets, allaient permettre aux acteurs du secteur d’encaisser le choc budgétaire. Grave erreur ! La reconnaîtrez-vous enfin et en tirerez-vous les conséquences ?
Votre politique a un but : réaliser des économies budgétaires. Elles sont là. Mais à quel prix ? Moins de logements dès cette année, moins d’emplois demain, mais aussi moins de rentrées sociales et fiscales pour l’État. C’est donc dans ce contexte difficile que nous examinons les crédits de la mission. Malheureusement, contraints par la LOLF, il ne nous est pas possible de modifier le cours que vous avez donné aux choses. Mais nous voulons, une fois encore, tirer le signal d’alarme.
La mission est dotée cette année de 16, 1 milliards d’euros de crédits de paiement, mais, vous le savez, le programme 109 en porte l’essentiel, avec la contribution de l’État aux aides personnalisées au logement, qui représente 82 % de ces crédits.
Les dépenses fiscales, avec en particulier les différents taux réduits de TVA, représentent un coût comparable – 17, 7 milliards d’euros –, et même désormais légèrement supérieur, bien qu’en baisse, si l’on prend en compte le CITE, le crédit d’impôt pour la transition énergétique.
S’agissant du programme 177, « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », il est à noter que la gestion des centres d’hébergement d’urgence dédiés aux migrants d’Île-de-France est enfin transférée à la mission « Immigration et asile ». Voilà un point de clarification budgétaire bienvenu !
Abstraction faite de cette mesure de périmètre, les crédits de paiement sont en hausse de 43 millions d’euros.
Malheureusement, et en même temps, le Gouvernement a procédé, en projet de loi de finances rectificative, à une ouverture de crédits de 60, 2 millions d’euros. Il est donc à craindre que les crédits pour 2019 ne soient toujours pas suffisants, même si l’effort de rebasage entrepris depuis deux ans est à saluer.
Les moyens des CHRS, les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, sont réduits de 14 millions d’euros, alors même que le plan Logement d’abord, lancé à l’automne 2017, tarde vraiment à produire des résultats. Cependant, j’interprète ce chiffre non pas comme une réduction du nombre de places offertes, mais, en partie, comme le résultat de la poursuite de la convergence tarifaire entre structures.
S’agissant du programme 109, « Aide à l’accès au logement », les crédits destinés au FNAL, le Fonds national d’aide au logement, diminuent encore de 1, 1 milliard d’euros, sous l’effet de deux nouvelles mesures de rendement budgétaire : la sous-revalorisation des aides – 0, 3 % – par rapport à l’inflation – 1, 6 % – et la prise en compte des revenus contemporains des allocataires, qui impactera d’abord, soyons-en conscients, les jeunes qui entrent sur le marché du travail, qui se verront dès lors réduire ou couper l’APL bien plus rapidement qu’avant.
Se pose également la question du rendement de cette mesure : annoncée à hauteur de 1, 2 milliard d’euros en année pleine, elle ne pourra finalement être mise en œuvre avant juillet. Pourtant, le Gouvernement retient toujours un gain de 900 millions d’euros en 2019. Cela mérite quelques explications.
Soulignons enfin le risque pointé par la CAF, qui, si elle pense être au rendez-vous de juillet malgré la complexité technique du dispositif, craint cependant d’être débordée par les demandes d’explications des allocataires et de ne pas être en mesure de les traiter dans des délais raisonnables.
L’article 74 ter de ce PLF rétablit partiellement l’APL accession, dans certaines conditions, mais en outre-mer uniquement. Nous nous en réjouissons, mais, monsieur le ministre, c’est sur l’ensemble du territoire et de manière pérenne qu’il faudrait la rétablir. Je vous proposerai symboliquement un amendement en ce sens.
Quant au programme 135, « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat », son contenu ne change pas de manière considérable, si ce n’est que 2019 restera l’année de l’extinction des aides à la pierre sous forme de crédits budgétaires. Ce n’est guère une surprise, me direz-vous : la pente sur laquelle nous étions rendait ce terme inéluctable.
Un point, maintenant, sur les conséquences de la mise en place de la réduction de loyer de solidarité, dont le rendement pour l’État, du fait de la baisse des APL, est plus important que prévu : environ 870 millions d’euros en année pleine, contre 800 millions initialement prévus, ce qui signifie que, pour les bailleurs sociaux, le coût est lui aussi plus élevé.
Nous nous interrogeons également sur le rendement de l’augmentation de la TVA pour les bailleurs sociaux, de 5, 5 % à 10 %, qui a permis l’étalement sur trois ans de la RLS, la réduction de loyer de solidarité. Combien cette hausse de TVA aura-t-elle rapporté en 2018 ?
En tout état de cause, nous souhaitons une révision des paramètres pour 2019, afin de rester dans l’objectif prévu de 1, 5 milliard d’euros – 800 millions d’euros de réduction d’APL pour financer la RLS, côté dépenses, ou moins si, côté recettes, la TVA rapportait davantage.
Quelques mots sur l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, qui a bénéficié en 2018 de la remontée significative du cours des quotas carbone. Malheureusement, cette hausse n’a pas échappé à Bercy, puisque l’article 29 du PLF abaissait le plafond de la part de ces quotas destinée à l’ANAH de 550 millions à 420 millions d’euros ! Le Sénat, la nuit dernière, a rétabli le plafond de 550 millions d’euros.
Concernant enfin le programme 147, « Politique de la ville », je note que les crédits progressent, qu’il s’agisse de ceux qui sont engagés dans le cadre de contrats de ville – l’augmentation est de 25 % – ou de la ligne budgétaire consacrée à l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine – elle est de 19 %.
Le démarrage du nouveau programme de renouvellement urbain, le NPNRU, a pris beaucoup de retard, même si les choses semblent enfin débloquées et les 10 milliards d’euros de financement assurés. Les crédits de paiement passent de 15 millions à 25 millions d’euros pour 2019, ce qui est peu par rapport à l’enveloppe de 1 milliard d’euros que l’État a prévu d’y consacrer au total. Mais les besoins de l’ANRU semblent être couverts pour 2019.
Pour conclure, je dirai que, si le budget de ces quatre programmes ne connaît pas cette année le tremblement de terre qu’a représenté la mise en place de la RLS l’an passé, nous sommes dans l’œil du cyclone : le vent souffle et la mer s’agite. C’est pourquoi, afin de tirer une dernière fois le signal d’alarme, je vous propose, mes chers collègues, le rejet des crédits de la mission.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient d’évoquer les programmes 112 et 162.
Le programme 162, « Interventions territoriales de l’État », ne change pas de périmètre, et les crédits augmentent de 5 % environ. Cependant, je ferai quelques observations.
S’agissant de l’action n° 04 en faveur de la Corse, le retard constaté a conduit à prolonger l’action, et des crédits sont ouverts, pour 2019, au même niveau que pour 2018.
Concernant l’action n° 09, Plan littoral 21, les crédits augmentent pour passer de 1 million à 4 millions d’euros – c’était prévu, puisque cette action a été mise en place l’année dernière.
Concernant l’action n° 06, Plan gouvernemental sur le marais poitevin-Poitou-Charentes, je regrette que, cette année, aucun crédit n’ait été inscrit en autorisations d’engagement. Je suis allé sur le terrain, dans le cadre d’un contrôle budgétaire, pour me rendre compte de ce qui s’y passe vraiment, et je sais qu’il y a encore des actions importantes à mener, tant pour la préservation de la biodiversité du marais que pour les agriculteurs qui se sont engagés dans l’élevage en prairies naturelles. J’estime, pour être tout à fait précis, qu’il reste trois ans d’action à mener, et je souhaite que l’on veille à la poursuite de cette action, hors PITE, ou programme des interventions territoriales de l’État, dans le cadre des crédits que pourra utiliser le préfet de région, lequel, d’ailleurs, joue un rôle de coordination très important.
Enfin, 2 millions d’euros sont inscrits au titre de l’action n° 08, Plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, montant inchangé par rapport à l’année dernière. Nous savons que les moyens, en la matière, doivent être renforcés. Le Président de la République, qui s’est rendu sur place, l’a annoncé ; des amendements ont été déposés en ce sens.
J’en viens au programme 112.
Lorsqu’on retrace l’évolution de ce programme sur les dix dernières années – ce n’est donc pas vous, monsieur le ministre, qui êtes en cause en particulier –, on est en droit de s’interroger. Le programme 112 s’intitule « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement des territoires ». Or, aujourd’hui, il ne remplit plus cette mission. Son rôle est devenu trop flou, ses missions parfois fluctuantes, et trop d’incertitudes pèsent sur son avenir. Je voudrais illustrer mon propos par quelques exemples.
Premièrement, on constate la diminution constante des crédits affectés à ce programme : à l’exception de la seule année 2017, les crédits du programme 112 sont en diminution constante depuis dix ans ; pour la seule période 2011-2019, ils ont chuté de 40 %.
Deuxièmement, on note l’affaiblissement des outils de contractualisation. Il y a seulement deux ans, le programme 112 rassemblait les quatre outils financiers de contractualisation avec les territoires : les CPER, ou contrats de plan État-régions, les contrats État-métropole, les contrats de ville et les contrats de ruralité. Aujourd’hui, deux d’entre eux seulement subsistent dans ce programme, les CPER et les contrats de ville, alors que la politique des territoires mérite une approche globale et cohérente.
Troisièmement, on déplore la disparition des crédits attachés aux contrats de ruralité
Les contrats de ruralité étaient de longue date attendus par les élus ruraux. Le Sénat avait d’ailleurs lui-même voté, à l’automne 2015, une proposition de loi que j’avais eu le plaisir de défendre pour mettre en place lesdits contrats. Ils l’ont été en 2017, avec des crédits dédiés à hauteur de 216 millions d’euros inscrits au titre du programme 112 – c’était cohérent. En 2018, leur financement a été transféré au programme 119, avec seulement 45 millions d’euros de crédits fléchés – ce n’était déjà plus cohérent. En 2019, aucun crédit n’est dédié aux contrats de ruralité, dans aucun programme !
Comment rendre lisible une politique d’aménagement du territoire et comment bâtir des stratégies de développement local dans de telles conditions ? Comment expliquer cette régression aux élus ruraux ? C’est tout simplement impossible !
Enfin, on observe la quasi-disparition de la prime à l’aménagement du territoire. Cette aide directe aux PME vise à soutenir l’emploi dans les territoires les plus fragiles. Elle a fait l’objet d’une évaluation en 2017 ; son effet de levier et son efficacité ont été démontrés. Pourtant, les crédits affectés à la PAT n’ont cessé, au cours des dix dernières années, de diminuer. Pour 2019, on les abaisse une nouvelle fois, avec seulement 10 millions d’euros d’autorisations d’engagement. Cette enveloppe n’est pas du tout à la hauteur des enjeux de la ruralité et ne permettra même pas d’accompagner les projets éligibles, qui, recensés en 2018, doivent être mis en œuvre en 2019.
Monsieur le ministre, ces quelques exemples suffisent à mettre en évidence l’urgence qu’il y a à repenser une nouvelle politique d’aménagement du territoire et à définir la place que l’on veut donner au programme 112 au sein de cette nouvelle politique de l’État. La récente création de l’agence nationale de la cohésion des territoires nous en donne, je le crois, une occasion unique. J’ai défendu la création de cette agence. Elle a ouvert de nouvelles perspectives, mais les élus attendent désormais qu’elle soit rapidement rendue opérationnelle et qu’elle apporte des réponses efficaces aux besoins de la ruralité.
Permettez-moi de soulever, en la matière, quelques questions.
Dans quel délai aurez-vous défini les moyens financiers et humains dont l’Agence devra être dotée ?
Envisagez-vous une mobilisation du FNADT, le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, ou, plus largement, du programme 112, pour le financement de cette agence ? Cette solution nécessiterait de reconsidérer les crédits alloués à ce programme.
Le contrat unique de cohésion territoriale que vous envisagez est-il destiné à se substituer à tous les contrats existants : les CPER, les contrats de ville, les contrats État-métropole, les contrats de ruralité ? Si oui, dans quel délai ? Dans ce cas, comment s’assurer, dans le cadre de ces nouveaux contrats, d’une réelle prise en compte des enjeux ruraux par l’Agence, alors qu’une priorisation des projets a été évoquée en fonction des contraintes budgétaires ? Autrement dit, envisagez-vous des crédits dédiés spécifiquement aux futurs contrats signés dans les secteurs ruraux les plus fragiles ?
Enfin, comment expliquer la nouvelle suppression d’emplois demandée au CGET, le Commissariat général à l’égalité des territoires, s’il doit constituer demain la base de cette nouvelle agence alors que les besoins en termes de personnel ne sont pas encore définis ?
Je vous remercie par avance des réponses que vous pourrez donner.
S’agissant du vote, ces deux programmes représentent seulement 1, 7 % des crédits de la mission « Cohésion des territoires », qui doit être adoptée dans son ensemble. Je me rangerai donc à l’avis de la commission des finances.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits des programmes 177, 109 et 135 relatifs au logement diminuent pour la deuxième année consécutive, pour atteindre 15 milliards d’euros.
La baisse de 8 % des crédits du programme 109 résulte, d’une part, des mesures d’économies adoptées l’an dernier – suppression de l’APL accession, gel des barèmes et des loyers, soit 222 millions d’euros – et, d’autre part, de nouvelles mesures : 102 millions d’euros au titre de la sous-indexation des paramètres de l’APL et 910 millions d’euros au titre de la « contemporanéisation des ressources », dont la mise en œuvre s’avère complexe et qui nécessitera de bien informer les allocataires.
Les paramètres de la RLS ont été établis en 2018 pour permettre une économie de 800 millions d’euros sur onze mois. Ces paramètres n’étant pas modifiés, la RLS permettra 873 millions d’économies en 2019, soit 73 millions de plus que ce qui était prévu. En outre, le rendement de TVA sur les constructions de logements sociaux devrait s’avérer plus favorable et atteindre 850 millions au lieu de 700 millions.
Ces économies supplémentaires ne sont pas anodines. Le coût de la RLS pour les bailleurs sociaux est plus important que le montant des économies pour l’État : 830 millions en 2018 et 916 millions en 2019. Sans tenir compte des mesures de soutien, la RLS devrait conduire pour 2018 à une perte d’autofinancement nette de 21 % et à une baisse de 5 % de la construction de logements sociaux, baisse qui pourrait atteindre 38 % dans vingt ans selon la Caisse des dépôts et consignations.
En ne modifiant pas les paramètres de la RLS, le Gouvernement ne respecte pas ses engagements en termes de trajectoire financière. C’est pourquoi la commission des affaires économiques a proposé de rejeter les crédits du programme 109. La clause de revoyure, monsieur le ministre, doit être l’occasion d’une évaluation exhaustive de l’impact des mesures d’économies sur la situation des bailleurs sociaux, mais pas sur le seul quinquennat. Il faut en effet voir les choses à plus long terme, c’est-à-dire sur les vingt ans à venir.
S’agissant du programme 135, sans surprise, l’État se désengage définitivement des aides à la pierre, laissant les bailleurs sociaux financer la quasi-totalité des ressources du FNAP.
Je dirai un mot de l’ANAH. Je salue l’augmentation de ses ressources, mais je regrette le manque d’ambition et les contradictions du Gouvernement, qui a préféré plafonner les ressources de l’Agence plutôt que d’utiliser les ressources supplémentaires issues des quotas carbone pour accélérer la rénovation énergétique des logements.
Les crédits du programme 177 augmentent à périmètre constant. Malgré un effort de sincérité budgétaire et une rationalisation des coûts, il n’est pas sûr que les crédits soient suffisants.
La commission des affaires économiques a donc décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat s’agissant des crédits des programmes 177 et 135 et a proposé de rejeter les crédits du programme 109.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Valérie Létard applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du programme 147, « Politique de la ville », sont en augmentation de 57 % en autorisations d’engagement et de 19, 7 % en crédits de paiement.
Nous sommes nombreux à craindre que ces crédits ne soient pas entièrement consommés, les dispositifs financés – je pense à des postes d’ATSEM, à des postes FONJEP ou à des postes d’adultes-relais – supposant bien souvent des cofinancements de la part des associations ou des collectivités territoriales. Or, dans un contexte budgétaire contraint, il n’est pas certain que ces dernières puissent apporter leurs concours financiers ou du moins des financements à la hauteur de l’effort consenti par l’État. Comment peut-on en effet leur demander de consacrer plus de 100 millions d’euros à de nouveaux postes alors que les subventions de l’État sont en baisse ?
Quant aux crédits de droit commun, ils peinent à se déployer. La révision des contrats de ville sera l’occasion de vérifier si l’État respecte les engagements qu’il a pris dans le cadre du pacte de Dijon.
Après une année d’arrêt, le nouveau programme national de renouvellement urbain semble enfin démarrer. Que de temps perdu ! Si l’on peut se féliciter de la multiplication des signatures de protocoles, je crains néanmoins que les « grues » ne soient pas présentes dans les quartiers avant 2020.
Pour 2019, l’État contribuera à hauteur de 180 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 25 millions d’euros en crédits de paiement, limitant ainsi sa contribution aux seuls besoins de décaissement de l’ANRU. Un engagement plus important aurait permis de lancer la construction d’équipements comme les écoles.
Enfin, il faudra être attentif aux effets des récents choix gouvernementaux en matière d’habitat, tels que la réduction du loyer de solidarité et l’intégration de l’EPARECA au sein de la future agence nationale de la cohésion des territoires. J’espère qu’ils ne freineront pas un NPNRU tout juste relancé. C’est une agence dont on peut craindre qu’elle fera prendre au minimum des retards. Elle pourrait d’ailleurs devenir une importante usine à gaz au vu des nombreuses agences qui y sont intégrées.
Le programme 147 consacre 101 millions d’euros au développement économique et à l’emploi.
La réforme des contrats aidés et l’expérimentation des emplois francs mises en œuvre l’an dernier n’ont pas produit les effets escomptés et le chômage des jeunes est reparti à la hausse.
En matière d’emplois francs, les résultats sont très loin des objectifs fixés. Au 16 septembre 2018, 1 980 demandes d’emplois francs ont été transmises à Pôle emploi et 1 528 ont été acceptées. Je regrette qu’on attende la fin de l’expérimentation avant de corriger le dispositif étant donné que 25 000 demandes sont prévues pour 2019.
Le nombre de contrats aidés dans sa nouvelle version est en très forte diminution en raison de l’aspect plus contraignant du nouveau dispositif et d’une moindre prise en charge. Certains préfets n’ont d’ailleurs pas jugé opportun de moduler l’aide pour soutenir le déploiement des contrats dans les quartiers, ce que je regrette. En outre, le dispositif manque sa cible en laissant de côté les personnes « employables rapidement » tout en n’étant pas adapté aux personnes les plus éloignées de l’emploi, qui ont besoin d’un temps d’accompagnement plus long.
La commission des affaires économiques s’en remet donc à la sagesse du Sénat pour le vote des crédits du programme 147 et a émis un avis favorable sur l’adoption de l’article 74.
M. Jean-Michel Houllegatte applaudit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a examiné les crédits du programme 177 de la mission « Cohésion des territoires », qui financent l’hébergement des personnes en détresse et l’accompagnement des plus précaires vers l’accès au logement.
Les demandes d’hébergement ont considérablement augmenté ces dernières années, sollicitant fortement les structures financées par le programme – le nombre de places en hébergement d’urgence a progressé de 180 % depuis 2010. En parallèle, les moyens alloués au programme ont augmenté de 562 millions d’euros en cinq ans, soit une hausse de 42 %, ce qui est à souligner dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques. Malgré cette progression, le programme souffre d’une sous-budgétisation chronique, et le recours aux décrets d’avance ou à l’ouverture de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative a été systématique ces dernières années.
Même si un important effort de sincérité budgétaire a été engagé depuis l’an dernier, l’exécution du programme en 2018 devrait dépasser les 2 milliards d’euros et excéder de 8 % l’enveloppe de crédits ouverte en loi de finances initiale. Soulignons cependant que l’écart entre les crédits votés et les crédits exécutés se réduit par rapport aux années précédentes.
Pour 2019, les crédits demandés s’élèvent à 1, 88 milliard d’euros en crédits de paiement. Supérieurs à ceux consommés en 2017, ils restent inférieurs à la prévision d’exécution pour 2018, au risque d’une nouvelle sous-budgétisation en 2019.
Le budget du programme s’inscrit dans le cadre du plan Logement d’abord et de la stratégie de lutte contre la pauvreté annoncée en septembre dernier, dont les orientations sont approuvées par la commission des affaires sociales. Elles visent à développer les modes de logement adapté et les structures d’hébergement des familles, ainsi qu’à renforcer les dispositifs de veille sociale. Les crédits sont certes en augmentation pour mettre en œuvre ces orientations, mais ils n’apparaissent pas suffisants pour atteindre les objectifs fixés.
Concernant le logement adapté, l’objectif de doubler le nombre de places en cinq ans dans l’intermédiation locative et en pensions de familles sera difficile à atteindre avec seulement 8, 4 millions d’euros supplémentaires alloués à ces deux dispositifs en 2019.
Ce sont surtout les moyens dédiés à l’accompagnement social qui ne semblent pas suffisants. Sur ce point, les mesures annoncées par le Gouvernement vont dans le bon sens : renforcement des maraudes, accompagnement pour la sortie de l’hébergement à l’hôtel, création de référents de parcours pour un meilleur suivi de la personne. Sauf que les financements de ces dispositifs ne sont pas bien identifiés, voire pas encore prévus !
