La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 146, rapport général n° 147, avis n° 148 à 153).
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et article 73).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Applaudissements.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de me féliciter que la demande constante du Sénat concernant l’attribution de la carte du combattant aux militaires présents sur le territoire algérien au-delà du 2 juillet 1962 soit enfin mise en œuvre.
Voilà enfin réparée la principale injustice qui altérait notre politique de reconnaissance envers nos anciens combattants !
Il s’agit, avec la revalorisation de l’allocation de reconnaissance en faveur des harkis, de l’un des rares motifs de satisfaction que nous réserve le projet de budget pour 2019. Rare, mais précieux, si bien que, malgré de nombreux points plus inquiétants, la commission des finances vous proposera néanmoins d’adopter les crédits de cette mission.
Parmi nos inquiétudes figure la répétition de certains constats relatifs à la Journée défense et citoyenneté, la JDC : trop de jeunes manquent encore ce rendez-vous avec nos armées et, quant à son contenu, il semble, malgré les incessantes modifications qui lui sont apportées, qu’il se tient toujours trop loin de ce que devrait être la vocation d’une journée consacrée à la défense de notre pays.
Il faut espérer que le futur service national universel, le SNU, ne répétera pas les mêmes erreurs et qu’à cette occasion les difficultés rencontrées par une fraction importante de la jeunesse pourront être mieux prises en compte par les services de l’État.
Le centenaire de la Grande Guerre s’achève. Malgré quelques couacs, je salue une commémoration qui a su être digne et participative dans beaucoup de nos départements.
Quel effondrement, néanmoins, des moyens de la politique de la mémoire ! L’année à venir sera celle des « basses eaux » et cela ne peut pas nous convenir, non plus qu’aux bénévoles, que je veux saluer ici et qui animent avec flamme, cœur et passion nos actions de mémoire, même les plus modestes.
Les crédits consacrés à la reconnaissance de la Nation connaissent une baisse considérable. C’est – hélas ! – l’effet de la démographie, mais c’est aussi celui d’un choix de revalorisation très limitée des prestations assurées aux anciens combattants.
M. Charles Revet approuve.
Le chiffre à retenir cette année : 2, 3 milliards d’euros.
Nous devons avoir une reconnaissance véritable pour le monde combattant de notre pays et pour tous les bénévoles qui œuvrent dans les associations patriotiques et de mémoire, ainsi que pour nos amis porte-drapeau.
Le rapport constant entraîne le plafonnement à 0, 7 % de la revalorisation du point de pension militaire d’invalidité et, avec lui, de toutes les allocations qui en dépendent.
La retraite du combattant ne bénéficie d’aucune amélioration, alors que la mission dégage spontanément plus de 6 % d’économies. Nous le regrettons !
Madame la secrétaire d’État, vous avez annoncé la création d’une commission tripartite destinée à envisager les questions posées par la revalorisation des prestations : la création d’une commission n’est pas toujours un bon signe, mais peut-être pourrez-vous indiquer au Sénat ce que seront son rôle et sa composition ?
En toute hypothèse, un objectif de maintien de la valeur réelle des prestations s’impose, ce qui passera sans doute par un mécanisme alternatif au rapport constant.
Les allocations de reconnaissance vont certes connaître un certain dynamisme avec l’attribution de la carte du combattant au titre de la guerre d’Algérie – je l’ai évoqué au début de mon propos. Cette mesure devrait coûter près de 60 millions d’euros pour 50 000 bénéficiaires, dont 30 millions d’euros au titre des avantages fiscaux. Comme ces derniers ne sont pas identiques pour chaque bénéficiaire, il sera intéressant d’identifier la répartition des soutiens accordés au titre de cette mesure.
En tout cas, il faudra veiller à ce que les demandes déposées puissent être traitées en temps voulu. Sur ce point, il semble que l’office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC-VG, éprouve quelques difficultés à traiter sur un bon rythme les demandes qui résultent des droits ouverts aux anciens combattants. Il en serait ainsi pour l’attribution de la carte du combattant au titre des opérations extérieures, les OPEX, décidée en 2015.
La réduction des effectifs de l’ONAC-VG sera-t-elle compatible avec un traitement rapide des 50 000 demandes relatives à la présence prolongée en Algérie ? Il faut vous y engager, madame la secrétaire d’État.
Après avoir souhaité que la détérioration des recettes propres de l’Institution nationale des Invalides, l’INI, ne remette pas en cause son plan de modernisation, auquel le ministère de la santé devrait par ailleurs mieux contribuer, je conclurai mon propos par quelques mots sur la commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations, la CIVS : sa suppression, un temps évoquée, a été écartée par le Premier ministre et nous ne pouvons que regretter le fait que le projet de budget pour 2019 ne traduise pas ces excellentes nouvelles orientations.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Franck Menonville applaudit également.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, en remplacement de M. le rapporteur pour avis.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Franck Menonville applaudit également.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, je suis chargée de vous présenter les principales observations de la commission des affaires sociales en remplacement de notre rapporteur pour avis Bruno Gilles, qui ne peut être présent ce matin.
La baisse naturelle du nombre d’anciens combattants permet, comme chaque année, une économie substantielle sur les prestations de reconnaissance et de réparation. Cette marge de manœuvre est en partie mobilisée pour des mesures qu’il convient de saluer.
L’attribution de la carte du combattant aux soldats qui ont servi en Algérie entre 1962 et 1964 correspond à une demande ancienne et le Sénat avait adopté une proposition de loi en ce sens au printemps dernier.
Je ne peux donc que m’en réjouir. De même, le plan en faveur des harkis est bienvenu.
Ces mesures expliquent largement l’avis favorable donné par la commission des affaires sociales à l’adoption des crédits de la mission, ainsi qu’à celle de l’article 73.
Toutefois, le coût de ces mesures demeure largement inférieur aux économies permises par la démographie des anciens combattants. Une réflexion sur les autres demandes du monde combattant pourrait donc être menée ; la discussion des amendements permettra d’en évoquer quelques-unes.
Je souhaiterais notamment que le Gouvernement puisse nous donner des précisions quant à la situation des anciens supplétifs de droit commun et pour lesquels un traitement individualisé a été annoncé. Sur les soixante-quatorze dossiers présentés par les associations, vingt-six pourraient bénéficier, selon les informations qui nous ont été communiquées, d’un soutien financier. Cela signifie-t-il, comme l’ont compris les associations, que ces personnes bénéficieront de l’allocation de reconnaissance ? Qu’en est-il des dossiers écartés ?
Par ailleurs, je regrette la diminution des crédits dédiés à la politique de mémoire. Cette baisse est nettement plus forte que le simple effet de la fin des commémorations liées au centenaire de la Première Guerre mondiale. Selon mes calculs, confirmés par les services du ministère des armées, ce sont près de 2, 8 millions d’euros d’économies qui seraient prévus. Cette baisse pourrait paraître négligeable au regard des crédits de la mission, mais elle pourrait remettre en question de nombreux projets éducatifs, alors que la transmission de la mémoire aux jeunes générations apparaît plus que jamais nécessaire.
Enfin, le nouveau contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et l’office national des anciens combattants et victimes de guerre n’a toujours pas été conclu, alors que le contrat actuel arrive à échéance. Il serait souhaitable que le Gouvernement nous donne des garanties quant aux moyens qui seront accordés à l’ONAC-VG pour continuer à mener à bien ses missions et quant au maintien de son réseau territorial.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Franck Menonville.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, nous sortons tout juste du cycle mémoriel de la Grande Guerre, qui nous a permis d’honorer la mémoire de toutes celles et de tous ceux, civils ou soldats, qui ont chèrement payé le prix de la liberté.
Ces commémorations ont offert un temps de mémoire utile à la reconnaissance de la Nation, ainsi qu’à la transmission de valeurs aux jeunes générations à une époque où la cohésion sociale a besoin d’être renforcée.
En ce sens, la mission que nous examinons aujourd’hui, dont une partie des crédits a porté le cycle du centenaire, est fondamentale.
Si nous refermons un grand volet de la politique mémorielle, comme en témoigne la baisse, logique, des crédits du programme 167, nous devons poursuivre le travail d’affermissement des liens entre la Nation et son armée, ce sur quoi nous aurons sans doute l’occasion de débattre dans la perspective du service national universel.
En attendant, le budget total de la mission s’élève à 2, 3 milliards d’euros, ce qui représente une baisse d’environ 160 millions par rapport à la dotation de 2018. Cette diminution s’explique essentiellement par la baisse démographique naturelle des différentes catégories de bénéficiaires des prestations relevant du programme de reconnaissance et de réparation.
La mission permet donc de préserver intégralement les droits des anciens combattants, aux côtés de la dynamique des dépenses fiscales.
En outre, le projet de loi de finances pour 2019 introduit, dans le prolongement des dispositions adoptées les années précédentes, deux nouvelles mesures, sur lesquelles je souhaiterais m’arrêter plus particulièrement.
La première concerne l’extension du bénéfice de la carte du combattant aux militaires présents en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964.
Si le principe de la « carte à cheval » a bien été acté en 2014, les gouvernements successifs se sont toujours opposés à en étendre le bénéfice aux soldats engagés en Algérie après les accords d’Évian. Le groupe du RDSE a toujours soutenu cette mesure, qui rétablit l’égalité entre frères d’armes et que le Sénat a souvent portée. Madame la secrétaire d’État, vous avez été sensible à cette demande récurrente du monde combattant et je me réjouis de la voir enfin concrétisée.
La seconde mesure sur laquelle je voudrais m’attarder concerne le renforcement de la politique de reconnaissance et de réparation envers les harkis, pour un montant d’environ 23 millions d’euros en 2019. Je souhaite saluer les dispositions nouvelles, émanant notamment du rapport du préfet Dominique Ceaux intitulé « Aux harkis, la patrie reconnaissante ». Je pense bien sûr à la revalorisation de 400 euros de l’allocation de reconnaissance et de l’allocation viagère versées aux supplétifs, ainsi qu’à la mise en place d’un dispositif d’aide individualisé aux enfants de harkis les plus en difficulté.
Afin de compléter cet objectif d’équité dans la reconnaissance et la réparation, le groupe du RDSE souhaiterait que le chantier de l’indemnisation des victimes des essais nucléaires soit approfondi. Il serait notamment souhaitable d’élargir la liste des bénéficiaires du titre de reconnaissance de la Nation aux vétérans ayant participé aux programmes d’essais nucléaires français sur les sites du Sahara et de Polynésie française de 1960 à 1996.
Enfin, je souhaiterais insister une nouvelle fois sur la responsabilité qui est la nôtre en matière de mémoire, celle de prévoir l’après-centenaire. C’est essentiel et des moyens devront être mobilisés pour cela. Nous devons souligner la grande réussite des commémorations qui se sont déroulées entre 2014 et 2018, ce que j’ai personnellement constaté dans mon département, la Meuse. Nous devons poursuivre sur cet élan.
À mon sens, l’inscription des sites mémoriels de la Grande Guerre au patrimoine de l’UNESCO, dont le dossier sera de nouveau soumis en 2021, serait un moyen solide d’ancrer dans la mémoire collective les sacrifices de nos aînés.
En conclusion, le groupe du RDSE soutient votre action, madame la secrétaire d’État, et votera les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, il y a quelques jours, beaucoup de nos compatriotes se sont déplacés sur des lieux de mémoire afin de rendre hommage à ceux qui ont payé un lourd tribut pour la patrie.
Les visages des plus jeunes, comme des plus anciens, exprimaient leur fierté pour les poilus et les femmes qui les ont soutenus. Ensemble, ils ont fait de la France une nation libre et rayonnante. Le rassemblement de nombreux chefs d’État sous l’Arc de Triomphe en a témoigné.
Aujourd’hui, la Haute Assemblée, réunie pour l’examen de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », doit répondre à deux questions. Notre reconnaissance sera-t-elle à la hauteur du courage de nos combattants d’hier et d’aujourd’hui ? Saurons-nous transmettre ce témoin qui nous a été légué ?
À cette dernière question, je rappellerai simplement les mots de Chateaubriand : « Les vivants ne peuvent rien apprendre aux morts ; les morts, au contraire, instruisent les vivants ». Voilà le défi qu’il nous appartient de relever pour la génération actuelle et celles qui viendront ensuite.
Les crédits alloués à cette mission diminuent une fois de plus : le budget pour 2019 s’élève ainsi, en crédits de paiement, à 2, 3 milliards d’euros. Depuis 2012, les dépenses ont ainsi reculé de près de 900 millions !
Madame la secrétaire d’État, cette trajectoire de repli demeure regrettable. Si elle peut s’expliquer, naturellement, par la diminution du nombre de bénéficiaires, elle n’apporte pas suffisamment de réponses aux besoins de revalorisation significative du pouvoir d’achat. J’y reviendrai.
Cette baisse se reflète dans le programme 167. Si les crédits ont été en augmentation l’année dernière en raison des besoins liés aux commémorations, une économie de 20 % est à noter pour 2019.
Toutefois, j’ai conscience que l’effort ne doit pas reposer uniquement sur les deniers de l’État. Le devoir de commémoration est l’affaire de tous. Des initiatives locales méritent d’être développées. Je pense notamment au département de l’Essonne, qui a offert un drapeau à chaque commune pour que les enfants puissent le porter lors des cérémonies.
Mais revenons au sujet principal ! Une exception demeure pour le financement de l’action Liens armée-jeunesse, qui connaît une progression de plus de 3 millions d’euros. Cette action voit en effet son périmètre élargi et prend désormais en charge une partie des financements du service militaire volontaire. C’est là un dispositif dont je veux saluer les mérites.
Quant à la Journée défense et citoyenneté, elle demeure insuffisante compte tenu des objectifs auxquels elle entend satisfaire. Il convient donc de la réformer en profondeur.
À cet effet, le Président de la République s’est engagé à créer un service national universel. À ce stade, aucune mesure ne figure dans cette mission. Le lundi 19 novembre, le groupe de travail missionné sur ce sujet a remis son rapport. Nous nous interrogeons et nous souhaitons avoir des précisions sur ce point.
En outre, le programme 169, qui représente près de 90 % de la mission, n’échappe pas à la règle. Ses crédits diminuent également, et ce, de façon la plus importante, comme nous l’observons depuis 2015. Cela s’explique par la baisse du nombre de bénéficiaires, en particulier de ceux ayant combattu durant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi en Indochine et en Afrique du Nord.
Il eût été préférable d’encourager une revalorisation significative de la pension militaire d’invalidité et de la retraite du combattant. L’intention du Gouvernement de réunir une commission tripartite pour envisager une revalorisation du point d’indice serait déjà un premier pas, qui s’inscrirait dans le bon sens.
Toujours sur ce sujet, je souhaite évoquer deux points largement soutenus par les principaux intéressés.
Tout d’abord, parmi les militaires participant aux OPEX et à l’opération Sentinelle, il y a beaucoup de jeunes, qui ont souscrit un contrat de courte durée, souvent entre trois et cinq ans, et qui envisagent ensuite une reconversion professionnelle dans le civil. Il serait souhaitable que les mesures de réinsertion, comme le bilan de compétences ou l’accès à des formations relatives aux nouveaux métiers de l’Internet ou aux emplois réservés, soient proposées de manière plus formelle et plus systématique à cette catégorie de personnel. Il serait intéressant que le Gouvernement se penche sur cette proposition.
De manière plus générale, la situation des forces participant aux opérations de protection des Français contre les actions terroristes doit être mieux prise en compte, comme celle de nos militaires de la quatrième génération du feu engagés sur différents théâtres d’opérations extérieurs.
À ce sujet, nous souhaiterions avoir des informations sur le projet de mémorial national à Paris. Par ailleurs, il serait souhaitable qu’une plaque commémorative soit également apposée sous l’Arc de Triomphe en hommage aux morts pour la France en opérations extérieures. En termes budgétaires, cela ne représenterait rien, mais le symbole serait très fort.
Ensuite, il pourrait être envisagé d’étendre la médaille commémorative d’Indochine, en retenant le 1er octobre 1957 comme date officielle de la fin des hostilités.
Concernant l’attribution de la carte du combattant aux soldats présents en Algérie entre 1962 et 1964, le projet de loi de finances pour 2019 consacre ce droit. L’année dernière, j’ai moi-même eu l’occasion d’évoquer cette question ici même ; je me réjouis donc de cette avancée.
Pour terminer sur ce programme, nous regrettons la baisse de la subvention accordée à l’ONAC-VG à hauteur de 400 000 euros. De plus, nous souhaitons que l’assise retenue soit départementale, et non régionale.
Concernant le programme 158, il connaît une hausse de plus de 5, 2 millions d’euros. Cette augmentation est expliquée par l’accroissement des indemnités prévues au titre des spoliations antisémites. Par le biais de cette participation financière, la France s’honore. Mes chers collègues, encore aujourd’hui, nous devons rester vigilants. Comme toutes les formes de haine, l’antisémitisme doit être combattu sans relâche et avec la plus grande fermeté.
Enfin, je terminerai par l’article 73, rattaché à la mission. Nous saluons la revalorisation de 400 euros de l’allocation de reconnaissance pour les harkis et de l’allocation viagère des conjoints survivants. Il s’agit d’un épisode de leur vie qui a été particulièrement douloureux. Ils ont combattu pour notre drapeau, pour la France.
En conclusion, des avancées figurent dans ce projet de loi de finances. D’autres demandes sont à prendre en compte. Je sais pouvoir compter, madame la secrétaire d’État, sur votre sens de l’écoute - il est d’ailleurs très agréable de travailler avec vous.
C’est pourquoi le groupe Union Centriste – je pense notamment à ceux de ses membres qui siègent à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées – votera les crédits de cette mission, ainsi que l’article 73 rattaché.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les crédits consacrés aux anciens combattants.
Alors que se terminent les célébrations du centenaire de la Première Guerre mondiale, la dette que la Nation entretient à l’égard de ceux qui ont versé leur sang hier et aujourd’hui apparaît plus vivace que jamais. Je veux rendre hommage à nos vétérans et à leurs familles de métropole et d’outre-mer pour les sacrifices consentis à la défense de la France. La patrie leur en est reconnaissante. Les Français n’oublient pas ce qu’ils leur doivent.
Il nous semble néanmoins que la reconnaissance de la Nation ne doit pas seulement être un vœu pieux ou une incantation. Elle doit être une action concrète au service de nos soldats, une contribution collective à leur bien-être et à celui de leur famille.
Si la diminution des crédits pour 2019 s’explique en partie par la baisse naturelle du nombre de bénéficiaires des différents dispositifs, nous serons vigilants à ce que cette baisse tendancielle ne représente pas un déclin des conditions de reconnaissance de la Nation.
Vous nous rassurez sur plusieurs points, madame la secrétaire d’État. Vous avez pris des mesures fortes pour corriger des inégalités connues de longue date.
Il s’agit, par exemple, de la revalorisation substantielle – 400 euros – de l’allocation de reconnaissance versée aux supplétifs de l’armée française en Algérie.
Il s’agit également des mesures en faveur des enfants de harkis.
Il s’agit enfin d’une mesure que nous avons longtemps attendue : l’octroi de la carte du combattant aux soldats présents sur le territoire algérien entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964.
Ces mesures sont autant de promesses tenues que nous saluons, comme nous saluons, madame la secrétaire d’État, votre volonté de passer en revue l’ensemble des questions en suspens avec le monde des anciens combattants. Nous espérons que la concertation annoncée portera davantage de fruits à l’avenir.
Toutefois, malgré ces avancées, des injustices persistent et on peut noter la relative timidité de ce projet de budget, notamment la très faible revalorisation des pensions militaires d’invalidité.
Cela dit, ce projet de loi de finances est également marqué par un souci bienvenu de la transmission, notamment vis-à-vis de la jeunesse.
Je pense à un dispositif comme le service militaire volontaire, qui permet chaque année aux armées d’insérer dans l’emploi durable près de 1 000 jeunes en difficulté. Il s’inspire du service militaire adapté, trop peu connu en métropole, mais qui fait des merveilles pour l’emploi des jeunes en outre-mer.
Je pense également à l’érection du monument pour les opérations extérieures, qui permettra aux citoyens de rendre hommage aux soldats tombés pour leur défense.
Toutes ces initiatives sont bienvenues. Néanmoins, il ne doit pas être uniquement question de moyens budgétaires ou humains, car il s’agit au fond de réfléchir à ce qui fait de nous une nation, dont les valeurs justifient le combat, les blessures et le sacrifice ultime de nos soldats. Il s’agit, enfin, de mettre nos politiques de mémoire au service de l’avenir et d’un véritable projet de société par la transmission et le partage.
Nous attendons donc avec impatience que se précise l’architecture du futur service national universel et, surtout, que soient enfin définies les modalités de son financement.
Dans cette attente, le groupe Les Indépendants votera, en signe d’encouragement, les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure où s’ouvrent les débats sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » de ce projet de loi de finances pour 2019, je veux rendre hommage à tous les anciens combattants qui nous ont quittés durant l’année écoulée. Nous leur devons beaucoup de respect, car ils ont fait de notre pays une terre de liberté, une terre d’accueil, mais avant tout une terre de paix.
Cette paix, c’est l’héritage qu’ils nous offrent et c’est celui que nous devons laisser aux citoyens de demain, alors que l’extrême droite - le fascisme parfois - se réinstalle tout doucement dans le monde, en Europe en particulier.
C’est là que réside le devoir de notre pays, le devoir de mémoire, que nous devons mener avec des moyens considérables, car si Alfred de Musset ne badinait pas avec l’amour, nous, parlementaires, ministres, élus locaux ou nationaux, ne badinons pas avec la haine. Soyons intransigeants face au racisme et au rejet de l’autre ! Je crois que les nombreuses commémorations du centenaire qui viennent de s’achever ont été marquées par cette volonté sur l’ensemble de notre territoire. Ne réhabilitons personne par des « pensées complexes », comme a pu le faire le Président de la République !
À la lecture du rapport budgétaire relatif à cette mission, je constate, une fois encore, une baisse du budget : elle atteint 159 millions d’euros pour 2019, soit 6, 5 % de moins par rapport à 2018. Cette baisse de crédits est justifiée, une nouvelle fois là aussi, par la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires des pensions militaires d’invalidité, de la retraite du combattant et de la dette viagère.
Pire, depuis 2012, le budget consacré aux anciens combattants a perdu 680 millions d’euros. Vous conviendrez aisément que nous aurions pu, en gardant cette somme, répondre à nombre de demandes de droits à réparation exprimées par les femmes et les hommes qui composent le monde combattant.
Alors, oui, ce projet de budget apporte certaines satisfactions.
Je pense notamment à la « carte à cheval », dont j’ai défendu le principe l’an dernier par le biais d’un amendement, alors adopté par le Sénat. Je rappelle que cette mesure a de nouveau été approuvée par le Sénat lors de l’examen, en juin 2018, de la proposition de loi visant à attribuer la carte du combattant aux soldats engagés en Algérie après les accords d’Évian, du 2 juillet 1962 jusqu’au 1er juillet 1964.
Vous mettez aussi en place, au travers de l’article 73 de ce projet de loi de finances, une revalorisation de 400 euros des allocations existantes et un fonds de solidarité en faveur des harkis. J’attire cependant votre attention sur un point, souligné par mon collègue Fabien Roussel, rapporteur des crédits de la mission à l’Assemblée nationale : tel que l’article est rédigé, les montants de ces deux allocations revalorisées ne seront plus indexés sur l’inflation et ils stagneront donc dans les années à venir. Notre groupe a proposé de restaurer cette indexation via un amendement que j’ai déposé mais qui a été déclaré irrecevable. J’ai entendu, madame la secrétaire d’État, votre volonté d’assurer l’indexation par voie d’arrêté annuel. Toutefois, si nous pouvions l’inscrire dans la loi, cela serait préférable et donnerait une garantie pour l’avenir.
Si nous pouvons nous féliciter des deux avancées majeures que je viens de citer, j’estime, en tant que femme, que nous devons également réparer une inégalité qui perdure depuis des années : je veux parler de la demi-part fiscale des veuves des anciens combattants.
Je pense à ces femmes qui n’ont pas la chance de bénéficier de la demi-part parce que leur époux est décédé avant l’âge de 74 ans. Pour elles, c’est la double peine ! Il paraît invraisemblable qu’un décès prématuré induise une iniquité, car tous les anciens combattants ont passé un temps sous les drapeaux et combattu au temps de leur jeunesse. Accorder cette réparation est d’autant plus nécessaire que ces retraitées subissent déjà la baisse de leur pouvoir d’achat et la hausse de la CSG.
Enfin, je me ferai le porte-voix d’un certain nombre d’associations pour déplorer les difficultés de communication des députés de la majorité avec les anciens combattants, ainsi que l’absence d’un secrétariat d’État dédié spécifiquement aux anciens combattants et à la mémoire, que nous avions été nombreux à souligner l’an dernier. Il existait un ministère spécifique aux anciens combattants depuis 1919 : sa disparition constitue, à nos yeux, un mauvais signal.
Pour toutes les raisons évoquées, notre groupe s’abstiendra sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », malgré certaines avancées.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaite aujourd’hui porter la voix des associations représentatives du monde combattant, qui ont toute ma considération et dont j’ai plaisir à rencontrer les représentants locaux, tout au long de l’année, dans mon département, le Calvados.
Ces associations ne se contentent pas d’agir pour le droit à réparation et le devoir de mémoire, elles participent aussi et surtout activement à la vie de la cité, sous des formes diverses. Gardiennes des valeurs qui fondent notre République, elles contribuent à réunir des personnes de toutes conditions autour d’actions caritatives, d’événements patriotiques ou concourant aux bonnes relations internationales. En cela, elles constituent assurément de merveilleux outils d’intégration et de cohésion sociale.
Le budget pour 2019 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » s’établit à 2, 3 milliards d’euros. Ses crédits connaissent une forte diminution, de près de 160 millions d’euros, principalement liée, il est vrai, à la baisse du nombre des bénéficiaires des dispositifs de reconnaissance et de réparation. Il est néanmoins regrettable que le Gouvernement n’ait pas fait le choix, en dehors de certaines mesures, de redéployer les économies réalisées pour améliorer, à budget constant, les dispositifs existants.
Cette mission regroupe trois programmes de poids financier très inégal.
Le programme 167, qui représente 5 % des crédits de la mission, finance la Journée défense et citoyenneté, ainsi que les actions éducatives et mémorielles. Mon groupe est particulièrement attaché à tout ce qui peut concourir à l’exercice du devoir de mémoire afin que certains événements historiques tragiques ne se reproduisent plus et que se perpétue le souvenir de toutes ces victimes, de tous ces soldats morts ou blessés pour la France. Jamais les citoyens français ne doivent oublier les sacrifices consentis, hier et aujourd’hui, pour assurer leur droit à vivre libres, égaux et dans la fraternité.
De ce point de vue, il est particulièrement positif que le monument à la mémoire des soldats tombés en opérations extérieures puisse enfin voir le jour. Je sais qu’il est très attendu par nos jeunes anciens combattants et nos militaires actuellement engagés dans les conflits.
Je note aussi avec satisfaction que les commémorations du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale se sont bien déroulées. Les manifestations étaient particulièrement dignes, émouvantes et participatives : une réussite permise, comme toujours, grâce au dévouement de nombreux bénévoles.
Si la fin du cycle des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale va entraîner une baisse des dépenses dédiées aux politiques de mémoire, l’ampleur de la réduction des crédits du programme 167 est bien supérieure : près de 2, 8 millions d’euros d’économies sont prévus, soit 20 % des crédits votés pour 2018. Là aussi, c’est regrettable, à une époque où la transmission de la mémoire, l’affirmation des liens entre la Nation et son armée sont véritablement nécessaires. Ce sont nos associations représentatives du monde combattant, sur le terrain, qui pourraient directement en pâtir, ainsi que nos jeunes, avec la remise en cause de certaines actions éducatives.
Rappelons que, l’an prochain, nous célèbrerons tout particulièrement la liberté, à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire du débarquement et de la bataille de Normandie. De nombreux événements, dont la cérémonie commémorative internationale en présence de chefs d’État, seront organisés, dans le Calvados notamment. Les coupes dans les lignes budgétaires dédiées à la mémoire ou à la nécessaire rénovation des sépultures apparaissent donc clairement excessives.
Pour en terminer avec ce programme, j’indique que la commission des affaires sociales a été alertée sur le fait qu’aucun crédit n’était prévu pour le financement du service national universel, appelé à remplacer la Journée défense et citoyenneté. Il ne faudrait pas que les crédits de la mission soient ponctionnés en cours d’exercice pour financer ce nouveau dispositif.
J’en viens au programme 169, couvrant les dispositifs de reconnaissance et de réparation, qui représente 94 % des crédits de la mission. Il connaît une baisse tendancielle de ses crédits, à hauteur de 156 millions d’euros en 2019.
Je salue le fait que le Gouvernement ait confirmé l’attribution de la carte du combattant aux soldats ayant servi en Algérie entre juillet 1962 et juillet 1964. Il s’agit d’une revendication ancienne du monde combattant, plusieurs fois relayée au Sénat, par moi-même comme par mes collègues, notamment en juin dernier au travers de l’adoption d’une proposition de loi visant à la satisfaire. À terme, cette mesure pourrait profiter à près de 50 000 personnes. Dès cette année, l’inscription budgétaire s’élèvera à 6, 6 millions d’euros.
Autre mesure annoncée, la revalorisation des expertises médicales nécessaires en vue de l’attribution de pensions militaires d’invalidité : j’espère que cela permettra de réduire les délais actuels, très difficilement supportables pour nos anciens.
J’en viens à l’article 73 et aux conclusions du groupe de travail sur la situation des harkis, qui ont conduit à la prise de mesures nouvelles allant dans le bon sens : la revalorisation de 400 euros de l’allocation de reconnaissance et de l’allocation viagère et l’institution d’un dispositif de solidarité au profit des descendants des harkis. Au titre de 2019, 10 millions d’euros sont inscrits pour compléter les mesures en faveur des harkis et de leurs enfants.
Si ces différentes mesures sont à souligner et à saluer, leur financement ne représente qu’une fraction réduite des économies permises par la baisse du nombre d’anciens combattants et, dans les faits, plusieurs demandes des associations représentatives du monde combattant sont toujours insatisfaites.
Je citerai notamment le droit à l’indemnisation pour les pupilles de la Nation dont les parents ont été reconnus « morts pour la France » entre 1939 et 1945. Je fais ainsi le lien avec le programme 158, qui permettra, l’an prochain, de financer à hauteur de 106 millions d’euros différentes indemnités accordées aux victimes d’actes de barbarie et de persécutions commis pendant l’Occupation.
J’évoquerai également l’assouplissement du dispositif de la demi-part fiscale supplémentaire, de façon à en accorder le bénéfice à davantage de veuves d’ancien combattant. J’ai été particulièrement alertée sur la situation financière de nombreuses femmes, qui subissent une chute de revenus énorme après le décès de leur mari, au point de se retrouver dans un extrême dénuement. Ce n’est pas acceptable !
Je souhaite me faire l’écho des inquiétudes qui s’expriment à propos de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC-VG. Son budget s’élèvera à 57, 6 millions d’euros en 2019, en baisse de 400 000 euros, en raison d’économies de fonctionnement. Je rappelle qu’un grand nombre d’anciens combattants et de veuves ont des ressources inférieures au seuil de pauvreté. L’ONAC-VG est donc très sollicité. Aujourd’hui, il doit aussi accompagner des publics nouveaux, tel celui des militaires ayant servi en OPEX. L’ONAC-VG poursuit sa modernisation, mais celle-ci doit se faire en préservant les indispensables liens de proximité tissés avec les bénéficiaires et associations locales représentatives du monde combattant. Il faut conserver le maillage départemental de l’ONAC-VG et peut-être mieux harmoniser les pratiques entre territoires.
Toute polémique ne serait pas à la hauteur du monde combattant. Madame la secrétaire d’État, malgré des regrets et des réserves, les sénateurs du groupe socialiste et républicain prendront leurs responsabilités en votant les crédits de cette mission et l’article 73. Nous entendons ainsi soutenir les avancées de ce projet de budget et témoigner de notre profond respect envers ceux qui ont tant donné à la France.
En cette année du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, je ne saurais conclure sans avoir une pensée pour tous ceux qui ont combattu pour défendre notre patrie. Que leur souvenir guide nos actions !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe La République En Marche.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission interministérielle « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » constitue un trait d’union entre la société civile et le monde combattant, ainsi qu’entre les générations.
En ma qualité de vice-présidente du groupe d’étude des sénateurs anciens combattants et de la mémoire combattante, je voudrais souligner tout son intérêt.
Je tiens aussi à exprimer ma reconnaissance à tous ceux qui se sont mobilisés autour des commémorations de la Grande Guerre et saluer les nombreuses initiatives prises à travers toute la France.
Au nom du groupe Les Républicains, je souhaite en cet instant témoigner notre reconnaissance à l’ensemble du monde combattant, aux associations et à leurs bénévoles : nous savons combien leur travail est inestimable.
Je veux également rendre un hommage solennel aux soldats français, qu’ils se trouvent sur le sol national, en OPEX ou en mer : ils sont les anciens combattants de demain. Depuis cet hémicycle, nous les assurons de notre soutien indéfectible. Nous pensons également à leurs familles, qui payent quotidiennement un lourd tribut à la défense nationale. Depuis 2007, 154 soldats sont morts en OPEX.
Si l’on peut se réjouir de la mise en place de la Direction du service national et de la jeunesse, qui est chargée de la coordination de l’ensemble des initiatives ministérielles en matière de jeunesse, je voudrais appeler l’attention sur les classes « option défense et sécurité globales » mises en place dans les territoires en partenariat avec les acteurs locaux. Cet enseignement suscite un réel engouement parmi les élèves, comme en témoigne le succès rencontré par l’expérience menée, dans mon département des Hautes-Alpes, à la cité mixte d’Embrun. C’est pourquoi je souhaiterais que les missions de la DSNJ soient élargies afin que cet enseignement facultatif soit mieux accompagné et, surtout, mieux valorisé. Eu égard aux menaces qui pèsent sur notre pays, il est essentiel de promouvoir l’esprit de défense et de cohésion nationale.
