Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de commencer par saluer l’excellent travail réalisé par l’ensemble des rapporteurs, qui permet d’éclairer nos débats.
Nous devons discuter cet après-midi d’un budget héritier des choix récents en matière de stratégie de logement, qui se situe dans la continuité assez logique de notre dernier débat budgétaire.
Les crédits de la mission « Cohésion des territoires » sont de nouveau en baisse, une diminution liée à la poursuite des mesures de réduction des aides personnalisées au logement et de refonte de leur mode de calcul. Les APL comptent pour 82 % de ce budget. En effet, les crédits du programme 109, « Aide à l’accès au logement », sont en nette diminution entre 2018 et 2019, passant de 14, 26 milliards à 13, 11 milliards d’euros, soit une baisse de 8 %.
Outre que ce budget nous laisse un sentiment de déjà-vu, il nous confirme que les APL restent une variable d’ajustement budgétaire, avec cette baisse de 1, 2 milliard d’euros qui est la conséquence de plusieurs décisions.
Il s’agit, tout d’abord, de la non-indexation de l’APL sur l’inflation, pour une économie de 102 millions d’euros, remplacée par une revalorisation de 0, 3 %, qui risque de créer un effet ciseaux regrettable, couplé avec le prélèvement à la source.
Vient, ensuite, la réforme du mode de calcul de l’APL, pour 910 millions d’euros d’économies. À ce titre, permettez-moi de m’interroger doublement.
Je ne comprends pas que l’on ait préalablement fait le choix de la baisse des APL avant d’en modifier le mode de calcul. Par ailleurs, concernant le calcul sur la base des revenus actuels de l’allocataire – la contemporanéisation –, les difficultés qui s’annoncent vous ont fait finalement prévoir une entrée en vigueur au premier semestre de 2019, après le printemps, mais on entend maintenant parler de juillet ; nous en sommes tous très inquiets. En effet, les caisses d’allocations familiales ont été réformées il y a désormais un certain temps : les départements les plus denses, où l’on compte le plus de bénéficiaires de l’APL, ont été regroupés en une seule CAF où se prennent toutes les décisions. Vous avez beau avoir des annexes et des antennes, la mise en œuvre sera difficile, et il faudra être très vigilant ; à défaut, nous pourrions avoir des déconvenues.
Enfin, la mise en œuvre de la RLS, concomitamment avec la baisse des APL, tend à produire les effets que nous craignions et sur lesquels nous vous avions longuement alerté l’an passé.
Vous avez demandé un effort important aux bailleurs sociaux – 800 millions d’euros en 2018 –, avec l’idée d’une trajectoire identique en 2019. Entrée en vigueur au 1er février 2018, cette économie a donc été réalisée en onze mois. Si, aujourd’hui, les paramètres ne sont pas modifiés, la RLS représentera pour l’année 2019 un coût de 873 millions d’euros pour les bailleurs sociaux, soit 73 millions de plus que ce qui était prévu dans la trajectoire initiale. Aussi, les membres du groupe Union Centriste, ainsi que des collègues siégeant sur d’autres travées, souhaitaient vous proposer un amendement prévoyant que les paramètres de la RLS soient définis différemment, c’est-à-dire selon la trajectoire financière prévue au départ et conformément à l’engagement du Gouvernement. Or cet amendement a malheureusement été déclaré irrecevable. Monsieur le ministre, comment comptez-vous éviter ces effets de bords et faire en sorte que les bailleurs sociaux ne soient pas sollicités au-delà de ce qui était nécessaire ?
Le rendement de la TVA sur les constructions de logements sociaux s’annonce par ailleurs supérieur à ce qui était envisagé et pourrait atteindre 850 millions d’euros en 2019. Sur ce sujet, nous suivrons la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, qui propose d’ajouter au rapport, prévu à l’article 74 quinquies, une étude fine des impacts de l’augmentation de la TVA, comme l’a rappelé Philippe Dallier.
Il ne me semble pas que nous puissions faire l’économie d’un mot sur la situation des bailleurs, qui, avec la mise en place de la réforme, couplée à la restructuration du secteur prévue dans la loi ÉLAN, sont exsangues. Une perte d’autofinancement net de 21 % est constatée sur l’année 2018. Le nombre d’organismes en situation de fragilité passerait de 127 à 309, soit une augmentation de 143 %, selon l’analyse de la rapporteur pour avis Dominique Estrosi Sassone.
J’ai interrogé les métropoles de ma région pour voir l’effet sur ces territoires du mécanisme de la RLS, et considérant que le dispositif devrait y poser peu de difficultés.
En 2018, sur un objectif de production de 2 000 logements sociaux dans la métropole de Lille, on constate une réduction des constructions de 600 logements, alors même que le fait d’être dans une métropole devrait faciliter le dispositif. Quand bien même les bailleurs sociaux ont les moyens de trouver des financements, ils ont besoin d’avoir des fonds propres.
