Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure où s’ouvrent les débats sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » de ce projet de loi de finances pour 2019, je veux rendre hommage à tous les anciens combattants qui nous ont quittés durant l’année écoulée. Nous leur devons beaucoup de respect, car ils ont fait de notre pays une terre de liberté, une terre d’accueil, mais avant tout une terre de paix.
Cette paix, c’est l’héritage qu’ils nous offrent et c’est celui que nous devons laisser aux citoyens de demain, alors que l’extrême droite - le fascisme parfois - se réinstalle tout doucement dans le monde, en Europe en particulier.
C’est là que réside le devoir de notre pays, le devoir de mémoire, que nous devons mener avec des moyens considérables, car si Alfred de Musset ne badinait pas avec l’amour, nous, parlementaires, ministres, élus locaux ou nationaux, ne badinons pas avec la haine. Soyons intransigeants face au racisme et au rejet de l’autre ! Je crois que les nombreuses commémorations du centenaire qui viennent de s’achever ont été marquées par cette volonté sur l’ensemble de notre territoire. Ne réhabilitons personne par des « pensées complexes », comme a pu le faire le Président de la République !
À la lecture du rapport budgétaire relatif à cette mission, je constate, une fois encore, une baisse du budget : elle atteint 159 millions d’euros pour 2019, soit 6, 5 % de moins par rapport à 2018. Cette baisse de crédits est justifiée, une nouvelle fois là aussi, par la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires des pensions militaires d’invalidité, de la retraite du combattant et de la dette viagère.
Pire, depuis 2012, le budget consacré aux anciens combattants a perdu 680 millions d’euros. Vous conviendrez aisément que nous aurions pu, en gardant cette somme, répondre à nombre de demandes de droits à réparation exprimées par les femmes et les hommes qui composent le monde combattant.
Alors, oui, ce projet de budget apporte certaines satisfactions.
Je pense notamment à la « carte à cheval », dont j’ai défendu le principe l’an dernier par le biais d’un amendement, alors adopté par le Sénat. Je rappelle que cette mesure a de nouveau été approuvée par le Sénat lors de l’examen, en juin 2018, de la proposition de loi visant à attribuer la carte du combattant aux soldats engagés en Algérie après les accords d’Évian, du 2 juillet 1962 jusqu’au 1er juillet 1964.
Vous mettez aussi en place, au travers de l’article 73 de ce projet de loi de finances, une revalorisation de 400 euros des allocations existantes et un fonds de solidarité en faveur des harkis. J’attire cependant votre attention sur un point, souligné par mon collègue Fabien Roussel, rapporteur des crédits de la mission à l’Assemblée nationale : tel que l’article est rédigé, les montants de ces deux allocations revalorisées ne seront plus indexés sur l’inflation et ils stagneront donc dans les années à venir. Notre groupe a proposé de restaurer cette indexation via un amendement que j’ai déposé mais qui a été déclaré irrecevable. J’ai entendu, madame la secrétaire d’État, votre volonté d’assurer l’indexation par voie d’arrêté annuel. Toutefois, si nous pouvions l’inscrire dans la loi, cela serait préférable et donnerait une garantie pour l’avenir.
Si nous pouvons nous féliciter des deux avancées majeures que je viens de citer, j’estime, en tant que femme, que nous devons également réparer une inégalité qui perdure depuis des années : je veux parler de la demi-part fiscale des veuves des anciens combattants.
Je pense à ces femmes qui n’ont pas la chance de bénéficier de la demi-part parce que leur époux est décédé avant l’âge de 74 ans. Pour elles, c’est la double peine ! Il paraît invraisemblable qu’un décès prématuré induise une iniquité, car tous les anciens combattants ont passé un temps sous les drapeaux et combattu au temps de leur jeunesse. Accorder cette réparation est d’autant plus nécessaire que ces retraitées subissent déjà la baisse de leur pouvoir d’achat et la hausse de la CSG.
Enfin, je me ferai le porte-voix d’un certain nombre d’associations pour déplorer les difficultés de communication des députés de la majorité avec les anciens combattants, ainsi que l’absence d’un secrétariat d’État dédié spécifiquement aux anciens combattants et à la mémoire, que nous avions été nombreux à souligner l’an dernier. Il existait un ministère spécifique aux anciens combattants depuis 1919 : sa disparition constitue, à nos yeux, un mauvais signal.
Pour toutes les raisons évoquées, notre groupe s’abstiendra sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », malgré certaines avancées.