Madame la secrétaire d’État, pays rassemblé rime avec mémoire apaisée ! Nous devons créer les conditions d’une véritable égalité entre toutes les générations du feu. Cela passe par une traduction dans les actes de notre reconnaissance pour ceux qui se sont battus pour la Nation. Depuis 2013, notre groupe n’a cessé de proposer l’élargissement des critères d’attribution de la carte du combattant, tant pour les militaires présents en Algérie après les accords d’Évian…
… que pour les soldats envoyés en OPEX.
Madame la secrétaire d’État, lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire, en juin dernier, vous vous êtes engagée dans cet hémicycle, auprès du président Cambon et de l’ensemble des sénateurs, à revoir les dossiers des anciens supplétifs, encore et toujours bloqués du fait des différentes jurisprudences du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation. Il est temps de clore ce chapitre avec la dignité qui s’impose. Tel est le sens de l’un de nos amendements.
Depuis quelques années maintenant, l’Institution nationale des invalides, l’INI, connaît une modernisation. Pour les élus du groupe Les Républicains, cette institution est la maison des invalides de guerre. Elle doit le rester, et même devenir plus attractive : plus qu’un symbole pour les soldats, c’est un lieu de mémoire vivante autant qu’un lieu d’hommage, témoignant du sacrifice physique et mental consenti par les soldats français pour leur pays. Depuis 2007, 620 soldats ont été blessés en OPEX.
Enfin, madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur un sujet important, celui des conséquences du désengagement de l’État de la Française des jeux. La loterie nationale a été créée en 1933 afin de financer les besoins des « gueules cassées ». Aujourd’hui, la Fondation des « gueules cassées » et la Fédération nationale André Maginot détiennent 9, 2 % du capital de la Française des jeux, qui leur reverse 10 millions d’euros chaque année. Quelles assurances pouvez-vous leur donner si l’État sort du capital ?
Pour conclure, nous comprenons que les crédits connaissent une baisse, pour des raisons inhérentes à la logique démographique. Néanmoins, nous voulons solennellement dire ici que cela ne pourra pas toujours justifier la poursuite d’une tendance baissière, car nous devons aussi penser aux anciens combattants de demain, qui sont les engagés d’aujourd’hui.
Le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission, sous réserve de l’adoption de l’amendement qu’il présentera.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, chers collègues, mes parents étaient instituteurs dans un petit village du Pas-de-Calais, sur ces collines de l’Artois où les batailles meurtrières de la Première Guerre mondiale ont couvert de cimetières toutes les terres environnantes. Enfant, j’ai assisté à toutes les commémorations patriotiques qui avaient lieu dans la cour de l’école, où nous habitions. Ces souvenirs sont ceux d’un enfant qui a trouvé son ancrage dans les valeurs républicaines au contact des anciens qui se sont battus pour que nous puissions être libres.
Aujourd’hui plus que jamais, je suis convaincue que la transmission aux nouvelles générations de l’histoire de notre pays est une vraie mission : mission d’hommage envers celles et ceux qui ont combattu au péril de leur vie ; mission d’évaluation des dangers, des alliances, des pressions, des rancœurs entre peuples, pour éviter que notre pays ne commette à nouveau les erreurs qui ont conduit à l’engrenage meurtrier.
Appelés, réservistes, militaires de carrière : ces Français sont la quintessence de notre République. Nos combattants ont fait don de leur vie pour la France et nous leur devons considération. La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » du projet de loi de finances pour 2019 doit traduire en chiffres cette considération de la Nation.
Des revendications portées de longue date par les anciens combattants et soutenues par le Sénat ont enfin été entendues par le Gouvernement. Nous sommes pleinement satisfaits que le bénéfice de la carte du combattant soit désormais étendu à ceux qui étaient présents en Algérie après le 2 juillet 1962. Il s’agit d’une mesure que le Sénat relaie depuis longtemps.
L’an dernier encore, nous avions adopté un amendement au projet de loi de finances tendant à élargir les conditions d’attribution de la carte du combattant au bénéfice des membres des forces présentes en Algérie entre 1962 et 1964. Nous nous félicitons que le Gouvernement ait répondu favorablement à cette demande ancienne du Sénat.
Je n’oublie pas non plus la revalorisation de 400 euros de l’allocation de reconnaissance en faveur des harkis, ainsi que la création d’un fonds pour les descendants de harkis en difficulté socioprofessionnelle. Cette reconnaissance me semble répondre à une injustice qui leur a été faite il y a maintenant bien longtemps.
En ce qui concerne le devoir de mémoire, 2018 a été une année historique de commémoration et de transmission. Si nous comprenons parfaitement que les crédits affectés l’année dernière à la célébration du centenaire de la fin de la Grande Guerre ne soient pas reconduits en totalité, nous constatons in fine une baisse de 2, 79 millions d’euros de ces crédits qui n’a rien à voir avec la fin des commémorations du centenaire.
Nous avons un devoir de transmission à l’égard des jeunes. Connaître le passé est essentiel pour comprendre le présent. Pourtant, selon un sondage de CNN réalisé cette semaine en Europe, 24 % des jeunes Français de 18 à 34 ans ne savent pas ce qu’est l’Holocauste ! §Pis encore, sur sept pays sondés, c’est en France que l’on ignore le plus ce que c’est : 8 % des Français déclarent même n’en avoir jamais entendu parler… Incroyable ! Il y a en France une déperdition des connaissances historiques touchant à la question du génocide des juifs. À l’heure où l’antisémitisme progresse, où des fake news circulent sur les réseaux sociaux et où de nombreux jeunes se radicalisent, je pense que le Gouvernement ne prend pas toute la mesure des enjeux pour notre pays.
Une forme d’obscurantisme est en train de réapparaître et nous ne pourrons le contrer que par la transmission. En cela, la politique de mémoire est indispensable, madame le secrétaire d’État, et je regrette sincèrement cette baisse de crédits. Il faut resserrer le lien entre la patrie et notre jeune public.
Concernant le programme « Liens entre la Nation et son armée » et la transmission des valeurs citoyennes, je m’interroge sur le devenir et la pertinence de la Journée défense et citoyenneté. Depuis le 1er janvier 2016, un module de prévention sur la sécurité routière est présenté lors de la JDC. Est-il bien approprié de faire de la prévention en matière de sécurité routière lors d’une journée destinée à sensibiliser nos jeunes aux enjeux de la défense ? Cette journée a perdu sa cohérence et on ne pourra pas faire l’économie de la refonder.
J’ai envie de croire, madame le secrétaire d’État, à l’annonce par le Président de la République de la création d’un service national universel. Les jeunes ont une véritable envie de recréer du lien entre eux, d’aller à la découverte des institutions, de l’histoire de notre pays. Ce service national de quinze jours a du sens ; il est plébiscité par nombre de jeunes et de parents. Appartenir à un pays, à une communauté nationale n’est pas une évidence : cela se travaille ! Mobilisera-t-on, madame la secrétaire d’État, les crédits suffisants pour mettre en place ce nouveau service national ? Je n’en vois aucune trace dans le projet de budget pour 2019 !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Ma chère collègue, vous avez dépassé d’une minute votre temps de parole, qui était de quatre minutes : 25 % de temps de parole supplémentaire, cela fait beaucoup ! Je ne vous ai pas coupé la parole, mais cette mansuétude ne vaut pas règle pour la matinée…
J’invite les orateurs à respecter leur temps de parole.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d’abord vous remercier très sincèrement de l’attention que vous portez au monde combattant, auquel je vous sais tous très attachés, ainsi que de vos propositions constructives.
J’ai essayé de construire ce projet de budget avec de la méthode, une méthode que je vous avais annoncée l’année dernière et que j’ai mise en œuvre tout au long de l’année : il s’agit de travailler avec les associations représentatives du monde combattant et les parlementaires. Le présent projet de budget est le fruit de ce travail dense, mené avec beaucoup de rigueur, qui nous a permis de répondre aux demandes essentielles du monde combattant. J’en ai aujourd’hui entendu de nouvelles, mais cela fait partie de la vie politique. Il nous revient de nous employer à toujours améliorer l’existant.
Nous devons toujours manifester aux anciens combattants notre reconnaissance et notre respect pour ce qu’ils ont fait pour la France. Cette période du centenaire de la Grande Guerre fut dense, très forte, riche en messages aux jeunes générations. Nous devons bien sûr poursuivre ces efforts de mémoire.
Je considère que ce budget est un bon budget – il serait surprenant que je vous dise l’inverse ! §Même s’il connaît une baisse, liée à la diminution importante et progressive du nombre de bénéficiaires, il maintient tous les droits existants et comporte des mesures nouvelles, répondant à des demandes prioritaires du monde combattant. Je mentionnerai l’octroi de la carte du combattant aux militaires présents en Algérie entre juillet 1962 et juillet 1964, une revalorisation de 400 euros de l’allocation de reconnaissance pour les harkis combattants et la mise en œuvre, ce qui est une première, d’un fonds de solidarité pour les enfants de harkis en difficulté socioprofessionnelle : la situation sociale de ces derniers est très vraisemblablement liée, dans certains cas, aux conditions indignes dans lesquelles leurs parents ont été accueillis en France ; nous nous devions de les soutenir.
Ces mesures me semblent véritablement constituer des avancées importantes pour le monde combattant. Je vous remercie de les avoir soutenues et de les avoir approuvées au cours de vos interventions.
Ce projet de budget comprend aussi des mesures importantes pour nos opérateurs. Nous maintenons complètement notre soutien à l’ONAC-VG et nous reconduisons au même niveau ses fonds d’action sociale. L’Institution nationale des invalides va connaître une modernisation, et surtout une évolution importante de son projet médical au service des blessés de guerre, pour l’axer sur la reconstruction physique et psychique. Ses crédits de fonctionnement sont reconduits au même niveau, et elle va bénéficier de l’inscription de 35 millions d’euros en autorisations d’engagement pour financer les travaux nécessaires. Florence Parly et moi-même avons posé la première pierre il y a quelques jours. Nous maintenons donc toutes les capacités d’action de nos opérateurs.
L’ONAC-VG est un opérateur essentiel, confronté à des enjeux majeurs. Je suis en train de travailler sur son nouveau contrat d’objectifs et de performance.
Le premier enjeu majeur est de préserver la territorialité de l’ONAC-VG.
Je m’y suis engagée, parce que cette proximité me paraît indispensable pour le monde combattant âgé, mais également pour le monde combattant plus jeune, c’est-à-dire les anciens militaires ayant participé à des OPEX, qui résident partout sur le territoire.
Je travaille aussi à l’adaptation de l’ONAC-VG à l’évolution du monde combattant, qui est en plein bouleversement. Les besoins de demain ne seront pas ceux d’aujourd’hui, du fait de l’arrivée d’une nouvelle génération d’anciens combattants, celle des anciens des OPEX, qui va devenir progressivement le socle du monde combattant. Nous devons accompagner ces évolutions et je compte sur votre participation à la réflexion.
En ce qui concerne la mémoire, je vous entends. Bien sûr, le budget dédié à la mémoire diminue, principalement parce que la mission Centenaire aura bientôt achevé son travail. En outre, beaucoup d’investissements ont été réalisés dans des lieux de mémoire et il n’est plus nécessaire de prévoir des crédits à ce titre. Vous pouvez compter sur moi pour continuer de réfléchir à la transmission de la mémoire et aux actions que nous pouvons mener, notamment auprès de la jeunesse.
Sur ce sujet-là non plus, nous ne pouvons avancer seuls. Nous devons travailler conjointement avec l’éducation nationale. Je sais Jean-Michel Blanquer tout à fait disposé à renforcer les actions menées dans les établissements scolaires en particulier. La structuration de nos supports mémoriels fait également partie des enjeux pour les deux prochaines années.
Les crédits de la JDC, dont le déploiement se poursuit, avec la prise en charge par la direction du service national et de la jeunesse de 800 000 jeunes par an, sont maintenus à peu près au même niveau. Il vient s’y ajouter le budget de fonctionnement du service militaire volontaire, qui est un très beau dispositif d’insertion.
Bien sûr, la JDC va disparaître à mesure de la montée en puissance du service national universel. La direction du service national et de la jeunesse du ministère des armées apportera, cela va de soi, toute son expertise et tout son savoir-faire à la mise en place du service national universel. Le ministère des armées ne sera donc pas absent de ce dispositif, même si le SNU ne sera pas un service militaire. Le contenu des JDC devra à mon avis être repris et enrichi. Je porte ce dossier avec Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale.
Je vous remercie de m’aider à continuer à repenser nos actions de mémoire, à améliorer l’efficacité et la performance des dispositifs destinés aux anciens combattants et à les adapter à l’évolution du monde combattant, à pérenniser nos opérateurs, l’ONAC-VG et l’INI. Je ne vais pas vous mentir à propos des orientations budgétaires : chaque année, les crédits diminueront. L’idée est de les adapter aux besoins de façon à satisfaire ceux-ci.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation
Liens entre la Nation et son armée
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale
Dont titre 2
1 534 987
1 534 987
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-129 rectifié bis, présenté par Mme Féret, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Bérit-Débat et Antiste, Mmes Artigalas, Blondin et Bonnefoy, MM. Duran et Fichet, Mme Guillemot, M. Houllegatte, Mme G. Jourda, MM. Manable et Mazuir, Mme Perol-Dumont, MM. Roger, Temal et Tissot, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Liens entre la Nation et son armée
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Corinne Féret.
Il s’agit, au travers de cet amendement, de financer une extension de l’indemnisation des victimes d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale.
En 2000, le Gouvernement a reconnu le droit à indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et racistes pendant cette guerre. Dès la fin de 2001, il a été sollicité pour que d’autres orphelins de victimes de la barbarie nazie puissent bénéficier des mêmes indemnisations que les victimes de la Shoah. À l’époque, le secrétariat d’État chargé des anciens combattants avait mis en place une commission pour répondre à cette nouvelle demande. Cette démarche avait abouti, le 27 juillet 2004, à la publication d’un décret étendant le bénéfice de ces indemnisations aux orphelins de parents victimes de la barbarie nazie, morts en déportation, fusillés ou massacrés pour actes de résistance ou pour des faits politiques.
Une troisième catégorie de pupilles de la Nation, dont les demandes sont souvent déboutées sur le fondement des décrets du 13 juillet 2000 et du 27 juillet 2004, sollicite une reconnaissance de la part de l’État : ceux dont les parents résistants sont morts les armes à la main et sont reconnus par la mention marginale « Mort pour la France » portée sur les registres d’état civil.
Nous souhaitons, au travers de cet amendement, permettre à toutes et tous de bénéficier de cette reconnaissance de pupille de la Nation.
L’amendement n° II-131, présenté par Mmes Cukierman, Apourceau-Poly, Cohen, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Liens entre la Nation et son armée
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Comme l’an dernier, il s’agit, au travers de cet amendement, de financer une extension du champ de l’indemnisation des victimes d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale. Un consensus existe sur ce sujet au sein de la représentation nationale ; nous devons lui donner une traduction concrète au plus vite.
En 2000, le Gouvernement a reconnu le droit à indemnisation des orphelins de victimes de persécutions antisémites et racistes pendant la guerre de 1939–1945.
Dès la fin de 2001, le Gouvernement a été sollicité pour que d’autres orphelins de victimes de la barbarie nazie puissent bénéficier des mêmes indemnisations que les victimes de la Shoah. Cette sollicitation a abouti à la publication du décret du 27 juillet 2004, étendant le bénéfice de ces indemnisations aux orphelins de parents victimes de la barbarie nazie, morts en déportation, fusillés ou massacrés pour actes de résistance ou pour des faits politiques.
Une troisième catégorie de pupilles de la Nation, dont les demandes au titre des décrets de 2000 et de 2004 sont souvent déboutées, sollicite une reconnaissance de la part de l’État : ceux dont les parents résistants sont morts les armes à la main et sont reconnus par la mention marginale « Mort pour la France » portée sur les registres d’état civil.
Il s’agit, au travers de cet amendement, de permettre à toutes et tous cette reconnaissance de pupille de la Nation. La Seconde Guerre mondiale a provoqué la mort, pour des raisons diverses, de millions d’hommes et de femmes. Un orphelin reste un orphelin ; il ne faut surtout pas opposer les uns aux autres. Les victimes de cette guerre sont toutes des victimes, les orphelins sont tous des pupilles de la Nation. C’est en tout cas ce que nous souhaitons souligner par cet amendement.
Ces amendements visent à accorder une réparation aux orphelins des résistants.
Ce débat, tout à fait justifié, avait déjà eu lieu l’an dernier. Les victimes en question ont déjà pu bénéficier d’une certaine reconnaissance de la Nation. Par ailleurs, en l’état, il n’existe pas de base légale susceptible de fonder une indemnisation particulière, si bien que la portée de ces amendements est incertaine. Les coûts d’une telle indemnisation méritent d’être précisés ; on évoque parfois un montant d’un milliard d’euros.
