Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient d’évoquer les programmes 112 et 162.
Le programme 162, « Interventions territoriales de l’État », ne change pas de périmètre, et les crédits augmentent de 5 % environ. Cependant, je ferai quelques observations.
S’agissant de l’action n° 04 en faveur de la Corse, le retard constaté a conduit à prolonger l’action, et des crédits sont ouverts, pour 2019, au même niveau que pour 2018.
Concernant l’action n° 09, Plan littoral 21, les crédits augmentent pour passer de 1 million à 4 millions d’euros – c’était prévu, puisque cette action a été mise en place l’année dernière.
Concernant l’action n° 06, Plan gouvernemental sur le marais poitevin-Poitou-Charentes, je regrette que, cette année, aucun crédit n’ait été inscrit en autorisations d’engagement. Je suis allé sur le terrain, dans le cadre d’un contrôle budgétaire, pour me rendre compte de ce qui s’y passe vraiment, et je sais qu’il y a encore des actions importantes à mener, tant pour la préservation de la biodiversité du marais que pour les agriculteurs qui se sont engagés dans l’élevage en prairies naturelles. J’estime, pour être tout à fait précis, qu’il reste trois ans d’action à mener, et je souhaite que l’on veille à la poursuite de cette action, hors PITE, ou programme des interventions territoriales de l’État, dans le cadre des crédits que pourra utiliser le préfet de région, lequel, d’ailleurs, joue un rôle de coordination très important.
Enfin, 2 millions d’euros sont inscrits au titre de l’action n° 08, Plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, montant inchangé par rapport à l’année dernière. Nous savons que les moyens, en la matière, doivent être renforcés. Le Président de la République, qui s’est rendu sur place, l’a annoncé ; des amendements ont été déposés en ce sens.
J’en viens au programme 112.
Lorsqu’on retrace l’évolution de ce programme sur les dix dernières années – ce n’est donc pas vous, monsieur le ministre, qui êtes en cause en particulier –, on est en droit de s’interroger. Le programme 112 s’intitule « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement des territoires ». Or, aujourd’hui, il ne remplit plus cette mission. Son rôle est devenu trop flou, ses missions parfois fluctuantes, et trop d’incertitudes pèsent sur son avenir. Je voudrais illustrer mon propos par quelques exemples.
Premièrement, on constate la diminution constante des crédits affectés à ce programme : à l’exception de la seule année 2017, les crédits du programme 112 sont en diminution constante depuis dix ans ; pour la seule période 2011-2019, ils ont chuté de 40 %.
Deuxièmement, on note l’affaiblissement des outils de contractualisation. Il y a seulement deux ans, le programme 112 rassemblait les quatre outils financiers de contractualisation avec les territoires : les CPER, ou contrats de plan État-régions, les contrats État-métropole, les contrats de ville et les contrats de ruralité. Aujourd’hui, deux d’entre eux seulement subsistent dans ce programme, les CPER et les contrats de ville, alors que la politique des territoires mérite une approche globale et cohérente.
Troisièmement, on déplore la disparition des crédits attachés aux contrats de ruralité
Les contrats de ruralité étaient de longue date attendus par les élus ruraux. Le Sénat avait d’ailleurs lui-même voté, à l’automne 2015, une proposition de loi que j’avais eu le plaisir de défendre pour mettre en place lesdits contrats. Ils l’ont été en 2017, avec des crédits dédiés à hauteur de 216 millions d’euros inscrits au titre du programme 112 – c’était cohérent. En 2018, leur financement a été transféré au programme 119, avec seulement 45 millions d’euros de crédits fléchés – ce n’était déjà plus cohérent. En 2019, aucun crédit n’est dédié aux contrats de ruralité, dans aucun programme !
Comment rendre lisible une politique d’aménagement du territoire et comment bâtir des stratégies de développement local dans de telles conditions ? Comment expliquer cette régression aux élus ruraux ? C’est tout simplement impossible !
Enfin, on observe la quasi-disparition de la prime à l’aménagement du territoire. Cette aide directe aux PME vise à soutenir l’emploi dans les territoires les plus fragiles. Elle a fait l’objet d’une évaluation en 2017 ; son effet de levier et son efficacité ont été démontrés. Pourtant, les crédits affectés à la PAT n’ont cessé, au cours des dix dernières années, de diminuer. Pour 2019, on les abaisse une nouvelle fois, avec seulement 10 millions d’euros d’autorisations d’engagement. Cette enveloppe n’est pas du tout à la hauteur des enjeux de la ruralité et ne permettra même pas d’accompagner les projets éligibles, qui, recensés en 2018, doivent être mis en œuvre en 2019.
Monsieur le ministre, ces quelques exemples suffisent à mettre en évidence l’urgence qu’il y a à repenser une nouvelle politique d’aménagement du territoire et à définir la place que l’on veut donner au programme 112 au sein de cette nouvelle politique de l’État. La récente création de l’agence nationale de la cohésion des territoires nous en donne, je le crois, une occasion unique. J’ai défendu la création de cette agence. Elle a ouvert de nouvelles perspectives, mais les élus attendent désormais qu’elle soit rapidement rendue opérationnelle et qu’elle apporte des réponses efficaces aux besoins de la ruralité.
Permettez-moi de soulever, en la matière, quelques questions.
Dans quel délai aurez-vous défini les moyens financiers et humains dont l’Agence devra être dotée ?
Envisagez-vous une mobilisation du FNADT, le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, ou, plus largement, du programme 112, pour le financement de cette agence ? Cette solution nécessiterait de reconsidérer les crédits alloués à ce programme.
Le contrat unique de cohésion territoriale que vous envisagez est-il destiné à se substituer à tous les contrats existants : les CPER, les contrats de ville, les contrats État-métropole, les contrats de ruralité ? Si oui, dans quel délai ? Dans ce cas, comment s’assurer, dans le cadre de ces nouveaux contrats, d’une réelle prise en compte des enjeux ruraux par l’Agence, alors qu’une priorisation des projets a été évoquée en fonction des contraintes budgétaires ? Autrement dit, envisagez-vous des crédits dédiés spécifiquement aux futurs contrats signés dans les secteurs ruraux les plus fragiles ?
Enfin, comment expliquer la nouvelle suppression d’emplois demandée au CGET, le Commissariat général à l’égalité des territoires, s’il doit constituer demain la base de cette nouvelle agence alors que les besoins en termes de personnel ne sont pas encore définis ?
Je vous remercie par avance des réponses que vous pourrez donner.
S’agissant du vote, ces deux programmes représentent seulement 1, 7 % des crédits de la mission « Cohésion des territoires », qui doit être adoptée dans son ensemble. Je me rangerai donc à l’avis de la commission des finances.