Intervention de Christophe Castaner

Réunion du 30 novembre 2018 à 21h30
Loi de finances pour 2019 — Administration générale et territoriale de l'état

Christophe Castaner  :

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget du ministère de l’intérieur compte parmi les premières priorités du Gouvernement. Ses crédits progressent, à périmètre constant, de 3, 4 % dans le projet de loi de finances pour 2019, soit une progression de 575 millions d’euros.

Les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » sont eux-mêmes en nette augmentation, de 5, 6 %, soit 121 millions d’euros, pour atteindre 2, 2 milliards d’euros.

Peut-être moins souvent commentée ou analysée que les autres crédits dont j’ai la charge, cette mission budgétaire est pourtant à mes yeux – et à vous écouter, à vos yeux aussi – tout à fait fondamentale, et ce pour trois raisons, comme cela a été indiqué.

Elle comprend les crédits de l’administration centrale du ministère, indispensables pour venir en soutien et à l’appui de l’activité opérationnelle de nos forces. Elle abrite les crédits destinés au financement de la vie politique et à l’organisation des élections, qui sont si importants pour la vitalité de notre démocratie. Enfin, elle inclut le budget du réseau des préfectures et sous-préfectures. Je sais, pour avoir été élu local, pendant seize ans, d’une sous-préfecture – c’est la plus grande de mon département, mais elle reste une petite sous-préfecture –, combien ces missions sont fondamentales.

C’est tout particulièrement vrai à l’heure où le Premier ministre a souhaité ouvrir le chantier de l’organisation de l’administration territoriale de l’État, dont les préfets sont le cœur. J’y reviendrai en concluant mon propos.

Pour les crédits de l’administration centrale du ministère de l’intérieur, ce budget est résolument celui de la modernisation au bénéfice de toutes les composantes du ministère, dans une logique de transversalité et de mutualisation des ressources. Ces crédits augmentent de manière significative, à hauteur de 9 %, soit d’un peu plus de 40 millions d’euros. Cette augmentation correspond à des projets d’importance, qui sont désormais mûrs pour entrer dans leur phase opérationnelle. Je n’en évoquerai que quelques-uns.

Le premier concerne la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI. Tout d’abord, les travaux d’aménagement nécessaires à l’accueil de 400 postes de travail seront réalisés sur le site de Neuilly en 2019, pour un montant de 20 millions d’euros. Il s’agit d’accompagner la montée en puissance de ce service de renseignement essentiel et, au-delà – c’est l’un des premiers engagements que j’ai pu prendre en tant que ministre de l’intérieur –, la création, plus que jamais d’actualité, d’un site unique pour la DGSI. Au total, 450 millions d’euros y seront consacrés d’ici à 2022. Je souhaite que les premières études soient lancées dès 2019 ; le budget que je vous propose aujourd’hui le permet.

Le deuxième projet que je souhaite évoquer est celui du réseau Radio du futur, annoncé par le Président de la République dans son discours aux forces de sécurité du 18 octobre 2017. Un montant de 22, 5 millions d’euros sera mobilisé pour engager la phase opérationnelle de ce projet, dont la réalisation est essentielle pour permettre la sécurisation des grands événements à venir, tels que les jeux Olympiques de 2024. Il figurait d’ailleurs parmi les atouts du dossier de candidature de Paris.

Le troisième projet d’importance est la mise en place d’un plan de renforcement de la sécurité des applications et systèmes d’information du ministère de l’intérieur. La sensibilité des champs d’intervention de mon ministère implique que nous disposions d’un système de protection du meilleur niveau. Sur ce sujet comme sur d’autres, le ministère n’a pas le droit à l’erreur : il y va de la confiance de nos concitoyens dans notre capacité à les protéger. En l’occurrence, il s’agit de données essentielles qui touchent à leur liberté. Il est prévu de consacrer 9, 5 millions d’euros à ce plan en 2019.

J’en viens à l’administration territoriale de l’État, sujet que j’aborderai trop rapidement, hélas, car j’ai mesuré l’importance que, comme moi, vous lui accordez.

Ce budget se maintient à 1, 2 milliard d’euros – il est, pour être parfaitement précis, en baisse de 8 millions d’euros. Un schéma d’emploi prévoyant la suppression de 200 effectifs sera appliqué ; ce niveau de réduction des effectifs est historiquement bas, et sans commune mesure avec les objectifs affichés à l’époque de la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Ce schéma inclut un renfort de 50 personnels au titre des missions nouvelles des préfectures dans le domaine de l’évaluation de la situation des personnes se déclarant mineurs isolés.

Pour les personnels de préfecture, 2019 sera la première année de mise en œuvre du protocole parcours professionnels, carrières et rémunérations. À ce titre, 2, 7 millions d’euros de crédits supplémentaires sont prévus. En complément, le projet de loi de finances assure le financement de mesures indemnitaires.

En termes de missions, deux priorités se dégagent, à mon sens, pour les préfectures en 2019 : la prise en charge de la problématique de l’asile et du séjour et l’approfondissement de la réforme de l’organisation territoriale de l’État.

Dans le contexte migratoire que nous connaissons, caractérisé par une hausse très soutenue du nombre des demandes d’asile – il est en progression de 18 % sur les six premiers mois de 2018 par rapport à 2017, après avoir déjà augmenté cette année-là de 32 % par rapport à 2016 –, l’activité des services chargés de l’asile et des étrangers est, pour moi, une préoccupation de premier plan.