La commission des finances s’en remet sur ces amendements à la sagesse du Sénat.
Au-delà des aspects de forme, tous les orphelins de guerre sont dignes de compassion et d’attention : dans notre esprit, il n’y a pas plusieurs catégories d’orphelins.
Les décrets de 2000 et de 2004 ont institué une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins de victimes de la barbarie nazie. À mes yeux, il faut rester dans ce cadre. La méconnaissance par les jeunes générations de la Shoah, de la barbarie nazie et des exterminations a été évoquée par Mme Lherbier au cours de la discussion générale ; ces décrets manifestent une reconnaissance de la spécificité de cette barbarie qui a marqué tous les esprits. Nous entendons maintenir cette spécificité afin de ne pas porter atteinte à la cohérence des décrets et, au fond, au message important qu’ils véhiculent.
Les pupilles de la Nation sont tous bénéficiaires des aides sociales que nous mettons en œuvre au travers de l’ONAC-VG, sans égard au conflit ou à l’époque concerné. Nous sommes attentifs à tous les pupilles de la Nation, mais je voudrais vraiment que l’esprit de ces décrets soit conservé.
L’avis du Gouvernement sur ces amendements est donc défavorable.
Fille et petite-fille de déportés raflés par la police française un 16 juillet 1942, je considère que tous les pupilles de la Nation dont les parents ont été victimes de guerre doivent être reconnus. Je soutiens donc ces amendements.
Madame la secrétaire d’État, les victimes de ces persécutions, deux générations plus tard, n’attendent pas d’argent. Ce n’est pas l’argent qui compte, mais la reconnaissance. Le devoir de mémoire ne passe pas, à mon sens, par une distinction entre les victimes, quelle que soit la spécificité de la Shoah ; il passe d’abord par l’éducation.
Après la parution du décret du 13 juillet 2000, quand les dossiers ont été instruits par la commission d’indemnisation présidée par M. Mattéoli, qui a accompli un travail absolument remarquable, beaucoup d’enfants de victimes – j’en connais – ont refusé ces indemnisations, mais il était important que cette reconnaissance soit marquée.
Bien sûr, nous débattons ici du projet de loi de finances, mais il serait injuste de réduire à des termes financiers ce que ces amendements représentent du point de vue de la reconnaissance d’une douleur.
Le Sénat avait effectivement adopté un amendement similaire l’an dernier. J’entends votre réponse, madame la secrétaire d’État. Je ne voudrais pas que mes propos soient mal interprétés, mais j’estime que le devoir de mémoire ne peut pas être sélectif.
La barbarie nazie a touché des populations diverses : des personnes ont été arrêtées et déportées parce qu’elles étaient nées juives, parce qu’elles étaient engagées politiquement, parce qu’elles refusaient l’Occupation, parce qu’elles appartenaient à la Résistance ; chacun, dans son histoire familiale, peut en connaître des exemples.
Ces amendements visent simplement à permettre la reconnaissance de tous les orphelins. Comme vient de le dire Mme Goulet, ce n’est pas une question financière ; il s’agit d’apporter une reconnaissance. Au-delà du vote qui va intervenir, il importe de continuer à réfléchir et de mener un vrai travail en vue de prendre en compte la situation des quelques personnes concernées.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, l’amendement n° II-131 n’a plus d’objet.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-18 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Regnard, Grosdidier, Daubresse et Menonville, Mme Malet, MM. B. Fournier, Moga et Mizzon, Mme Garriaud-Maylam, MM. Paccaud, Antiste, D. Laurent, Magras, Meurant, Détraigne et Charon, Mme N. Delattre, MM. Frassa et Revet, Mmes de Cidrac et Deromedi, M. Le Gleut, Mme Morhet-Richaud et MM. A. Marc, Poniatowski, Priou, Houpert et Guerriau, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Liens entre la Nation et son armée
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Sébastien Meurant.
Dès 1919, le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre instaurait le droit à réparation pour indemniser de façon spécifique les préjudices subis par chacune des catégories suivantes : les grands invalides de guerre, les conjoints survivants des morts au combat ou des grands invalides de guerre et les anciens combattants.
La pension militaire d’invalidité indemnise le préjudice qui découle des blessures ou maladies ; la pension versée au conjoint survivant indemnise les préjudices physiques, moraux et financiers consécutifs à son engagement auprès de son mari blessé à la guerre.
Alors que, jusqu’en décembre 1953, la législation plafonnait le pourcentage d’infirmité à 100 % pour tous les grands invalides de guerre, l’article 16 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre a permis, à compter du 1er janvier 1954, de prendre en compte les aggravations en ajoutant des degrés supplémentaires d’invalidité au-delà de 100 %.
Si, de cette manière, tous les préjudices des grands invalides de guerre ont été pris en compte et dignement réparés, il n’en a pas été de même pour les veuves de grands invalides de guerre : le niveau de leurs pensions n’a pas évolué depuis 1928. Un véritable fossé s’est donc creusé entre le droit à réparation des grands invalides de guerre et celui de leurs conjoints survivants.
Cette injustice s’est amplifiée au fil des ans. Les pouvoirs publics, récemment alertés par les associations, ont mis en place quelques dispositifs, mais les conditions requises sont toutefois si restrictives qu’à peine 10 % des veuves de grands invalides de guerre ont pu en bénéficier. Une grande partie des crédits votés n’ont donc pas été utilisés pour établir à un niveau décent le droit à réparation de nos veuves de guerre.
Le présent amendement a pour objet de revaloriser la pension des conjoints survivants des grands invalides de guerre dont le niveau d’invalidité était supérieur à 100 % à la date du décès.
L’amendement n° II-15 rectifié, présenté par MM. H. Leroy, Regnard, Grosdidier, Daubresse et Menonville, Mme Malet, MM. B. Fournier, Moga et Mizzon, Mme Garriaud-Maylam, MM. Paccaud, Antiste, D. Laurent, Magras, Meurant, Détraigne et Charon, Mme N. Delattre, MM. Frassa et Revet, Mmes de Cidrac et Deromedi, M. Le Gleut, Mme Morhet-Richaud et MM. A. Marc, Poniatowski, Priou, Houpert et Guerriau, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Liens entre la Nation et son armée
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Sébastien Meurant.
Cet amendement a le même objet que le précédent ; seul le montant des crédits dont nous demandons la réaffectation change, passant de 1, 2 million d’euros à 1 million d’euros.
Sur ces deux amendements, qui ne se distinguent que par le montant des crédits en jeu, notre commission a émis un avis favorable.
Vous avez déclaré, monsieur le sénateur Meurant, que le niveau de la pension des veuves de grands invalides de guerre n’a pas évolué depuis fort longtemps ; cela n’est pas tout à fait exact.
En effet, le mode de calcul de la pension de réversion prend en compte, notamment, les seuils de durée de vie commune et de soins constants ; or ceux-ci ont été très fortement abaissés, puisqu’ils sont passés de quinze à cinq ans dans les dernières années.
J’ai entendu les associations. Il faut tout de même savoir qu’elles ne sont pas forcément unanimes sur le sujet : la demande que vous relayez est portée par une association et, en son sein, par une personne en particulier… Quand j’ai fait la synthèse des conclusions des groupes de travail, les associations, dans leur ensemble, ont jugé que ce n’était pas une demande prioritaire, contrairement à l’octroi de la carte du combattant aux militaires présents en Algérie du 2 juillet 1962 au 1er juillet 1964.
J’estime qu’il faut continuer de travailler avec les associations sur ces questions d’une complexité technique incroyable, pour essayer d’améliorer des situations qui ne seraient pas satisfaisantes. Je m’y attellerai dès le début de 2019, sachant que je ne puis préjuger du résultat de ces travaux. Dans cette attente, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer cet amendement, d’autant que son dispositif est flou sur le plan budgétaire ; faute de quoi l’avis du Gouvernement sera défavorable.
D’après les chiffres dont je dispose, environ 500 personnes sont potentiellement concernées ; leur âge moyen est de 86 ans. Je veux bien vous entendre, madame la secrétaire d’État, qu’il faille encore se laisser du temps, mais la mesure proposée est très forte sur le plan du symbole. Quant aux montants en jeu, on peut les estimer, sur la base de 500 personnes concernées, à près de 900 000 euros pour mon second amendement.
Je maintiens ces amendements, dont je ne suis d’ailleurs pas le premier signataire. Je laisse au Sénat le soin de se prononcer.
Mme la secrétaire d’État a précisé qu’elle continuerait de travailler avec les associations, qui ne sont pas toutes d’accord entre elles : faisons-lui confiance. Un projet de budget rigoureux et équilibré a été préparé. Je comprends la dimension symbolique des propositions de notre collègue Meurant, mais je crois préférable d’adopter ces crédits tels qu’ils nous sont présentés par le Gouvernement, qui a pris l’engagement de poursuivre les consultations avec les associations.
Le groupe La République En Marche votera contre ces amendements.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, l’amendement n° II-15 rectifié n’a plus d’objet.
L’amendement n° II-410 rectifié, présenté par Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi, MM. Frassa et Regnard et Mme Renaud-Garabedian, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Promotion du lien entre la Nation et son armée parmi les Français de l’étranger
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Liens entre la Nation et son armée
Promotion du lien entre la Nation et son armée parmi les Français de l’étranger
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Madame la secrétaire d’État, vous avez évidemment raison de mettre l’accent sur le devoir de mémoire pour notre jeunesse.
Le devoir de mémoire, le lien de citoyenneté avec la communauté nationale est essentiel pour toute notre jeunesse. Pourtant, en dépit de la loi, les jeunes Français de l’étranger risquent de ne plus pouvoir participer à une Journée défense et citoyenneté. Aux termes de l’article L. 111–2 du code du service national, « la Journée défense et citoyenneté a pour objet de conforter l’esprit de défense et de concourir à l’affirmation du sentiment d’appartenance à la communauté nationale, ainsi qu’au maintien du lien entre l’armée et la jeunesse ». L’article L. 114–2 du même code précise que la JDC est organisée pour tous les Français.
Les jeunes Français de l’étranger ont sans doute plus encore que leurs compatriotes de métropole besoin de renforcer leur lien avec la citoyenneté française et notre défense. Il faut savoir que 50 % des Français de l’étranger sont des binationaux. Comme vous le savez, madame la secrétaire d’État, partout dans le monde émergent des tendances à la radicalisation. Il est donc de plus en plus important de renforcer le lien d’appartenance à la communauté nationale, afin que ces jeunes puissent continuer à servir de relais à nos valeurs.
Or la direction des Français de l’étranger a récemment annoncé que la Journée défense et citoyenneté allait être tout bonnement supprimée pour les Français de l’étranger. La seule explication donnée est budgétaire, alors même que nous créons un service national universel qui coûtera très cher… Bien sûr, la JDC a vocation à disparaître, mais comment peut-on en exclure les jeunes Français de l’étranger, qui à l’évidence ne seront pas concernés par le service national universel, impossible à organiser à l’étranger. Pourquoi, dès lors, les priver de cette JDC, qui est d’ailleurs organisée pour l’essentiel par les attachés de défense à l’étranger ?
Pour essayer de maintenir ce lien citoyen, nous vous demandons, madame la secrétaire d’État, de créer un programme dédié à la promotion du lien entre la Nation et les jeunes Français de l’étranger ».
Bien que l’on ne dispose pas d’une estimation précise du coût de cette proposition, la commission émet un avis de sagesse.
Madame la sénatrice, je vois votre amendement comme un amendement d’appel, d’autant que la JDC pour les Français de l’étranger relève du ministère des affaires étrangères, et non de cette mission.
Cela étant, le sujet est en effet important. Le code du service national dispose que les Français établis hors de France doivent participer à la JDC, sous la responsabilité du chef de poste diplomatique et consulaire accrédité, une faculté d’aménagement en fonction des contraintes liées aux pays concernés étant ouverte.
Si l’on voulait mettre fin à l’organisation des JDC à l’étranger, il faudrait supprimer la disposition législative que vous avez citée : on ne peut pas se soustraire à cette obligation législative. Pour tout vous dire, je suis particulièrement défavorable à une évolution à cet égard ; les JDC doivent être maintenues pour les jeunes Français à l’étranger, hormis les cas où leur mise en œuvre s’avère impossible du fait de la situation du pays concerné.
À l’heure actuelle, je peux vous assurer que rien n’est arrêté. Je m’engage à plaider auprès du ministère des affaires étrangères pour le maintien des JDC pour les jeunes Français de l’étranger. Le ministère des armées entretient des relations privilégiées avec les attachés de défense.
Je vous invite à retirer votre amendement, madame la sénatrice.
Madame Garriaud-Maylam, l’amendement n° II-410 rectifié est-il maintenu ?
Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État : je la considère comme un engagement moral. Ce sujet est très important, et nous comptons vraiment sur vous pour nous aider, car le ministère des affaires étrangères a déjà fait des annonces sur la suppression de la JDC. Dans cette attente, je retire l’amendement.
L’amendement n° II-410 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° II-3 est présenté par Mme Micouleau, MM. Grand, Allizard et Bas, Mme A.M. Bertrand, M. Bonhomme, Mme Bories, MM. Buffet, Cardoux, Charon et Chatillon, Mme de Cidrac, M. Cuypers, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mme Deromedi, MM. Dufaut, Duplomb et B. Fournier, Mmes Garriaud-Maylam, Giudicelli et Gruny, M. Husson, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Laménie, Mmes Lanfranchi Dorgal et Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, H. Leroy et Longuet, Mme Lopez, M. Mandelli, Mmes M. Mercier et Morhet-Richaud, MM. Mouiller, de Nicolaÿ, Perrin, Piednoir, Pierre et Poniatowski, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, MM. Raison, Rapin, Regnard, Revet, Savin et Sol et Mme Thomas.
L’amendement n° II-106 rectifié est présenté par MM. Corbisez, Menonville et Artano, Mme M. Carrère, MM. Collin et Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Mézard, Requier, Roux et Vall.
L’amendement n° II-132 est présenté par Mmes Cukierman, Apourceau-Poly, Cohen, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Liens entre la Nation et son armée
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour défendre l’amendement n° II-3.
Cet amendement, que je présente au nom de ma collègue Brigitte Micouleau, qui ne pouvait être présente ce matin, vise à corriger une discrimination persistante dans la reconnaissance par l’État des sacrifices consentis par les harkis.
En effet, ceux-ci ne bénéficient pas du même traitement selon le statut juridique qui était le leur à l’époque de la guerre d’Algérie. Au côté de la très grande majorité des anciens supplétifs, qui relevaient du statut civil de droit local, des pieds noirs d’origine européenne, soumis au statut civil de droit commun, ont servi dans des formations supplétives comme des harkas, des sections administratives spécialisées ou des groupes mobiles de sécurité.
Le bénéfice des mesures de réparation mises en place en faveur des anciens supplétifs, notamment l’allocation de reconnaissance, a toujours été réservé aux seuls harkis de statut civil de droit local.
Toutefois, à la suite d’une décision du Conseil constitutionnel du 4 février 2011, ce critère a été supprimé ; il n’a été rétabli que par la loi du 18 décembre 2013, dont la portée rétroactive a été jugée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel, le 16 février 2016.
Dès lors, tous les anciens supplétifs de statut civil de droit commun qui en ont fait la demande entre les mois de février 2011 et de décembre 2013 devraient pouvoir bénéficier des mesures de réparation. Pourtant, l’administration a à l’époque « joué la montre » et refusé de répondre aux requêtes, afin de décourager tout recours contentieux. Ceux qui ont fait appel aux tribunaux ont depuis eu gain de cause.
Il appartient maintenant d’agir au nom de celles et ceux qui n’ont pas pu le faire. Il s’agit d’une population âgée, fragile et précaire. Selon les informations que vous nous avez communiquées, vingt-six personnes sont concernées. L’enjeu financier, limité, est de l’ordre de 106 834 euros : cela correspond au versement d’une allocation de reconnaissance de 4 109 euros à chacune de ces personnes.
Cette mesure n’entraînera pas de dépense supplémentaire et est compensée par le déclin démographique du nombre de bénéficiaires de l’allocation de reconnaissance, qui a diminué de 209 entre 2016 et 2017.
Cet amendement vise donc, pour financer cette mesure, à procéder au transfert de 106 834 euros de l’action n°02 Politique de mémoire du programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » vers l’action n°07 Actions en faveur des rapatriés du programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ».
La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° II-106 rectifié.
Notre collègue Antoine Lefèvre a fort bien présenté l’objet de ces amendements identiques. Il s’agit d’une mesure d’équité et de justice à l’égard des anciens supplétifs de statut civil de droit commun, qui consiste tout simplement à faire appliquer le droit par l’administration. Cela concerne peu de dossiers vingt-six selon le ministère des armées. Il est temps de faire un geste pour solder cette question.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° II-132.
Il s’agit de remédier à une discrimination. Le Gouvernement s’était engagé devant les députés, lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire, à étudier ces cas particuliers et à verser l’allocation de reconnaissance à vingt-six anciens supplétifs. Par cet amendement, nous demandons que cet engagement soit tenu, par une inscription dans le budget de la Nation.
