Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 30 novembre 2018 à 14h30
Loi de finances pour 2019 — Cohésion des territoires

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé de la ville et du logement, mes chers collègues, disons-le tout de suite : je proposerai au Sénat, au nom de la commission des finances, de rejeter les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». Cela ne signifie pas que, programme par programme, il n’y ait aucun point positif – j’y reviendrai –, mais ce budget traduit d’abord une politique que nous devons apprécier dans son ensemble et, avant tout, à l’aune de ses résultats ; or nous en constatons les premiers effets en matière de logement.

Ce n’est pas faute de vous avoir prévenu, monsieur le ministre. L’an dernier, ici même, sur toutes les travées, et en juillet encore, lors de l’examen de la loi ÉLAN, la bien mal nommée, nous avons dit et répété que vos choix politiques et budgétaires auraient des conséquences dramatiques. Nous y sommes ! Les derniers chiffres montrent une chute inquiétante des réservations pour la promotion privée, et le nombre de logements sociaux financés repassera probablement cette année sous le seuil des 100 000.

L’an dernier, et à l’été encore, vous vous vouliez rassurant. Les fameuses mesures de compensations de la Caisse des dépôts et consignations ainsi que la loi ÉLAN, qui mettra du temps à produire ses effets, allaient permettre aux acteurs du secteur d’encaisser le choc budgétaire. Grave erreur ! La reconnaîtrez-vous enfin et en tirerez-vous les conséquences ?

Votre politique a un but : réaliser des économies budgétaires. Elles sont là. Mais à quel prix ? Moins de logements dès cette année, moins d’emplois demain, mais aussi moins de rentrées sociales et fiscales pour l’État. C’est donc dans ce contexte difficile que nous examinons les crédits de la mission. Malheureusement, contraints par la LOLF, il ne nous est pas possible de modifier le cours que vous avez donné aux choses. Mais nous voulons, une fois encore, tirer le signal d’alarme.

La mission est dotée cette année de 16, 1 milliards d’euros de crédits de paiement, mais, vous le savez, le programme 109 en porte l’essentiel, avec la contribution de l’État aux aides personnalisées au logement, qui représente 82 % de ces crédits.

Les dépenses fiscales, avec en particulier les différents taux réduits de TVA, représentent un coût comparable – 17, 7 milliards d’euros –, et même désormais légèrement supérieur, bien qu’en baisse, si l’on prend en compte le CITE, le crédit d’impôt pour la transition énergétique.

S’agissant du programme 177, « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », il est à noter que la gestion des centres d’hébergement d’urgence dédiés aux migrants d’Île-de-France est enfin transférée à la mission « Immigration et asile ». Voilà un point de clarification budgétaire bienvenu !

Abstraction faite de cette mesure de périmètre, les crédits de paiement sont en hausse de 43 millions d’euros.

Malheureusement, et en même temps, le Gouvernement a procédé, en projet de loi de finances rectificative, à une ouverture de crédits de 60, 2 millions d’euros. Il est donc à craindre que les crédits pour 2019 ne soient toujours pas suffisants, même si l’effort de rebasage entrepris depuis deux ans est à saluer.

Les moyens des CHRS, les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, sont réduits de 14 millions d’euros, alors même que le plan Logement d’abord, lancé à l’automne 2017, tarde vraiment à produire des résultats. Cependant, j’interprète ce chiffre non pas comme une réduction du nombre de places offertes, mais, en partie, comme le résultat de la poursuite de la convergence tarifaire entre structures.

S’agissant du programme 109, « Aide à l’accès au logement », les crédits destinés au FNAL, le Fonds national d’aide au logement, diminuent encore de 1, 1 milliard d’euros, sous l’effet de deux nouvelles mesures de rendement budgétaire : la sous-revalorisation des aides – 0, 3 % – par rapport à l’inflation – 1, 6 % – et la prise en compte des revenus contemporains des allocataires, qui impactera d’abord, soyons-en conscients, les jeunes qui entrent sur le marché du travail, qui se verront dès lors réduire ou couper l’APL bien plus rapidement qu’avant.

Se pose également la question du rendement de cette mesure : annoncée à hauteur de 1, 2 milliard d’euros en année pleine, elle ne pourra finalement être mise en œuvre avant juillet. Pourtant, le Gouvernement retient toujours un gain de 900 millions d’euros en 2019. Cela mérite quelques explications.

Soulignons enfin le risque pointé par la CAF, qui, si elle pense être au rendez-vous de juillet malgré la complexité technique du dispositif, craint cependant d’être débordée par les demandes d’explications des allocataires et de ne pas être en mesure de les traiter dans des délais raisonnables.

L’article 74 ter de ce PLF rétablit partiellement l’APL accession, dans certaines conditions, mais en outre-mer uniquement. Nous nous en réjouissons, mais, monsieur le ministre, c’est sur l’ensemble du territoire et de manière pérenne qu’il faudrait la rétablir. Je vous proposerai symboliquement un amendement en ce sens.

Quant au programme 135, « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat », son contenu ne change pas de manière considérable, si ce n’est que 2019 restera l’année de l’extinction des aides à la pierre sous forme de crédits budgétaires. Ce n’est guère une surprise, me direz-vous : la pente sur laquelle nous étions rendait ce terme inéluctable.

Un point, maintenant, sur les conséquences de la mise en place de la réduction de loyer de solidarité, dont le rendement pour l’État, du fait de la baisse des APL, est plus important que prévu : environ 870 millions d’euros en année pleine, contre 800 millions initialement prévus, ce qui signifie que, pour les bailleurs sociaux, le coût est lui aussi plus élevé.

Nous nous interrogeons également sur le rendement de l’augmentation de la TVA pour les bailleurs sociaux, de 5, 5 % à 10 %, qui a permis l’étalement sur trois ans de la RLS, la réduction de loyer de solidarité. Combien cette hausse de TVA aura-t-elle rapporté en 2018 ?

En tout état de cause, nous souhaitons une révision des paramètres pour 2019, afin de rester dans l’objectif prévu de 1, 5 milliard d’euros – 800 millions d’euros de réduction d’APL pour financer la RLS, côté dépenses, ou moins si, côté recettes, la TVA rapportait davantage.

Quelques mots sur l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, qui a bénéficié en 2018 de la remontée significative du cours des quotas carbone. Malheureusement, cette hausse n’a pas échappé à Bercy, puisque l’article 29 du PLF abaissait le plafond de la part de ces quotas destinée à l’ANAH de 550 millions à 420 millions d’euros ! Le Sénat, la nuit dernière, a rétabli le plafond de 550 millions d’euros.

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