Intervention de Xavier Iacovelli

Réunion du 30 novembre 2018 à 14h30
Loi de finances pour 2019 — Cohésion des territoires

Photo de Xavier IacovelliXavier Iacovelli :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avec ce gouvernement, je dois le dire, lorsqu’il s’agit de politique de la ville, nous ne savons pas sur quel pied danser.

L’année 2017 avait été marquée par des discours ambitieux d’émancipation du Président de la République à Clichy-sous-Bois et Tourcoing, qui répondaient à la fronde massive des associations et des maires de toutes tendances traduite dans l’appel de Grigny, mais qui étaient dénués de réelles concrétisations budgétaires.

Pendant le premier semestre de 2018, l’ensemble des élus de la politique de la ville ont été échaudés par le discours du Président de la République du 22 mai dernier à la suite de la présentation, ou plutôt de « l’enterrement élyséen », du rapport Borloo.

Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous semblez redresser la barre avec une feuille de route un peu plus volontaire et des engagements financiers laissant entendre que vous pouvez parfois écouter l’opposition et ces Français qui souffrent. Ne vous arrêtez pas en si bon chemin, car, plus il y aura d’écoute, moins il y aura de « gilets jaunes » !

La politique d’émancipation en faveur des habitants des quartiers nécessite des moyens.

L’émancipation passe par l’éducation, bien sûr, mais aussi par l’emploi. Dans nos quartiers prioritaires, le taux de chômage, je le rappelle, est de 27 %.

En même temps, vous persévérez diaboliquement sur le chemin de la suppression d’un très grand nombre de contrats aidés. Le dispositif expérimental des emplois francs « nouvelle mouture » est en deçà des objectifs fixés. Au 1er septembre 2018, moins de 2 000 emplois francs auraient été conclus, quand 25 000 sont attendus à la fin de 2019.

Remobiliser les préfets et s’appuyer davantage sur les missions locales est important, mais ce n’est pas suffisant.

Dans ce domaine, nous croyons en « l’efficacité d’échelle ». Pourquoi donc ne pas étendre la liste des territoires éligibles à l’expérimentation au-delà des sept territoires actuels ?

Concernant la rénovation urbaine, des inquiétudes demeurent. Si l’État semble confirmer son engagement pris au courant de l’année, nous nous retrouvons avec un financement du NPNRU de 185 millions d’euros en autorisations d’engagement et de seulement 25 millions d’euros en crédits de paiement.

Nous comprenons l’argument qui consiste à expliquer que les projets de rénovation ne sont pas encore ficelés, mais nous avons perdu dix-huit mois. Ce délai, quand on connaît l’état d’insalubrité de nombreux logements et l’impact direct sur l’état de santé des habitants – l’espérance de vie y est plus faible –, nous ne pouvons collectivement l’accepter.

La création de la nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires, qui affecte directement l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l’EPARECA, le Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, mais également le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le CEREMA, l’ANRU et l’ANAH, peut aussi être un facteur retardateur de la mise en place du NPNRU.

Un des principaux acteurs de la politique de la ville, c’est le territoire, plus particulièrement la commune. Permettez-moi de le souligner, de ce côté-là, le compte n’y est pas.

Arrêtons-nous un instant sur la dotation politique de la ville, la DPV. Vous annoncez l’avoir sanctuarisée à hauteur de 150 millions d’euros en 2019, mais vous élargissez le champ d’attribution de cette dotation. Cela signifie que l’enveloppe globale reste identique, mais que le nombre de villes concernées augmente. Ces villes toucheront donc, en moyenne, moins que l’année précédente.

Examinons maintenant la dotation de solidarité urbaine. Si la péréquation horizontale n’augmente pas, la péréquation verticale augmente moins que toutes les autres années : cela représente 20 millions d’euros en moins par rapport au budget pour 2018.

Chaque année, ces communes les plus pauvres de notre pays perdent des recettes si l’on tient notamment compte des abattements et exonérations de la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Vous le savez, monsieur le ministre, que les communes soient rurales ou urbaines, ces dotations constituent pour elles la seule recette dynamique de leur budget. Cela ne peut plus continuer ainsi !

Il y a urgence sociale dans tous nos quartiers prioritaires, qu’ils soient urbains ou ruraux. Face à l’ampleur des inégalités vécues par ces 5 millions de Françaises et de Français, la réponse républicaine doit être globale : sur l’éducation, sur l’emploi, sur le logement et sur le cadre de vie. Il y va de la survie de notre cohésion nationale.

Car forcément funeste sera le destin d’un pays qui voit sa population partagée en deux nations : la nation des privilégiés, pour qui le champ des possibles est grand ouvert, et celle de ceux pour qui l’égalité des chances n’est qu’une chimère.

Vous comprendrez que notre groupe s’abstiendra sur les crédits de la politique de la ville.

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