Le plan de limitation des nuitées d’hôtel a certes permis de contenir leur progression, mais ce mode d’hébergement continue de croître. Le plus préoccupant est que l’hôtel perd progressivement sa vocation d’hébergement temporaire pour accueillir des personnes pendant plusieurs années. En outre, certaines grandes agglomérations voient dorénavant leur capacité hôtelière saturée. Un accompagnement social renforcé doit permettre d’assurer une meilleure rotation des publics accueillis afin de répondre aux situations de détresse.
À cet égard, le plan d’économies de 57 millions d’euros imposé aux centres d’hébergement et de réinsertion sociale sur trois ans fragilise l’accompagnement social qu’apportent ces structures. Si l’objectif du plan Logement d’abord vise à trouver une solution de logement sans passer systématiquement par des structures temporaires, il ne peut être atteint à court terme en affaiblissant les centres d’hébergement et de réinsertion sociale.
Malgré les insuffisances dont je viens de vous faire part, la commission des affaires sociales a tenu à saluer l’effort de sincérité budgétaire et les orientations prises en faveur de l’hébergement et de l’accès au logement. C’est pourquoi elle a donné un avis favorable sur l’adoption du programme 177.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Valérie Létard et M. Hervé Maurey applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a rendu un avis défavorable sur l’adoption des crédits des programmes 162 et 112 de la mission « Cohésion des territoires » et des crédits du compte d’affectation spéciale consacré au financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale. Plusieurs raisons justifient ce choix.
En premier lieu, la commission considère que la trajectoire de ces crédits n’est pas compatible, en l’état, avec le projet de création de l’agence nationale de la cohésion des territoires. Monsieur le ministre, vous nous préciserez sans doute que les conséquences budgétaires de la création de cette agence, qui a été initiée par le vote de deux propositions de loi, l’une ordinaire, l’autre organique, au Sénat le 8 novembre dernier, seront tirées dans le projet de loi de finances pour 2020, mais je souhaitais rappeler ce point.
En deuxième lieu, s’agissant du programme 112, la commission a déploré l’érosion continue de la prime d’aménagement du territoire. Le montant de ce dispositif est certes modeste, mais il joue un rôle d’entraînement important dans les territoires et permet de renforcer leur l’attractivité. Aussi, je salue l’initiative du rapporteur spécial Bernard Delcros, qui proposera tout à l’heure un amendement à l’article 39 visant à augmenter de 5 millions d’euros les autorisations d’engagement au profit de la PAT, afin de stabiliser les moyens engagés à hauteur de 15 millions d’euros, comme en 2018.
Au-delà de ces observations, j’ai deux interrogations.
La première concerne le plan chlordécone, porté par l’action n° 08 du programme 162, « Interventions territoriales de l’État ». Le Président de la République était aux Antilles en septembre dernier, et il a eu des mots que je qualifierais de courageux et qui l’honorent, mais qui l’obligent également : après avoir expliqué que l’État prendrait « sa part de responsabilité » dans ce scandale environnemental et sanitaire, le Président de la République a annoncé une augmentation des moyens consacrés à ce plan à hauteur de 3 millions d’euros sur deux ans. Pouvez-vous nous préciser comment ces moyens seront apportés en 2019 ainsi qu’en 2020 ? C’est un sujet très grave.
La seconde interrogation concerne le FACÉ, le Fonds d’amortissement des charges d’électrification. Le Sénat propose depuis plusieurs années une évolution de son dimensionnement et de sa gestion pour l’adapter aux enjeux de la transition énergétique, car les communes rurales ont besoin de soutien en matière environnementale. Je souhaiterais que le ministère de la transition écologique précise ses intentions sur ce sujet.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Yves Roux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, en ces temps où l’on parle beaucoup trop de divisions dans notre société, je tiens à rappeler combien je suis heureux d’être parmi vous et d’intervenir dans ce débat sur la cohésion des territoires, avec des élus issus de toute la diversité des territoires et des structures administratives de notre pays.
Ce budget examiné dans le cadre de notre institution sénatoriale constitue une occasion toute particulière, puisqu’il allie territoires ruraux, territoires citadins et outre-mer dans les mêmes préoccupations. Il ne s’agit en rien d’opposer des France entre elles, mais il faut permettre à chacune de suivre sa propre trajectoire de développement, sous le socle de valeurs et de lois communes, dans le respect des identités et des possibilités de chacun, au sein de la République une et indivisible.
Dans ce budget, le groupe du RDSE a souhaité donner plus de visibilité et d’efficacité à des axes qui nous tiennent à cœur : la réhabilitation des centres-villes, la création de l’agence nationale de la cohésion des territoires. Nous avons ainsi déposé plusieurs amendements visant à renforcer le plan « Action cœur de ville » et à l’adapter au mieux à la réalité des situations.
Nous proposons de favoriser l’investissement dans les centres-villes, plus particulièrement pour les logements de taille moyenne, d’augmenter des dispositifs de réduction fiscale afin de répondre au montant réel du coût des travaux de réhabilitation de l’ancien et d’inclure la transformation de locaux en logements dans ces mêmes centres-villes.
Concernant la création prochaine de l’agence nationale de la cohésion des territoires, je suppose que vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous sommes inquiets sur le montant des crédits alloués au programme 112. Celui-ci, en diminution continue, n’est pas compatible avec l’ambition de la création de l’agence que le Gouvernement a soutenue et appuyée. Nous rappelons, de plus, que l’agence doit pouvoir, dès sa création, être aussi pleinement efficiente pour les territoires ruraux et périurbains, alors que l’intégration des programmes 112 et 147 fait craindre le contraire. Nous insistons à ce titre sur le risque de dissolution de crédits spécifiques à la ruralité dans le contrat de cohésion territoriale.
Nous pensons, enfin, qu’il n’est pas opportun de diminuer des postes du CGET au moment même de la création de l’agence nationale. Cette agence n’est pas qu’un outil facilitant la gestion administrative, mais est une agence de service public, avec des moyens humains dédiés.
Monsieur le ministre, la dématérialisation ne peut se faire partout, uniformément, de la même manière. Nombre de nos concitoyens et nombre d’élus sont confrontés à un changement d’échelle de responsabilité, mais aussi à un changement trop radical de culture administrative qui altère la perception du service public, il faut le dire. Nous devons veiller à ce que le rythme de réforme soit adapté et ne laisse personne sur le bord du chemin.
Je terminerai mon propos par une remarque qui dépasse les frontières de ces budgets. La cohésion des territoires, c’est la liberté pour tout citoyen français de s’installer où il veut, quand il veut et d’y trouver les mêmes droits, les mêmes services qui fondent l’égalité républicaine. Ce budget permet d’adopter des mesures qui seront visibles à moyen ou à court terme. Cependant, sans couverture mobile partout, sans couverture numérique minimale, ces investissements seront un tonneau des Danaïdes que la solidarité nationale n’aura pas fini de remplir !
Mes chers collègues, le mobile, le numérique partout, c’est la garantie que les mesures que nous votons pourront vraiment changer la vie quotidienne de nos territoires. Vous me permettrez d’être concret : un artisan en zone hyper rurale sans haut débit ne peut accéder aux appels d’offres pourtant baissés à 25 000 euros. Où est l’égalité républicaine ?
Quand un collège en bas débit ne peut organiser décemment des examens pour ses élèves et charge un conseil départemental de trouver un bus scolaire pour amener ces enfants dans un collège disposant du débit suffisant, où est l’égalité républicaine et où est l’autonomie des collectivités territoriales ?
Quand une mairie charge un employé d’aller chercher en catastrophe dans une sous-préfecture la liste d’émargement nécessaire à des élections faute de haut débit, où est l’égalité républicaine, où est l’autonomie des collectivités territoriales ?
Monsieur le ministre, l’équipement mobile et numérique peut être accéléré dès maintenant. Nous devons disposer des arrêtés permettant l’intervention des opérateurs dans les plus brefs délais. Nous devons et pouvons utiliser dès maintenant les pylônes TDF pour les rendre opérationnels. La cohésion des territoires peut aussi s’écrire dans le court terme. Les zones oubliées, blanches ou grises, constituent des leviers de croissance et de développement sous-estimés.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je commencerai par une citation : « Le vrai combat de la France, le beau combat de la France, c’est celui de l’unité, c’est celui de la cohésion. Oui, nos valeurs ont un sens ! Oui, la France est riche de sa diversité ! » C’est ainsi que Jacques Chirac exprimait cette nécessité d’assurer la cohésion de nos territoires, de réduire les disparités sociales et territoriales tout en préservant les spécificités et les richesses de la France.
La mission « Cohésion des territoires » est importante, du fait de la transversalité des sujets évoqués et des actions menées dans les six programmes concernés. Elle doit contribuer à mettre en place un aménagement équilibré, garant de la cohésion, de la performance et de la solidarité territoriale. Nous devons donc investir dans un projet de cohésion de nos territoires fort, avec des outils performants au service de nos collectivités.
En ce sens, nous pouvons saluer la hausse de près de 20 % du budget consacré à la politique de la ville du programme 147, politique importante pour réduire les inégalités entre les quartiers populaires et les autres territoires. Ces crédits supplémentaires devront être fléchés de façon pertinente, en lien avec les priorités des collectivités locales.
Sur ce programme, le retard du démarrage du nouveau programme national de renouvellement urbain est regrettable. Nous espérons que sa mise en œuvre avec toutes les parties concernées sera accélérée et que le doublement de son budget au profit de l’ANRU se traduira par des réalisations concrètes dans nos territoires.
Nous saluons la rationalisation du calcul des aides personnalisées au logement du programme 109, qui se fera sur la base de la situation actuelle des revenus déclarés, et non plus à n-2. Cela semble plus juste et plus simple.
Dans le programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », on ne peut que regretter l’absence de financement dédié aux contrats de ruralité et leur retrait du programme. Nous serons extrêmement vigilants à la prise en compte des enjeux ruraux dans le cadre de la mise en œuvre du contrat de cohésion territoriale porté par la future agence nationale de la cohésion des territoires. Il faut absolument éviter une dissolution des moyens mis en place pour nos territoires ruraux. Nous devons veiller à ce que la contractualisation avec les territoires conduise bien à soutenir les projets prioritaires des collectivités territoriales, que ce soit au travers des contrats de plan État-régions 2015-2020, des dotations de soutien à l’investissement public local ou des dotations d’équipement des territoires ruraux.
Alors que l’accès au numérique et les maisons de services au public sont deux dossiers prioritaires pour réduire les fractures territoriales, notamment dans nos communes rurales, le programme « Action cœur de ville » doit permettre de redynamiser les centres-villes et de renforcer leur attractivité.
Par ailleurs, nous sommes inquiets de la baisse de la prime d’aménagement du territoire. Nous avons déposé un amendement visant à revenir à la situation de 2018, avec une stabilisation de la dotation à 14, 5 millions d’euros en autorisations d’engagement. Il s’agit de réfléchir à une refonte en profondeur du dispositif.
Il convient, plus largement, de s’interroger sur la compatibilité de l’amenuisement des crédits du programme 112 avec la création prochaine de l’agence nationale de la cohésion des territoires.
Sur le programme 135, « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat », le budget priorise la rénovation des logements, avec un budget de 110 millions d’euros pour l’Agence nationale de l’habitat et une hausse de 40 millions d’euros de la taxe sur les logements vacants qui lui est affectée. Il nous semble important de soutenir cette agence pour maintenir la qualité et l’ambition du programme « Habiter mieux », reconnues par la Cour des comptes, en lui fournissant les moyens nécessaires à son action.
Nous saluons la reconduction pour quatre ans des dispositifs Pinel et du prêt à taux zéro afin de donner une meilleure visibilité aux acteurs concernés.
Par ailleurs, nous regrettons que la contribution de l’État au budget du Fonds national des aides à la pierre soit supprimée. C’est un programme important pour la construction de logements sociaux pour lequel les besoins des collectivités locales doivent être mieux pris en compte par les bailleurs sociaux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra donc sur les crédits de cette mission.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la mission « Cohésion des territoires » traduit la volonté de transformer l’action publique, en l’occurrence la politique du logement.
Présenter un budget en diminution pour 2019 – s’agissant pour l’essentiel d’une moindre dépense d’aides au logement – n’est pas un manque d’ambition ou un désengagement des pouvoirs publics. Au contraire, c’est le choix de l’efficacité dans un secteur qui est tout à la fois une préoccupation majeure de nos concitoyens, un secteur clé de notre économie et, reconnaissons-le, un synonyme d’échec. Un échec coûteux, financièrement, puisque 40 milliards d’euros sont engagés chaque année sur le logement. Mais c’est surtout un échec sur le plan social, puisque la Fondation Abbé-Pierre estime à près de 4 millions le nombre de nos concitoyens en situation de grande précarité en matière de logement.
En un mot, en matière de politique du logement, il n’y a pas toujours eu de corrélation nette entre crédits budgétaires et crédibilité politique. En France, on pratique souvent la critique des réformes en oubliant parfois le diagnostic de départ, comme si auparavant tout allait bien.
Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit de mettre en œuvre la réforme du calcul des allocations logement. C’est un sujet qui a été maintes fois évoqué, mais, monsieur le ministre, vous transformez l’essai. Le calcul contemporain des ressources des APL, c’est tout à la fois une mesure de justice et d’économie, puisque 900 millions d’euros sont attendus de cette réforme. Dès l’an prochain, l’éligibilité d’un demandeur aux APL sera calculée non plus en fonction de ses ressources n-2, mais sur la base des douze derniers mois, grâce à une base de données alimentée par le prélèvement à la source.
J’ai entendu les réserves émises par le rapporteur spécial Philippe Dallier quant à la faisabilité de cette réforme et sur le montant des économies dégagées par sa mise en œuvre. Cette réforme demandera de l’agilité, car les APL seront recalculées chaque trimestre, et de la fluidité puisque les échanges de données entre la CNAF et les services de la DGFiP seront essentiels pour déterminer les ressources des ayants droit. Elle demandera aussi de la publicité à travers une communication claire pour les bénéficiaires comme pour les bailleurs.
Dans un contexte de rareté de l’argent public, il me semble essentiel d’allouer les APL à celles et ceux qui en ont le plus besoin. Le nouveau mode de calcul permettra également de réduire le niveau de non-recours, car il est choquant que des personnes ne fassent pas valoir leurs droits.
L’examen de cette mission intervient quelques jours après la promulgation de la loi ÉLAN. Je ne reviendrai pas sur les deux cent quatorze articles du texte. Néanmoins, j’en rappellerai quelques avancées significatives.
L’émancipation des jeunes passe par le logement. Leur désir d’autonomie est parfois contrarié par le prix élevé du logement. Une étude de 2016 estime, par exemple, que sept jeunes de dix-huit à trente ans sur dix déclarent avoir déjà éprouvé une difficulté à se loger.
Le bail mobilité est un nouveau type de contrat, d’une durée de un à dix mois. Il concerne les logements meublés et s’adresse en priorité aux étudiants, aux personnes en formation, en mutation ou en mission temporaire dans le cadre de leur activité professionnelle. Il sera sans dépôt de garantie, mais il sera sécurisé par la garantie gratuite Visale. Celle-ci est un dispositif simple et dématérialisé, qui couvre jusqu’à trois ans d’impayés. Le public cible est large : jeunes de moins de trente ans, salariés de plus de trente ans sans CDI confirmé et les ménages en intermédiation locative.
Dans le parc social, 80 000 logements seront construits à destination des jeunes d’ici à 2022, 60 000 logements étudiants et 20 000 logements pour les jeunes actifs.
J’appelle de mes vœux des actions de communication offensives pour bien faire connaître ces nouveaux dispositifs.
L’élu parisien que je suis ne peut qu’être sensible à l’encadrement des locations touristiques. En effet, les contrôles et les sanctions, en matière de location courte durée, seront renforcés à l’encontre des loueurs et des plateformes qui ne respectent pas la loi.
La location de la résidence principale est limitée à 120 nuitées par an, mais celle des résidences secondaires dépend des territoires. La question reste devant nous pour la capitale, toute la capitale, pas uniquement les arrondissements du centre. Il est important de prévoir des garde-fous, tout en gardant à l’esprit que c’est un moyen pour des ménages de « mettre du beurre dans les épinards ».
En tout cas, les sanctions pourront aller jusqu’à 10 000 euros par logement pour les propriétaires et à 50 000 euros pour les plateformes. Il est important d’avoir accru ces sanctions, car la mesure était attendue dans les villes.
La loi ÉLAN permet également d’apporter des réponses concrètes à des déséquilibres territoriaux. C’est, par exemple, la transformation des bureaux en logements. En Île-de-France, les professionnels estiment que près de 700 000 mètres carrés de bureaux sont obsolètes et durablement vacants. Le bénéfice est clair : c’est un gisement potentiel de 10 000 à 20 000 logements pour la région.
C’est aussi surtout le plan « Action cœur de ville », qui prévoit de redonner de l’attractivité à 222 villes moyennes en matière d’habitat, de commerce, de transports. Cette préoccupation se retrouve d’ailleurs dans l’article 74 bis instaurant une réduction d’impôt pour l’investissement dans les logements locatifs intermédiaires réhabilités en centres-villes. Cela permet de sortir des guerres picrocholines du zonage de la politique du logement, qui, objectivement, manque de lisibilité et d’efficacité. Cela permet également de mettre de la cohérence entre le dispositif « Action cœur de ville » et ce dispositif.
L’engagement du Gouvernement en faveur de l’hébergement est total. Monsieur le ministre, je tiens à vous redire publiquement le soutien du groupe La République En Marche sur le plan Hiver déployé depuis le 1er novembre dernier pour mettre à l’abri les personnes dans cette période critique. Je rappelle que 6 millions d’euros sont fléchés pour le soutien des maraudes, essentielles pour identifier les situations de fragilité. Par ailleurs, 105 000 personnes sont hébergées chaque soir en Île-de-France. L’objectif de l’État est de trouver 7 000 places cette année en Île-de-France, dont 3 700 à Paris.
Enfin, je ne peux conclure mon propos sans dire un mot de l’habitat indigne et dégradé, qui a été mis en évidence par le drame de Marseille. C’est le sens de l’initiative « copropriétés », qui mobilisera 3 milliards d’euros sur dix ans pour transformer celles qui sont les plus dégradées. C’est surtout l’accélération de la rénovation urbaine : le budget de l’ANRU est doublé de 5 milliards à 10 milliards d’euros, le taux de subvention pour la démolition des copropriétés très dégradées passe de 50 % à 80 % et l’accompagnement des élus est renforcé pour simplifier la conduite des projets.
J’ai entendu aujourd’hui beaucoup de critiques dans les interventions. Parfois, la force des propositions n’est pas en rapport avec vigueur de ces critiques. Je pense, notamment, aux nombreux amendements budgétaires qui tendent à réallouer des ressources entre tel ou tel programme. En ce qui nous concerne, nous voterons les crédits de cette mission.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de cette mission sont très vastes, puisqu’ils recouvrent les crédits de deux anciens programmes : la politique des territoires et le logement. Je ne pourrai donc pas, dans le temps qui m’est imparti, être exhaustif ; il y aurait pourtant beaucoup à dire.
Quelques mots tout de même sur le lien entre les élus et l’État, marqué par la défiance et le mépris. En témoigne l’absence du Président de la République au Congrès des maires qui s’est tenu la semaine dernière. En témoigne également la poursuite des politiques marquées du sceau de l’austérité, qui renforcent les inégalités territoriales.
L’État organise aujourd’hui sa propre faillite en se privant de compétences avec la baisse généralisée des moyens, humains et financiers, au sein de ses services, agences et opérateurs. Conjuguée à la baisse continue des dotations aux collectivités, les conséquences concrètes en matière de service public seront dramatiques. Je pense ici particulièrement aux habitants des territoires ruraux, des outre-mer, mais également des banlieues, qui attendaient beaucoup du plan Borloo, jeté aux oubliettes dès sa parution.
Les politiques publiques ne font office que de rustines inefficaces, alors que les maux sont très lourds : concentration du chômage, des difficultés scolaires et de logement, difficulté de mobilité, d’accès aux loisirs et à la culture, autant de chantiers que vous ne voulez pas affronter, préférant faire des cadeaux à la finance. C’est un choix politique que nous ne partageons pas, considérant que concurrence et libéralisme ne font pas bon ménage avec aménagement du territoire et maintien des services publics.
En matière de droit au logement, l’année qui vient de s’écouler a été particulièrement difficile, marquée par l’accroissement des expulsions locatives, par des morts dans la rue faute de place dans les structures, par la baisse des APL, par les scandales de l’insalubrité, qui ont conduit à l’effondrement d’immeubles, comme récemment à Marseille, et, enfin, par l’adoption de la loi ÉLAN, un pas supplémentaire vers la financiarisation et la privatisation du logement social, confirmant ainsi le désengagement de l’État.
La Seine-Saint-Denis est particulièrement touchée par l’insalubrité, vous le savez, monsieur le ministre. À Aubervilliers, où vous avez effectué une visite avec sa maire, Mériem Derkaoui, 74 immeubles sont sous le coup d’un arrêté de péril, et 31 d’entre eux sous celui d’une interdiction d’habiter les lieux.
Une année noire que ce budget, encore en recul, vient conforter, confirmant, j’y insiste, le désengagement de l’État, qui, pour la première fois, ne s’engage plus dans les aides à la pierre : zéro euro pour la construction ! Déjà, depuis l’an dernier, il n’apportait plus son aide aux maires bâtisseurs. Une décision symbolique, alors même que la loi SRU a été largement remise en cause par la loi ÉLAN.