Madame la secrétaire d’État, selon les informations dont nous disposons, il y a en tout soixante-seize demandes d’anciens supplétifs. Pour quel motif vingt-trois personnes sont-elles considérées comme n’étant pas d’anciens supplétifs ? Dès lors qu’elles risquent de relever d’autres régimes, par exemple celui des militaires si elles ont servi en qualité d’appelés, de quelles solutions de substitution sont-elles susceptibles de bénéficier ? Par ailleurs, nous souhaiterions en savoir davantage sur les personnes « introuvables » qui avaient fait une demande et ont sans doute renoncé à la mettre en forme.
Ces amendements identiques portent sur un sujet qui a été abordé lors de l’examen des précédents projets de loi de finances, notamment l’an dernier.
À la suite de difficultés juridiques, certains anciens supplétifs de statut civil de droit commun se sont trouvés exclus du bénéfice de l’allocation de reconnaissance versée aux anciens supplétifs de statut civil de droit local. Le ministère des armées indique examiner au cas par cas les demandes en instance. Cependant, la budgétisation des allocations de reconnaissance qui seront éventuellement attribuées au terme de cet examen ne semble pas totalement assurée.
Toutefois, dans un esprit de respect et de reconnaissance, la commission des finances émet un avis favorable sur ces amendements identiques.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d ’ État. L’exposé des motifs de ces amendements identiques comporte une petite erreur : je me suis engagée non pas à verser une allocation de reconnaissance à ces supplétifs, mais à examiner les dossiers.
M. Laurent Duplomb s ’ esclaffe.
C’est ce que nous avons fait. La liste des personnes concernées nous a été fournie par une association : elle comportait soixante-quatorze noms d’anciens supplétifs de droit commun, c’est-à-dire européens, qui auraient pu avoir droit à cette allocation de reconnaissance au titre d’une « fenêtre » judiciaire.
Cette liste a été examinée : il se trouve que vingt-trois personnes ne sont pas d’anciens supplétifs et que vingt-cinq autres sont introuvables dans nos fichiers, ce qui signifie qu’elles n’ont pas séjourné dans des harkas. Il reste vingt-six personnes qui ont travaillé dans des harkas et se sont manifestées au titre de la fenêtre judiciaire que j’évoquais.
Après examen, il s’avère que leurs demandes ont fait l’objet d’une décision implicite de rejet par l’administration et que cette décision n’a pas été contestée dans les délais requis devant un tribunal administratif. Par conséquent, leur situation est forclose – je l’ai appris il y a deux jours – et ces dossiers ne peuvent a priori donner lieu à indemnisation.
Il faut distinguer entre les harkis français ou européens et les harkis algériens de droit local. Les premiers ont en fait le même statut que les rapatriés – les pieds-noirs, comme on les appelle communément – et pouvaient prétendre aux indemnisations et réparations destinées à ceux-ci. Les seconds ont été accueillis en France dans les conditions que nous connaissons et, pour cette raison, le législateur a mis en œuvre au fil des années des allocations de reconnaissance spécifiques à leur intention. Il ne s’agit donc pas des mêmes publics ni des mêmes situations en termes de reconnaissance et de réparation.
La fenêtre judiciaire, qui ne concernait pas tout le monde, s’est refermée. Quoi qu’il en soit, mesdames, messieurs les sénateurs, je puis vous assurer que ces dossiers ont tous été examinés avec beaucoup d’impartialité et de bienveillance, dans le respect du droit : il n’était pas question pour nous d’essayer de léser quiconque.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Madame la secrétaire d’État, vous avez donné un avis défavorable à presque tous les amendements, au motif que les mesures proposées coûtaient trop cher ou ne constituaient pas la bonne solution.
Dans un souci de transparence, je ferai observer que, au palmarès de l’augmentation des rémunérations des cabinets ministériels, votre cabinet tient la première place ! §Les rémunérations de vos collaborateurs sont ainsi passées de 271 204 euros en 2017 à 542 781 euros en 2018, soit un doublement. Je trouve cela un peu paradoxal !
Je suis favorable à ces amendements. Je suis sans doute le dernier, dans cette assemblée, à avoir participé à la guerre d’Algérie et je me souviens du traitement inacceptable qui a été réservé aux harkis.
Ceux qui sont restés en Algérie après avoir servi la France ont été maltraités, souvent même supprimés.
Je considère par conséquent que la France a une dette de reconnaissance à leur égard et a trop tardé à prendre en compte leur situation.
Comme l’a très bien dit Charles Revet, nous avons un devoir de reconnaissance envers les harkis. Cela fait des années que nous en parlons et que nous demandons que l’on avance sur ce sujet – j’ai moi-même eu l’occasion de défendre des amendements en ce sens au fil des années. Un geste est infiniment nécessaire.
Monsieur le sénateur Revet, je vous comprends. Je sais combien vous êtes attaché à ce que l’on répare les préjudices subis et que l’on respecte toutes les mémoires de ce conflit difficile. Il n’en reste pas moins qu’il existe des situations diverses. De nombreux dispositifs différents ont été mis en œuvre à des époques différentes, avec des strates qui se juxtaposent. Pour le cas particulier de ces vingt-six personnes, je vous ai dit ce qu’il en était. Je vous propose d’en rester là, même si je comprendrais que vous votiez ces amendements, ne fût-ce qu’à titre symbolique. Je respecte votre position.
J’en viens à l’attaque en règle dont j’ai été l’objet à l’instant.
Si l’on prétend donner des leçons, monsieur le sénateur Duplomb, il faut soi-même être irréprochable. Publier des articles sur l’évolution des rémunérations des cabinets ministériels entre août 2017 et août 2018 sans chercher à approfondir ni même à contacter les ministères pour avoir une explication me paraît déjà très discutable de la part de la presse. Que vous les relayiez de cette façon est totalement indigne.
J’ai été nommée le 21 juin 2017. N’étant pas une fille de Paris, je ne connaissais pas grand monde et j’ai donc mis du temps à constituer mon cabinet. Au 1er août 2017, je n’avais encore recruté que deux collaborateurs : mon directeur de cabinet et un conseiller social, tous deux contrôleurs généraux des armées. Durant les mois de septembre et d’octobre suivants, j’en ai recruté trois autres. Ce décalage dans les recrutements explique que les rémunérations des membres de mon cabinet aient doublé entre août 2017 et août 2018 : entre ces deux dates, le nombre de mes collaborateurs avait, lui, plus que doublé, passant de deux à cinq.
Avant de lancer de telles attaques en séance publique, monsieur le sénateur, vous auriez pu m’interroger sur les raisons de cette augmentation des rémunérations. Du reste, d’autres journaux ont entièrement démenti les chiffres que vous avez relayés. Tout cela n’a pas de sens ! J’ai composé mon cabinet comme on me l’a demandé. J’ajoute que les deux premières personnes que j’ai recrutées travaillaient déjà pour le ministère des armées et que leur rémunération ne représente donc pas un coût supplémentaire pour la Nation.
Vous avez tenu des propos indignes, monsieur le sénateur. Je connais et respecte de nombreux membres de votre groupe politique, mais votre discours témoigne d’un total manque de respect envers mes collaborateurs et moi-même, et au-delà envers la politique. C’est à cause de la démagogie, du populisme de personnes comme vous que l’on en arrive à la situation que nous connaissons actuellement dans nos rues et que les élus perdent tout crédit !
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.
Je mets aux voix les amendements identiques n° II-3, II-106 rectifié et II-132.
Les amendements sont adoptés.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
Les crédits sont adoptés.
J’appelle en discussion l’article 73, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation
I. – L’article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est ainsi modifié :
1° Les quatre premiers alinéas du I sont remplacés par huit alinéas ainsi rédigés :
« I. – Une allocation de reconnaissance, sous condition d’âge, est versée en faveur :
« 1° Des anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie, qui ont fixé leur domicile en France ;
« 2° Aux conjoints ou ex-conjoints survivants, non remariés ou n’ayant pas conclu de pacte civil de solidarité, des personnes mentionnées au 1°.
« II. – La perception de l’allocation de reconnaissance peut prendre la forme, au choix du bénéficiaire :
« 1° D’une rente viagère dont le montant annuel ne peut être inférieur à 4 109 € à compter du 1er janvier 2019 ;
« 2° D’un capital de 20 000 € et d’un complément de capital sous la forme d’une rente viagère dont le montant annuel ne peut être inférieur à 2 987 € à compter du 1er janvier 2019 ;
« 3° D’un capital de 30 000 €.
« Un arrêté conjoint des ministres chargés des rapatriés et du budget fixe le montant annuel de la rente viagère et du complément de capital prévus respectivement aux 1° et 2° du présent II. » ;
2° Au début du sixième alinéa du même I, est ajoutée la mention : « III. – » ;
3° Au début du dernier alinéa dudit I, est ajoutée la mention : « IV. – » ;
4° Le II devient le V.
II. – A. – Le b du 4° de l’article 81 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« b. L’allocation de reconnaissance prévue à l’article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ; ».
B. – Le 11° du I de l’article L. 136-1-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« 11° L’allocation de reconnaissance prévue à l’article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ; ».
III. – Le I de l’article 133 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « de 3 663 € à compter du 1er janvier 2018, indexé sur le taux d’évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation de tous les ménages, hors tabac, » sont remplacés par les mots : « qui ne peut être inférieur à 4 109 € à compter du 1er janvier 2019 » ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant annuel de l’allocation est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés des rapatriés et du budget. »
IV. – L’article 47 de la loi de finances rectificative pour 1999 (n° 99-1173 du 30 décembre 1999) est abrogé.
L ’ article 73 est adopté.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à onze heures vingt.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2019, des différentes missions.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Justice ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains applaudit également.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le constat est partagé, je le crois, sur toutes les travées : depuis quelques années, le ministère de la justice n’a pas les moyens d’exercer convenablement ses missions. Les effets de l’augmentation de ses moyens intervenue ces dernières années tardent encore à se matérialiser. Dans les tribunaux ou les établissements pénitentiaires, les personnels expriment leurs difficultés à exercer leur métier, voire leur désarroi. En effet, la surpopulation carcérale ou des délais de jugement trop longs contribuent à décourager les agents, qui, parfois, ne trouvent plus de sens à leur action.
C’est dans ce contexte de fortes attentes que s’inscrit ce projet de loi de finances : attentes en termes des moyens, mais aussi de fonctionnement même de la justice. À ce titre, le Gouvernement a présenté un projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, que le Sénat a largement amendé sur l’initiative de sa commission des lois.
De véritables réformes sont en effet indispensables, car les moyens seuls ne suffiront pas au « redressement » de la justice, pour reprendre l’intitulé de la proposition de loi déposée par notre collègue Philippe Bas, président de la commission des lois.
Madame la garde des sceaux, la commission des finances a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits du ministère de la justice, considérant que l’augmentation de près de 4, 5 % des crédits hors compte d’affectation spéciale « Pensions » se justifie, s’agissant d’un ministère régalien que nous considérons comme prioritaire.
Certains regrettent que la hausse des crédits ne soit pas plus importante. Je partage leur impatience, mais je pense que la proposition du Gouvernement est équilibrée. En effet, les hausses de crédits doivent être crédibles et il serait illusoire de penser pouvoir dépenser – judicieusement s’entend – beaucoup plus. En effet, une fois le budget voté, il faut l’exécuter, et l’on se heurte alors à la réalité. Recruter et former du personnel, construire des établissements pénitentiaires, des juridictions, repenser des systèmes d’information : tout cela prend du temps et tous vos prédécesseurs, madame la garde des sceaux, en ont largement pris conscience.
Lors de mes récents déplacements sur le terrain, j’ai eu l’impression que les choses commençaient, lentement, à s’améliorer, notamment dans les juridictions. Les vacances de postes semblent s’amenuiser, l’ouverture du nouveau palais de justice de Paris ou la réouverture prochaine de la prison de Paris-La Santé – sites que j’ai tous deux visités – sont des signes visibles que la situation commence à évoluer, même si le défi reste de taille.
En ce qui concerne l’administration pénitentiaire, le projet de loi de finances prévoit une hausse de 95 millions d’euros des dépenses de personnel, afin notamment de créer de nouveaux postes de surveillant pénitentiaire pour combler les vacances.
À cet égard, madame la garde des sceaux, je souhaite vous poser quelques questions. Comment est-il envisagé de faire face à l’ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires, conjuguée aux départs à la retraite et à des difficultés de recrutement de surveillants pénitentiaires ? Pouvez-vous nous préciser les contours que devrait prendre la prime de fidélisation annoncée en janvier dernier à la suite du mouvement social de la fin de 2017 ? Combien d’agents seront concernés ? Quel en sera le coût ?
Le programme de construction de nouvelles places de prison retenu par le Gouvernement est moins ambitieux que ce qu’avait initialement annoncé le candidat Emmanuel Macron. Il est pourtant urgent de garantir un encellulement individuel, mais aussi, tout simplement, de dignes conditions de détention, permettant aux surveillants d’accomplir convenablement leur travail.
Le présent projet de loi de finances prévoit de consacrer près de 230 millions d’euros aux projets informatiques du ministère, soit une augmentation de 20 % par rapport à 2018. Ces investissements sont le signe du rôle crucial que le numérique peut et doit jouer dans la modernisation de la justice. Il devra toutefois en résulter, à terme, des économies.
La dématérialisation de la demande du bulletin n° 3 du casier judiciaire est une première étape, que je tiens à saluer, mais il faudra aller plus loin, en particulier en ce qui concerne les applications utilisées par le ministère lui-même, mais aussi avec ses partenaires, qu’il s’agisse des services de police ou de ceux des impôts.
Il conviendra de veiller à ce que la numérisation des procédures et des démarches demeure compatible avec un accès au droit sur l’ensemble du territoire, afin qu’à la fracture sociale et territoriale ne s’ajoute pas la fracture numérique.
Madame la garde des sceaux, je tiens également à vous faire part d’une inquiétude concernant le dynamisme des frais de justice. Il est justifié que les magistrats souhaitent recourir à toutes les techniques modernes existantes en vue de la manifestation de la vérité et leurs décisions ne sauraient être contraintes par des questions de coûts. Si d’importants progrès ont déjà été réalisés pour rationaliser le circuit de la dépense, les charges à payer demeurent particulièrement élevées.
Les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, augmentent, notamment afin de financer la création de cinq nouveaux centres éducatifs fermés. Le Sénat est très dubitatif quant à cette mesure, en raison du coût prohibitif du fonctionnement de ces structures – le prix de journée s’élèvera à 672 euros en 2019 – et du manque d’évaluation.
Enfin, la réforme de l’aide juridictionnelle engagée par le précédent gouvernement, qui a, entre autres mesures, abaissé le plafond de ressources pour en bénéficier, a conduit à une très forte augmentation de cette dépense dite « de guichet ». Ainsi, elle est passée de 360 millions d’euros en 2015 à 507 millions d’euros en 2019, soit une augmentation de 41 %.
L’aide juridictionnelle est financée en partie par des crédits budgétaires, en partie par des ressources fiscales affectées au Conseil national des barreaux. Dans ce contexte de croissance forte de l’aide juridictionnelle, une révision de ses modalités de financement paraît indispensable ; nous en reparlerons à l’occasion de l’examen des amendements.
Telles sont, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les observations que je souhaitais formuler sur ce projet de budget du ministère de la justice, que la commission des finances a considéré comme équilibré, compte tenu des nécessaires redressements de la justice et, bien sûr, des comptes publics.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les crédits de la mission « Justice » progressent de 4, 5 % en 2019, hors dépenses de pensions, pour atteindre un montant total de 7, 29 milliards d’euros en crédits de paiement, identique à celui qui a été prévu par le Sénat lors de l’examen du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, mais avec une ventilation différente.
Les crédits de paiement des programmes « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et « Conseil supérieur de la magistrature » augmentent quant à eux de 2, 29 %, et leurs autorisations d’engagement de 2, 94 %.
Il est toutefois regrettable que, parmi tous les programmes de la mission « Justice », le budget consacré aux juridictions judiciaires soit celui qui augmente le plus faiblement – 0, 87 % en crédits de paiement –, à périmètre constant entre 2018 et 2019.
Plusieurs points positifs méritent d’être relevés.
Le schéma de création d’emplois est plus ambitieux que l’année dernière, avec la création de 192 postes dans les juridictions judiciaires.
Le nombre de postes vacants de magistrat a baissé de façon significative en 2018 : on ne compte plus que 252 vacances de postes de magistrat au 1er octobre 2018, contre 417 l’année précédente.
Les crédits de paiement en matière d’investissement progressent de 8, 5 % par rapport à 2018 et les autorisations d’engagement de 211 %, ce qui s’explique par le lancement d’un nouveau programme pluriannuel de rénovation et de construction dans l’immobilier judiciaire. Ce programme est très attendu, madame la garde des sceaux, étant donné le piètre état des locaux de trop nombreuses juridictions.