Le secteur du logement social connaît de grandes difficultés, avec probablement moins de 100 000 logements financés, contre 126 000 en 2016 et 113 000 en 2017.
Les chiffres concernant le nombre d’organismes en grande difficulté ou en autofinancement négatif sont de plus en plus inquiétants. En l’état actuel, et avec les mêmes conditions de financement, les ESH ne sont pas exemptées de ces problèmes, puisque leur taux d’autofinancement courant devrait être pratiquement divisé par trois en trois ans et pourrait devenir négatif à partir de 2025. Ce sont 28 nouvelles ESH qui passeraient dans le rouge dès 2018.
Pour ce qui concerne la vente de patrimoine – sujet sur lequel j’alerte régulièrement –, je me permets de vous encourager, monsieur le ministre, si vous ne voulez pas aggraver le coût de l’accompagnement des copropriétés dégradées, à travailler avec les collectivités et à entamer des programmes de gouvernance partagée avec les territoires, afin d’élaborer des plans de patrimoine. Ne travaillez pas avec les bailleurs seuls, avant de convier les territoires ; travaillons ensemble ! Nous espérons que la clause de revoyure que vous annoncez sera l’occasion de réaliser un certain nombre d’ajustements.
Il ne me semble pas que toutes les conditions soient réunies pour que le choc de l’offre attendu ait lieu. Je crains même, et nous sommes nombreux sur ces travées à vous avoir alerté sur ce point, que l’effet inverse ne se produise.
De mois en mois, la construction de logement diminue. Les mises en chantier de logements neufs ont ainsi reculé de 7, 9 % au troisième trimestre. Il est à craindre que moins de 400 000 logements soient construits en 2019, et nous constaterons sans doute une perte de 40 000 logements en raison des restrictions du prêt à taux zéro, du dispositif Pinel, de l’APL accession et de la baisse des commandes HLM. La dégradation du secteur du logement impactera fortement nos territoires, avec des écarts qui se creuseront de plus en plus entre zones tendues et non tendues. Vous nous éclairerez sans doute sur la question de la déterritorialisation, du zonage ou du non-zonage, en nous faisant part de votre vision des choses.
Nous suivrons Philippe Dallier dans son souhait de rétablir l’APL accession, et nous vous proposerons au cours du débat des amendements de rééquilibrage du dispositif Pinel, afin qu’il soit adapté aux réalités des territoires en laissant les acteurs locaux responsables du zonage. Nous devons réfléchir collectivement à des dispositifs pour qu’aucun territoire ne soit laissé en marge.
Au-delà de la situation du logement, et s’agissant des autres programmes de la mission, nous observons quelques notes positives, non dénuées malgré tout d’interrogations.
Concernant le programme « Hébergement d’urgence », nous nous félicitons de la hausse de 43 millions d’euros des crédits de paiements, mais nous sommes interrogatifs sur les 60, 2 millions de crédits supplémentaires ouverts par le dernier projet de loi de finances rectificative. Est-ce d’ores et déjà l’annonce que les crédits pour 2019 seront insuffisants ? Il faudra veiller à être au rendez-vous…
S’agissant du programme 147, « Politique de la ville », j’ai peu d’éléments à ajouter à la présentation d’Annie Guillemot, avec laquelle je suis en phase. Le plan Borloo a défini des lignes directrices. Nous espérons, monsieur le ministre, que vous saurez vous en inspirer. C’est essentiel !
Il est vrai que vous avez consacré davantage de moyens à la politique de la ville. Mais il faut prendre garde à un point, que Mme Guillemot a rappelé : lorsque l’on annonce des financements supplémentaires sur des lignes non consommées, parce que les taux d’intervention sont tellement faibles, il arrive que les associations ou les collectivités ne viennent pas chercher ces crédits. Lorsque l’on consacre des moyens supplémentaires, il convient de redéfinir des taux favorisant une consommation des crédits.
Pour ce qui concerne le budget de l’ANAH, je remercie Philippe Dallier de nous avoir donné l’occasion de soutenir, au travers de l’amendement qu’il a déposé, la nécessité de maintenir les crédits et les quotas carbone qui lui sont affectés, afin que nous puissions rattraper notre retard et redoubler d’énergie. Certes, en dépit du rebasage des quotas carbone, les 420 millions d’euros de crédits suffiront pour l’année prochaine. Mais je crains qu’à la fin de l’année 2019, lorsque vous aurez débasé, le bond qu’il faudra faire pour le budget pour 2020 ne soit très important. Voilà encore un point auquel il faudra être attentif.
Vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste votera contre les crédits de cette mission, même si nous constatons que des efforts ont été faits sur les deux missions que j’ai évoquées. Mais, sur le logement, le compte n’y est pas. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre !