Intervention de Julien Bargeton

Réunion du 30 novembre 2018 à 14h30
Loi de finances pour 2019 — Investissements d'avenir

Photo de Julien BargetonJulien Bargeton :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, la mission « Engagements financiers de l’État » n’est, à première vue, ni la plus simple ni la plus enthousiasmante du budget général, mais elle est essentielle. Ses crédits ont la spécificité d’être évaluatifs et non limitatifs, car c’est dans cette mission que le Gouvernement prévoit le montant de la charge de la dette publique. Celui-ci s’élève à 42, 5 milliards d’euros pour l’année 2019, constituant le quatrième poste de dépenses, avec près de 13 % des crédits du budget général de l’État. La charge de la dette progresse donc, sans toutefois égaler les niveaux des années 2012 et 2013, quand elle atteignait quelque 55 milliards d’euros.

La situation macroéconomique pour 2019 reste contrastée. Pour le FMI, la croissance sera de 3, 7 % dans le monde ; pour la Commission européenne, elle sera assez forte, bien qu’en léger repli, à 2, 1 % en zone euro et à 2 % dans l’Union européenne. Cependant, ces prévisions sont entachées d’un certain nombre d’aléas, parmi lesquels les tensions commerciales avec les États-Unis et le retour de la volatilité sur les marchés financiers. Dans ce contexte, et non sans prudence, le Gouvernement a choisi une hypothèse de croissance de 1, 7 % pour 2019, comme, d’ailleurs, pour les budgets à venir jusqu’en 2022.

En 2019, l’encours de la dette négociable de l’État va poursuivre sa progression, avec une augmentation de 84 milliards d’euros par rapport à 2018, pour atteindre 1 845 milliards d’euros, soit deux fois le niveau de 2007. Cela résulte également d’une normalisation des conditions de financement de l’État, avec une remontée progressive des taux d’intérêt ainsi qu’une reprise de l’inflation.

La durée de vie moyenne de la dette négociable de l’État continue de s’allonger et s’établit à 7 ans et 325 jours à l’automne 2018, traduisant une stratégie mise en œuvre par l’Agence France Trésor afin de profiter de l’environnement de taux pour allonger la maturité de la dette, de manière à se protéger du risque d’une remontée brutale des taux d’intérêt. Cet allongement s’explique également par la demande des investisseurs pour des titres de maturité plus longue, générant des rendements plus élevés.

Pour faire un sort à une fake news récurrente, je tiens à rappeler que la détention de la dette négociable de l’État par des non-résidents est à son plus bas niveau depuis dix ans : à la fin de 2009, deux tiers de la dette négociable était entre leurs mains, contre seulement un peu plus de la moitié – 53, 3 % – à l’automne 2018. Rappelons que ces non-résidents sont surtout européens, pour 60 %, et, dans une bien moindre mesure, asiatiques pour 13 % ou américains pour 9 %.

J’ajoute un mot sur un nouveau produit de la dette : l’OAT verte. Émise par la France depuis janvier 2017 pour un montant initial de 7 milliards d’euros, mais dont l’encours atteint aujourd’hui presque 15 milliards d’euros. Cette obligation assimilable du Trésor verte permet de financer quatre objectifs : la lutte contre le changement climatique, l’adaptation au changement climatique, la protection de la biodiversité ou encore la lutte contre la pollution. L’OAT verte est un instrument intéressant qui permet de rendre plus transparentes les dépenses environnementales de l’État, notamment en matière de transition énergétique.

Je souhaite également dire un mot des investissements d’avenir, qui font désormais partie du Grand Plan d’investissement d’un montant de 57 milliards d’euros sur le quinquennat et dont je rappelle les quatre points cardinaux : accélération de la transition écologique, développement d’une société de compétences, ancrage de la compétitivité sur l’innovation et construction de l’État de l’âge numérique.

Je rappelle que ce troisième plan d’investissements d’avenir, ou PIA 3, s’inscrit dans des actions au-delà du cadre budgétaire que nous connaissons : les autorisations d’engagement ont été ouvertes en 2017 et atteignent 10 milliards d’euros, mais ce qu’il faut regarder, vous le savez bien, ce sont les crédits de paiement autorisés annuellement. Pour l’exercice 2019, ceux-ci s’élèvent à 1, 05 milliard d’euros. Il s’agit donc d’un effort substantiel.

Plus de 200 millions d’euros sont consacrés au soutien à la constitution de grandes universités de recherche de rang mondial et 430 millions d’euros à la valorisation de la recherche et au transfert de technologie. À ce sujet, j’appelle votre attention sur le rapport de la Cour des comptes publié en mars 2018, qui nous invite à regarder les résultats de ce plan. La Cour recommande notamment de « resserrer le périmètre des outils du PIA » pour « améliorer les conditions de valorisation de la recherche publique. » Il est parfois difficile de tenir compte des rapports dans nos débats budgétaires, même si l’on en écrit et que l’on en lit beaucoup…

Enfin, 400 millions d’euros sont fléchés vers l’accompagnement de la modernisation de nos entreprises, pour, notamment, les aider à s’adapter au défi numérique. La discussion du projet de loi PACTE nous donnera l’occasion d’évoquer de nouveau ces sujets.

Je termine la présentation de ces « zakouskis budgétaires » avec un mot rapide sur la mission « Remboursements et dégrèvements », qui gonfle logiquement en 2019, car elle contient le dégrèvement versé par l’État au bloc communal au titre de l’exonération de taxe d’habitation, lequel passe de 7 milliards d’euros pour 2018 à 11, 5 milliards d’euros en 2019. Cela ne correspond pas à ma définition d’une fiscalité punitive ! C’est le résultat d’un engagement fort en faveur des Français des classes populaires !

Le projet de loi sur les finances locales, qui sera, selon toute vraisemblance, présenté au premier semestre, permettra de débattre du bouclage financier total de cette exonération. Il constituera un événement très important auquel nous serons attentifs, monsieur le secrétaire d’État. Vous pouvez compter sur la mobilisation vigilante et précise du Sénat sur ce sujet.

Au regard de tous ces enjeux – gestion de la dette, investissements d’avenir, baisse de la taxe d’habitation –, nous voterons les différents crédits de ces missions.

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