À l’inverse, les dispositifs de soutien à l’investissement locatif entraînent une dépense fiscale toujours plus importante, de l’ordre de 1, 3 milliard d’euros sur les 13 milliards de dépense fiscale générale liée à ce programme. Nous considérons, pour notre part, qu’il convient, au regard de l’ampleur des sommes en jeu, d’opérer une véritable analyse sur l’efficacité de cette dépense, laquelle serait bien plus utile pour soutenir directement la production sociale et l’effort de rénovation du parc public comme du parc privé.
Disons-le, mes chers collègues, l’insalubrité et les marchands de sommeil sont le revers d’un marché saturé par la demande, où le logement est à la fois rare et cher.
Avec la loi ÉLAN, les conséquences sur la construction seront dramatiques. Ainsi, selon une étude de la Caisse des dépôts et consignations, les baisses de crédits et les changements de modèle vont conduire à pénaliser la construction, alors que l’on recense plus de 2 millions de demandeurs de logement. À court terme, le secteur se maintiendrait grâce à sa solidité et à la vente des logements sociaux, mais, à long terme, ce serait la catastrophe. Dès 2020, la production passerait sous la barre des 100 000 logements construits, puis se situerait à une moyenne de 63 000 entre 2027 et 2055. Seulement 63 000, alors que ce sont 200 000 logements sociaux qu’il faudrait construire par an pour répondre à la demande sociale ! Il s’agit là d’un renoncement de l’État, lequel doit pourtant garantir le droit constitutionnel d’accès au logement pour toutes et tous dans des conditions abordables.
La soutenabilité même du système nous inquiète, alors que nous savons tous que le secteur HLM sera incapable de faire face à la deuxième étape de la mise en place de la réduction de loyer de solidarité, prévue pour 2020.
Vous demandez un effort impossible, qui va conduire à stopper la construction et à brader aux investisseurs privés le parc existant. Cette politique à courte vue se double d’une politique antisociale au regard de la baisse continue des APL.
Cette année a été marquée par la baisse des APL de 5 euros, par la mise en place de la RLS, qui a transféré la charge de ces aides aux bailleurs pour 873 millions d’euros, par la suppression des APL accession pour 70 millions d’euros et le gel des prestations pour 126 millions d’euros. Et pourtant, ce n’est pas encore assez ! Au travers de ce projet de loi de finances, vous prévoyez une économie supplémentaire avec la contemporanéité des allocations pour 900 millions d’euros, ainsi qu’avec les 102 millions d’euros liés à la sous-indexation de la valorisation des APL, soit une économie cumulée de plus de 2 milliards d’euros sur le dos des plus fragiles, pour aider les multipropriétaires à acquérir de nouveaux biens via les dispositifs d’aide à l’investissement locatif. Comme toujours avec ce gouvernement, c’est sur le dos des plus fragiles, de ceux qui ont du mal à boucler les fins de mois, que cette économie va se faire !
Vous l’aurez compris, nous ne voterons pas ces crédits, très faibles, qui témoignent d’une volonté de casser un modèle social – unique en Europe, voire dans le monde – pourtant performant, de s’affranchir de toute idée de solidarité nationale, alors que même la Commission européenne appelle les États membres à réinvestir dans ce secteur.
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Hervé Maurey applaudit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de commencer par saluer l’excellent travail réalisé par l’ensemble des rapporteurs, qui permet d’éclairer nos débats.
Nous devons discuter cet après-midi d’un budget héritier des choix récents en matière de stratégie de logement, qui se situe dans la continuité assez logique de notre dernier débat budgétaire.
Les crédits de la mission « Cohésion des territoires » sont de nouveau en baisse, une diminution liée à la poursuite des mesures de réduction des aides personnalisées au logement et de refonte de leur mode de calcul. Les APL comptent pour 82 % de ce budget. En effet, les crédits du programme 109, « Aide à l’accès au logement », sont en nette diminution entre 2018 et 2019, passant de 14, 26 milliards à 13, 11 milliards d’euros, soit une baisse de 8 %.
Outre que ce budget nous laisse un sentiment de déjà-vu, il nous confirme que les APL restent une variable d’ajustement budgétaire, avec cette baisse de 1, 2 milliard d’euros qui est la conséquence de plusieurs décisions.
Il s’agit, tout d’abord, de la non-indexation de l’APL sur l’inflation, pour une économie de 102 millions d’euros, remplacée par une revalorisation de 0, 3 %, qui risque de créer un effet ciseaux regrettable, couplé avec le prélèvement à la source.
Vient, ensuite, la réforme du mode de calcul de l’APL, pour 910 millions d’euros d’économies. À ce titre, permettez-moi de m’interroger doublement.
Je ne comprends pas que l’on ait préalablement fait le choix de la baisse des APL avant d’en modifier le mode de calcul. Par ailleurs, concernant le calcul sur la base des revenus actuels de l’allocataire – la contemporanéisation –, les difficultés qui s’annoncent vous ont fait finalement prévoir une entrée en vigueur au premier semestre de 2019, après le printemps, mais on entend maintenant parler de juillet ; nous en sommes tous très inquiets. En effet, les caisses d’allocations familiales ont été réformées il y a désormais un certain temps : les départements les plus denses, où l’on compte le plus de bénéficiaires de l’APL, ont été regroupés en une seule CAF où se prennent toutes les décisions. Vous avez beau avoir des annexes et des antennes, la mise en œuvre sera difficile, et il faudra être très vigilant ; à défaut, nous pourrions avoir des déconvenues.
Enfin, la mise en œuvre de la RLS, concomitamment avec la baisse des APL, tend à produire les effets que nous craignions et sur lesquels nous vous avions longuement alerté l’an passé.
Vous avez demandé un effort important aux bailleurs sociaux – 800 millions d’euros en 2018 –, avec l’idée d’une trajectoire identique en 2019. Entrée en vigueur au 1er février 2018, cette économie a donc été réalisée en onze mois. Si, aujourd’hui, les paramètres ne sont pas modifiés, la RLS représentera pour l’année 2019 un coût de 873 millions d’euros pour les bailleurs sociaux, soit 73 millions de plus que ce qui était prévu dans la trajectoire initiale. Aussi, les membres du groupe Union Centriste, ainsi que des collègues siégeant sur d’autres travées, souhaitaient vous proposer un amendement prévoyant que les paramètres de la RLS soient définis différemment, c’est-à-dire selon la trajectoire financière prévue au départ et conformément à l’engagement du Gouvernement. Or cet amendement a malheureusement été déclaré irrecevable. Monsieur le ministre, comment comptez-vous éviter ces effets de bords et faire en sorte que les bailleurs sociaux ne soient pas sollicités au-delà de ce qui était nécessaire ?
Le rendement de la TVA sur les constructions de logements sociaux s’annonce par ailleurs supérieur à ce qui était envisagé et pourrait atteindre 850 millions d’euros en 2019. Sur ce sujet, nous suivrons la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, qui propose d’ajouter au rapport, prévu à l’article 74 quinquies, une étude fine des impacts de l’augmentation de la TVA, comme l’a rappelé Philippe Dallier.
Il ne me semble pas que nous puissions faire l’économie d’un mot sur la situation des bailleurs, qui, avec la mise en place de la réforme, couplée à la restructuration du secteur prévue dans la loi ÉLAN, sont exsangues. Une perte d’autofinancement net de 21 % est constatée sur l’année 2018. Le nombre d’organismes en situation de fragilité passerait de 127 à 309, soit une augmentation de 143 %, selon l’analyse de la rapporteur pour avis Dominique Estrosi Sassone.
J’ai interrogé les métropoles de ma région pour voir l’effet sur ces territoires du mécanisme de la RLS, et considérant que le dispositif devrait y poser peu de difficultés.
En 2018, sur un objectif de production de 2 000 logements sociaux dans la métropole de Lille, on constate une réduction des constructions de 600 logements, alors même que le fait d’être dans une métropole devrait faciliter le dispositif. Quand bien même les bailleurs sociaux ont les moyens de trouver des financements, ils ont besoin d’avoir des fonds propres.
Le secteur du logement social connaît de grandes difficultés, avec probablement moins de 100 000 logements financés, contre 126 000 en 2016 et 113 000 en 2017.
Les chiffres concernant le nombre d’organismes en grande difficulté ou en autofinancement négatif sont de plus en plus inquiétants. En l’état actuel, et avec les mêmes conditions de financement, les ESH ne sont pas exemptées de ces problèmes, puisque leur taux d’autofinancement courant devrait être pratiquement divisé par trois en trois ans et pourrait devenir négatif à partir de 2025. Ce sont 28 nouvelles ESH qui passeraient dans le rouge dès 2018.
Pour ce qui concerne la vente de patrimoine – sujet sur lequel j’alerte régulièrement –, je me permets de vous encourager, monsieur le ministre, si vous ne voulez pas aggraver le coût de l’accompagnement des copropriétés dégradées, à travailler avec les collectivités et à entamer des programmes de gouvernance partagée avec les territoires, afin d’élaborer des plans de patrimoine. Ne travaillez pas avec les bailleurs seuls, avant de convier les territoires ; travaillons ensemble ! Nous espérons que la clause de revoyure que vous annoncez sera l’occasion de réaliser un certain nombre d’ajustements.
Il ne me semble pas que toutes les conditions soient réunies pour que le choc de l’offre attendu ait lieu. Je crains même, et nous sommes nombreux sur ces travées à vous avoir alerté sur ce point, que l’effet inverse ne se produise.
De mois en mois, la construction de logement diminue. Les mises en chantier de logements neufs ont ainsi reculé de 7, 9 % au troisième trimestre. Il est à craindre que moins de 400 000 logements soient construits en 2019, et nous constaterons sans doute une perte de 40 000 logements en raison des restrictions du prêt à taux zéro, du dispositif Pinel, de l’APL accession et de la baisse des commandes HLM. La dégradation du secteur du logement impactera fortement nos territoires, avec des écarts qui se creuseront de plus en plus entre zones tendues et non tendues. Vous nous éclairerez sans doute sur la question de la déterritorialisation, du zonage ou du non-zonage, en nous faisant part de votre vision des choses.
Nous suivrons Philippe Dallier dans son souhait de rétablir l’APL accession, et nous vous proposerons au cours du débat des amendements de rééquilibrage du dispositif Pinel, afin qu’il soit adapté aux réalités des territoires en laissant les acteurs locaux responsables du zonage. Nous devons réfléchir collectivement à des dispositifs pour qu’aucun territoire ne soit laissé en marge.
Au-delà de la situation du logement, et s’agissant des autres programmes de la mission, nous observons quelques notes positives, non dénuées malgré tout d’interrogations.
Concernant le programme « Hébergement d’urgence », nous nous félicitons de la hausse de 43 millions d’euros des crédits de paiements, mais nous sommes interrogatifs sur les 60, 2 millions de crédits supplémentaires ouverts par le dernier projet de loi de finances rectificative. Est-ce d’ores et déjà l’annonce que les crédits pour 2019 seront insuffisants ? Il faudra veiller à être au rendez-vous…
S’agissant du programme 147, « Politique de la ville », j’ai peu d’éléments à ajouter à la présentation d’Annie Guillemot, avec laquelle je suis en phase. Le plan Borloo a défini des lignes directrices. Nous espérons, monsieur le ministre, que vous saurez vous en inspirer. C’est essentiel !
Il est vrai que vous avez consacré davantage de moyens à la politique de la ville. Mais il faut prendre garde à un point, que Mme Guillemot a rappelé : lorsque l’on annonce des financements supplémentaires sur des lignes non consommées, parce que les taux d’intervention sont tellement faibles, il arrive que les associations ou les collectivités ne viennent pas chercher ces crédits. Lorsque l’on consacre des moyens supplémentaires, il convient de redéfinir des taux favorisant une consommation des crédits.
Pour ce qui concerne le budget de l’ANAH, je remercie Philippe Dallier de nous avoir donné l’occasion de soutenir, au travers de l’amendement qu’il a déposé, la nécessité de maintenir les crédits et les quotas carbone qui lui sont affectés, afin que nous puissions rattraper notre retard et redoubler d’énergie. Certes, en dépit du rebasage des quotas carbone, les 420 millions d’euros de crédits suffiront pour l’année prochaine. Mais je crains qu’à la fin de l’année 2019, lorsque vous aurez débasé, le bond qu’il faudra faire pour le budget pour 2020 ne soit très important. Voilà encore un point auquel il faudra être attentif.
Vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste votera contre les crédits de cette mission, même si nous constatons que des efforts ont été faits sur les deux missions que j’ai évoquées. Mais, sur le logement, le compte n’y est pas. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre !
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Sophie Primas applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Cohésion des territoires » couvre l’ensemble des actions mises en œuvre en faveur du développement et de l’aménagement du territoire, du renouvellement urbain, de la solidarité entre les territoires, du logement, de l’hébergement et de l’habitat durable. Pour l’ensemble de cette mission, 16, 1 milliards d’euros sont inscrits en autorisations d’engagement et 16 milliards d’euros en crédits de paiement. Comme l’année dernière, le budget de la mission « Cohésion des territoires » est en baisse : 5, 8 % pour les autorisations d’engagement et 6, 9 % pour les crédits de paiement.
Avec une diminution de plus de 1 milliard d’euros, le budget du ministère est mis une nouvelle fois à contribution, dans le cadre de la réduction des dépenses publiques. Tous les postes sont touchés, à l’exception de la politique de la ville. Dans le budget pour 2018, le programme 147, « Politique de la ville », avait accusé une baisse des crédits de paiement de 16 % en autorisations d’engagement, mais les crédits de paiement étaient demeurés stables.
Si le Gouvernement n’a pas souhaité reprendre l’ensemble des propositions de Jean-Louis Borloo, il a cependant, en juillet dernier, annoncé un plan de mobilisation nationale pour les habitants des quartiers, comprenant des mesures en matière de sécurité, d’éducation, d’emploi, de logement, d’amélioration du cadre de vie et de soutien aux associations. Alors, que prévoit le budget pour 2019 ?
Devant l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, vous l’avez qualifié de « deuxième grand pilier de l’action gouvernementale », de « priorité absolue du Gouvernement ». Effectivement, la politique de la ville semble être la seule rescapée dans un océan de baisses.
Conformément aux engagements pris en juillet dernier, les crédits du programme 147, « Politique de la ville », sont en hausse de 244 millions d’euros, soit une augmentation de 57 % en autorisations d’engagement, et de 84, 4 millions d’euros, soit une hausse de 19, 7 %, en crédits de paiement. Si l’on peut se réjouir de cet engagement accru de l’État dans la politique de réduction des inégalités territoriales, il reste toutefois très ciblé.
Les actions territorialisées concentrent plus de 62 % des crédits du programme, soit 419, 4 millions d’euros à destination des quartiers prioritaires de la politique de la ville, mis en œuvre dans le cadre des contrats de ville ou de dispositifs spécifiques tels que le programme de réussite éducative, ou encore une partie du financement du dédoublement des classes de CP en REP et REP +.
L’effort budgétaire porte sur les actions en matière d’éducation et de lien social. Le projet de loi de finances prévoit notamment la création de 1 000 postes supplémentaires d’adultes-relais, le doublement du nombre de postes de coordinateurs associatifs, ou encore le renforcement de l’encadrement en maternelle dans une soixantaine de grands quartiers, avec une aide aux communes pour la création de postes d’ATSEM. Toutefois, la politique de la ville est construite autour de la contractualisation. Dans un contexte de baisse des dotations, les collectivités auront-elles les moyens de s’y investir ? Nous ne le pensons pas.
S’y ajoute la création d’une nouvelle dotation de 15 millions d’euros pour certaines associations nationales structurantes afin qu’elles soutiennent et mettent en œuvre des actions de proximité. Le Gouvernement souhaite ainsi soutenir l’emploi associatif. Mais il ne faut pas se leurrer, cette aide ne compense pas la réduction drastique des emplois aidés. Ce sont 20 000 associations qui ont disparu.
Quant à l’expérimentation des emplois francs, si les résultats sont loin des objectifs qui étaient affichés, 237 millions d’euros sont pourtant inscrits en autorisations d’engagement et un peu plus de 70 millions d’euros en crédits de paiement.
L’augmentation la plus notable du programme concerne l’action n° 04, Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie, qui porte les crédits consacrés au NPNRU.
Le budget pour 2018 avait acté le retour de l’État dans le financement du renouvellement urbain, aux côtés d’Action logement et des bailleurs sociaux. Le Gouvernement s’était engagé à porter le NPNRU de 6 milliards à 10 milliards d’euros sur la durée du programme, avec une part de financement de l’État de 1 milliard d’euros, soit 200 millions d’euros par an au cours du quinquennat. Pourtant, en 2018, seuls 15 millions d’euros étaient inscrits en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.
Dans le budget pour 2019, l’État augmente sa participation, qui atteint 185 millions d’euros en autorisations d’engagement et 25 millions d’euros en crédits de paiement. En proportion de son engagement global, l’État finance cependant moins que les bailleurs sociaux et Action logement.
L’article 74 du projet de loi de finances acte la participation des bailleurs sociaux au financement du NPNRU, à hauteur de 154 millions d’euros par an pendant toute la durée du programme, soit jusqu’en 2031.
La mise en place du NPNRU a accusé des retards : cinq ans après l’adoption de la loi de programmation, les contrats commencent seulement à être signés… Mais, finalement, ces retards ont permis à l’ANRU de ne pas mettre à mal sa trésorerie. Le groupe Les Républicains est favorable à cet article 74.
S’il faut reconnaître que les dépenses du programme 147 relatif à la politique de la ville concrétisent des engagements présidentiels, ces signaux positifs qui se mesurent en millions d’euros ne sauraient masquer les coups de rabot, qui, eux, se chiffrent en milliards. Pour ces raisons, le groupe les Républicains ne votera pas les crédits de la mission.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Commission européenne vient d’appeler les pays européens à investir massivement dans le logement social, afin de faire face à la pénurie de logements abordables, présente dans de nombreux pays. La production de logements sociaux a en effet plongé partout en Europe depuis une dizaine d’années, excepté en France, où elle est restée supérieure à 100 000 logements par an. Beaucoup de pays européens ont mené des réformes, comme le retrait de l’investissement public ou la vente du parc social, dont on voit aujourd’hui les effets désastreux, et ils font maintenant marche arrière.
Monsieur le ministre, vous n’allez pas dans le sens de l’Europe, qui invite donc à prendre en compte la crise du logement et à relancer l’investissement public dans « le logement abordable », dont le logement social, le locatif intermédiaire et l’accession à la propriété. Elle estime l’investissement nécessaire à 57 milliards d’euros pendant cinq ans – c’est la première fois que l’Europe préconise un tel chiffre –, afin de « loger les plus modestes pour éviter les coûts sociaux du mal-logement », lesquels sont évalués à 194 milliards d’euros par an à l’échelle européenne, et afin d’assurer la transition énergétique.
Vous n’allez pas dans ce sens, contrairement à l’Allemagne, où Mme Merkel vient de lancer son offensive avec un plan volontariste de 5, 7 milliards d’euros sur quatre ans pour construire 1, 5 million de logements, renforcer les aides et stimuler l’accession à la propriété, et contrairement aussi à Theresa May, qui a lancé un plan de 2, 3 milliards d’euros dédiés aux collectivités locales et bailleurs sociaux afin de construire et de réhabiliter le parc britannique de logements sociaux. Dans la continuité du budget précédent, votre objectif demeure, en effet, de faire des économies sur le logement. Rappelons que, jusqu’en 2017, notre pays faisait figure d’exception : alors que la production de logements sociaux s’effondrait en Europe, la France construisait encore plus de 100 000 logements sociaux par an.
Malheureusement, tous les voyants sont au rouge, avec une production de logements en baisse, comme le prouvent les chutes de 5 % des autorisations de mise en chantier et de 12 % des dépôts de permis de construire, avec les mises en vente qui se contractent fortement, en baisse de 13 %. La diminution des agréments initiée en 2017, en baisse de 9 %, semble se prolonger avec leur baisse de 5 % en 2018.
Avec vos réformes, la France est à contre-courant. L’affaiblissement des ressources des organismes d’HLM, leur restructuration à marche forcée ainsi que la vente contrainte de leur patrimoine vont sérieusement déstabiliser le secteur. La suppression de l’APL accession, qui représente 50 millions d’euros, et le recentrage du prêt à taux zéro sur les zones tendues ont eu des effets quasi immédiats sur la construction : le nombre de permis de construire pour des maisons individuelles a chuté de 14 % par rapport à la même période de 2017. Là où les ménages modestes pouvaient encore accéder à la propriété, les aides ont été supprimées. On est bien loin d’un « élan » du choc de l’offre !
Pour 2019, le budget dédié à la cohésion des territoires se contracte de 1 milliard d’euros, dont 900 millions d’euros du fait de l’application en année pleine de la RSL, qui a rapporté 800 millions d’euros cette année et dont le Gouvernement escompte 870 millions d’euros l’année prochaine. S’ajoute à cela la contemporanéité des APL. Mais il faudra les moyens nécessaires aux CAF, qui sont vraiment terrorisées par cette nouvelle procédure.
Vous poursuivez aussi votre politique d’économies sur les APL, revalorisées à 0, 3 % seulement, d’où 102 millions d’euros d’économies pour le budget. Si les organismes d’HLM semblent avoir intégré la baisse de leurs ressources en 2018, leur capacité à absorber la montée en charge de la RLS prévue en 2020, avec un quasi-doublement de la ponction – 1, 5 milliard d’euros –, suscite de nombreuses inquiétudes. Il faut impérativement reconsidérer cette trajectoire en vue du budget pour 2020, car ce « mur » de 2020 va faire passer en deçà du seuil de 100 000 la production des logements sociaux.
