Intervention de Laurence Rossignol

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 29 novembre 2018 : 1ère réunion
Échange de vues sur la loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

Le mythe des prostituées libres et heureuses d'exercer cette activité arrange les clients ! L'achat de services sexuels revient à considérer que le corps des femmes est à la disposition des hommes et que leur désir n'a pas d'importance.

Je ne connais aucune prostituée qui souhaite voir ses enfants le devenir, à la différence des avocats, médecins ou professeurs, qui souscrivent bien volontiers à l'idée que leurs enfants exercent la même profession qu'eux.

L'idée d'une prostitution libre et consentie est infirmée par les quelques chiffres que j'ai déjà cités : 80 % de prostituées sont des femmes étrangères en situation irrégulière et 80 % des victimes de la traite le sont à des fins d'exploitation sexuelle.

Que certaines personnes se livrent à la prostitution comme l'expression d'une manière de vivre leur sexualité, je veux bien le concevoir, mais cette manifestation de la diversité des comportements sexuels demeure extrêmement marginale et ne doit pas détourner du traitement de la question sociale de la prostitution, qui concerne le plus grand nombre des prostituées.

Les dispositions de la loi sur la pénalisation du client posent avant tout un interdit : on n'achète, ni ne loue, ni ne vend le corps d'autrui ! C'est l'expression d'un « cliquet civilisationnel » : le rapport au corps est déterminant dans les inégalités entre hommes et femmes.

La prostitution est une activité dangereuse par nature, le client considérant avoir tous les droits parce qu'il paye. De fait, les femmes prostituées ont une espérance de vie proche de celle des SDF, car supporter vingt à trente passes journalières exige d'user d'alcool, de drogue et de se plonger dans un état d'oubli de soi-même et de dissociation permanente. Georges Brassens l'exprime fort bien dans sa chanson « La complainte des filles de joie ».

La prostitution produit un chiffre d'affaires de 130 milliards d'euros au niveau mondial, dont 3,2 milliards en France, qui enrichit surtout les proxénètes, partout présents. Mais les prostituées n'en reçoivent qu'une part infime ; les personnes exerçant en indépendantes restent quant à elles très peu nombreuses.

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