Intervention de Henri de Richemont

Réunion du 22 février 2007 à 15h00
Protection juridique des majeurs — Adoption définitive des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Henri de RichemontHenri de Richemont, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai l'honneur de rapporter, au nom de la commission mixte paritaire, le texte portant réforme de la protection juridique des majeurs, qui a été adopté par cette dernière avant-hier.

L'objet de ce projet de loi était de mettre fin aux dévoiements des lois de 1966 et de 1968 sur les tutelles : destinées à protéger les majeurs dont les facultés mentales étaient altérées, elles étaient plutôt utilisées comme des mesures de protection sociale ou d'accompagnement social.

Les principales dispositions votées par le Sénat, qui figuraient dans le texte initial du Gouvernement, visaient à opérer une distinction très claire entre, d'une part, les mesures de protection juridique relevant de la décision du juge et permettant de prononcer la tutelle ou la curatelle en cas d'altération des facultés mentales et, d'autre part, les mesures d'accompagnement social, qui ressortent des conseils généraux.

L'Assemblée nationale avait voté un amendement remettant en cause l'équilibre et la philosophie même du texte présenté, puisque, au lieu de limiter la mesure d'accompagnement judiciaire à la gestion des seules prestations sociales du majeur, elle l'avait étendue à la gestion de ses ressources.

Considérant qu'une telle disposition allait à l'encontre de l'esprit du texte qui visait à supprimer la curatelle pour prodigalité ou oisiveté et à prévoir une protection uniquement dans le cas où une personne ne gérerait pas comme il convient les prestations sociales, le Sénat a rétabli le texte qui avait été proposé par le Gouvernement.

Pour autant - et je parle sous le contrôle des membres la commission des affaires sociales, notamment de Mme Dupont, en les remerciant de leur contribution à nos travaux - l'on peut se demander pour quelles raisons une personne disposant de ressources et ne percevant pas de prestations sociales ne mériterait pas de bénéficier également d'un accompagnement. Cependant, si nous avions statué dans ce sens, nous aurions rétabli la curatelle pour prodigalité alors qu'elle n'est quasiment jamais prononcée. Il y a donc eu un consensus entre la commission des lois et la commission des affaires sociales de notre assemblée pour rétablir le texte du Gouvernement à cet égard.

J'espère, monsieur le ministre, que vous êtes satisfait de la décision de la commission mixte paritaire de suivre la position du Sénat sur ce point auquel vous étiez attaché.

La commission mixte paritaire a également retenu les amendements du Sénat concernant le mandat de protection future : l'obligation de faire appel à deux notaires dans le cas de la conclusion d'un mandat par acte authentique est supprimée ; le mandat sous seing privé doit être passé en présence d'un avocat et, si tel n'est pas le cas, il devra être établi selon un mandat type, défini par décret en Conseil d'État.

Là encore, monsieur le ministre, j'espère que vous êtes satisfait de cet apport du Sénat, approuvé par la commission mixte paritaire.

Par ailleurs - et la commission des affaires sociales, en particulier Mme Dupont, a joué un rôle très important dans ce domaine - le Sénat a encadré l'activité des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, afin de faire en sorte que les mandataires judiciaires travaillant dans un établissement médicosocial agissent d'une manière indépendante et figurent sur la liste établie par le préfet.

La commission mixte paritaire a repris l'amendement du Sénat prévoyant que la radiation des personnes chargées de la protection des majeurs dans un département doit apparaître sur une liste nationale ; il s'agit là d'un apport essentiel.

En tant que rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire, je souhaite apporter une clarification s'agissant d'un amendement que j'avais déposé sur le changement de régime matrimonial, dans le prolongement de la loi portant réforme des successions et des libéralités. Cet amendement prévoit qu'il ne doit être procédé à la liquidation du régime matrimonial qu'en cas de nécessité, c'est-à-dire, concrètement, en cas de passage du régime communautaire à un régime séparatiste. À l'inverse, le passage du régime de séparation de biens à celui de la communauté universelle n'impliquera pas la nécessité d'établir un état liquidatif. L'amendement ne précisait pas ce point, mais je suis sûr, monsieur le ministre, que vous confirmerez cet élément qui me paraît fondamental.

Mes chers collègues, le Sénat ne se retrouve pas intégralement dans le texte qui a été voté.

Nous avions rétabli une possibilité de récupération sur la succession du majeur protégé ; cela avait donné lieu à un débat important. La commission mixte paritaire a choisi de supprimer ce mécanisme, qui, certes, n'existe pas à l'heure actuelle, au motif qu'il ne pouvait concerner que de petites successions et, en particulier, des majeurs ne disposant que d'un immeuble. Il convenait donc, afin de protéger l'immeuble familial, de ne pas permettre la récupération sur succession future.

Dans la mesure où le principe du financement de la mesure de protection par le majeur protégé est clairement inscrit dans le texte de loi, il a paru cohérent au Sénat de prévoir une action en récupération. Toutefois, la commission mixte paritaire a cru faire preuve d'ouverture en interdisant l'action en récupération.

Par ailleurs, la commission des lois avait proposé de permettre à un majeur protégé de bénéficier du nouveau régime de la fiducie, et le Sénat avait approuvé cette disposition.

En effet, il n'est pas possible de déclarer systématiquement qu'il est difficile pour les familles d'accepter d'être tuteur ou curateur, de même qu'il n'est pas souhaitable d'incriminer l'incompétence des mandataires judiciaires, des tuteurs ou des curateurs, sans trouver une solution au problème posé, surtout lorsque le patrimoine est important.

En conséquence, nous avions proposé d'étendre le régime de la fiducie uniquement aux majeurs protégés afin d'inciter les membres de la famille à accepter d'être tuteur. Par le biais d'un patrimoine d'affectation, nous souhaitions permettre la gestion du patrimoine par une profession juridique réglementée - un notaire ou un avocat -, ce qui donnait tout gage de bonne gestion. Ce dispositif était très encadré puisqu'il était soumis à l'autorisation du juge. La transparence fiscale était assurée. Il n'y avait donc aucun risque de fraude, de quelque nature que ce soit.

La commission mixte paritaire a suivi la position du Gouvernement, qui s'opposait fortement au texte accepté par le Sénat, pour des raisons qui ne me paraissent pas convaincantes. Le seul motif avancé était le suivant : après l'adoption de dispositions tendant à exclure la fiducie pour toute personne physique, ce n'était pas le moment d'étendre ce régime, même à un majeur protégé. Mais ce ne sera jamais le moment !

Nous avons le meilleur système juridique du monde ! Le problème, c'est que nous sommes les seuls à le croire. Tous les autres pays utilisent les outils juridiques dont nous ne voulons pas.

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