Pour ce qui est de l’aide à la pierre, le désengagement de l’État est assumé. Très clairement, cette politique de retrait total est inacceptable. Elle contrevient avec l’équilibre qui a prévalu à la création du FNAP.
Enfin, comment ne pas déplorer, une fois de plus, votre inaction en matière de hausse du foncier, qui entraîne un renchérissement continu des logements neufs, pèse sur le pouvoir d’achat et augmente les inégalités ?
En outre-mer, par ailleurs, quel sera le devenir de l’aide à l’accession à la propriété, que vous rétablissez temporairement et à budget constant au détriment de l’action Urbanisme ? Et où sont les mesures de prévention des copropriétés dégradées dont parlait Valérie Létard ?
Je terminerai en évoquant le budget dédié à l’hébergement d’urgence, en hausse de 12 %, ce que nous saluons. Cependant, la situation des CHRS nous inquiète, car cette hausse est fléchée sur les places d’urgence et les nuitées hôtelières. Elle ne bénéficiera donc pas aux CHRS, qui assurent l’hébergement d’insertion. Nous craignons aussi la fermeture de certains centres et de postes d’intervenants sociaux, ce que nous ne pouvons accepter, même si vous avez fléché 20 millions d’euros supplémentaires en direction des sorties de familles des hôtels.
Monsieur le ministre, le logement n’est pas une marchandise comme une autre. C’est un toit, c’est un refuge, c’est aussi notre intimité… Financiariser le logement, c’est accentuer la précarité de milliers de nos concitoyens qui, pour certains, n’arrivent plus à faire face. La vente massive de logements ne saurait compenser la baisse de ressources des bailleurs sociaux.
Les questions essentielles aujourd’hui concernent la capacité du secteur du logement social à faire face à l’ensemble des réformes que vous avez décidées, et notamment au « mur » de 2020, et les difficultés toujours croissantes des Français à accéder à un logement « abordable » qui réponde à leurs besoins.
Le groupe socialiste votera contre ce projet de budget pour le logement, sachant que Xavier Iacovelli interviendra, quant à lui, sur le budget de la politique de la ville.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Valérie Létard applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais à mon tour faire quelques remarques sur la politique du logement et les difficultés rencontrées par ce secteur.
La réduction de loyer de solidarité, destinée à compenser la baisse des APL dans le parc social, n’a pas manqué de produire ses effets. Je rappelle que, en imposant des baisses de loyer, le Gouvernement a voulu alors forcer, non sans brusquerie et avec un semblant de concertation, les organismes d’HLM à se restructurer. En contrepartie, le taux du livret A sera gelé à 0, 75 % jusqu’en 2020, la dette des OLS sera allongée, des prêts haut de bilan et des prêts à taux fixes leur seront consentis, pour respectivement 2 milliards et 4 milliards d’euros, des avances de trésorerie leur seront accordées…
Les conséquences, je le disais, n’ont pas mis longtemps à se manifester, sous forme d’abandon ou de contraction de projets de construction de nouveaux logements sociaux et de réhabilitation.
De son côté, l’Union sociale pour l’habitat, lors de son congrès annuel qui s’est tenu en octobre dernier, évoquait une baisse d’au moins 5 % des nouveaux logements prévus cette année.
Pour ce qui concerne les permis de construire et les mises en chantier de logements neufs, les dernières données, celles du troisième trimestre de 2018, sont assez éloquentes. Depuis le début de l’année, la construction de logements neufs se contracte sérieusement : 122 000 permis de construire, soit une baisse de 10, 2 % par rapport à la même période en 2017, et 85 000 mises en chantier, soit une baisse de 7, 9 %.
Je voudrais également dire un mot sur le programme 135, « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat », qui vise à construire et à améliorer l’habitat via le FNAP ou des dispositifs fiscaux, comme le prêt à taux zéro et le dispositif d’investissement locatif intermédiaire, qui a remplacé le dispositif Duflot.
Ce programme devrait répondre à l’enjeu de créer un choc de l’offre dans les zones tendues, tout en assurant un développement équilibré des territoires. Or ce programme prévoit, avec 285 millions d’euros, inscrits en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, une baisse de 7, 4 % des crédits de paiement par rapport à l’année 2018. Je rappelle que ces crédits avaient déjà diminué de 22 % entre 2017 et 2018.
Au titre des dépenses fiscales sur impôts d’État, 13, 7 milliards d’euros sont inscrits. Cela comprend, par exemple, le crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE, le taux réduit de TVA sur les travaux de rénovation, le prêt à taux zéro, les dispositifs Duflot, Pinel et Cosse, ainsi que les aides fiscales pour les organismes d’HLM.
Concernant les aides à la pierre, on assistera en 2019 à un mouvement de désengagement fort, quasi total, de l’État au sein du FNAP. Ces crédits étaient de 205 millions d’euros en 2017, dont 55 % ont été annulés en cours d’année, de 38 millions d’euros en 2018 et de zéro euro en 2019.
Notre rapporteur spécial, dans son rapport d’information consacré à cette question, s’est d’ailleurs inquiété de la situation difficile du FNAP en raison du retrait massif de l’État du financement des aides à la pierre. Pourtant, le FNAP, au sein duquel l’État et des organismes d’HLM gèrent conjointement les fonds publics dédiés au développement et à l’amélioration du parc social, aurait besoin de territorialiser ces crédits en associant véritablement les élus locaux.
C’est d’ailleurs le sens des recommandations qui vous ont été faites par Philippe Dallier, comme de celles qui tendent à fixer des objectifs au niveau local plutôt que national, à fonder davantage l’analyse des besoins sur ceux qui sont exprimés par les collectivités et les bailleurs, à permettre au FNAP de financer des réhabilitations et pas seulement des constructions neuves, particulièrement dans les zones qui ont un parc ancien et dégradé, et enfin à généraliser les délégations des aides à la pierre aux collectivités locales.
Voilà quelques conditions nécessaires qui font défaut dans ces orientations et qui me semblent, à elles seules, justifier le rejet des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avec ce gouvernement, je dois le dire, lorsqu’il s’agit de politique de la ville, nous ne savons pas sur quel pied danser.
L’année 2017 avait été marquée par des discours ambitieux d’émancipation du Président de la République à Clichy-sous-Bois et Tourcoing, qui répondaient à la fronde massive des associations et des maires de toutes tendances traduite dans l’appel de Grigny, mais qui étaient dénués de réelles concrétisations budgétaires.
Pendant le premier semestre de 2018, l’ensemble des élus de la politique de la ville ont été échaudés par le discours du Président de la République du 22 mai dernier à la suite de la présentation, ou plutôt de « l’enterrement élyséen », du rapport Borloo.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous semblez redresser la barre avec une feuille de route un peu plus volontaire et des engagements financiers laissant entendre que vous pouvez parfois écouter l’opposition et ces Français qui souffrent. Ne vous arrêtez pas en si bon chemin, car, plus il y aura d’écoute, moins il y aura de « gilets jaunes » !
La politique d’émancipation en faveur des habitants des quartiers nécessite des moyens.
L’émancipation passe par l’éducation, bien sûr, mais aussi par l’emploi. Dans nos quartiers prioritaires, le taux de chômage, je le rappelle, est de 27 %.
En même temps, vous persévérez diaboliquement sur le chemin de la suppression d’un très grand nombre de contrats aidés. Le dispositif expérimental des emplois francs « nouvelle mouture » est en deçà des objectifs fixés. Au 1er septembre 2018, moins de 2 000 emplois francs auraient été conclus, quand 25 000 sont attendus à la fin de 2019.
Remobiliser les préfets et s’appuyer davantage sur les missions locales est important, mais ce n’est pas suffisant.
Dans ce domaine, nous croyons en « l’efficacité d’échelle ». Pourquoi donc ne pas étendre la liste des territoires éligibles à l’expérimentation au-delà des sept territoires actuels ?
Concernant la rénovation urbaine, des inquiétudes demeurent. Si l’État semble confirmer son engagement pris au courant de l’année, nous nous retrouvons avec un financement du NPNRU de 185 millions d’euros en autorisations d’engagement et de seulement 25 millions d’euros en crédits de paiement.
Nous comprenons l’argument qui consiste à expliquer que les projets de rénovation ne sont pas encore ficelés, mais nous avons perdu dix-huit mois. Ce délai, quand on connaît l’état d’insalubrité de nombreux logements et l’impact direct sur l’état de santé des habitants – l’espérance de vie y est plus faible –, nous ne pouvons collectivement l’accepter.
La création de la nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires, qui affecte directement l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l’EPARECA, le Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, mais également le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le CEREMA, l’ANRU et l’ANAH, peut aussi être un facteur retardateur de la mise en place du NPNRU.
Un des principaux acteurs de la politique de la ville, c’est le territoire, plus particulièrement la commune. Permettez-moi de le souligner, de ce côté-là, le compte n’y est pas.
Arrêtons-nous un instant sur la dotation politique de la ville, la DPV. Vous annoncez l’avoir sanctuarisée à hauteur de 150 millions d’euros en 2019, mais vous élargissez le champ d’attribution de cette dotation. Cela signifie que l’enveloppe globale reste identique, mais que le nombre de villes concernées augmente. Ces villes toucheront donc, en moyenne, moins que l’année précédente.
Examinons maintenant la dotation de solidarité urbaine. Si la péréquation horizontale n’augmente pas, la péréquation verticale augmente moins que toutes les autres années : cela représente 20 millions d’euros en moins par rapport au budget pour 2018.
Chaque année, ces communes les plus pauvres de notre pays perdent des recettes si l’on tient notamment compte des abattements et exonérations de la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Vous le savez, monsieur le ministre, que les communes soient rurales ou urbaines, ces dotations constituent pour elles la seule recette dynamique de leur budget. Cela ne peut plus continuer ainsi !
Il y a urgence sociale dans tous nos quartiers prioritaires, qu’ils soient urbains ou ruraux. Face à l’ampleur des inégalités vécues par ces 5 millions de Françaises et de Français, la réponse républicaine doit être globale : sur l’éducation, sur l’emploi, sur le logement et sur le cadre de vie. Il y va de la survie de notre cohésion nationale.
Car forcément funeste sera le destin d’un pays qui voit sa population partagée en deux nations : la nation des privilégiés, pour qui le champ des possibles est grand ouvert, et celle de ceux pour qui l’égalité des chances n’est qu’une chimère.
Vous comprendrez que notre groupe s’abstiendra sur les crédits de la politique de la ville.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, jamais autant qu’aujourd’hui nous n’avons entendu parler de cohésion des territoires et, convenons-en, c’est plutôt une bonne chose.
Aussi permettez-moi de rendre hommage à l’un de ceux qui ont permis qu’on en parle concrètement, l’élu d’un territoire ô combien symbolique et qui m’est cher de surcroît, qui n’a pas découvert la ruralité entre Bercy et l’Hôtel de Castries et qui n’a pas ménagé sa peine, dans des conditions particulièrement difficiles, pour défendre la cause de ces territoires que nous aimons tant.
Je veux bien sûr parler de notre collègue Jacques Mézard, homme de dialogue, attentif à nos attentes.
Il aura mis en place les bases nécessaires pour que s’exprime vraiment une solidarité entre l’urbain et le rural.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit.
Mettre en œuvre une politique de l’aménagement du territoire en France, c’est disposer de l’expertise, des moyens et de l’autorité nécessaires pour faire vivre, au quotidien, la République des territoires.
Or, depuis des décennies, force est de constater que nous avons assisté à un abandon en règle des territoires. Aujourd’hui, l’État doit impérativement avoir une vision stratégique. La France métropolitaine est, semble-t-il, entrée dans les mœurs : c’est un ressenti. Elle concentre déjà 75 % de la croissance : c’est une réalité ! Comme par hasard, on se rend compte maintenant que la métropolisation peut engendrer un phénomène ségrégatif : la belle affaire !
Bien sûr, il est nécessaire et urgent de promouvoir une politique spécifique pour les petites et moyennes villes, dont beaucoup ont de grandes difficultés, en particulier celles qui n’ont pas de noyau métropolitain.
Bien sûr, il est nécessaire et urgent de venir en aide aux territoires laissés pour compte et qui s’enfoncent petit à petit dans le repli et la désertification. Ce n’est plus une fracture territoriale, c’est un abandon en rase campagne !
Alors, nous dit-on, l’Agence nationale de la cohésion des territoires est certainement l’outil nécessaire pour que le territoire national ne fasse qu’un. Soit !
Le chef de l’État lui-même a indiqué, lors de la Conférence nationale des territoires, que le travail effectué se fera en lien direct avec les régions et que l’agence apportera un appui en ingénierie publique aux territoires les plus périphériques, dans une logique de guichet unique et de simplification à destination des porteurs de projets et des élus.
Selon ses termes, « ce que demande la ruralité, ça n’est pas l’aumône, ça n’est pas d’être compensé, c’est d’avoir les mêmes chances de réussir », et il défend une approche « différenciée » de l’État, qui « ne doit pas craindre de donner plus à ceux qui ont moins ».
Il s’agit là du discours de façade, mais, « en même temps », qu’en est-il dans la réalité ? Depuis le fiasco de la Conférence nationale des territoires et de son double langage, la confiance n’est plus là !
Quid, par exemple, des capacités financières ? Mes collègues rapporteurs Dominique Estrosi Sassone et Philippe Dallier l’ont dit précédemment, le compte n’y est pas.
Le renversement du tropisme métropolitain, qui a prévalu lors de la funeste réforme territoriale, ne s’opérera pas avec de belles paroles !
Si je ne devais prendre qu’un seul exemple révélateur d’un aménagement du territoire chaotique et d’une cohésion des territoires à géométrie variable, je choisirais celui que je connais le mieux, c’est-à-dire celui de mon département, l’Essonne.
Dans la partie urbanisée, au nord du département, s’agissant d’un projet d’envergure nationale, le fameux plateau de Saclay, le Président de la République est venu sur place le 25 octobre 2017 nous parler, les yeux dans les yeux, en disant : « Je ne ferai rien qui pourra contrarier l’avenir du plateau de Saclay, ce cœur battant de la science française […] Une grande partie des réponses aux défis contemporains vient d’ici […] Il s’agit de gagner la bataille de l’intelligence [et] d’être à la pointe de l’excellence scientifique ». Parlons-en ! Quelques semaines après cette déclaration d’amour enflammée, le Premier ministre est venu, en service commandé, annoncer brutalement aux élus locaux, faute de crédits, un report en 2027 de l’avènement de la ligne 18 du Grand Paris Express, axe principal des transports en commun censés irriguer ce fameux plateau de Saclay.
Dans le même temps, pour la partie périurbaine et rurale, plus au sud du département, le Gouvernement continue aveuglément d’intimer l’ordre aux élus locaux, sur les bases du sacro-saint article 55 de la loi SRU et à coups de constat de carence, de construire toujours plus de logements, alors même que les transports en commun sont déjà sursaturés le long des lignes C et D du RER, dont la réputation n’est plus à faire !
Est-il besoin de rappeler ici la mémoire des sept morts lors du drame de Brétigny-sur-Orge, le 12 juillet 2013, par manque d’entretien du réseau ?
Voilà quelle est la réalité de la cohésion des territoires, au moins dans le département de l’Essonne. Alors aujourd’hui, monsieur le ministre, nous n’avons pas besoin d’usine à gaz administrative, pas plus que de discours lénifiants. Nous avons besoin de confiance et d’actes concrets !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de pouvoir m’exprimer devant vous à l’occasion de l’examen de la mission « Cohésion des territoires ». Je voudrais d’ailleurs vous remercier à la fois de la qualité et de la précision des différents échanges que nous avons pu avoir, soit en amont de cette séance lors des auditions, soit dans le cadre de notre débat d’aujourd’hui.
Je m’attacherai à répondre avec précision à l’ensemble des interrogations que vous avez pu évoquer. Permettez-moi juste, auparavant, de présenter les grandes lignes du budget pour la cohésion des territoires et les enjeux qui y sont évidemment associés.
Vous le savez, le dernier remaniement a vu la création d’un grand ministère des territoires, qui regroupe à la fois la cohésion des territoires et les relations avec les collectivités territoriales.
Je tiens, avant toute autre chose, à rendre un hommage appuyé à Jacques Mézard, avec qui j’ai eu l’honneur de travailler pendant près d’un an et demi. Nous avons mené de grands combats, lancé de nombreuses initiatives et partagé cet objectif que nous avions déjà en commun lors de la campagne présidentielle, à savoir la lutte sans relâche contre les fractures territoriales encore trop présentes dans notre pays.
Ce grand ministère des territoires dispose d’un budget, de nombreuses agences et administrations et, surtout, d’un réseau territorial important, doté d’une capacité d’action. Je veux saluer l’ensemble des agents qui y travaillent.
L’enjeu est clair, je le disais, c’est réparer les fractures territoriales. Personnellement, je crois très profondément et avec beaucoup de conviction que les événements qui se déroulent actuellement dans notre pays – le fameux mouvement des « gilets jaunes » – sont le reflet de ces fractures territoriales qui perdurent dans notre pays.
Au-delà du ras-le-bol fiscal, pour reprendre une expression communément utilisée, il y a le ras-le-bol des déserts médicaux, le ras-le-bol des déserts de téléphonie mobile et les grands problèmes de mobilité. Tout cela conduit un certain nombre de nos concitoyens à ressentir, et à vivre, le fait de ne pas avoir les mêmes chances de réussite et la même maîtrise de leur destin selon leur lieu d’habitation. Cela est vrai pour un certain nombre non seulement de quartiers prioritaires de la ville, mais aussi de nos ruralités. J’emploie bien les termes « nos ruralités » pour ne jamais faire d’amalgame avec une seule ruralité, qui ne fait pas sens, en tout cas pas à mes yeux.
Ces fractures alimentent le sentiment de relégation, et parfois d’abandon. Tout l’enjeu du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, que Jacqueline Gourault, Sébastien Lecornu et moi-même pilotons aujourd’hui, c’est justement d’agir concrètement au plus près du quotidien des habitants, que ce soit en matière d’aménagement, de politique de la ville, de logement ou encore d’hébergement d’urgence. Ce sont les quatre piliers que les différents rapporteurs ont détaillés.
Le premier pilier de notre action est donc l’aménagement du territoire.
Je voudrais d’abord insister sur ce bras armé de la politique de l’aménagement du territoire qu’est l’Agence nationale de la cohésion des territoires, l’ANCT, que le Président de la République avait annoncée et qui va être créée. Je voudrais saluer votre implication à toutes et tous à la suite de l’adoption, le 8 novembre dernier, à une très large majorité, de la proposition de loi portée par le groupe RDSE visant à créer cette agence.
Je remercie M. le rapporteur spécial Bernard Delcros pour ses propos sur l’ANCT. Celle-ci portera une véritable ambition, qui est d’incarner une nouvelle relation dédiée aux acteurs territoriaux, notamment aux élus locaux, et développera une nouvelle méthode de travail.
J’ai coutume de présenter l’Agence nationale de cohésion des territoires comme une agence de projets au service des élus locaux. C’est véritablement ce que nous essayons de faire : d’abord, une agence de projets, dont la méthode de travail s’appuiera sur les projets territoriaux ; ensuite, une agence au service des élus locaux, parce que l’objectif est de faire en sorte que celles et ceux qui la composeront soient tournés vers les élus locaux, et non vers les directeurs d’administration ou vers les ministres, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui.
Je suis convaincu que vous êtes nombreux à partager sur ces travées un autre constat que nous faisons : nos politiques publiques en matière d’aménagement, de logement ou de politique de la ville doivent être absolument territorialisées. C’est ce que nous essayons de faire; car elles souffrent de ne pas l’être suffisamment.
Je prendrai un exemple très précis, qui résume bien cette méthode : il s’agit du programme « Action cœur de ville », qui vise à rénover l’habitat, mais aussi à redynamiser l’économie ou, à tout le moins, le tissu commercial de villes dites de « taille moyenne » – je pense à des sous-préfectures ou à des préfectures de petite taille –, lesquelles ont peut-être été trop longtemps les oubliées des politiques d’aménagement du territoire et du logement.
Nombre d’entre vous connaissent très bien ce programme « Action cœur de ville », car il bénéficie à de nombreuses communes de vos territoires. Comme vous avez pu le constater, ce sont vraiment des projets territoriaux venant des élus locaux que l’État soutient, avec ses partenaires. C’est la méthode que nous essayons de déployer et c’est notre vision d’un aménagement du territoire véritablement territorialisé. Il faut s’attaquer à certains défis, en termes de priorités d’action, insuffisamment relevés par le passé, comme la rénovation des centres-villes de nos villes moyennes.
La rénovation de l’habitat, j’en ai fait un grand marqueur de notre action. J’aurai l’occasion de présenter un nouveau dispositif d’aide à la rénovation de l’habitat à destination des communes, particulièrement axé sur la réhabilitation de l’habitat privé en centre-ville. Ce nouveau dispositif rend éligible à une aide fiscale l’investissement locatif. Autrement dit, les acquisitions de logements anciens faisant l’objet d’au moins 25 % de travaux de réhabilitation pourront donner lieu à une opération de défiscalisation, dont le montant sera fonction de la durée de location. Le taux applicable pourra être de 12 % à 21 % du montant de l’opération, déduit de l’impôt sur le revenu selon la durée de location, qui pourra aller de six à douze ans.
Cette mesure s’appliquera a minima dans les logements situés dans les communes où le besoin de réhabilitation est important. Je dis bien a minima, car sont concernées toutes les communes de l’opération « Action cœur de ville », ainsi que celles qui ont mis en place des opérations de revitalisation du territoire. Ce dispositif prévu par la loi ÉLAN n’est pas réservé aux communes du programme « Action cœur de ville », mais peut être développé par n’importe quelle commune sur notre territoire.