En dernier lieu, les crédits en faveur de l’informatique et du numérique augmentent de 20 % entre 2018 et 2019.
Ces mesures ne peuvent cependant pas occulter une situation qui demeure encore fragile dans les juridictions.
Ainsi, les délais de traitement des affaires continuent de croître, tant en matière civile qu’en matière pénale. En matière civile, ils sont passés de 7, 5 mois en 2007 à 11, 8 mois en 2017 devant les tribunaux de grande instance, et de 12, 7 mois à 14, 7 mois devant les cours d’appel. En matière pénale, la situation est toujours aussi alarmante : le délai de traitement moyen d’une affaire criminelle est de 40, 6 mois, mais il peut atteindre 62, 6 mois en incluant la procédure d’appel. C’est considérable.
Les tribunaux de grande instance vont en outre devoir absorber, à compter du 1er janvier 2019, le contentieux social actuellement traité par les tribunaux des affaires sociales et les tribunaux du contentieux et de l’incapacité, ce qui suscite beaucoup d’interrogations parmi les personnels, madame la ministre.
De même, les frais de justice demeurent une source d’inquiétude. Même s’ils font l’objet d’une meilleure budgétisation, leur augmentation est constante. Vous trouverez dans le rapport écrit quelques chiffres parlants, mes chers collègues.
Pour terminer ce trop court panorama des moyens dédiés à la justice judiciaire en 2019, je dirai quelques mots sur l’absence de réforme de l’aide juridictionnelle.
Le Sénat a fait des propositions concrètes et utiles lors de l’examen du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Il a notamment proposé le rétablissement d’une contribution à l’aide juridique en première instance et l’instauration de l’obligation de consultation préalable d’un avocat avant toute demande d’aide juridictionnelle. Le Gouvernement est resté sourd à ces propositions jusqu’à présent. C’est pourtant un enjeu essentiel. Madame la garde des sceaux, que comptez-vous faire pour sauver un système qui est aujourd’hui à bout de souffle ?
Au bénéfice de ces observations, et malgré ces fortes réserves, la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes de la mission « Justice » concernant la justice judiciaire et l’accès au droit.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez dépassé de plus d’une minute votre temps de parole, qui était de trois minutes.
J’invite les orateurs à respecter le temps de parole qui leur est imparti.
La parole est à M. François-Noël Buffet, en remplacement de M. le rapporteur pour avis.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il me revient de présenter, en lieu et place d’Alain Marc, qui ne pouvait être présent ce matin, l’avis de la commission des lois sur les crédits du programme « Administration pénitentiaire ».
Cet avis est défavorable.
Certes, les crédits de paiement augmenteront de 5, 75 % en 2019, mais cette hausse est insuffisante au regard des besoins de l’administration pénitentiaire et des enjeux du redressement de la justice.
Pour l’administration pénitentiaire, 2018 a été une année de crise. Le début de l’année a été marqué par un important mouvement de contestation des surveillants pénitentiaires, qui sont aujourd’hui en nombre insuffisant pour faire face à la surpopulation carcérale. Ce mouvement a été suivi, au printemps, de la mobilisation des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, qui ne peuvent plus suivre correctement et efficacement les personnes condamnées en milieu ouvert. Au mois de juillet, une évasion spectaculaire, celle de Rédoine Faïd, a soulevé de nombreuses questions quant à la sécurité de nos établissements pénitentiaires.
Enfin, 2018 a été une année critique, de nouveaux records ayant été battus en matière de surpopulation carcérale : au 1er octobre 2018, 70 714 personnes étaient détenues, soit 3, 1 % de plus qu’un an auparavant. Actuellement, le taux d’occupation moyen de nos maisons d’arrêt est supérieur à 140 %.
Imagine-t-on que des détenus puissent se réinsérer à leur sortie lorsqu’ils passent vingt heures par jour dans une cellule de 9 mètres carrés avec un ou plusieurs codétenus ? Quels effets ces conditions de détention indignes peuvent-elles avoir sur des personnes incarcérées pour la première fois, dans le cadre d’une détention provisoire par exemple ?
Cette situation rend aussi déplorables les conditions de travail des personnels de l’administration pénitentiaire. Si la plupart d’entre eux sont d’un grand dévouement, ils sont exténués, voire découragés. Leurs métiers ne sont plus attractifs.
Le projet de budget présenté ne répond pas à cette situation de crise. Madame la garde des sceaux, le Gouvernement a fait le choix de renoncer à l’engagement présidentiel de construire 15 000 nouvelles places de prison sur le quinquennat. Le plan pénitentiaire que vous avez annoncé nous paraît insuffisant, voire trompeur à certains égards.
Il est insuffisant, car il ne prévoit la livraison que de 7 000 places environ d’ici à 2022, dont un peu moins de 5 000 seulement concerneront les maisons d’arrêt et les centres pénitentiaires. Les 2 000 autres places sont destinées à des structures d’accompagnement vers la sortie, les SAS.
Or, pour atteindre un taux d’encellulement individuel de 80 % en 2022, et au regard des trajectoires d’évolution de la population carcérale, il aurait fallu livrer au moins 9 500 nouvelles places de prison, en privilégiant les établissements pour peines.
Lors de sa visite de la maison d’arrêt de Paris-La Santé, notre collègue Alain Marc a constaté avec effarement que toutes les cellules individuelles de 9 mètres carrés avaient d’ores et déjà été « doublées », des lits superposés ayant été installés afin de pouvoir y accueillir deux personnes dès la réouverture de l’établissement, au mois de janvier prochain.
Le plan pénitentiaire annoncé est trompeur, disais-je, car plus de 90 % des places qui seront livrées en 2022 étaient prévues et financées par des programmes précédents.
Telles sont les remarques qu’Alain Marc aurait souhaité présenter à cette tribune. Sur le fond, je les partage. Elles ont conduit la commission des lois à émettre un avis défavorable sur l’adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire ».
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains applaudit également.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, lors de sa réunion du 21 novembre dernier, la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » du projet de loi de finances pour 2019.
La commission des lois a été sensible à l’effort consenti en faveur de la protection judiciaire de la jeunesse, dont les crédits augmentent de 2, 8 %, pour atteindre 875 millions d’euros en 2019. Ces moyens supplémentaires permettront la création d’une cinquantaine de postes, principalement des emplois d’éducateur, mais aussi de psychologue et d’assistante sociale, et ils financeront des travaux de rénovation et d’entretien des locaux trop longtemps différés.
Il faut aussi souligner l’effort consenti en faveur du secteur associatif habilité, dont les crédits vont être revalorisés afin de lui permettre de réaliser un plus grand nombre de mesures d’investigation.
Une partie non négligeable des crédits supplémentaires alloués à la protection judiciaire de la jeunesse sera affectée à la construction de nouveaux centres éducatifs fermés, ou CEF. Le Gouvernement prévoit 1, 8 million d’euros pour commencer les opérations nécessaires à l’ouverture de deux centres dans le secteur public et 2, 3 millions d’euros pour faciliter le lancement de cinq CEF associatifs.
Les auditions et les déplacements auxquels j’ai procédé n’ont pas levé toutes les interrogations concernant la construction de ces nouveaux CEF. J’ai entendu formuler de nombreuses questions concernant l’évaluation des besoins qui justifie l’ouverture de 240 places supplémentaires, alors que les cinquante-deux CEF aujourd’hui en activité sont loin d’être saturés.
Les professionnels s’inquiètent de la concentration des moyens humains et financiers sur ce programme de construction. Je sais que vous êtes convaincue, madame la ministre, de la nécessité de préserver une palette diversifiée de modes de prise en charge, afin que les juges des enfants puissent trouver une solution adaptée à chaque jeune. Mais aurez-vous les moyens, dans les années qui viennent, de financer l’ouverture de vingt nouveaux CEF sans pénaliser les autres dispositifs de la protection judiciaire de la jeunesse ? Peut-être pourrez-vous nous préciser vos intentions dans la suite de ce débat.
Pour conclure mon propos, j’évoquerai la réforme de l’ordonnance de 1945. La commission des lois y est favorable, cette ordonnance étant devenue peu lisible au fil de ses modifications successives et devant être adaptée à l’évolution de la délinquance juvénile. Cependant, nous ne pouvons que déplorer le choix du Gouvernement et de la majorité à l’Assemblée nationale de recourir à une ordonnance pour y procéder. Qui plus est, la demande d’habilitation a été introduite par voie d’amendement à l’Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, que nous avons examiné en procédure accélérée au mois d’octobre.
Je sais que vous prévoyez d’associer des parlementaires à l’élaboration de l’ordonnance, mais nous sommes nombreux à penser qu’une réforme d’un dispositif de cette importance mériterait un débat plus approfondi devant la représentation nationale.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de 20 minutes pour intervenir.
Si les temps de parole sont respectés, cette discussion générale devrait s’achever vers treize heures.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le budget de la mission « Justice » progresse de près de 4, 5 %, pour atteindre 7, 291 milliards d’euros en crédits de paiement.
Même si le budget pour 2019 s’inscrit dans le mouvement de hausse quasiment continue des ressources votées, la trajectoire budgétaire retenue par le Gouvernement dans le projet de loi de programmation et de réforme pour la justice – une hausse de 23, 5 % en cinq ans, pour atteindre 8, 3 milliards d’euros – est en réalité bien moins ambitieuse que celle proposée par le Sénat, à savoir une augmentation de 33, 8 % en cinq ans, pour atteindre 9 milliards d’euros. Elle est insuffisante pour assurer le redressement du service public de la justice par une action puissante et durable de rattrapage des retards accumulés dans le passé.
Oui, cette progression de près de 4, 5 % apparaît bien modeste au regard des efforts nécessaires au redressement de la justice, qui se trouve aujourd’hui dans une situation critique, en termes tant de délais que de moyens ! Ce constat, le groupe Les Indépendants – République et Territoires l’avait déjà fait il y a un an à cette même tribune.
Le rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, qui a été récemment publié, vient confirmer, hélas ! ce diagnostic : quand l’Allemagne dépense 122 euros par habitant pour sa justice, la France n’y consacre que 66 euros par habitant, soit deux fois moins. La France se situe en queue du peloton européen et, malheureusement, le projet de budget pour 2019 ne permettra pas d’y remédier.
Je formulerai maintenant des observations spécifiques sur deux des trois programmes de la mission « Justice ».
Concernant tout d’abord les crédits consacrés à la justice judiciaire et à l’accès au droit, si le projet de loi de finances pour 2019 comporte plusieurs mesures positives, celles-ci doivent toutefois être accueillies avec prudence et ne doivent pas occulter une situation qui demeure extrêmement dégradée dans les juridictions.
Cette année encore, nous déplorons la pénurie chronique de magistrats et de fonctionnaires de greffe. Cette situation se traduit par un délai moyen de traitement des procédures en augmentation, toutes juridictions confondues.
De même, le système de l’aide juridictionnelle est à bout de souffle. À cet égard, le Sénat avait proposé le rétablissement de la contribution pour l’aide juridique en première instance, modulable de 20 à 50 euros, et l’instauration de l’obligation de consultation préalable d’un avocat avant toute demande d’aide juridictionnelle.
Concernant les crédits du programme « Administration pénitentiaire », je déplore l’hypocrisie de l’annonce du programme « 15 000 places », lequel repose essentiellement sur des constructions engagées par des gouvernements précédents. Ici, le constat est clair : le plan de construction de 15 000 places supplémentaires de prison d’ici à 2022 dont la mise en œuvre figurait parmi les engagements de campagne du Président de la République a été abandonné. Les ambitions du Gouvernement ont été ramenées, pour l’essentiel, à la création de 2 130 places en structures d’accompagnement vers la sortie d’ici à 2022. Aucun chantier n’étant engagé à ce jour, tous les terrains n’ayant pas été identifiés, même cet objectif plus modeste risque fort de ne pas être atteint.
Je souhaite également dénoncer l’insuffisance des crédits consacrés à la réinsertion, alors même que le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit de renforcer l’efficacité de l’exécution des peines.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne votera pas les crédits de la mission « Justice » du projet de loi de finances pour 2019.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, pour la deuxième année consécutive, vous nous présentez, madame la ministre, un budget pour la justice qui connaît une nouvelle progression de ses crédits. Après une hausse significative de 3, 9 % en 2018, les crédits de la mission « Justice » augmentent à nouveau, de 4, 5 %, soit 313 millions d’euros supplémentaires.
Certes, ce budget ne permettra pas à la France de remonter en haut du classement des pays selon le critère des moyens qu’ils consacrent à leur système judiciaire établi par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice du Conseil de l’Europe, mais je tiens à souligner le volontarisme budgétaire du Gouvernement dans un contexte de redressement des finances publiques. Cela marque de façon évidente une volonté non feinte de placer la justice au rang des priorités gouvernementales.
Cet effort financier notable vous permettra, madame la garde des sceaux, de mettre en œuvre un engagement présidentiel important, inscrit dans le projet de loi de programmation et de réforme pour la justice, à savoir faire progresser de 24 % les crédits du ministère et créer 1 200 emplois d’ici à la fin du quinquennat.
Ce budget vous permettra de mener à bien les quatre chantiers prioritaires que vous vous êtes fixés : l’amélioration de la justice du quotidien ; le renforcement du sens et de l’efficacité des peines ; la diversification des modes de prise en charge des mineurs délinquants ; le renforcement de l’accès au droit et de l’aide aux victimes.
Ces moyens permettront, entre autres choses, la mise en œuvre du plan pénitentiaire que vous aviez présenté en septembre dernier et qui prévoit une évolution du parc pénitentiaire de notre pays, le renforcement de la sécurité des établissements pénitentiaires et la réinsertion des détenus. Ces mesures permettront d’améliorer les conditions de détention de ces derniers et les conditions de travail des personnels pénitentiaires. Comme le disait Albert Camus, une société se juge à l’état de ses prisons.
Je profite d’ailleurs du temps qui m’est imparti pour attirer votre attention sur la situation des établissements pénitentiaires dans les outre-mer.
En dépit d’améliorations récentes et en cours et de la création de nouvelles infrastructures, comme à Saint-Laurent-du-Maroni, l’état des prisons reste globalement déplorable dans ces territoires éloignés et présente des spécificités qui sont insuffisamment prises en compte, notamment s’agissant de la réinsertion des détenus. J’aurai l’occasion de revenir sur cette question lors de l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », puisque j’ai souhaité en faire le fil directeur de mon avis.
Madame la garde des sceaux, avec ce budget, vous ambitionnez également d’améliorer la justice au quotidien. Cette amélioration s’appuiera notamment sur une programmation immobilière ambitieuse pour accompagner la réorganisation des juridictions prévue par le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, dont l’examen s’achève à l’Assemblée nationale.
Là encore, même si je vous sais attentive à ces questions, je souhaite insister sur la situation des 73 juridictions qui rendent la justice en outre-mer, notamment sur celle de la chambre détachée de la cour d’appel de Saint-Denis à Mayotte. N’y a-t-il pas là une occasion de repenser l’organisation judiciaire au sein de ce département en difficulté et de le doter d’une cour d’appel de plein exercice ? Outre la reconnaissance supplémentaire de l’ancrage de Mayotte dans le droit commun des départements que cela induirait, il s’agit de permettre aux Mahorais d’accéder au service public de la justice comme tous les citoyens français.
Enfin, l’amélioration de la justice au quotidien passe par la transformation numérique de l’institution judiciaire – un sujet qui vous tient à cœur, madame la ministre –, qui profitera aux justiciables. Je pense par exemple à la consultation en ligne de l’état d’avancement de leur procédure sur le portail du Service d’accueil unique du justiciable, le SAUJ. Cette transformation profitera également aux professionnels du droit, avec le développement du passage à la fibre optique ou le déploiement d’ordinateurs portables et de smartphones. À cet égard, l’importance des ressources dégagées en faveur du plan de transformation numérique – 97 millions d’euros et 80 emplois créés – mérite évidemment d’être soulignée.
En conclusion, ce projet de budget de la justice pour 2019 est en adéquation avec les enjeux des réformes que vous souhaitez mener. Le groupe La République En Marche a déposé des amendements d’appel relatifs à l’aide juridictionnelle afin de faire avancer ce dossier sensible. Vous l’aurez compris, notre groupe votera en faveur de l’adoption des crédits de la mission « Justice ».
Je restitue une minute et quarante et une secondes de temps de parole, monsieur le président !
Sourires.
Si tout le monde, y compris le Gouvernement, consent le même effort, nous pourrons peut-être achever l’examen des crédits de cette mission avant la suspension du déjeuner.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, un peu plus d’un mois après l’examen de la réforme de la justice, nous sommes aujourd’hui appelés à nous prononcer sur les crédits de la justice inscrits dans le projet de loi de finances pour 2019.
Sur les chiffres, je serai brève : la progression globale des crédits de 4, 5 %, à 7, 29 milliards d’euros, va à l’évidence dans le bon sens, bien qu’elle demeure insuffisante, eu égard au retard qu’a accumulé notre pays, pour assurer le redressement du service public de la justice.
