Avant d'être adoptée, la loi a suivi un parcours législatif qui a duré deux ans et demi. Comme vous le savez, une commission spéciale a été créée pour examiner le texte, à l'Assemblée nationale comme au Sénat. Le président de la commission fut d'abord notre collègue Jean-Pierre Godefroy, sénateur socialiste, tandis que Laurence Rossignol était nommée rapporteure. J'ai pris sa suite après sa nomination au gouvernement.
Je peux témoigner que le débat a été extrêmement compliqué, y compris au sein de chaque famille politique, à l'image de la société d'ailleurs. Ces divisions n'ont pas épargné le mouvement féministe : voyez l'attitude du Planning familial, par exemple.
À la commission spéciale, nous avons entendu les associations de terrain, comme le Mouvement du Nid.
Sur les quatre volets que prévoit la loi, celui qui concernait la répression du proxénétisme et celui qui avait trait à la prévention et à l'éducation étaient consensuels.
En revanche, le parcours de sortie de la prostitution et la pénalisation du client étaient beaucoup plus clivants.
Le texte voté par le Sénat était en contradiction avec la philosophie du texte initial, puisque nos débats ont conduit à la fois à la suppression du délit de racolage et à la suppression de la pénalisation du client, ce qui était incohérent.
De surcroît, l'examen du texte a pris beaucoup de temps, car son inscription à l'ordre du jour n'était pas une priorité. J'ajouterai que le président de la commission spéciale et moi étions en désaccord sur la pénalisation du client. Par la suite, Jean-Pierre Godefroy a démissionné et a été remplacé par notre collègue Jean-Pierre Vial.
Le texte a fini par être voté au terme d'un parcours que je qualifierais de laborieux, en avril 2016. Les premiers décrets d'application ont été pris assez rapidement. Dans mon département - la Loire-Atlantique -, dès le mois de juillet, la commission prévue par la loi a été installée et nous comptons actuellement une dizaine de parcours de sortie de la prostitution. Si chaque département avait mis en place ces instances, on ne pourrait pas remettre en cause l'efficacité de la loi comme c'est le cas.
Nos débats en commission ont été faussés par certaines auditions, au cours desquelles s'est exprimée par exemple une vision idyllique de ce métier, dont l'exercice serait un vrai plaisir. Or ce n'est pas un métier, mais une violence faite aux femmes. Pour conclure, je voudrais dire que n'est pas le plus vieux métier du monde, c'est la plus vieille violence faite aux femmes.