Je réponds ainsi à une question qui m’a été posée sur le zonage. C’est peut-être la première fois – en tout cas, je n’ai pas le souvenir qu’il y en ait eu d’autres – qu’on essaie de mettre en place un dispositif de soutien fiscal territorialisé en fonction des projets de territoire et non d’une cartographie de notre pays fondée sur un découpage en zones A, A bis, B1, B2, ou C. Une telle approche me semble en tout point plus pertinente.
Le deuxième chantier de l’aménagement, évoqué par plusieurs d’entre vous, dont M. Roux, est celui de la téléphonie mobile et d’internet. Ce n’est pas un luxe, c’est un droit. J’ai déployé une grande énergie pour faire les choses différemment. Jusqu’à présent, il n’y avait pas d’engagement contraignant de nos opérateurs. Nous avons vraiment changé de paradigme – j’emploie ce mot à dessein – pour que plus de 3 milliards d’euros d’investissements supplémentaires soient consacrés à la couverture mobile de nos ruralités. Cela me paraît essentiel quand la véritable question est l’accès. Cet accès peut aussi passer par le développement du numérique ou de la téléphonie.
Monsieur le rapporteur spécial Bernard Delcros, vous évoquiez, avec d’autres, des questions très précises, par exemple sur l’accompagnement pour le marais poitevin. Comme le programme est achevé, l’objectif est de faire en sorte que les outils de droit commun, notamment ceux qui sont gérés par le ministère de l’agriculture et l’Agence française pour la biodiversité, prennent le relais. Nous ferons preuve d’une mobilisation attentive sur ce sujet. J’ai pleinement conscience que la finalisation du projet n’est pas terminée, même si le programme en lui-même l’est.
Se posait également la question du chlordécone. Plusieurs d’entre vous l’ont soulevée, notamment M. le rapporteur pour avis de Nicolaÿ. Je voudrais d’ailleurs le remercier d’avoir qualifié de « courageux » les propos du Président de la République. Celui-ci s’est en effet engagé à consacrer 3 millions d’euros sur deux ans, en gestion, à ce sujet. J’ai déjà eu l’occasion, ainsi que la ministre des outre-mer, d’évoquer cette décision, intervenue à la suite d’un arbitrage interministériel qui a pu être rendu dès le lendemain du déplacement du Président de la République dans la région.
Le deuxième pilier de notre action porte sur les actions touchant à la politique de la ville. Plusieurs d’entre vous ont mentionné l’ensemble des actions que nous avons menées, la feuille de route interministérielle que nous avons dressée et qui repose sur trois points : garantir aux habitants les mêmes droits ; favoriser l’émancipation par l’éducation et par le travail ; faire République ensemble.
Je ne reviens pas en détail sur ce document, mais je voudrais, à tout le moins, tuer dans l’œuf, si j’ose dire, des propos qui sont souvent repris : j’ai présenté de façon extrêmement précise cette feuille de route très claire en juillet dernier. De grandes parties de ce document sont reprises de travaux que nous avons pu conduire, et je m’y suis personnellement impliqué, avec Jean-Louis Borloo, mais également dans le cadre du Conseil national des villes, le CNV, auquel un grand nombre de parlementaires sont associés.
Nous avions pris l’engagement, voilà un an, de maintenir le budget de la politique de la ville. Nous l’avons non seulement tenu, mais nous avons également renforcé ses crédits, lesquels augmentent de près de 20 % avec des opérations très ciblées financées ou en voie de l’être. Je pense aux cités éducatives sur lesquelles nous avons beaucoup travaillé avec Jean-Michel Blanquer, et qui ont été annoncées à Nîmes au début du mois d’octobre dernier, ainsi qu’aux 1 000 postes supplémentaires d’adultes-relais et au financement additionnel de 15 millions d’euros accordé aux associations.
Vous êtes plusieurs à avoir évoqué la question de la rénovation urbaine, et je veux être très clair sur ce point. Nous avions pris deux engagements.
Le premier était de doubler le nouveau programme de rénovation urbaine : c’est chose faite. Nous sommes d’autant plus crédibles pour le dire qu’aujourd’hui les autorisations d’engagement sont très largement renforcées, comme vous l’aviez souhaité lors du précédent budget.
Le deuxième était d’accélérer considérablement les projets. Songez que, ces dernières années, les nouveaux engagements de l’ANRU, comme plusieurs d’entre vous l’ont relevé, étaient quasiment à l’arrêt, pour de nombreuses raisons. Nous avons énormément travaillé avec beaucoup d’entre vous, ainsi qu’avec l’ANRU et ses équipes, que je salue. Depuis mai dernier, plus de 3 milliards d’euros de projets ont été engagés, avec de nombreuses nouvelles méthodologies.
Je ne prendrai qu’un seul exemple, qui sera très parlant. Vous êtes nombreux à avoir mis en avant le fait que, lorsqu’un projet de rénovation urbaine n’était pas finalisé dans sa globalité, il n’était pas possible d’engager le premier euro. Nous avons changé de méthodologie : dès lors que tout le monde se met d’accord sur un projet de rénovation urbaine, nous pouvons tout de suite le lancer.
Le troisième pilier de notre action est évidemment le logement. Je ne reviens pas sur tous les débats que nous avons eus sur la réforme des APL et la réduction de loyer de solidarité, la RLS, mais je voudrais me projeter dans l’avenir à propos du sujet que vous êtes nombreux à avoir évoqué.
Nous avons fait un choix politique : parce que nous voulions absolument éviter que la réforme des APL puisse impacter les personnes concernées, nous avons décidé que l’APL d’un allocataire ne pourrait diminuer que si son loyer baissait, afin que son reste à charge reste le même. Cela signifie que la mesure pèse sur les bailleurs sociaux, auxquels nous avons effectivement demandé un très grand effort.
En contrepartie, nous avons pris – plusieurs d’entre vous les ont évoquées – des mesures de soutien, notamment par le truchement de la Caisse des dépôts et consignations. Aujourd’hui, la question est de savoir si ces mesures suffisent face aux efforts demandés, notamment en 2020, année pendant laquelle, vous le savez, la répartition entre le volet RLS et la TVA change.
Je me suis engagé devant vous, mais surtout devant les bailleurs sociaux lors du congrès de l’Union sociale pour l’habitat, à mettre en place ce point dit de « revoyure ». Le dispositif a été enclenché : trois réunions se tiendront, l’une en décembre prochain, l’autre en janvier et la troisième en février, pour conclure à cette date.
Deux sujets seront étudiés en toute transparence et les parlementaires seront associés aux travaux. Le premier porte sur la situation financière des bailleurs et les perspectives à court et à moyen terme ; le second, sur les bilans chiffrés de la RLS, de la hausse de la TVA et des mesures d’accompagnement pour déterminer quels voies et moyens permettront de rendre soutenables les efforts demandés en 2020, afin de répondre à l’ensemble des interrogations et des craintes que nombre d’entre vous ont exprimées.
Un autre volet en matière de politique du logement est la réforme de la contemporanéisation des APL. Plusieurs d’entre vous, comme M. Bargeton, ont vanté les mérites de cette réforme, qui est effectivement compliquée à mettre en œuvre. Il s’agit d’un véritable chantier technique de transformation d’un certain nombre de systèmes d’information et de gestion. Elle est évidemment plus juste, dans la mesure où personne ne peut comprendre que les aides soient calculées en fonction des revenus d’il y a deux ans, et non des revenus actuels.
Enfin, s’agissant du logement, se posait également la question de la rénovation de l’habitat. Je ne saurais intervenir sans avoir une pensée pour le drame qui s’est passé à Marseille. J’y suis allé le jour même, et y suis retourné toute la journée, hier, pour accompagner les Marseillaises et Marseillais et mettre en avant des mesures fortes à la fois d’accompagnement, mais aussi de suivi méthodique, afin de s’assurer que la réhabilitation et la rénovation du centre-ville ancien puissent s’opérer.
La rénovation de l’habitat est également un enjeu très fort dans les territoires ultramarins. Plusieurs d’entre vous l’ont indiqué, la suppression de l’APL accession avait conduit à faire disparaître le dispositif de soutien à la réhabilitation du logement dans ces territoires. Nous l’avons réintroduit à la suite du débat à l’Assemblée nationale, non seulement pour traiter plus d’un millier de dossiers qui sont aujourd’hui bloqués, mais également pour trouver une solution pérenne. Celle-ci passe notamment par des travaux menés actuellement sous l’égide du Conseil général de l’environnement et du développement durable.
Bien évidemment, quand on parle d’insalubrité, il faut évoquer la question de la rénovation des bâtiments.
Je vous l’indiquais, j’ai fait de la lutte contre l’habitat indigne un axe majeur de mon action, cette lutte dont nous avons tant et tant parlé dans le cadre de l’examen de la loi ÉLAN, lorsque nous avons examiné, parmi bien d’autres mesures, celles que nous avons prises contre les marchands de sommeil.
Autre sujet, la question de la rénovation thermique. Notre objectif est de rénover 150 000 « passoires thermiques » par an. Plusieurs d’entre vous ont évoqué le budget de l’ANAH ; je veux être très clair à ce sujet. Aujourd’hui, l’enjeu, le défi, pour cette agence – j’en ai d’ailleurs beaucoup parlé avec sa présidente, Nathalie Appéré, qui s’est qualifiée elle-même, lors de la dernière convention, de « présidente heureuse » au regard de son budget, bien que nous ne soyons pas du même bord politique, si vous voyez ce que je veux dire –, réside dans l’organisation, dans la simplicité de l’accès à ces aides pour nos concitoyens, et dans le fait d’atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés.
Jusqu’à présent, un peu moins de 50 000 rénovations thermiques étaient financées par l’ANAH chaque année. J’ai fixé un objectif de 75 000 unités et, au moment où nous en sommes, nous en serions à 68 000 ou 69 000 rénovations. Il y a donc un véritable enjeu dans l’accélération et la mise en œuvre de ces actions, mais les financements tels qu’ils sont prévus dans le projet de loi de finances ont été gréés pour faire face aux objectifs très ambitieux que nous avons fixés ; je veux souligner le travail des équipes de l’ANAH à cet égard.
Le quatrième et dernier pilier de notre action n’est pas le moins important. Il s’agit de l’hébergement d’urgence. Je veux remercier M. le rapporteur pour avis Morisset de ses propos sur la sincérité du budget. Effectivement, nous avons fait un gros travail pour le sincériser, malgré les difficultés liées aux différents types de centres.
Il y a un immense enjeu de solidarité, que nous entendons relever avec beaucoup d’humilité et de détermination. Aucun de nos concitoyens n’est à la rue par choix. La rue tue ; elle tue en hiver mais aussi en été, il faut le dire et le répéter. Au moment où je vous parle, la situation reste compliquée, avec la nécessité de disposer d’abris pour des milliers de personnes toujours dans la détresse. Nous augmentons significativement le budget, là encore. Nous avons fait un effort considérable, notamment pour anticiper le nombre de places que nous pourrions ouvrir pendant la période hivernale. L’année dernière, nous avions sanctuarisé, pérennisé, plus de cinq mille places supplémentaires. Cette année, nous avons mené un travail d’anticipation, de sorte que, aujourd’hui, le nombre de places potentiellement ou actuellement ouvertes est bien supérieur à ce qu’il était à la même période l’année dernière.
Il y a également tout le sujet de l’accompagnement. M. Morisset l’a très bien dit, c’est la mère des batailles ; il s’agit de ce que nous pouvons faire pour accompagner toutes celles et tous ceux qui sont dans ces situations de détresse. Cela passe notamment par les financements supplémentaires que nous avons consacrés aux maraudes, mais également par le plan Logement d’abord, qui concerne vingt-quatre territoires d’accélération et qui disposera de 500 millions d’euros de crédits supplémentaires sur la période du quinquennat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le temps qui m’était imparti étant achevé, je reviendrai dans le cadre de l’examen des amendements sur la question des CHRS. Plusieurs d’entre vous ont évoqué des craintes. Nous avons dégagé des crédits supplémentaires, dans le cadre du plan Pauvreté, pour accompagner spécifiquement les CHRS qui pourraient rencontrer des difficultés.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Cohésion des territoires », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Cohésion des territoires
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
Aide à l’accès au logement
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
Dont titre 2
19 932 626
19 932 626
Interventions territoriales de l’État
Politique de la ville
Dont titre 2
19 419 002
19 419 002
L’amendement n° II-255, présenté par Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé et Tissot, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
Aide à l’accès au logement
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
dont titre 2
Interventions territoriales de l’État
Politique de la ville
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Dans le budget pour 2019, le Fonds national des aides à la pierre, le FNAP, est majoritairement financé par la cotisation des bailleurs sociaux, qui devrait s’élever à 375 millions d’euros, le reste étant financé par Action logement. L’objectif assumé du Gouvernement est d’inciter le secteur du logement social à s’autonomiser, en finançant ses nouveaux projets par la vente d’une partie de son patrimoine.
Le désengagement complet de l’État des aides à la pierre est inacceptable et rompt l’équilibre qui a prévalu à la création du FNAP en 2016 : une parité de financement entre l’État et les bailleurs, et une gouvernance équilibrée organisée autour de l’État, des collectivités territoriales et des bailleurs.
Or le Gouvernement a fixé des objectifs ambitieux. Il est prévu de financer, avec les 450 millions d’euros du FNAP, 40 000 logements très sociaux et 80 000 logements pour les étudiants.
Cet amendement tend à inscrire la contribution de l’État au financement du FNAP à hauteur de 200 millions d’euros ; il s’agit d’un enjeu de solidarité nationale.
Au regard des engagements pris par le Président de la République dans le cadre du plan Logement d’abord, qui doit accélérer la production de logements sociaux et très sociaux, il paraît nécessaire que les crédits du programme 135 soient majorés en conséquence par le Gouvernement, sans faire supporter cet effort au programme 109.
Par ailleurs, le FNAP est chargé de répartir les aides à la pierre. Or des arbitrages doivent être rendus. Quelles sont vos intentions à ce sujet, monsieur le ministre ? Allez-vous désigner un nouveau président ? Allez-vous permettre à ce fonds de fonctionner à nouveau ?
Nous allons examiner une succession d’amendements visant à déshabiller Pierre pour habiller Paul – c’est la règle de la LOLF, la fameuse « fongibilité asymétrique » –, et il ne sera donc pas possible à la commission d’émettre des avis favorables, même quand, parfois, on peut partager les intentions de l’auteur.
S’agissant des aides à la pierre, je l’ai dit dans mon propos introductif, tout cela était écrit, mais cela n’a pas commencé sous ce gouvernement ; ce n’est que fin 2016, avant l’élection présidentielle, que, tout à coup, les aides à la pierre ont retrouvé des couleurs dans le budget de l’État ; mais on voyait bien que l’on était sur une pente descendante.
Je crains malheureusement que vos 200 millions d’euros ne soient pas nécessaires, ma chère collègue, tout simplement parce que l’on risque de manquer de dossiers à financer en 2019, en bout de chaîne. Que vous marquiez politiquement le coup pour pointer le désengagement de l’État, je peux le concevoir ; pour autant, je pense que les dossiers proposés trouveront des financements parce qu’il y en aura encore moins qu’en 2018. Voilà qui pourrait vous rassurer, s’il fallait vous rassurer.
J’en profite pour vous dire d’un mot, monsieur le ministre, que je me réjouis que le FNAP retrouve enfin un président, puisqu’on a passé plus d’une année sans président, l’ancien ayant démissionné à l’automne dernier pour protester contre la politique du Gouvernement. L’association France urbaine a enfin désigné un candidat ; moi qui avais plaidé en faveur de la création du FNAP, j’espère que ce fonds pourra se remettre au travail et proposer les meilleures solutions pour la répartition, la territorialisation, de ces crédits.
Pour en revenir à l’amendement, je demande à son auteur de bien vouloir retirer.
Je dirai deux choses.
En premier lieu, s’il y a, dans le budget, une ligne d’aide à la pierre, ayons vraiment en tête que l’aide à la pierre pour la construction de logements sociaux ne se résume en aucun cas à cette ligne budgétaire. M. le rapporteur spécial l’a très bien dit, s’il n’y avait que cette ligne, en décroissance depuis des années, pour soutenir la construction du logement social, on aurait eu un très gros problème. Il faut prendre en compte l’ensemble des dispositifs, que ce soient les dispositifs fiscaux ou les actions de la Caisse des dépôts et consignations, sans revenir sur toutes les mesures de soutien, y compris celle que nous devons renforcer dans le cadre de l’accord de revoyure que j’évoquais.
En second lieu, je veux saluer la nomination prochaine du président du FNAP. Il s’agit – c’est un secret de Polichinelle – du président de la métropole de Rouen, M. Sanchez, avec qui j’aurai un très grand plaisir à travailler.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Nos collègues du groupe socialiste et républicain ont eu raison d’alerter sur la faiblesse des aides à pierre et des crédits du FNAP. C’est vrai, le FNAP n’a pas été créé il y a très longtemps, mais l’intention politique était d’avoir, en son sein, une cogestion territorialisée des financeurs – l’État, les bailleurs sociaux –, pour que la programmation tienne bien compte des besoins des territoires et de leurs capacités à agir.
Par ailleurs, je partage l’idée du rapporteur spécial selon laquelle le jeu de la LOLF donne l’impression de devoir sacrifier l’un pour favoriser l’autre, afin de signaler que, globalement, il n’y a pas suffisamment de crédits pour assurer la construction de logements et avoir une politique ambitieuse en la matière.
Philippe Dallier sait que je ne suis pas une inconditionnelle du précédent gouvernement.
Sourires au banc des commissions.
Mais je reconnais qu’à l’époque il y avait la TVA à 5, 5 % et les fameux prêts de haut de bilan de la Caisse des dépôts et consignations, qui étaient beaucoup plus inconditionnels que ceux d’aujourd’hui. Ces prêts mériteraient d’ailleurs de faire l’objet d’une évaluation globale.
Je crains d’avoir un diagnostic aussi pessimiste que celui de Philippe Dallier. Tout cela ne fonctionne que si les fonds propres des organismes permettent à ceux-ci d’agir. C’est une espèce de jeu de cubes : quand il manque quelque chose dans le dispositif, tout s’écroule. Donc, effectivement, le prélèvement et la RLS fragilisent les capacités d’investissement des organismes.
Je maintiens cet amendement.
Je rejoins Mme Lienemann et M. Dallier : c’est tout un dispositif qui conduit à mettre en difficulté la construction des logements sociaux.
Les crédits du FNAP diminuent, les bailleurs sociaux n’ont plus les moyens d’assurer leur propre financement. Donc on va se trouver avec un résultat exactement inverse de ce que l’on cherche : promouvoir la construction de logements sociaux et très sociaux.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° II-257 rectifié, présenté par Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé et Tissot, Mme Taillé-Polian, M. Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
Aide à l’accès au logement
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
dont titre 2
Interventions territoriales de l’État
Politique de la ville
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Annie Guillemot.
Cet amendement est relatif aux aides personnalisées au logement, les APL, qui, comme la plupart des prestations sociales, seront concernées par la sous-revalorisation actée par le Gouvernement.
Jusqu’à présent, les APL faisaient l’objet de deux revalorisations par an. Le Gouvernement a décidé de ne les augmenter, en 2019 et en 2020, que de 0, 3 %, une hausse bien inférieure à l’inflation, estimée entre 2, 1 % et 2, 3 % pour 2018.
Cette sous-revalorisation représente, pour les bénéficiaires des APL, une perte moyenne de 4, 50 euros par mois, qui s’ajouterait à la baisse de 5 euros par mois décidée pendant l’été 2017 et à la non-indexation, au 1er octobre 2018, des APL sur l’inflation, prévue par la loi de finances pour 2018.
Cet amendement vise donc à majorer de 102 millions d’euros les crédits alloués aux aides au logement, afin que celles-ci suivent le niveau réel de l’inflation. J’ajoute que ce gel des prestations sur deux années est équivalent, quand on prend en compte l’ensemble des prestations, à 3, 7 milliards d’euros de moins pour les ménages.
Le Gouvernement affirme que sa politique redonne du pouvoir d’achat aux ménages et protège mieux les familles modestes, mais, au regard de cette volonté affichée, il nous paraît nécessaire que les crédits du programme 109 soient majorés en conséquence par le Gouvernement, sans faire supporter cet effort au programme 177 de la mission.
L’année 2018 devait être l’année du pouvoir d’achat ; en tout cas, lorsque le ministre du budget nous présentait les grandes lignes de son budget pour 2019, en début d’année, il nous disait que c’était le « budget du pouvoir d’achat ». Néanmoins, si vous roulez au diesel, que vous fumez des clopes et que vous percevez l’APL, …
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. … 2019 ne sera manifestement pas l’année du pouvoir d’achat !
Sourires.
J’en profite pour dire un mot, monsieur le ministre, sur la contemporanéité des revenus pris en compte. Vous présentiez cela comme une mesure de justice.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Franchement, il faut pousser le bouchon un peu loin pour affirmer cela. Je rappelle, d’abord, que si les ressources des allocataires diminuaient, des mécanismes permettaient de les prendre en compte plus rapidement.
M. Arnaud Bazin applaudit.
Avec le dispositif tel qu’il existait, lorsqu’un étudiant bénéficiaire de l’APL trouvait un travail, avec la prise en compte des revenus de l’année n-2, il était effectivement accompagné, et, quelque part, cela constituait une aide. Supprimer celle-ci sous couvert d’une « mesure de justice », honnêtement, j’ai un peu de mal à comprendre.