Les augmentations décidées année après année portent sur un budget historiquement si faible que le retard structurel n’est en effet jamais rattrapé, comme l’a d’ailleurs signalé la Commission européenne pour l’efficacité de la justice dans son rapport du 4 octobre 2018.
Rappelons que la France dépense moins de 66 euros par an et par habitant pour son système judiciaire, contre 122 euros pour l’Allemagne et 107 euros pour l’Autriche. Le nombre de juges et de procureurs français apparaît dérisoire, notre pays en comptant deux fois moins que la moyenne européenne.
Or la progression des crédits proposée ne permettra pas de renforcer les services judiciaires français, plus de la moitié du budget revenant, comme chaque année, au programme « Administration pénitentiaire ».
Au-delà des chiffres, nous nous interrogeons bien évidemment sur les orientations politiques que viendront servir ces crédits.
Ainsi, nous constatons – sur ce point, le projet de loi de programmation et de réforme pour la justice nous avait déjà alertés – le maintien du projet de construction de places de prison, que la droite sénatoriale juge trop modeste, et nous au contraire bien trop important.
Quand allons-nous donc enfin avancer sur le sujet de la politique carcérale à mener dans notre pays, en confrontant décroissance carcérale et baisse de la délinquance et de la récidive, comme l’ont fait avec succès nos voisins d’Europe du Nord ? C’est là une question de pragmatisme. Le blocage serait-il idéologique ?
Les économies réalisées ne se combinent pas avec une réflexion sur notre société et le sens de la peine. Elles se font sur le dos des justiciables : que les plus fortunés se défendent en payant un avocat ; quant aux autres, qu’ils commencent par prouver qu’ils ont besoin de l’aide juridictionnelle en recourant un avocat, comme le propose la majorité sénatoriale, puis qu’ils se déplacent jusqu’à un lieu de justice encore ouvert, sachant que les tribunaux d’instance sont en passe d’être rayés de la carte judiciaire.
Au moment où l’on encourage la libération de la parole des victimes et où l’on insiste sur la nécessité que justice soit faite, peut-être faudrait-il s’assurer des conditions de sa bonne mise en œuvre… Or la dématérialisation échevelée des procédures, leur déjudiciarisation, le recul de la proximité et l’accès rendu plus difficile des justiciables aux lieux de justice sont à nos yeux autant d’atteintes à la mission de service public de la justice.
Quant au programme « Protection judiciaire de la jeunesse », sur lequel je souhaite insister, il demeure toujours aussi insuffisamment doté.
Sur le fond, je dois vous exprimer, madame la garde des sceaux, la surprise et l’inquiétude que vous avez suscitées dans nos rangs lorsque vous avez annoncé, à l’Assemblée nationale, la réforme de la justice pénale des mineurs par voie d’ordonnances, en demandant l’habilitation par un amendement au projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Comment pouvez-vous employer une telle méthode ? Pour nous, c’est inacceptable.
La justice des mineurs doit bien sûr être réformée, mais veillons à ce que les grands principes posés par l’ordonnance du 2 février 1945 soient préservés, en matière tant d’atténuation de la responsabilité en fonction de l’âge que de recherche de réponses éducatives et de recours à des juridictions spécialisées.
Or la philosophie de ce projet de budget nous inquiète au plus haut point : pour l’essentiel, les nouveaux crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » sont absorbés par la construction de vingt nouveaux centres éducatifs fermés, alors même que le constat d’échec des cinquante-deux structures déjà existantes est établi, comme l’a récemment signifié une mission d’information sénatoriale sur la réinsertion des mineurs enfermés. Le caractère exceptionnel de l’enfermement des mineurs est pourtant déjà prévu par l’ordonnance de 1945.
S’agissant de mineurs, la justice doit aller de pair avec l’éducation. L’enfermement devrait être relégué aux oubliettes de l’histoire. Nous connaissons déjà ses effets délétères sur les adultes, pourquoi persister à se fourvoyer en enfermant des mineurs ?
Vous l’aurez compris, la progression des crédits de cette mission, qui fait de la Chancellerie un ministère prioritaire pour Bercy, ne saurait nous convaincre. Elle est trop faible pour permettre de rattraper le retard accumulé. Surtout, la ventilation des crédits augmentés est au service d’un projet de société et d’une vision de la justice qui ne sont pas les nôtres. Le cap d’une politique carcérale renforcée est maintenu, celui d’un éloignement et d’un affaiblissement du pouvoir judiciaire aussi. C’est pourquoi le groupe CRCE votera contre ce projet de budget.
Madame le garde des sceaux, votre budget augmente de 4, 5 % ; nous nous devons de le noter. Le budget de la justice progresse d’ailleurs depuis quinze ans, mais cela n’a pas toujours été à ce rythme. À cet égard, l’effort consenti par Jean-Jacques Urvoas pour l’augmenter significativement, durant l’année qu’il avait passée à la Chancellerie, doit être souligné.
Comme cela a déjà été dit, l’augmentation proposée cette année est insuffisante, au regard de l’effort qu’il faut absolument fournir. À cet égard, le Sénat a voté une trajectoire budgétaire plus ambitieuse, avec une hausse des crédits de la justice de 33, 8 % sur la période 2018-2022, contre 23, 5 % seulement dans celle dessinée par le Gouvernement.
Chacun sait que la France compte quatre fois moins de procureurs, trois fois moins de juges et deux fois moins de greffiers que la moyenne des pays européens. Ce n’est pas votre faute, madame la ministre : ce retard est dû à tous les gouvernements qui se sont succédé. On n’a jamais pris la mesure de l’effort à accomplir, que la commission des lois du Sénat a mis en exergue dans son rapport et sa programmation.
Les crédits de la juridiction judiciaire sont ceux qui augmentent le moins, à hauteur de 0, 87 % seulement. Sur les 6 500 nouveaux emplois annoncés pour les cinq prochaines années, il n’y en aura que 400 de magistrat et 183 de greffier. Or nous constatons dans toutes les juridictions de France un manque de greffiers très important, qui rend également très difficile le travail des magistrats.
Concernant l’administration pénitentiaire, dans ce domaine aussi, madame la ministre, l’héritage est très lourd. Vous héritez, en particulier, des partenariats public-privé décidés avant votre arrivée, dont les effets néfastes sont désormais reconnus.
Il est clair que seules 7 000 places de prison seront construites sur les 15 000 annoncées, mais ce qui m’inquiète le plus, c’est l’absence de moyens pour réhabiliter les prisons existantes. §Il est en effet indiqué, dans le rapport pour avis de la commission des lois, que, « en raison de la surpopulation carcérale, les détenus souffrent d’une grande promiscuité, de conditions d’hygiène déplorables et de difficultés d’accès aux soins ainsi qu’au travail ou à la formation, ce qui exacerbe les violences, nuit à la réinsertion des personnes condamnées et explique, au moins en partie, le manque d’attractivité de la profession de surveillant pénitentiaire ». Vous connaissez, madame la ministre, le drame que constitue la cohabitation, dans une cellule de 11 ou 12 mètres carrés, de trois personnes, dont un prévenu et deux condamnés, par exemple. De telles conditions de détention sont vraiment impossibles.
C’est pourquoi nous regrettons également que davantage de moyens ne soient pas consacrés aux alternatives à la détention. Il est évident qu’il faut multiplier les peines de travail d’intérêt général, les placements sous bracelets électroniques, les libérations sous probation, etc. Il faut aussi qu’il y ait moins de prévenus emprisonnés, et pour des durées moins longues.
Vous comprendrez, madame la ministre, que, pour ces raisons, le groupe socialiste et républicain ne pourra pas voter les crédits de la mission « Justice ».
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis 2002, la mission « Justice » est devenue mission prioritaire du budget général de l’État.
Dans le présent projet de loi de finances, un effort important, correspondant aux souhaits du Sénat, a été fait pour les crédits de la mission « Justice », à l’exception toutefois de ceux du programme « Administration pénitentiaire ». J’y reviendrai.
La moyenne d’augmentation générale des autres programmes est satisfaisante. Seul le programme « Justice judiciaire » connaît une progression très inférieure. Du point de vue des financements accordés au fonctionnement des juridictions judiciaires, la France occupe en Europe un rang très médiocre : la dépense par habitant s’élève à 65, 90 euros par an, contre 122 euros en Allemagne, 119, 20 euros aux Pays-Bas ou 75 euros en Italie. Notre rapporteur pour avis Yves Détraigne craint fort que, compte tenu de l’inflation, l’augmentation budgétaire de ce programme ne soit finalement que résiduelle… Il recouvre pourtant l’ensemble des dépenses des juridictions judiciaires, le budget de l’École nationale des greffes – les greffiers sont les grands oubliés de la réforme –, la subvention versée à l’École nationale de la magistrature et le personnel affecté au sein du réseau judiciaire de proximité…
La proximité est, elle aussi, passée en grande partie par pertes et profits. Certaines des juridictions transformées en chambres seront inévitablement fermées à l’avenir, madame la garde des sceaux, et ce sont encore les habitants des territoires ruraux qui en feront les frais.
La question des moyens et de leur affectation est essentielle pour offrir à nos concitoyens une justice de qualité, une justice accessible offrant protection et garanties d’impartialité. Elle ne saurait en aucun cas trouver une solution dans de simples réorganisations, qui se révéleront à terme mortifères : suppression de tribunaux d’instance, déjudiciarisation ou encore dématérialisation débridée des procédures.
Comme les rapporteurs de la commission des lois, je constate que la trajectoire budgétaire retenue par le Gouvernement dans le projet de loi de programmation 2018-2022 est bien moins ambitieuse que celle proposée par le Sénat. Sera-t-elle suffisante pour redresser le service public de la justice ? Non, sauf à réduire drastiquement son rôle auprès des citoyens. Cela semble être le chemin pris : déjudiciarisations coûteuses pour le contribuable, règlements amiables en ligne non sécurisés des litiges, disparition progressive des audiences de conciliation, disparition programmée des jurés, et ne parlons même plus du juge de paix, passé aux oubliettes… La liste est longue !
Je constate également que certaines ambitions du Gouvernement, reprenant les engagements de la campagne présidentielle, sont au mieux revues à la baisse, au pire abandonnées.
Je veux bien sûr parler ici de notre politique pénitentiaire. Nous avons voté dès 2009 le principe de l’encellulement individuel. Près de dix ans plus tard, l’échec est patent. Les détenus sont parfois quatre par cellule, sans que l’administration ait même toujours la possibilité de les grouper par catégorie de faits commis. La douche des détenus entassés est loin d’être quotidienne, et je n’évoque pas les soins psychiatriques… Inutile de souligner combien la réinsertion devient hasardeuse dans ces conditions !
La situation des bâtiments est elle aussi profondément préoccupante. De nombreux établissements sont à la limite de l’insalubrité et leur sûreté n’est pas toujours garantie.
Il avait été annoncé 15 000 places de prison supplémentaires en cinq ans ; le Gouvernement avance aujourd’hui l’objectif de 7 000 places livrées à l’horizon 2022. C’est insuffisant, et l’on peut se demander si cet objectif pourra même être tenu.
Le personnel des prisons françaises souffre de sous-équipement, de sous-effectif chronique et d’agressions quotidiennes, au moins verbales. Quelles mesures d’accompagnement et de protection ont été prévues à leur endroit ?
Sur ce programme, la commission des lois a émis un avis défavorable.
J’évoquerai maintenant l’aide juridictionnelle, un sujet qui me tient à cœur et sur lequel Jacques Mézard et moi-même avons été corapporteurs d’une mission d’information en 2014.
Les moyens mobilisés devraient augmenter de 7 %, pour atteindre 507 millions d’euros. C’est une excellente chose, mais, au regard des contraintes pesant sur le budget de l’État, il sera vraisemblablement nécessaire de conforter ces financements. Nous avons cosigné deux amendements en ce sens, dont l’un vise à instaurer une contribution sur la protection juridique des contrats d’assurance, une mesure que nous préconisions déjà dans notre rapport d’information adopté à l’unanimité de la commission des lois en 2014. Il faudra envisager une véritable réforme de l’aide juridictionnelle, madame la ministre.
Au-delà de ces aspects budgétaires, il est impossible de ne pas dire quelques mots sur la réforme de la justice, que j’évoquais à l’instant.
Pour la discussion de cette réforme, essentielle pour notre République et les droits de nos concitoyens, il a été recouru à la procédure accélérée, alors que les propositions des deux chambres auraient dû faire l’objet d’un examen minutieux et approfondi. La forme est bien souvent le reflet du fond… L’objectif de l’Assemblée nationale, ou plutôt des députés de la majorité, a été de revenir purement et simplement au projet du Gouvernement, en faisant fi des propositions du Sénat.
Il est pratique de bénéficier d’une majorité large et facile de se passer du concours de la deuxième chambre ; c’est aussi éminemment dangereux. Contre-pouvoirs et corps intermédiaires sont à la base de nos principes démocratiques. Ce texte est une catastrophe. On ne peut ignorer l’indignation unanime des professionnels du droit. Avocats et magistrats se sont mobilisés jeudi dernier pour une journée « justice morte ». Sinistre présage…
Syndicats, bâtonniers et avocats continuent d’être très actifs auprès de nous et, à titre personnel, je partage sans réserve leur profonde inquiétude. Il vous faut écouter, il vous faut entendre, madame la ministre !
Le groupe Union Centriste votera évidemment l’augmentation des crédits de la mission « Justice », avec l’ensemble des réserves que je viens d’exprimer.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Jacques Mézard applaudit également.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Les Républicains votera les crédits de cette mission, et je m’exprime ici à titre personnel.
Derrière la rigueur des chiffres du projet de budget, il y a des politiques qui résultent de choix opérés par le Gouvernement dans ce domaine éminemment régalien qu’est la justice.
Vous avez engagé une réforme importante, madame la ministre, en saisissant de votre projet de loi d’abord le Sénat. Le texte est actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, et une commission mixte paritaire se tiendra sans doute bientôt.
Certes, la justice doit être modernisée, renforcée, ses moyens humains, immobiliers et numériques doivent être accrus, les procédures doivent évoluer, ainsi que l’organisation de la justice elle-même. Sur tous ces points, nous sommes d’accord avec vous, mais nous avons fait valoir, lors de l’examen de votre texte, un certain nombre de différences. Nous avons en particulier souhaité défendre des valeurs d’équilibre de la justice et des procédures, notamment en matière pénale : je pense à la présence d’un avocat dans les procédures d’instruction ou au maintien du juge à portée du justiciable, par exemple.
Or nous constatons aujourd’hui, au terme de l’examen de votre projet de loi par l’Assemblée nationale, que tout ce qui avait été proposé par le Sénat a été purement et simplement supprimé.
Incontestablement, nous ne partageons pas le même point de vue sur l’organisation de notre justice. Ce qu’a dit Jean-Pierre Sueur est juste, les propos tenus par Sophie Joissains sont frappés au coin du bon sens. Vous augmentez les crédits, madame la ministre ; c’est très bien, mais pour quoi faire ? C’est sur la réponse à cette question que nous divergeons.
En matière pénitentiaire, par exemple, nous avons besoin de nouvelles places de prison, non parce qu’il faut privilégier l’incarcération, mais simplement pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale.
En même temps – puisque c’est l’expression consacrée de cette mandature –, il faut mener des politiques de développement des peines alternatives à la prison. Nous sommes d’accord avec cette approche, mais, si vous ne réglez pas d’abord le problème des places de prison et de l’accueil des personnes condamnées dans les maisons d’arrêt, on ne parviendra jamais à une solution équilibrée.
Avec Yves Détraigne, je suis corapporteur pour la commission des lois du projet de loi de programmation et de réforme pour la justice. Je trouverais quelque peu exotique d’émettre aujourd’hui un avis favorable sur votre projet de budget, alors que je suis personnellement en désaccord avec la manière dont les apports du Sénat ont été balayés à l’Assemblée nationale. Certes, la navette n’est pas terminée, mais les derniers événements sont de mauvais augure, à tout le moins sur les sujets qui me semblent importants pour notre justice.
À titre personnel, je ne voterai donc pas les crédits de la mission « Justice », nonobstant leur augmentation, pour des raisons tenant au fond de la politique menée en matière de justice.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ce projet de budget présente une caractéristique qu’il convient de saluer : il est en augmentation globale. Le groupe du RDSE le votera donc.
Pour autant, cette augmentation est-elle suffisante pour adapter notre justice aux évolutions sociétales ? Vraisemblablement non.
Cette constatation est la résultante de décennies durant lesquelles, quel que soit le gouvernement en place, la justice ne fut pas une priorité, pour les gouvernants comme pour nombre de nos concitoyens, d’ailleurs.
Pour pallier ou justifier cette carence, on a multiplié, hélas, les textes législatifs, les réformes partielles, parfois partiales, souvent consécutives à des faits divers.
Oserai-je ajouter que l’administration et l’exécutif sont peuplés de publicistes, mais que la justice nécessite aussi une vision de civiliste et de pénaliste et qu’il est utile d’écouter et de lire les observations et propositions émanant de la Cour de cassation. Nous parlerons une autre fois de la justice administrative…
Je ferai une remarque préalable : nous manquons de magistrats et de greffiers, et il n’est pas sain de considérer que l’on peut pallier cette carence simplement par la déjudiciarisation.