Les préfectures et leurs personnels sont toujours en première ligne dans ce domaine, au même titre que les agents de la police aux frontières, la PAF, de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, et de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA. Leur implication a été déterminante pour atteindre l’objectif de tenir le délai cible de trois jours ouvrés pour l’enregistrement des premières demandes d’asile par les guichets uniques pour demandeurs d’asile. De même, l’engagement des personnels de préfecture a contribué à l’augmentation de 26 %, en 2018, du taux de transferts « Dublin » réalisés. Enfin, les personnels de préfecture préparent et appuient la mise en œuvre tant des retours volontaires, dont le nombre a crû de 32 % au cours du premier semestre de 2018, que des éloignements forcés, en augmentation de 14, 6 % sur la même période.

En 2019, les priorités s’étendront encore à de nouvelles missions. D’une part, il faudra réussir la mise en place de la contribution de l’État à l’évaluation de la minorité des personnes se déclarant mineurs isolés. C’est un engagement que nous avons pris envers les départements, et nous devons le tenir. D’autre part, il faudra mettre en œuvre les décisions du comité interministériel à l’intégration, qui comportent un important volet de mesures dont l’application sera déconcentrée aux préfets et qui représentent un total de 17 millions d’euros.

Je souhaite vraiment que les missions relatives à l’asile, au séjour et à l’intégration des étrangers soient considérées comme prioritaires, à l’instar des autres missions ainsi qualifiées dans le cadre du plan Préfectures nouvelle génération.

Ces services ont été renforcés : 170 emplois supplémentaires de titulaire ont été affectés aux guichets uniques pour demandeurs d’asile et aux services des étrangers, et 1 200 mois de vacataires ont été mobilisés en 2017 comme en 2018. En complément, j’ai demandé la mise en œuvre d’un plan pour renforcer l’attractivité des services des étrangers des préfectures. J’y tiens beaucoup, parce que je sais la difficulté du travail au quotidien dans ces services. Il est nécessaire de tenir compte de ces spécificités et de se donner les moyens d’agir en conséquence.

En ce qui concerne l’approfondissement de la réforme de l’administration territoriale de l’État, vous le savez, le Premier ministre a ouvert ce chantier au cours de l’été dernier. À mon sens, c’est une chance à la fois pour les préfets, pour le réseau des préfectures et pour celui des sous-préfectures.

En tant que ministre de l’intérieur, je mesure, comme vous, l’importance de la proximité assurée par le réseau des préfectures et des sous-préfectures, dont les 26 000 agents travaillent avec beaucoup d’implication.

Dès ma prise de fonctions, j’ai indiqué que le ministère et le réseau des préfectures et des sous-préfectures étaient clairement candidats pour être le pivot de cette réorganisation. Je l’ai annoncé devant la commission : le Premier ministre a accepté que nous menions la fusion des programmes 307 et 333. Souvent évoquée, jamais décidée, cette fusion sera mise en œuvre en 2019. Sur le plan budgétaire, 310 millions d’euros de crédits et 2 000 emplois viendront s’adjoindre au milliard d’euros de crédits et aux plus de 25 000 emplois déjà dédiés à l’administration territoriale dans le budget du ministère.

Évidemment, cette fusion doit se faire en bonne intelligence avec les autres ministères concernés ; il s’agit non pas qu’un ministère prenne le pas sur les autres, mais qu’un chef de file se dégage pour avancer sur ces sujets avec l’ensemble des acteurs, en particulier les élus.

Nous assurerons désormais la gestion des moyens de l’ensemble des administrations déconcentrées de l’État, ainsi que celle de leurs cadres, directeurs départementaux interministériels et secrétaires généraux pour les affaires régionales.

Trois préoccupations majeures guident notre réflexion.

La première, c’est la proximité. Le choix de renforcer l’échelon territorial de la région s’est fait au détriment du niveau départemental. Dès lors, comme l’a dit M. Dallier, nous avons perdu en proximité : nous devons impérativement renforcer celle-ci.

La deuxième préoccupation, c’est l’unité, objectif fondamental qui doit nous rassembler.

La troisième préoccupation, c’est la modularité. En effet, l’unité n’exclut pas la diversité, et de la modularité doivent naître des réflexions sur notre propre organisation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je considère avec sérénité les évolutions qui s’annoncent. Je sais qu’elles n’affaibliront en rien le réseau des sous-préfectures. §Elles traduisent, à mon sens, la grande confiance que Gouvernement place, comme vous, dans les préfets et les préfectures.

J’aborderai très rapidement trois sujets complémentaires qui, bien que périphériques, n’en sont pas moins essentiels au regard des politiques publiques que nous menons.

Madame Goulet, la lutte contre la radicalisation est, je le rappelle, financée par les crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, le FIPDR, qui est doté de 72, 9 millions d’euros. Cette année, nous avons mis en place le plan national de prévention de la radicalisation. Il comporte neuf nouvelles mesures, pour un budget en hausse de 133 %. Évidemment, nous poursuivrons cet effort.

Au-delà de la dimension budgétaire, ce qui importe, c’est de parvenir à travailler en horizontalité sur ce sujet dans les quartiers prioritaires ciblés, notamment dans les quartiers de reconquête républicaine, en réunissant autour de la table l’ensemble des acteurs : ceux de la sécurité, certes, mais aussi les maires, les représentants du département, de l’école, des mondes du sport et de la culture.

Concernant la lutte contre la fraude documentaire, madame Goulet, monsieur Richard, nous avons créé des équipes dédiées dans les quarante-sept centres d’expertise de ressources et de titres. Pour pouvoir engager des procédures judiciaires, il est en effet nécessaire d’accomplir, au préalable, un vaste travail de caractérisation.

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