Du reste, monsieur le ministre, si, au bout du compte, cela vous rapporte 1, 2 milliard d’euros, c’est bien qu’il y aura des gens qui perdront ; aucun miracle là-dedans, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.
En outre, vous n’avez pas répondu à notre question : comment pouvez-vous attendre 900 millions d’euros en 2019 avec une entrée en vigueur de la mesure, au mieux, à mi-année, au début du mois de juillet ? On a un peu de mal à comprendre ; si cela rapporte bien 1, 2 milliard d’euros en année pleine, cela ne peut pas rapporter 900 millions d’euros avec une prise d’effet au 1er juillet.
J’en reviens à l’amendement ; j’en demande le retrait, parce qu’on ne peut pas prendre 102 millions d’euros sur l’hébergement d’urgence.
Nous pourrions refaire tout le débat sur le budget dans sa globalité et sur son impact sur le pouvoir d’achat. Dans ce cas, dans un souci de clarté et d’exhaustivité, nous devrions au moins rappeler l’ensemble des mesures qui y sont proposées : taxe d’habitation, prime d’activité, revalorisation du minimum vieillesse, revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés. Voilà assurément des choix politiques, et vous l’avez dit, monsieur le rapporteur spécial.
À propos de la contemporanéisation des revenus pris en compte, je ne suis pas du tout d’accord avec vous ; cette contemporanéité est effectivement une mesure de justice. Prenons un cas de figure, en dépit de tous les abattements que vous avez évoqués, celui d’une femme qui travaillait, voilà deux ans, à temps plein, qui a deux enfants, et qui est aujourd’hui à mi-temps ; typiquement, aujourd’hui, elle n’a plus droit au même montant d’APL qu’avant.
Deuxième exemple, un étudiant qui devient trader dans une banque est au même niveau d’APL que pendant ses études.
Je préfère vraiment que la personne qui, inversement, s’est mariée tôt, a eu des enfants et se retrouve à la sortie de ses études à un niveau immensément plus faible de rémunération alors même qu’elle a commencé à créer une vie familiale, puisse voir son niveau d’APL augmenter ; c’est bien normal. Personne ne peut concevoir que l’on détermine un niveau d’allocation en fonction d’une situation datant de deux ans.
Je vous l’ai indiqué, la réforme du calcul des APL nécessite des modifications profondes des systèmes de gestion et d’information. C’est d’ailleurs cette modernisation que nous retrouvons dans de nombreux champs fiscaux en ce moment.
La question fondamentale est : le montant est-il conforme à la date à laquelle le système entrera en vigueur ? Nous avons là, en réalité, une marge de manœuvre : dans les évaluations faites, tout ce qui était relatif aux indus n’avait pas forcément été estimé à la hauteur de ce que cette mesure pourrait nous faire économiser. Cette marge nous permet donc d’affirmer que la cible évoquée au début est la bonne.
L’objectif, en tout état de cause, est de pouvoir mettre cette réforme en œuvre le plus rapidement possible.
Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable sur cet amendement.
Je comprends l’attitude du rapporteur spécial, mais on est toujours dans le même jeu : on ne peut rien faire puisqu’il faut prendre quelque part pour mettre ailleurs. Il s’agit donc d’un choix politique ; on considère que l’État doit déterminer les priorités.
J’en viens à votre argumentation, monsieur le ministre, visant à soutenir que c’est de la justice sociale que de retenir l’année n plutôt que l’année n-2. Passons sur le fait qu’il existe déjà une possibilité de demander un rattrapage à la CAF quand on est en difficulté. Toutefois, s’il s’agissait de justice sociale, alors il faudrait utiliser le bénéfice que vous faites d’un côté pour le redistribuer de l’autre ! Là, ce n’est pas de la justice sociale, ou alors c’est de la justice sociale à grands coups de rabot !
Si vous aviez prévu de suivre le cours des loyers et de l’inflation, nous vous dirions que vous recalez l’effort en le positionnant de sorte que les choses soient plus simples, plus immédiates, plus fluides et plus justes ; soit, mais ce n’est pas ce que vous faites. Vous faites de l’économie budgétaire et, pendant le même temps – bonjour la justice sociale, parce que les bénéficiaires de l’APL ne sont tout de même pas les plus riches du pays ! –, vous gelez l’évolution des APL par rapport aux prix du loyer et à l’inflation. Manifestement, votre politique matraque les plus faibles.
Quant au nombre d’étudiants qui deviennent traders, il doit être « epsilonesque » !
M. Xavier Iacovelli applaudit. – M. Bruno Sido s ’ esclaffe.
… il n’oubliera peut-être pas qu’il a bénéficié dans sa jeunesse de l’APL ; plutôt que de demander la suppression de l’ISF, il se dira que, l’État-providence, c’était quand même bien !
Ce n’est donc pas vrai de prétendre que la réforme des APL est une mesure de justice sociale.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le ministre, si nous sommes conduits à ponctionner les crédits de l’hébergement d’urgence, c’est parce que, sans cela, nous ne pouvons pas présenter d’amendements.
Marie-Noëlle Lienemann le disait, le système est bien compliqué, sans compter que nombre de nos amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution.
Monsieur le ministre, vous affirmez qu’il faut changer le mode de calcul de l’APL, mais ce que vous proposez avec la compensation d’Action logement est un jeu de bonneteau. Vous allez affecter presque 300 millions d’euros pour compenser la perte d’Action logement liée à la baisse du « 1 % logement » par une taxe de 9 % payée par ceux qui empruntent, par de jeunes couples.
Vous reportez la solidarité à l’égard d’Action Logement sur de jeunes couples qui vont emprunter. Une taxe de 9 %, monsieur le ministre ! Martial Bourquin n’est pas là, mais il dirait que plus personne n’essaiera de revoir son taux d’emprunt ; c’est un problème.
Vous indiquez aussi que les personnes concernées vont voir leur situation évoluer. Pour ma part, je peux vous suivre sur la réforme des APL parce que cela rétablit sans doute un peu plus d’équité, mais cela touche 20 % de l’ensemble des ménages. Néanmoins, je vous ai déjà interpellé sur le problème que rencontreront les CAF pour gérer cela. Je ne suis pas sûre que cela puisse se faire au mois de janvier.
Je ne sais pas comment cela va se passer ; des gens risquent de voir leur APL supprimée.
Je veux vous donner un exemple, relatif à la retenue à la source. Dans ma circonscription, j’ai reçu une dame qui va partir à la retraite le 1er janvier prochain. Elle a appelé les services fiscaux parce qu’elle voudrait que son taux d’imposition change à cette date. On lui a dit de rappeler après le 15 janvier, parce que cela ne pouvait pas être pris en compte maintenant.
Elle a en outre demandé aux impôts quand ce changement serait appliqué, car elle gagne aujourd’hui 4 800 euros et elle va se retrouver avec une retraite de 2 700 ou 2 800 euros, donc on lui prélèvera son impôt à son taux actuel et non au taux qui devrait lui être appliqué. On lui a répondu que cela ne serait pas effectif avant le 1er mai, voire le 1er juin. Ainsi, pendant six mois, on va lui appliquer un taux d’imposition qui ne correspond pas à sa retraite au 1er janvier.
J’ai bien peur que ce soit la même chose pour les APL avec les CAF, monsieur le ministre.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° II-272 rectifié, présenté par MM. Mézard, Requier, Artano, A. Bertrand et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Roux et Vall, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
Aide à l’accès au logement
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
dont titre 2
Interventions territoriales de l’État
Politique de la ville
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Vous le savez, le Sénat a tout récemment adopté, sur une initiative du groupe du RDSE, une proposition de loi portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires, ou ANCT.
Le présent amendement vise à donner à cette future agence les moyens de ses missions et de ses ambitions, puisqu’elle sera un acteur central au croisement de tous les opérateurs – ANAH, ANRU, CEREMA, ADEME – qui fournissent aux collectivités territoriales des moyens d’ingénierie en matière d’urbanisme, de construction, de mise aux normes ou encore de développement durable.
Or le contexte budgétaire contraint dans lequel évolue le programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », marqué par plusieurs années d’affaiblissement en loi de finances – baisse de 4 %, en crédits de paiement, par rapport à 2018 – ne garantit pour l’instant pas à la future ANCT la robustesse financière dont elle aura besoin pour assurer correctement ses missions.
C’est d’autant plus vrai que le Commissariat général à l’égalité des territoires, qui formera la base de l’agence, fait l’objet dans le PLF pour 2019 de plusieurs suppressions de poste.
Si nous voulons que l’agence soit structurante pour le maintien des services publics, la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, la transition écologique, ou encore l’accès aux soins et au numérique, il est indispensable de reconsidérer largement le niveau de ses crédits. C’est d’autant plus nécessaire – cette crainte a déjà été exprimée par nombre d’entre vous – qu’il nous faut également remédier au risque d’une trop grande asymétrie entre l’action urbaine de l’agence et son action rurale, eu égard à l’importance du programme 147, « Politique de la ville », par rapport au programme 112, dont l’ANCT a vocation à devenir le pilote, en remplacement du Commissariat général à l’égalité des territoires.
C’est la raison pour laquelle redéployer les crédits des autres programmes de la mission sur ce programme, à hauteur de 15 millions d’euros, nous paraît plus cohérent, plus équilibré et plus conforme à la vocation de l’agence, qui interviendra dans de nombreux champs.
Jean-Claude Requier l’a rappelé, cet amendement a pour objet d’augmenter de près de 80 millions d’euros, soit de 40 %, les crédits du programme 112, dans la perspective de la mise en œuvre opérationnelle de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Jusque-là, on est d’accord ; mais comment financer ces 80 millions d’euros ?
Cet amendement tend à réduire, à hauteur de 65 millions d’euros, le programme 135 : 50 millions d’euros seraient prélevés sur l’action n° 04, soit à peu près un tiers des crédits de celle-ci ; et 15 millions d’euros seraient prélevés sur l’action n° 07, soit près de 25 % des crédits qui y sont affectés. Cela nous paraît beaucoup, et même démesuré, puisque les crédits de ce programme baissent déjà en 2019.
Cet amendement vise ainsi à prélever, sur l’action n° 04, 14 millions d’euros, c’est-à-dire plus de 50 %, des crédits affectés au programme « Interventions territoriales de l’État », le PITE, et 1 million d’euros sur le plan Littoral 21, mis en place l’année dernière.
C’est ce mode de financement qui ne nous paraît pas réaliste. En outre, il nous semblerait utile de définir exactement les besoins de l’agence en moyens financiers et en personnels avant d’affecter des crédits.
Pour toutes ces raisons, la commission des finances a émis un avis défavorable.
J’aurai le même avis, en me fondant notamment sur le dernier argument de M. le rapporteur spécial.
J’ajoute que l’objectif des travaux réalisés ici est que l’agence puisse mobiliser le potentiel financier des opérateurs qui travailleront au sein ou aux côtés de l’agence.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement, en dépit de la difficulté à émettre un tel avis quand le premier signataire est M. le ministre Mézard.
Sourires.
M. le ministre vient de sous-entendre, si j’ai bien compris, que l’on ne sait pas encore le montant des crédits qui seront affectés à l’agence. Il est tout de même anormal que nous n’ayons aucune information là-dessus, qu’il n’y ait pas eu d’étude d’impact sur cette agence. Cette dernière a été créée au travers d’une proposition de loi, ce qui est somme toute extraordinaire, alors qu’elle était le fruit de la volonté du Gouvernement.
Il me paraît inadmissible de ne pas savoir aujourd’hui combien cette agence coûtera, ce qu’elle fera, ce que seront ses objectifs. Je n’y vois rien, à part que c’est une usine à gaz. Quand le directeur de l’ANRU ne sera pas d’accord avec le directeur de l’ANCT, comment cela se passera-t-il ? Sur le terrain, on va encore prendre du retard et perdre du temps. Nous allons donc voter pour cet amendement.
Vous avez raison, monsieur le rapporteur spécial ; comme vous, nous pensons que ce n’est pas à ce niveau qu’il faut prendre les crédits et qu’il faudrait doter cette agence dès maintenant. Je peux d’autant plus l’affirmer que j’ai fait partie du premier conseil d’administration de l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l’EPARECA. Pendant deux ans, on ne nous a pas donné de budget. Il a fallu, la troisième année, que tout le conseil d’administration se mette en grève pour que l’on nous donne un budget, parce que nous ne pouvions pas agir alors même qu’il y avait une attente des territoires.
Ce qu’il va se passer, c’est que l’EPARECA, absorbé par l’agence, va se dissoudre complètement.
Mais si ! Il va être mis fin aux contrats de travail des agents, qui seront transformés en d’autres contrats ; j’ai auditionné leurs représentants, monsieur le ministre, ne me dites pas que c’est faux ! L’ANRU, le CEREMA subsisteront, mais pas l’EPARECA. Quant au CGET, deux tiers de ses agents seraient transférés dans la nouvelle agence, et un tiers resteraient. Bref, on ne sait rien.
Donc, oui, Jacques Mézard et ses collègues ont raison, il faudrait doter cette agence tout de suite, pour qu’elle soit opérationnelle. J’ai des craintes quand j’entends que rien n’est prévu ; c’est le flou artistique et, quand il y a un flou, c’est qu’il y a un loup !
Exclamations sur plusieurs travées. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Annie Guillemot soulève la question de la manière dont l’Agence nationale de la cohésion des territoires trouvera les moyens de son action.
Monsieur le ministre, si je vous ai bien compris, on ira chercher les moyens des autres acteurs pour mobiliser et faire fonctionner l’ANCT. Pourriez-vous nous renseigner un peu plus sur les mécanismes qui joueront entre l’instance qui pilote cette agence, son directeur, et les divers agences et organismes qu’elle va intégrer : qui décidera de quoi, à quel niveau et comment ?
Nous devons savoir quel conseil d’administration décidera d’affecter quoi. Une agence comme l’ANRU ou l’ANAH décidera-t-elle des affectations dans un débat en conseil d’administration, ou est-ce le directeur de l’ANCT qui décidera pour le compte d’un conseil d’administration non intégré dans l’ANCT ?
Il est très compliqué de comprendre qui décidera de quoi et quelle sera la légitimité des uns et des autres, ainsi que la place qu’auront les collectivités territoriales. Aussi, monsieur le ministre, il serait utile que vous nous éclairiez sur les moyens globaux qui seront disponibles et l’organisation de ce système de poupées gigognes.
Je suis ravi que nous refassions en cette fin d’après-midi le débat du 8 novembre dernier, mais ce débat a été suffisamment riche.
Je remercie MM. Mézard et Requier d’avoir lancé cet amendement d’appel, afin de connaître les moyens dont sera dotée l’agence pour fonctionner sur les territoires ruraux.
À vrai dire, nous sommes toujours quelque peu dubitatifs. On mobilise près de 1 milliard d’euros pour la politique « Action cœur de ville », 1, 3 milliard d’euros au bénéfice de 124 territoires d’industrie. Mais les territoires ruraux, eux, doivent se débrouiller avec ce qui existe aujourd’hui, entre la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL, et la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR !
Nous avons bien compris que l’agence allait jouer un rôle d’ingénierie au profit des territoires ruraux. Nous avons bien compris aussi que son budget de fonctionnement serait égal aux budgets de fonctionnement des trois organismes qu’elle réunira : le CGET, l’EPARECA et l’Agence du numérique.
En revanche, nous n’avons pas compris quels crédits seront mis en œuvre pour soutenir les projets de cohésion des territoires. S’il s’agit de prendre de l’argent sur la DETR et la DSIL, y a-t-il vraiment besoin d’une nouvelle agence ? Je n’en suis pas sûr : dans les territoires, le préfet avec ses services arrivait à contenter l’ensemble des maires et présidents de communauté de communes.
Ce qu’il nous est proposé dans l’amendement n° II-272 rectifié a l’avantage de montrer que, si cette agence n’est pas dotée d’actions spécifiques pour œuvrer véritablement à la cohésion du territoire, ce sera, une fois de plus, quelque chose qu’on oubliera très vite. Là est ma crainte.
Il s’agit effectivement, aussi, d’un amendement d’appel, qui pourrait être entendu et a l’air de l’être, dans la perspective de l’examen, à l’Assemblée nationale, de notre proposition de loi portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires, après son adoption au Sénat. Nous espérons qu’il en sera de même à l’Assemblée nationale !
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat n’arrive pas avec la loi de finances : le 8 novembre dernier, lors de l’examen de la proposition de loi, vous avez déjà discuté du rôle de l’agence et de son impact.
Par ailleurs, il ne faut pas confondre moyens de fonctionnement et budgets d’intervention.
S’agissant des premiers, comme l’a dit M. le rapporteur spécial, il est compliqué de prévoir le coût de fonctionnement d’une structure qui n’est pas encore créée et sur laquelle le débat parlementaire n’est pas achevé.
Il y a quelques instants, je parlais de l’intervention. Prenez l’exemple de l’Agence du numérique, sur laquelle j’ai tant et tant travaillé : ses moyens d’intervention, ce sont les financements imposés aux opérateurs dans le cadre de l’accord de janvier dernier, en vertu duquel les fréquences ne sont plus attribuées qu’en contrepartie d’investissements dans les territoires les plus ruraux. Cet argent ne transite pas par le budget de l’État et ne transitera pas par celui de l’Agence nationale de la cohésion des territoires ; il s’agit d’engagements que nous avons fait prendre aux opérateurs, à charge pour l’Agence du numérique, puis l’ANCT, d’en contrôler la bonne mise en œuvre.
En ce qui concerne la rénovation urbaine, l’ANRU ne sera pas absorbée par l’ANCT. C’est très clairement explicité dans le texte.
La proposition de loi prévoit une contractualisation entre les deux structures.
L’ANCT sera un appui en ingénierie, comme l’a dit M. de Nicolaÿ, et un point de contact pour les élus locaux cherchant à concilier, par exemple, un projet de rénovation urbaine, un projet « Action cœur de ville » et un projet de réhabilitation. Agence de projets au service des élus locaux, elle s’appuiera sur les structures et les opérateurs actuels, mais sera entièrement tournée vers les élus locaux.
Nous sommes évidemment tous d’accord sur la question de fond soulevée par les auteurs de l’amendement : quel sera le financement de l’ANCT ?
Néanmoins, je répète que leur réponse ne peut pas être retenue, puisque l’adoption de l’amendement aurait pour conséquence immédiate de retirer un tiers de ses crédits à l’action n° 04 du programme 135, à l’action n° 07 près d’un quart des siens, plus de la moitié de ses crédits à l’action n° 04 du programme « Interventions territoriales de l’État » et près d’un quart des siens à l’action Plan littoral du même programme.
Oui, une question de fond se pose, mais cet amendement ne permet pas d’y répondre !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-44, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
Aide à l’accès au logement
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
dont titre 2
Interventions territoriales de l’État
Politique de la ville
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Cet amendement vise à inciter le Gouvernement à rétablir l’APL accession partout et pour tous.
Monsieur le ministre, en vous écoutant pendant les vingt minutes où vous avez répondu aux différents orateurs, j’ai été un peu étonné : à aucun moment vous n’avez vraiment évoqué les nuages noirs qui s’amoncellent au-dessus du logement, alors que presque tous nos collègues en ont parlé.
Les raisons des mauvais chiffres constatés dès cette année sont claires : les inquiétudes des bailleurs sociaux et le resserrement du Pinel et du prêt à taux zéro, le PTZ, qui, dans certains territoires, a déjà des effets absolument calamiteux. Si nous souhaitons rétablir l’APL accession, c’est pour que, dans ces territoires, ceux qui sont à la limite de pouvoir emprunter puissent accéder à la propriété.
Monsieur le ministre, comme la Caisse des dépôts et consignations l’explique très bien dans son rapport, dès lors que, pour les bailleurs sociaux, tout reposera sur la vente HLM, si jamais cette dernière ne se situe pas au niveau que vous espérez, ce sera une catastrophe absolue pour tout le monde ! §Faire reposer votre politique de coupes budgétaires sur la vente HLM pour essayer de sauver le système et, en même temps, supprimer l’APL accession, honnêtement, c’est à n’y strictement rien comprendre.
C’est d’autant moins compréhensible que les enjeux budgétaires ne sont pas considérables : notre amendement vise à déplacer 50 millions d’euros, ce que proposera aussi Marie-Noëlle Lienemann avec l’amendement suivant, en prenant cette somme à un endroit différent. Je vous demanderai, ma chère collègue, de retirer cet amendement pour vous rallier au nôtre.
Il s’agit d’un amendement du groupe socialiste et républicain, monsieur le rapporteur spécial !
Ces 50 millions d’euros, franchement, monsieur le ministre, ce n’est pas un très gros enjeu. Il est absolument nécessaire que vous puissiez évoluer sur la question.
Vous avez décidé, nous a-t-on dit, de bouger en outre-mer sur certains dossiers. Des problèmes particuliers se posent certainement sur place, mais regardez aussi ce qui se passe en métropole. Rétablir l’APL accession, Bercy s’en remettra et cela aidera nombre de nos concitoyens, et probablement vous-même, monsieur le ministre, en matière de vente HLM et de consolidation du secteur !
Marques d ’ approbation sur plusieurs travées.
L’amendement n° II-258, présenté par Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé et Tissot, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
Aide à l’accès au logement
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
dont titre 2
Interventions territoriales de l’État
Politique de la ville
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Cet amendement vise, comme celui de M. le rapporteur spécial, à rétablir les aides personnalisées au logement en faveur de l’accession à la propriété sur l’ensemble du territoire, aussi bien pour le neuf que pour l’ancien.
L’APL accession a vocation à soutenir des ménages aux revenus modestes dans les zones détendues, particulièrement dans les centres-bourgs, et parfois dans des zones où il n’y a pas d’offre locative adaptée pour ces familles. Dans nombre de cas, le projet d’acquisition n’aurait pas pu être possible sans le soutien de l’APL accession, qui intervient comme un réel déclencheur. Cette aide a souvent été nécessaire pour conforter un prêt aidé ; pour les ménages du premier quartile, elle permet de réduire d’un quart les mensualités de remboursement.
Sa suppression, voulue par le Gouvernement, est bien contre-productive : elle a pour effet de bloquer la mobilité des ménages les plus modestes. Elle n’est pas non plus cohérente avec les objectifs du Président de la République, puisque, pour vendre 40 000 logements sociaux à leurs locataires, il faudra accompagner les ménages, qui, pour la plupart, n’ont pas les moyens d’acheter.
L’APL accession est de nature à accroître la mobilité dans le parc social et à faciliter la vente de logements HLM à leurs locataires. De plus, en soutenant les ménages, on soutient aussi l’activité du bâtiment, alors que, comme vous le savez, monsieur le ministre, les chiffres de la construction sont en baisse.
C’est pourquoi nous proposons d’augmenter les crédits du programme 109 de 50 millions d’euros, qui correspondent au coût estimé du dispositif pour un an. Compte tenu de la montée en puissance des ventes de logements HLM, le soutien aux ménages modestes doit être une priorité. Il paraît donc nécessaire que les crédits du programme 109 soient majorés par le Gouvernement sans faire peser cet effort sur le programme 177.
Comme je l’ai précédemment indiqué, j’invite les auteurs de cet amendement à le retirer au bénéfice de celui de la commission.
Le Gouvernement, vous n’en serez pas surpris, est défavorable aux deux amendements.
L’accession, vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur spécial, peut passer par différentes modalités : l’APL accession, mais aussi d’autres, alternatives ou complémentaires, comme le prêt à taux zéro.
J’entends toutes les critiques et je ne crois pas qu’on puisse me reprocher de ne parler que des points positifs et de ne pas affronter les difficultés. J’essaie toujours de répondre précisément, même quand le sujet est difficile.
N’ayons pas la mémoire courte : les prêts à taux zéro s’arrêtaient tous à la fin 2017. Quand j’ai été nommé au Gouvernement, prêts à taux zéro et Pinel, tout s’arrêtait à la fin 2017.
Les gouvernements ont gréé ces dispositifs fiscaux différemment, mais l’un d’entre eux les a-t-il déjà reconduits sur quatre ans, comme nous le faisons pour la plupart ? Généralement, c’était année après année. Comment les opérateurs, constructeurs et autres, devaient-ils faire en 2017, ne sachant pas si le prêt à taux zéro serait maintenu l’année suivante ? Aujourd’hui, nous faisons des choix politiques, mais nous donnons une visibilité et une lisibilité, ce qui me paraît le plus important.
Monsieur le rapporteur spécial, je ne puis vous laisser dire que toute notre politique du logement social, de soutien et de compensation reposerait sur les ventes HLM. Je l’ai dit et répété dans cet hémicycle : les ventes HLM dépendent des territoires. Il y a des territoires où c’est très bien, d’autres où cela ne se fera pas.
Sur les ventes HLM, il n’y a aucune imposition. Vous ne pouvez pas ignorer tout ce qui a été fait, y compris sur le taux du livret A et les prêts de haut de bilan, précédemment mentionnés.
S’il y a un scandale dans le logement social, ce sont les modes de financement en vigueur au cours des dernières années. Alors que tous les autres opérateurs de logements sociaux en Europe bénéficiaient de taux très bas, les organismes français seuls avaient des taux très hauts, parce qu’il fallait donner des coups de pouce de la Caisse des dépôts et consignations.
En aucun cas, notre politique ne repose que sur la vente HLM !
Monsieur le ministre, nous sommes en désaccord, mais je vous renvoie au rapport de la Caisse des dépôts et consignations ; ce que je dis y est écrit noir sur blanc.
Proposer des prêts de haut de bilan ou des allongements de prêts, cela revient à repousser la dette devant soi : mais cette dette, un jour, il faut la rembourser !
Certes, cela vous donne un bol d’air pour assumer ce que vous êtes en train de faire avec la baisse des loyers, mais cela se paiera à un moment donné. Vous trouverez dans le rapport de la Caisse des dépôts et consignations deux graphiques qui démontrent que, en 2037, soit dans moins de vingt ans, l’autofinancement de l’ensemble du secteur sera nul.
Mmes Valérie Létard et Viviane Artigalas opinent.
La Caisse des dépôts et consignations l’exprime très clairement : vous repoussez les annuités devant vous, mais, si la vente HLM n’est pas au rendez-vous, ce sera la catastrophe.
Je ne dis que cela, après avoir longtemps souhaité accéder aux éléments dont la Caisse des dépôts et consignations dispose après avoir fait le tour des bailleurs.
L’an dernier, monsieur le ministre, vous nous disiez de ne pas nous inquiéter, précisant qu’avec les mesures de compensation de la Caisse des dépôts et consignations tout irait très bien.
Si, monsieur le ministre, vous l’avez dit ! Il y a ces mesures d’un côté, la vente HLM de l’autre. En dehors de cela, tout l’ensemble va s’effondrer. Vous pouvez continuer à dire que ce n’est pas vrai, mais je vous renvoie au rapport de la Caisse des dépôts et consignations.
Puisque, si la vente HLM ne fonctionne pas, tout s’effondre, l’APL accession doit servir à solvabiliser ceux qui sont aujourd’hui dans un logement social et qui sont à la limite des possibilités d’acquérir. Rétablir ce dispositif, c’est donc vous aider, monsieur le ministre !
De surcroît, le coût budgétaire n’est pas considérable. Je comprends que Bercy vous pose quelques difficultés, mais je ne comprends pas que vous ne plaidiez pas cette cause.
Je ne reprendrai pas l’argumentaire que développe la Caisse des dépôts et consignations dans son rapport. Il en ressort clairement que, très vite, dès 2035, les organismes d’HLM n’auront plus de fonds propres pour mener correctement leurs activités.
Nous avons un désaccord stratégique avec Bercy et le Gouvernement. Du reste, ce désaccord avec Bercy était largement engagé sous le précédent gouvernement, même si la ministre du logement résistait.
Les HLM ont besoin de constituer des réserves pour préparer l’avenir, puisque, avec leurs emprunts très longs, ils sont obligés d’avoir des crédits pour garantir leur capacité de remboursement ; ils ne peuvent pas tenir en comptant uniquement sur les recettes de loyer. Dès lors que la baisse de ces dernières est annoncée, tout le modèle s’effondre. C’est cette réalité que montre la Caisse des dépôts et consignations au travers de son rapport.
L’APL accession, je ne la défends pas prioritairement pour la vente HLM. Elle peut servir à cela, mais elle sert aussi à tous ces territoires que l’on vise en parlant de fracture territoriale. Même si je me réjouis que l’Assemblée nationale ait voté la prolongation du prêt à taux zéro en cas de prêt social location-accession dans les zones B2 et C, ces territoires, ceux où il y a massivement des barrages de « gilets jaunes », n’ont plus d’outils pour l’accession sociale à la propriété. Il n’y a plus d’aides publiques de l’État dans ces territoires !
Or, pour une partie des familles concernées, l’accession est une forme de promotion qui leur donne le sentiment d’être reconnues et entendues. Ceux qui touchent l’APL sont, grosso modo, ceux qui perçoivent le SMIC : sans cette aide, ils ne peuvent pas accéder à la priorité – et, la plupart du temps, ils ont du mal dans le locatif.
Sans être très coûteuse pour l’État, l’APL accession a donc une fonction de justice territoriale. Elle accompagne des catégories sociales qui, grâce à cette aide, peuvent accéder à la propriété, même s’il ne faut pas leur faire prendre de risques déraisonnables.
Je crois à la promotion sociale. On dit qu’il faut aider ceux qui travaillent. Précisément, la plupart des gens dont nous parlons travaillent. Ils voudraient acheter un petit appartement ou une petite maison, parce qu’ils considèrent que c’est leur horizon de progrès personnel. Franchement, combien cela coûte-t-il à la Nation, par comparaison à plein d’autres dispositifs tout à fait inutiles ?
Notre groupe votera des deux mains l’amendement présenté par Philippe Dallier. Le second amendement vise le même objectif, mais le rapporteur spécial souhaite que tout le monde se rassemble. Cela ne nous pose aucun problème.
Il s’agit, là encore, de fongibilité asymétrique. Nous comptons donc beaucoup sur M. le ministre pour que les crédits nécessaires à la mise en œuvre de cette mesure soient prévus sans que la politique de la ville et l’hébergement d’urgence en pâtissent.
Comme l’ont très utilement souligné les précédents orateurs, quand on veut développer la vente de patrimoine et que l’on vise les autres objectifs inhérents à l’existence même de l’APL accession, que Mme Lienemann a exposés, il est incohérent de ne pas soutenir une initiative destinée à créer les conditions d’une nouvelle dynamique. C’est peu par rapport à toutes les dimensions de la réforme du logement, mais c’est un signal qu’il est indispensable d’envoyer !
Monsieur le ministre, nous essayons de vous dire des choses depuis un an, mais cela n’imprime pas. Oui, nous qui sommes sur le terrain, nous sommes extrêmement inquiets !
S’agissant de l’APL, y compris dans la politique de la ville pour les quartiers, j’ai mis en œuvre dans ma commune de Bron un programme dans lequel des locataires dont l’immeuble était démoli passaient à de l’accession. Il y avait cinquante logements, des maisons individuelles, dont une dizaine d’abordables avec une aide au foncier de la métropole de Lyon et de la ville de Bron. L’aide moyenne était de 157 euros par famille : ajoutée au prêt à taux zéro, elle a permis à de nombreuses familles de passer du grand ensemble à une maison. Vous ne semblez pas mesurer, monsieur le ministre, combien ces 157 euros sont importants pour elles !
Marie-Noëlle Lienemann l’a souligné, le coût de l’APL accession n’est pas très élevé : 50 millions d’euros.
Pensez au gel des APL, à l’emprunt qui va augmenter de 9 % : ce sera insupportable pour les gens s’il n’y a plus l’APL accession. Monsieur le ministre, il faut vraiment que vous révisiez votre politique en fonction de ce que nous vous disons, car nous vivons ces réalités tous les jours !
Philippe Dallier a fait état de l’étude de la Caisse des dépôts et consignations. Elle est claire : il y aura un mur en 2020. Vous nous parlez, monsieur le ministre, de revoyure, mais à ce moment-là il sera trop tard !
J’ai parlé, il y a quelques instants, de la situation en Allemagne et en Grande-Bretagne. Compte tenu de vos décisions prises l’année dernière et cette année, si nous ne prenons pas des mesures tout de suite, nous allons perdre dix ans. Et, en 2020, nous serons au-dessous de 100 000 logements sociaux.
Il faut bien se rappeler que le prix du foncier a été multiplié par quatre en dix ans et qu’il continue d’augmenter. Or, monsieur le ministre, vous ne le prenez absolument pas en compte dans les simulations que vous faites à un an, deux ans ou dix ans.
M. le ministre le conteste.
Nous recherchons tous, dans toutes les politiques publiques, de l’efficience. Or, sur l’accession à la propriété, l’efficience est avérée. Ce dispositif fonctionne bien et provoque une démultiplication bénéfique dans le secteur du logement : pour un coût relativement réduit, voilà une efficience maximale. Le groupe Les Républicains votera donc, des deux mains, l’amendement de la commission.
Non, je le retire, monsieur le président, au profit de l’amendement de la commission. Nous avons montré que nous sommes tous rassemblés sur ce sujet et nous tenons à le marquer davantage encore.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° II-256, présenté par M. Iacovelli, Mme Guillemot, MM. Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé et Tissot, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Créer un programme ainsi rédigé :
Aide aux maires bâtisseurs
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
Aide à l’accès au logement
Aide aux maires bâtisseurs
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
dont titre 2
Interventions territoriales de l’État
Politique de la ville
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
Cet amendement concerne les aides aux maires bâtisseurs.
Lors du précédent quinquennat, le gouvernement avait mis en place, dans le cadre de sa politique de soutien aux maires bâtisseurs, une aide de l’État versée aux communes qui font partie d’une zone tendue et mènent un effort particulier en matière de construction.
Cette aide, mise en place en 2015, répondait à une demande forte de l’ensemble des élus locaux. En 2015, 472 communes en ont bénéficié, pour un montant global de 35 millions d’euros. En 2016, l’aide a concerné 532 communes, pour une enveloppe totale de 46 millions d’euros. Le dispositif devait monter en puissance en 2017, avec 80 millions d’euros de crédits prévus.
Le Gouvernement a supprimé cette aide votée par le Parlement, sans aucune évaluation. Soutenir les communes qui font les efforts nécessaires pour améliorer l’accès au logement de nos concitoyens nous paraît pourtant essentiel.
Nous proposons donc de rétablir pour 2019 les crédits de l’aide aux maires bâtisseurs à hauteur de 45 millions d’euros. Au regard de la volonté du Président de la République de créer un choc de l’offre, il paraît nécessaire que les crédits de l’aide aux maires bâtisseurs soient abondés par le Gouvernement sans faire supporter cet effort par un autre programme de la mission.
Monsieur Iacovelli, je considère que c’est trop peu – en tout cas, très loin des inquiétudes des maires pour l’avenir.
Si l’on veut encourager les maires bâtisseurs, ce à quoi, je pense, M. le ministre sera sensible, il va falloir revenir sur les exonérations de taxe sur le foncier bâti, qui, nous l’avons souligné hier, coûtent 1 milliard d’euros aux communes, aux départements et aux intercommunalités. D’un côté, 1 milliard d’euros, de l’autre, 45 millions d’euros : le vrai sujet pour les maires est là.
Ensuite, par quoi la taxe d’habitation sera-t-elle remplacée ? Aujourd’hui, on a un lien assez direct entre, d’une part, le nombre de logements construits et le nombre d’habitants, et, d’autre part, les ressources de la commune. La taxe d’habitation disparue, il ne restera que la taxe sur le foncier bâti, peut-être, mais le logement social en est exonéré et l’intermédiaire aussi, pour des durées moins longues. On voit bien quelle va être l’inquiétude des maires.
Mon cher collègue, vous soulevez une vraie question, mais, à mon avis, on ne peut pas la mesurer à l’échelle des 45 millions d’euros visés par votre amendement. Il faut ouvrir ce débat avec le Gouvernement. On peut avoir tous les dispositifs du monde, si les maires, qui signent les permis de construire et portent les projets, souvent dans le cadre des intercommunalités, ne peuvent pas être au rendez-vous parce que c’est intenable pour leur commune, on n’y arrivera pas.
Dans ces conditions, je sollicite le retrait de cet amendement : il faut un débat beaucoup plus large sur les ressources des communes et la manière d’inciter celles-ci à construire.
Je veux dire au Gouvernement que, dans la réflexion qu’il doit mener sur les finances locales, puisque ce chantier va être ouvert, il faut penser à récompenser les maires qui font bien.
Aujourd’hui, quand on regarde les fonds de péréquation, les dotations et leur évolution, les maires de bonne volonté, qui font des efforts sur leurs budgets, construisent et s’efforcent de ne pas mettre en place une fiscalité trop élevée dans leur commune, sont systématiquement montrés du doigt et, finalement, punis de leur bonne gestion.
Les auteurs de cet amendement attirent l’attention sur un dispositif vraiment très intéressant, de nature à accompagner l’effort de construction par l’investissement nécessaire sur des infrastructures. J’en ai bénéficié dans ma commune, ce qui m’a permis de financer une mini-crèche. Je trouvais ce dispositif intéressant.
Je suivrai néanmoins l’avis de la commission des finances, mais je voulais attirer votre attention sur la nécessité de récompenser ceux qui font bien !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° II-259, présenté par M. Houllegatte, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé et Tissot, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
Aide à l’accès au logement
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
dont titre 2
Interventions territoriales de l’État
Politique de la ville
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
Un plan d’économie sur les CHRS, les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, de 57 millions d’euros en quatre ans, dont 20 millions dès 2018, a été mis en place cette année.
Sans la moindre consultation préalable, le Gouvernement a publié le 2 mai 2018 un arrêté national fixant des tarifs plafonds par groupe homogène d’activité et de mission. De telles réductions budgétaires impactent lourdement les CHRS, menacent la pérennité de certains d’entre eux et se traduiront rapidement par une baisse de la qualité des services et par un accompagnement social moindre.
Ces centres jouent pourtant un rôle majeur dans l’accompagnement, l’hébergement et la réinsertion sociale de personnes en situation de grande difficulté : jeunes en errance, femmes victimes de violence, personnes précaires atteintes de troubles psychiques ou encore familles en situation de très grande précarité.
Par cet amendement, nous proposons de maintenir pour 2019 les crédits alloués aux CHRS au niveau de ceux de l’année 2018, soit une augmentation de 13, 4 millions d’euros.
Au regard des engagements pris par le Président de la République dans le cadre du plan Logement d’abord, qui nécessite un effort accru en faveur de l’accompagnement social, il paraît nécessaire que les crédits du programme 177 soient majorés en conséquence par le Gouvernement, sans faire supporter cet effort au programme 109 de la mission « Cohésion des territoires ».
Notre collègue Xavier Iacovelli propose un rétablissement de crédits.
D’abord, je veux rappeler que l’affaire de la convergence tarifaire ne date pas d’hier : on en a parlé pendant un certain nombre d’années. Les organismes, les associations qui gèrent cet accompagnement avaient exprimé une grande réticence à s’engager dans cette convergence tarifaire. Force était aussi de constater que des écarts assez importants existaient d’un territoire à l’autre.
La manière dont ces plafonds ont été fixés peut poser quelques difficultés à certains endroits ; c’est peut-être ce problème que vous soulevez. Je préférerais que le Gouvernement y regarde d’un peu plus près afin d’essayer d’ajuster les choses plutôt que de prélever des crédits sur les aides personnalisées au logement.
À notre sens, il n’y a pas de problème en termes de nombre de places, mais se pose effectivement un problème de rationalisation. Sur le principe, nous étions plutôt favorables à cette mesure, mais peut-être faut-il procéder à quelques ajustements.
En conséquence, je demande le retrait de cet amendement.
Je demande aussi le retrait de cet amendement, monsieur le sénateur.
Le sujet que vous pointez concerne, comme l’a dit le rapporteur spécial, la convergence tarifaire. Si je n’aime pas beaucoup cette expression, je tiens à saluer l’action menée par les associations dans la gestion des CHRS, car il s’agit d’accompagner des hommes, des femmes et des enfants en situation de détresse.
Il s’avère que le fait de fixer des objectifs en termes de coûts de gestion a pu impacter certains CHRS, qui apportaient des accompagnements très précis, plus significatifs que dans d’autres cas parce que la situation du public visé – je pense, entre autres, aux familles très exclues – le nécessitait. Le Premier ministre et moi-même l’avons annoncé aux associations au début de la semaine, dans le cadre du plan Pauvreté, des financements additionnels ont été obtenus pour accompagner de manière spécifique les femmes isolées et les familles notamment.
Le plan Pauvreté prévoit de dédier 125 millions d’euros à l’accompagnement de manière générale. Au moins 10 millions d’euros supplémentaires seront donc dédiés, dès 2019, au cas par cas, comme le recommande M. le rapporteur spécial, aux CHRS qui assurent cet accompagnement spécifique et qui ont été mis en difficulté par les objectifs de gestion évoqués. Cette mesure va exactement dans le sens de votre amendement.
Monsieur le ministre, permettez-moi de dire un mot de l’inquiétude des CHRS. Nous avons évoqué cette question lorsque nous vous avons auditionné. Avec la mise en place de la convergence tarifaire, on aurait pu penser que tous ceux qui pratiquaient des prix au-dessus du plafond auraient participé. Or il apparaît que non. En Nouvelle-Aquitaine, l’ensemble des CHRS a été pénalisé – ils l’ont été plus ou moins.
L’enveloppe de crédits évoquée s’élève à 20 millions d’euros. Lors de l’audition, j’avais compris que vous aviez pu obtenir 20 millions, mais que vous prévoyiez 5 millions pour l’accompagnement des maraudes et 5 millions pour l’hébergement hôtelier. Il faut être clair parce que nos CHRS attendent avec impatience : cela signifie-t-il qu’ils auront 10 millions ?
Oui, respectivement 5 millions et 5 millions et 10 millions au moins.
Monsieur le ministre, à la suite de vos explications et de l’engagement a minima de 10 millions d’euros dans le cadre du plan Pauvreté pour accompagner les CHRS, nous retirons cet amendement. Mais nous serons très attentifs à l’utilisation de cette somme in fine.
L’amendement n° II-259 est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-291 rectifié, présenté par MM. Mézard, Requier, Artano, A. Bertrand et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Roux et Vall, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
Aide à l’accès au logement
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
dont titre 2
Interventions territoriales de l’État
Politique de la ville
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Cet amendement vise à abonder les crédits du programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », consacrés à la prime d’aménagement du territoire pour l’industrie et les services, la PAT.
Cette aide directe à l’investissement pour les entreprises porteuses de projets innovants, versée en contrepartie de la création ou du maintien d’emplois, paraît actuellement sous-dotée dans le présent PLF, alors que tous les indicateurs montrent qu’il s’agit d’un dispositif efficace.
Alors même que les besoins de la PAT sont estimés dans une fourchette comprise entre 30 millions et 35 millions d’euros, le PLF 2019 lui consacre à peine 10 millions d’euros, soit trois fois moins que ce qui lui serait nécessaire pour fonctionner à son plein potentiel.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous connaissez comme moi l’impérieuse nécessité de préserver des bassins d’emploi dans les territoires, en particulier dans ceux qui sont les plus en difficulté. Ainsi, 75 % des projets primés par la PAT sur la période 2010-2017 étaient situés dans des territoires à forts enjeux : communes rurales, villes moyennes, quartiers de la politique de la ville ou zones de revitalisation rurale.
En ce sens, la PAT est donc l’un des outils les plus efficaces parmi ceux qui sont mis à la disposition des acteurs économiques locaux, en complément du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT. Entre 2014 et 2017, la PAT a en effet accompagné la création ou le maintien de plus de 39 000 emplois. Pour un euro de PAT distribué, 26 euros étaient investis en 2018 par les entreprises bénéficiaires, contre 42 euros attendus en 2020.
En conséquence, nous proposons ce rééquilibrage cohérent avec l’efficience et les besoins réels de la PAT.
L’amendement n° II-48, présenté par M. Delcros, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
Aide à l’accès au logement
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
dont titre 2
Interventions territoriales de l’État
Politique de la ville
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Cet amendement vise aussi à abonder les crédits de la PAT, avec le même objectif que celui qui vient d’être développé par notre collègue.
Toutefois, le précédent amendement prévoit à la fois des autorisations d’engagement et des crédits de paiement. Or nous n’avons pas besoin de crédits de paiement ; nous en disposons pour les actions qui sont engagées. En revanche, nous avons besoin d’autorisations d’engagement pour ouvrir des crédits supplémentaires pour de nouveaux projets.
L’amendement n° II-220, présenté par MM. Capus, Bignon, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Malhuret et A. Marc, Mme Mélot et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
Aide à l’accès au logement
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
dont titre 2
Interventions territoriales de l’État
Politique de la ville
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Emmanuel Capus.
Cet amendement est presque identique à celui de la commission des finances, présenté par Bernard Delcros : il s’agit également d’augmenter de 5 millions d’euros les autorisations d’engagement et pas les crédits de paiement, à la différence que je prévois de les prélever sur le programme 147.
Pour entrer davantage dans la discussion, cet amendement tend à revenir à la situation de 2018, à l’instar de l’amendement précédent, avec une stabilisation de la dotation à hauteur de 14, 5 millions d’euros en autorisations d’engagement. Plus largement, il importe que le Gouvernement clarifie sa position sur l’avenir de cette prime, dont les crédits ont été divisés par 3, 5 au cours des dernières années. Il est permis de se demander si, à ce rythme, le Gouvernement ne veut pas purement et simplement supprimer cette prime.
L’amendement n° II-261, présenté par MM. Houllegatte, Bérit-Débat, Kanner et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Jacquin et Madrelle, Mmes Préville, Tocqueville, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
Aide à l’accès au logement
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
dont titre 2
Interventions territoriales de l’État
Politique de la ville
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
La commission demande le retrait des trois amendements au profit de celui de la commission, et ce pour des raisons simples.
J’ai déjà développé les arguments concernant l’amendement n° II-291 rectifié : il faut ouvrir des autorisations d’engagement et non des crédits de paiement. Quant à l’amendement de notre collègue Emmanuel Capus, il vise à prélever le même montant, à savoir 5 millions d’euros, sur le programme « Politique de la ville », alors que nous proposons de les prélever pour moitié sur les contentieux d’urbanisme et pour moitié sur l’action n° 04, Programme exceptionnel d’investissement en faveur de la Corse, le PIC, parce que tous ces crédits sont sous-exécutés. Les auteurs de l’amendement n° II-261 prévoient, eux, de prélever les crédits sur le programme 135.
M. Julien Denormandie, ministre. J’ai l’impression que ces amendements font consensus…
Sourires.
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. Un petit effort, monsieur le ministre !
Nouveaux sourires.
Cela ne vous étonnera pas, l’avis est défavorable. Mais je veux y insister, car on parle d’un sujet extrêmement important : la revitalisation de notre territoire pour favoriser le tissu économique.
À titre personnel, j’ai passé de nombreuses années à travailler sur la question de la revitalisation des PME. Aujourd’hui, il ne faut vraiment pas la considérer sous le seul prisme de la PAT. Cette prime est un très bon outil, même si elle est très limitée dans son utilisation, car elle est soumise à des critères géographiques, en vertu de la réglementation européenne. Mais elle vient en complément d’autres outils ; je pense à l’ARI, l’aide à la réindustrialisation, au FDES, le Fonds de développement économique et social, autant d’outils figurant dans d’autres missions qui viennent en appui d’autres structures dédiées, telles que le CIRI, le Comité interministériel de restructuration industrielle, que vous connaissez toutes et tous, qui accompagne les entreprises en restructuration. Au final, c’est l’ensemble de ces outils qui sont utilisés.
Lorsque vous gérez la PAT, gardez à l’esprit que vous raisonnez en fonction des projets : vous faites des autorisations d’engagement, mais nombre de projets peuvent ne pas aboutir et vous récupérez alors les crédits en cours d’année. À la fin des fins, on a toujours, me semble-t-il, réussi à soutenir les projets : quand le projet n’a pas abouti, ce n’était pas, le plus souvent, pour défaut de soutien. Je le redis, il n’y a pas que la PAT. Tout un ensemble de mesures sont aujourd’hui mises en place, mais l’ensemble des dispositifs ne figure pas dans cette mission. C’est la raison pour laquelle l’avis du Gouvernement est défavorable.
Non, je le retire, monsieur le président, au bénéfice de l’amendement de la commission.
L’amendement n° II-291 rectifié est retiré.
Monsieur Capus, l’amendement n° II-220 est-il maintenu ?
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° II-262, présenté par M. Iacovelli, Mme Guillemot, MM. Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé et Tissot, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
Aide à l’accès au logement
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
dont titre 2
Interventions territoriales de l’État
Politique de la ville
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
La loi ÉLAN prévoit de faire passer de 100 % à 20 % la part des logements devant être construits dans le respect des normes handicapées au sein des immeubles d’habitat collectif.
En prévoyant que les logements seront « évolutifs » à l’issue de « travaux simples », le Gouvernement fait peser sur les personnes en situation de handicap la contrainte d’engager des travaux d’adaptabilité. Pendant des mois, nous avons collectivement contesté cette mesure injuste, qui signe un recul sans précédent et va fortement compliquer l’accessibilité des logements aux personnes handicapées.
Cet amendement vise donc à renforcer de 10 millions d’euros les moyens dévolus à l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, afin qu’elle puisse verser des subventions pour travaux aux bailleurs en vue de cofinancer les travaux au bénéfice des personnes en situation de handicap. Au regard de l’engagement du Président de la République de faire du handicap une priorité de son quinquennat – une de plus ! –, il paraît nécessaire que les crédits de l’ANAH soient abondés en conséquence par le Gouvernement, sans faire supporter cet effort au programme 109 de la mission.
Puisque nous avons remonté hier soir, de 420 millions à 550 millions d’euros, le plafond du produit de la vente des quotas carbone affecté à l’ANAH, peut-être pourrions-nous considérer que celle-ci dispose des moyens suffisants pour faire face à l’enjeu que vous soulevez, qui était effectivement une véritable problématique.
Je ne sais pas si l’on peut mélanger ce qui relève des décisions concernant le parc neuf et ce qui relève de celles qui concernent le parc ancien. Quoi qu’il en soit, adapter l’ancien est un véritable enjeu.
La décision prise hier soir par le Sénat, je le répète, est peut-être suffisante pour vous satisfaire. Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, mon cher collègue.
Monsieur Iacovelli, je vous propose également de retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
Même avec un plafond à 420 millions, le dispositif a été gréé avec les équipes de l’ANAH pour faire en sorte que non seulement le programme Habiter mieux passe de 50 000 à 75 000 logements, avec une augmentation de 50 %, mais également que le programme de logements adaptés passe de 15 000 à 30 000, soit le double, comme je m’y étais engagé, et il prévoit en outre les actions de financement de copropriétés dégradées. Le dispositif a été fait et calibré avec les équipes de l’ANAH pour faire en sorte que les moyens alloués à ces programmes, qui sont en augmentation, soient conformes aux engagements que nous avons pris.
Je veux dire un mot sur le financement de l’ANAH.
Sur ce sujet, je n’aime pas parler en chiffres. Je comprends bien que le Gouvernement se fixe toujours des objectifs. Vous nous dites : on va passer de 50 000 à 75 000, mais je vous renvoie aux conclusions de la Cour des comptes faites en vertu de l’article 58-2° de la LOLF : elle craint que l’on fasse du chiffre en termes de nombre de dossiers, mais que le contenu des dossiers ne soit plus tout à fait le même.
Or je vous rappelle, monsieur le ministre, que deux dispositifs sont maintenant mis en place, les dispositifs « Habiter mieux agilité » et « Habiter mieux sérénité », si mes souvenirs sont bons, mais l’un sera beaucoup plus light que l’autre, si je puis dire. On peut donc se poser la question – on doit même se poser cette question ! – de l’efficacité du programme Habiter mieux. Faire du chiffre, c’est bien, mais il est également souhaitable de s’assurer que les dossiers proposés et menés à terme soient les plus efficaces possible eu égard à l’argent public investi.
Fallait-il remonter le plafond à 550 millions ? Si la présidente de l’ANAH était déjà ravie – c’est ce que vous nous avez dit, monsieur le ministre –, tant mieux ! Elle le sera plus encore avec la décision prise hier soir par le Sénat !
Oui, je le maintiens, monsieur le président.
Je félicite le Sénat – je nous félicite !
Sourires.
… je me dis que l’on pourra peut-être inscrire ces 10 millions par une autre voie.
En conséquence, je maintiens cet amendement, en soutien à l’ANAH. Cette agence a d’autres dossiers à traiter, et je suis sûr que ces 10 millions lui seront agréables.
Pour taquiner M. le ministre, je dirai que l’on peut faire du vrai narratif sur une taxe carbone. Il s’agit bien ici des recettes liées à la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre aux entreprises ; cela n’a donc rien à voir avec la contribution climat-énergie.
Concernant la mise aux enchères, les recettes vont augmenter progressivement au cours des prochaines années ; c’est la logique européenne. Je vais dans le sens de Philippe Dallier : puisque les recettes vont augmenter, voilà l’occasion de nous projeter dans cette trajectoire et de réaliser une évaluation la plus précise possible de l’efficacité des dispositifs en place.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° II-263, présenté par Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lurel, Kanner, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mmes Préville, Tocqueville, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
Aide à l’accès au logement
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
dont titre 2
Interventions territoriales de l’État
Politique de la ville
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Catherine Conconne.
Chlordécone : scandale d’État !
Pendant plus de vingt ans, malgré les interdictions d’utilisation, l’État a tout de même continué de délivrer des agréments pour un produit que l’on découvre aujourd’hui comme étant le pire de ce que l’on a pu produire dans le domaine phytosanitaire. Les effets sont aujourd’hui irréversibles. Oui, je dis bien « irréversibles », car que dire d’autre lorsque l’on vous dit que le produit sera éliminé au bout de 800 ans ?
Ce produit a pollué les terres : plus de la moitié du pays est aujourd’hui fortement polluée avec des produits déclarés comme inconsommables – productions végétale et animale. Il a également ruisselé, et plus du quart du littoral est aujourd’hui impropre à la pêche. Je vous laisse imaginer les dégâts occasionnés en raison de la poursuite de cette pratique, alors qu’elle avait été interdite depuis longtemps par les autorités sanitaires.
Le Président de la République s’est rendu à la Martinique et à la Guadeloupe – les deux départements touchés – voilà quelques semaines. Il a assuré le scandale d’État, il a assumé le scandale d’État. Il a affirmé que des moyens allaient être prévus pour que le plan Chlordécone III – les deux premiers ont été très timorés au regard des enjeux – soit doté de moyens à la hauteur des enjeux.
Aujourd’hui, des produits continuent d’être vendus en bord de route, sur des marchés parallèles, etc., sans que l’État ait les moyens de pouvoir contrôler s’ils sont propres ou impropres à la consommation. Face à l’ampleur des dégâts, vous l’imaginez bien, il faut des moyens. Quand on nous dit que 1 million d’euros sera dédié au plan Chlordécone III en 2019, en dépit des annonces et des promesses du Président de la République, on n’est pas à la hauteur ! On n’est pas à la hauteur des enjeux ni d’une ambition nationale pour régler le problème.
Mon amendement, pour lequel la recevabilité financière a été déclarée, prévoit de doter le plan Chlordécone III de 2 millions d’euros supplémentaires, en déduction du programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat », afin de prendre en compte l’ampleur du plan sur ces terres et ces productions.
Notre collègue a rappelé de façon précise la situation. Dans le PLF 2019, 2 millions d’euros sont prévus en faveur de ce plan, soit le même niveau que l’année passée. Elle a également rappelé les engagements du Président de la République pour renforcer les crédits, et c’est nécessaire. Nous allons voir quel sera l’avis du Gouvernement sur cet amendement et comment il compte honorer les engagements du Président de la République. En tout cas, la commission émet un avis de sagesse.
Madame la sénatrice, nous avons longtemps eu ce débat, notamment avec vos collègues députés. Permettez-moi tout d’abord de vous remercier des propos que vous avez tenus à l’endroit du Président de la République, qui a effectivement souligné que cette situation est ô combien inacceptable pour nos concitoyens. Au-delà du geste symbolique de sa présence sur place, le Président de la République a pris l’engagement très fort de faire passer le budget à 3 millions d’euros d’ici à 2020.
Dès le lendemain de ce déplacement, dans le cadre des décisions interministérielles budgétaires, il a été acté que ces financements seraient mis en œuvre tout de suite en gestion. Qu’est-ce que cela signifie ? Au lieu de prendre ces fonds supplémentaires sur tel ou tel programme, ce sont les différents ministères potentiellement concernés qui vont contribuer. En gestion, l’engagement a été pris et l’arbitrage a été rendu pour faire en sorte que les engagements annoncés par le Président de la République soient bien tenus.
C’est pour cette raison que j’ai exprimé, à l’Assemblée nationale, une demande de retrait ou, à défaut, un avis défavorable. J’ai même émis à la fin du débat un avis de sagesse en disant aux parlementaires : vous avez l’engagement du Président de la République et du Gouvernement, par la voix du Premier ministre, dans le cadre des arbitrages interministériels ; cet engagement sera tenu via la gestion et non pas via un crédit budgétaire additionnel d’un programme.
Mme Catherine Conconne. Vous m’êtes bien sympathique, monsieur le ministre, c’est vrai.
Sourires.
Cela nous change de l’attitude d’autres membres du Gouvernement que nous avons observée il n’y a pas plus tard qu’une semaine dans cet hémicycle. Je vous le redis, c’est un plaisir de travailler avec vous. Mais comment puis-je vous croire ?
Scellons dans la loi une volonté écrite, une volonté dite, une volonté annoncée, une volonté proclamée, qui n’était pas de l’incantation, parce que le Président y a mis les formes, regrettant même le manque d’ambition des plans précédents et affirmant qu’il fallait absolument doubler les efforts pour le plan Chlordécone en Martinique et en Guadeloupe !
Vous me parlez d’un arbitrage ministériel : monsieur le ministre, mettez la main sur le cœur, et répétez-le-moi encore !
Sourires et applaudissements sur plusieurs travées.
Je mets aux voix l’amendement n° II-263.
L’amendement n° II-264, présenté par Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lurel et Kanner, Mme Guillemot, MM. Iacovelli et Daunis, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Duran, Montaugé et Tissot, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
Aide à l’accès au logement
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
dont titre 2
Interventions territoriales de l’État
Politique de la ville
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Catherine Conconne.
Là encore, je m’adresserai au ministre. Je reviens d’une réunion dans son ministère et je l’ai entendu parler de l’outre-mer, disant que certains crédits avaient été rétablis. Mon amendement prendra donc la forme d’un amendement d’appel.
Le projet annuel de performance de la mission « Cohésion des territoires » précise que l’action n° 03, Lutte contre l’habitat indigne, du programme 135 financera à hauteur de 17 millions d’euros un nouveau dispositif d’aide aux travaux.
Cet amendement d’appel est destiné à obtenir des précisions de la part du Gouvernement sur cette subvention. Quelle part sera réellement affectée à la réhabilitation des logements outre-mer et selon quelles modalités ?
Amendement d’appel : notre collègue est impatiente d’entendre le ministre. Je lui cède donc la parole.
Madame la sénatrice, lorsque l’APL accession a été réduite – elle ne concerne plus que la zone C sur notre territoire –, cela a eu effectivement un impact très fort sur la lutte contre l’habitat insalubre, notamment dans nos territoires ultramarins. Aujourd’hui, par notre proposition dans le projet de budget, nous réintroduisons un dispositif de nature à accompagner la lutte contre l’habitat insalubre, en particulier outre-mer.
Ont été déposés à la fois un amendement en lettres et un amendement en chiffres, ce dernier indiquant que, dans les 17 millions d’euros, au moins 2, 5 millions sont d’ores et déjà identifiés pour traiter grosso modo les 1 000 dossiers aujourd’hui en attente et en souffrance. Voilà ce que dit le budget.
Une deuxième question est à évoquer : comment pérenniser le dispositif ? L’un des outils permettant de lutter contre l’habitat insalubre étant compris dans l’APL accession, il faut certainement imaginer un dispositif plus pertinent à l’égard des territoires ultramarins. C’est pour cette raison que j’ai demandé au CGEDD, le Conseil général de l’environnement et du développement durable, de nous faire des propositions, en vue d’imaginer le plus vite possible comment nous pouvons assurer cet accompagnement à l’avenir. Voilà exactement où nous en sommes dans nos travaux. Retrait ou défavorable.
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
Aide à l’accès au logement
Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat
Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
dont titre 2
Interventions territoriales de l’État
Politique de la ville
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
J’espère que le Gouvernement sera favorable à mon amendement. Il s’agit, pour l’essentiel, de corriger un défaut d’adaptation.
Vous savez que l’on a créé il y a peu les organismes de foncier solidaire, les OFS, ainsi que le bail réel solidaire, le BRS. J’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer, le BRS favorise l’accession sociale à la propriété en dissociant le foncier et le bâti. En d’autres termes, vous achetez le bâti et vous payez une redevance à l’OFS pour le foncier.
Le prêt à l’accession sociale, le PAS, regroupe quant à lui des prêts accompagnant l’accession à la propriété des ménages les plus sociaux et par ailleurs garantis par l’État. Le nombre de ces prêts est néanmoins très limité, car ils visent vraiment des catégories modestes.
Aujourd’hui, le PAS est généralisé à tous les accédants à la propriété. Or il n’a pas été adapté aux bénéficiaires du BRS, c’est-à-dire à ce dispositif qui dissocie le foncier du bâti. Cet amendement tend par conséquent à étendre le PAS à toutes les formes d’accession à la propriété, qu’elle soit classique ou qu’elle résulte d’un BRS.
La somme en jeu, qui s’élève à 50 000 euros, n’est pas considérable. Pour autant, cette disposition aidera beaucoup de familles. En outre, la mesure ne devrait pas accroître de manière déterminante le nombre de PAS souscrits.
Je me suis posé la question de l’opportunité de déposer un tel amendement, mais je n’aurais pas pensé à proposer un transfert des crédits au sein du programme, car j’aurais craint qu’il ne soit frappé par le couperet de l’article 40 de la Constitution.
Cela étant, l’idée étant commune, je considère qu’il s’agit d’une bonne initiative. Je souhaite entendre l’avis du Gouvernement.
Sur le fond, je partage votre avis, madame la sénatrice : je suis favorable à ce que le BRS soit éligible au PAS.
Comme vous le savez, on est tout de même allé très loin dans la loi « Logement » en ce qui concerne le BRS. D’ailleurs, je me permettrai un petit clin d’œil, si j’ose dire : à l’époque, ce dispositif avait été introduit dans la loi Macron, qui plaidait déjà pour l’instauration du dispositif que vous soutenez aujourd’hui.
Sourires.
J’y suis donc totalement favorable. En revanche, ce que je vous propose et ce que je m’engage à faire, c’est de présenter dans le cadre de la discussion des articles non rattachés une disposition pour rendre le BRS prochainement éligible au PAS.
En effet, il ne s’agit pas tant d’une question de chiffres, comme vous le laissez penser par votre amendement, que d’une question de lettres, si j’ose dire. La meilleure solution serait donc que vous retiriez votre amendement et que le Gouvernement introduise le dispositif dans le cadre d’un article non rattaché, ce que je m’engage à faire.
Il n’y a aucune raison de douter de la parole du ministre. Je retire donc mon amendement, monsieur le président. L’important est d’obtenir la garantie que l’on reprendra ma proposition.
M. Julien Denormandie, ministre. Je le promets la main sur le cœur !
Rires.
L’amendement n° II-158 est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Cohésion des territoires », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
Les crédits ne sont pas adoptés.
Monsieur le président, je m’exprime à cet instant en tant que maître du temps – on n’ose plus parler de maître des horloges – et appelle mes collègues, afin que nos débats se passent pour le mieux, à davantage de célérité de manière à éviter un dépassement trop important des délais impartis à l’examen de cette mission et tout risque de report.
Je compte à la fois sur la compréhension de chacun et sur l’efficacité du travail parlementaire. La sagesse étant de mise dans notre Haute Assemblée et l’appétit venant, je suis certain que l’on va revenir à la reprise avec plein de force et de vigueur !
Sourires.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.