Notre justice souffre de plusieurs maux. L’un des plus graves est la non-exécution ou l’exécution partielle des peines. Comment comprendre que des peines ne soient jamais exécutées, ou qu’elles le soient parfois des années après leur prononcé ? Voilà une vraie priorité pour une politique judiciaire.
L’état de nombre de nos prisons en est une autre, surtout quand la prison fabrique de la récidive et des terroristes. Elle ne peut répondre à sa mission première, et la mise en place de peines alternatives que vous promouvez est une bonne orientation, qu’il convient de développer encore.
Dans les quelques minutes qui me sont imparties, je désire insister sur deux points : la proximité et l’aide juridictionnelle.
En ce qui concerne la proximité, la loi a pour objet et pour sens d’organiser la vie en société sur l’ensemble du territoire national. Je ne suis pas opposé – je ne l’ai jamais été – à une organisation départementale des juridictions, mais j’attire votre attention sur l’impérieuse nécessité de maintenir des juridictions à compétence généraliste. Continuer à spécialiser des juridictions dans quelques métropoles est une fausse bonne idée qui éloigne le justiciable de la justice et contribue à vider les territoires de la matière grise professionnelle. Il faut que des professionnels soient présents sur tout le territoire, surtout compte tenu des évolutions que nous connaissons. Le justiciable a besoin que la justice soit proche de lui, et nous ne pouvons adhérer à cette idée selon laquelle un justiciable peut bien faire 500 kilomètres pour plaider une ou deux fois dans sa vie.
Tant que la haute administration continuera à vouloir imposer une restructuration centrée sur ces grandes métropoles parce que cela l’arrange, l’État accentuera la fracture territoriale et sociale, dont nous constatons les dégâts cruels aujourd’hui.
Il en est de même en ce qui concerne le système pénitentiaire. Je pourrais citer un certain nombre d’exemples aberrants de prisons à moitié vides parce que cela dérange l’administration d’y envoyer des détenus…
En ce qui concerne l’aide juridictionnelle, j’ai commis avec notre collègue Sophie Joissains un rapport sur ce sujet sous le gouvernement précédent, sans bénéficier d’aucune écoute de la part de l’exécutif, mais nous sommes y habitués, quel que soit le gouvernement…
Soyons clairs : en particulier en matière pénale, ce sont nos concitoyens les plus fragiles qui, souvent, ne bénéficient pas de la défense dont ils auraient pourtant profondément besoin.
Je persiste à dire qu’il y a d’autres solutions que recourir au budget de l’État. En particulier, les bénéfices réalisés par les compagnies d’assurances sur la protection juridique doivent être davantage sollicités pour financer l’aide juridictionnelle. C’est un choix politique fort à assumer ; vous pouvez le faire, madame la garde des sceaux, si vous le voulez !
Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, « nous sommes devenus les juges des mesures fictives » : c’est en ces termes que se sont exprimés, dans une tribune publiée le 5 novembre dernier, quinze juges des enfants du tribunal de grande instance de Bobigny.
Je m’avoue dès lors satisfaite de votre volonté de réformer la justice des mineurs, qui manque cruellement de moyens, madame la ministre. Toutefois, vous le savez, nombreux sont vos prédécesseurs à avoir annoncé une telle réforme sans pour autant parvenir à la mener à bien.
Je pense notamment à Christiane Taubira, qui voulait supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs créés sous Nicolas Sarkozy et donner la priorité aux mesures éducatives sur les mesures répressives. Est-ce vraiment le rôle de l’État ? Je ne le crois pas.
Nous pouvons cependant responsabiliser les parents, mais cela demande également des moyens !
Vous le savez, conformément au principe de la légalité des délits et des peines, les parents d’enfants délinquants peuvent être poursuivis sur le fondement de leur défaillance propre, qui constitue alors le fait générateur d’une infraction autonome. L’article 227-17 du code pénal punit en effet de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende « le fait, par le père ou la mère légitime, naturel ou adoptif, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur ».
Le texte existe, il est même plutôt bien rédigé, mais, dans les faits, les juges sont démunis. Les stages dits « de responsabilité parentale », par exemple, faute d’associations en mesure de les mettre en œuvre, ne peuvent être mis en place sur l’ensemble de notre territoire, ce qui crée des inégalités inadmissibles entre justiciables d’un département à l’autre. La mise en œuvre des décisions de nature civile appartient certes aux départements. Cependant, nous le savons, ces derniers sont débordés par leurs missions, notamment par la prise en charge des mineurs étrangers isolés, dont le nombre a triplé depuis 2015.
Madame la ministre, sous prétexte de recherche d’une réponse toujours plus adaptée, au point de ne plus être dissuasive, de nombreuses mesures ont été prises, sans pour autant qu’on leur affecte les moyens nécessaires. Voilà pourquoi je vous encourage à en réduire le nombre, afin que notre arsenal ne soit composé que de mesures applicables et appliquées. L’enjeu est très important : des enfants mal accompagnés, ce seront plus tard davantage d’adultes vulnérables, incapables de s’émanciper, et davantage de coûts sociaux.
Enfin, les différentes restrictions budgétaires rendent les recrutements difficiles. Les greffiers, en nombre insuffisant, peinent à remplir leurs missions. De ce fait, les décisions pénales sont notifiées dans des délais de plus en plus longs. Nous nous devons de penser aux drames que cela représente pour les victimes.
Juger plus vite, pour une réelle prise de conscience par le condamné, c’est aussi redonner confiance en la justice à nos concitoyens.
Madame la ministre, je crains que la baisse des chiffres ne tienne à de mauvaises raisons : non pas à une diminution de la délinquance, mais à une renonciation à saisir la justice.
Peur de représailles, délais trop longs, procédures trop coûteuses, peines d’emprisonnement trop souvent commuées pourraient ouvrir la voie à la loi du talion… Si la justice sans la force est impuissante, sans moyens, elle l’est tout autant.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, que voilà une séance budgétaire étonnante, devant une assistance de qualité, mais peu fournie en ce samedi matin ! Ceux qui pensaient que nous aurions une discussion budgétaire classique se trompaient.
J’ai écouté chacune de vos interventions, mes chers collègues. J’ai entendu des rapporteurs très sévères, annonçant cependant qu’ils voteraient les crédits de la mission… J’ai entendu un collègue de la majorité, dont je ne pensais pas partager les analyses, défendre le même point de vue que mon groupe… J’ai entendu un ancien ministre, récemment revenu parmi nous, qui devait assister au conseil des ministres le jour de la présentation du projet de loi de programmation et de réforme pour la justice, formuler de nombreuses critiques, tout en indiquant que, finalement, son groupe voterait ce projet de budget…
Beaucoup de choses se jouent donc sur ce budget, notamment en raison de la concomitance de son examen avec celui de votre projet de loi, madame la ministre. Au Sénat, sur toutes les travées, nous avons proposé des transformations assez importantes de ce texte qui nous inquiète, mais elles n’ont malheureusement pas eu l’heur de plaire, semble-t-il, à nos collègues députés. Cela nous donne à penser que la version finale du texte sera sans doute très conforme à votre projet de loi initial, madame la ministre, et très peu marquée par les travaux du Sénat.
C’est tout à fait dommage, car le Sénat travaille depuis de nombreuses années sur le sujet, de manière intense et, souvent, transpartisane. Sur le fond des politiques préconisées, je note des évolutions, y compris au sein du groupe Les Républicains.
La situation paradoxale dans laquelle se trouvent certains collègues tient sans doute au fait que votre budget augmente, madame la ministre. Il est dès lors plus difficile de le critiquer : s’il augmente, c’est donc mieux que si c’était pire ! Pour autant, les politiques menées grâce à ce budget recueillent-elles notre assentiment ? Sur ce point, je rejoins totalement l’analyse de notre collègue François-Noël Buffet.
Trois points ont plus particulièrement retenu mon attention.
Premièrement, s’agissant de l’accès au droit, nous savons que les moyens restent insuffisants, même si la dénonciation par Jean-Jacques Urvoas d’une clochardisation de la justice a porté. Pour autant, les délais sont intenables et, en définitive, nous ne sommes pas très loin, dans certains cas, du déni de justice. Pourtant, vous concentrez essentiellement vos efforts, en la matière, sur l’aide juridictionnelle, qui fera l’objet tout à l’heure d’amendements bienvenus du groupe La République En Marche.
Deuxièmement, en ce qui concerne l’aide aux victimes, j’ai noté que le Gouvernement souhaitait renforcer son action, y compris en matière de violences faites aux femmes. Les crédits marquent toutefois le pas et ils seront en outre en partie réaffectés au profit notamment du comité mémoriel que le Président de la République a voulu mettre en place pour travailler sur la mémoire des victimes d’attentats et du dispositif « téléphone grand danger ». Bref, les crédits dédiés à l’aide aux victimes seront insuffisants.
Troisièmement, concernant la justice des mineurs, Mme Bertrand vient de rappeler la mobilisation des juges des enfants du tribunal de Bobigny. Faute de moyens, les jugements sont rendus et notifiés si tardivement qu’ils sont privés d’effet, nous disent-ils. Il semblerait que vous ayez trouvé la solution idéale, madame la ministre : modifier par ordonnance l’ordonnance de 1945, en demandant l’habilitation dans des conditions invraisemblables, par un amendement au projet de loi de programmation et de réforme pour la justice déposé à l’Assemblée nationale, sans avoir préalablement informé le Sénat ni la commission des lois de l’Assemblée nationale…
Vous proposez aussi la création de vingt nouveaux centres éducatifs fermés, alors personne ne sait vraiment aujourd’hui si ces structures sont réellement utiles et efficaces pour lutter contre la délinquance des jeunes.
Vous l’aurez compris, madame la ministre, nous sommes critiques sur le fond des politiques menées et sur l’effet d’optique d’une augmentation budgétaire qui, en réalité, sur les trois points que j’ai évoqués, ne permettra pas d’améliorer la situation des justiciables.
Pour ces raisons, et celles qui ont été évoquées précédemment par Jean-Pierre Sueur, nous ne pourrons approuver ce projet de budget.
Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame le ministre, universitaire, j’ai enseigné le droit toute ma vie professionnelle. Vous pouvez deviner combien les valeurs de la justice ont imprégné mes réflexions.
Directeur de l’Institut d’études judiciaires de Lille, j’ai formé tous les ans des centaines d’étudiants, devenus par la suite avocats ou magistrats. Je leur disais très souvent : « N’oubliez pas que vous allez recevoir dans vos cabinets des personnes qui souffrent et qui attendent de la justice une écoute, une prise en charge, de la compassion pour leurs problèmes familiaux ou professionnels, une réponse pénale à l’atteinte qu’ils ont subie sur leurs biens ou sur leur personne ».
Quel est le rôle de notre justice, sinon d’organiser l’équité et l’équilibre des forces civiles dans notre société, de faire la balance entre réinsertion et répression, sanction et protection ?
J’émettrai de lourdes réserves sur le projet de budget pour 2019 de la mission « Justice ». Le programme « Justice judiciaire » me paraît en être le parent pauvre ; il est l’expression même d’une vision comptable et déshumanisante de notre justice, ses crédits n’augmentant que de moins de 1 %.
Si des mesures positives doivent être saluées, comme les créations de postes ou l’effort en faveur de la rénovation de l’immobilier judiciaire, elles ne remédient pas au principal écueil de notre justice, à savoir le gouffre qui s’est ouvert entre les justiciables et les institutions judiciaires, une situation dont souffre tant le personnel de justice que nos concitoyens.
Les délais de traitement des affaires continuent à croître inexorablement, tant au civil qu’au pénal. Les tribunaux de grande instance, déjà en sous-effectif, vont devoir absorber dès janvier le contentieux social, qui était jusqu’à présent traité par les tribunaux des affaires de sécurité sociale et les tribunaux du contentieux de l’incapacité, alors même que 200 000 dossiers sont en attente, auxquels s’ajouteront 150 000 nouvelles affaires chaque année.
En guise de remède à ces surcharges, le Gouvernement nous parle de dématérialisation, d’informatique. Il en faut, certes, mais veillons à ne pas rendre notre justice inhumaine, madame le garde des sceaux !
Comme beaucoup d’entre nous, je suis entrée en politique animée par la volonté de protéger les personnes les plus vulnérables. Je ne peux que noter que nos concitoyens les plus fragiles n’ont pas obtenu la protection qu’ils étaient en droit d’attendre dans la programmation pour 2019.
Je nourris de grandes craintes quant à l’évolution de la protection des personnes sous tutelle, des femmes victimes de violences et, surtout, des enfants en danger. Dans mon département, par exemple, quelque 200 mineurs en danger ne peuvent être admis dans les structures d’accueil, faute de place.
Des assistantes sociales, des médiateurs, des psychologues prennent en charge l’assistance éducative, que la loi confie pourtant au juge des enfants, aujourd’hui surchargé de travail. Pour moi le juge reste le juge, celui qui exerce l’autorité, qui a la responsabilité d’incarner la justice. La déjudiciarisation ne me semble pas répondre aux attentes des justiciables et au besoin d’une justice forte. Blaise Pascal disait : « La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique. » On ne peut, encore aujourd’hui, on ne qu’être d’accord avec lui.
Les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » augmentent, il est vrai, ce qui autorise la création de quarante-huit postes et la construction de vingt nouveaux centres éducatifs fermés. Je souhaiterais cependant que l’on prenne en compte le plus en amont possible la situation dégradée des familles des jeunes concernés, afin de leur éviter de tomber dans une délinquance lourde.
Ayant déjà eu l’occasion de vous parler à plusieurs reprises des problèmes constatés dans les prisons et de l’insuffisance des recrutements de surveillants, je ne reviendrai pas ici sur ce sujet.
Toutes ces remarques me conduisent donc à émettre d’importantes réserves sur ce projet de budget de la justice. Bâtir de grands buildings visibles à des kilomètres à la ronde ne rétablira pas le lien indéfectible entre la justice et les citoyens !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos interventions. Je remercie en particulier les rapporteurs d’avoir soutenu globalement ce projet de budget, avec certes des nuances d’appréciation, notamment en ce qui concerne les questions pénitentiaires ; elles ont d’ailleurs déjà été exprimées il y a quelques semaines, lors de l’examen du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
En définitive, je retiens de toutes vos interventions une communauté de vues sur la nécessité de soutenir notre justice pour qu’elle puisse améliorer réellement son fonctionnement, au bénéfice des justiciables.
À mon sens, le Gouvernement se dote des moyens nécessaires pour atteindre cet objectif. Je sais que votre assemblée – M. Détraigne l’a indiqué dans son rapport – préconisait une hausse plus importante encore, mais il est de fait que le budget pour 2019 est en très forte augmentation. Il s’inscrit dans le cadre de la loi de programmation, elle-même très ambitieuse : elle prévoit une augmentation des crédits du ministère de plus de 24 % entre 2017 et 2022 et la création de 6 500 emplois durant le quinquennat.
Cette orientation s’est traduite dès 2018 par une augmentation des crédits de 3, 9 % et la création de 1 100 emplois. Cette dynamique est encore renforcée dans le projet de loi de finances pour 2019, avec une hausse des crédits de 4, 5 % et la création de 1 300 emplois. Je remercie d’ailleurs le rapporteur spécial Antoine Lefèvre d’avoir souligné que cette augmentation était significative et équilibrée.
Le budget du ministère pour 2019 s’élève ainsi à un peu plus de 7, 2 milliards d’euros, hors pensions, en crédits de paiement. Si l’on prend en compte l’ensemble des crédits, il dépasse 9 milliards d’euros, un chiffre qui n’avait encore jamais été atteint. Cette hausse est beaucoup plus élevée que la moyenne des augmentations constatées entre 2012 et 2017 pour le budget du ministère de la justice, soit 2, 6 %. Je ne peux qu’insister sur le fait que cette forte progression, de 4, 5 %, doit également s’apprécier au regard de l’évolution de l’ensemble des crédits des autres ministères, lesquels n’augmentent que de 0, 8 %. Ces chiffres témoignent de l’importance des efforts consentis au bénéfice du ministère de la justice.
Monsieur le sénateur Lagourgue, il ne s’agit donc pas d’un rattrapage insuffisant. Vous avez évoqué des comparaisons avec d’autres pays européens, ainsi d’ailleurs que Mme Joissains. Il faut, cependant, comparer ce qui est comparable. À ceux d’entre vous qui ont souligné le moindre nombre de procureurs en France par rapport à des pays voisins, je ferai observer que, dans notre système judiciaire, d’autres acteurs viennent à l’appui du ministère public, qui ne sont pas comptabilisés dans les études européennes.
Monsieur Sueur, même mon prédécesseur, Jean-Jacques Urvoas, n’aurait pas envisagé une hausse des crédits comme celle que je vous soumets, lui qui a écrit qu’une augmentation des crédits de 1 milliard d’euros sur cinq ans serait presque un rêve. Eh bien je vous propose 1, 6 milliard d’euros ! Je vous sais gré de reconnaître que c’est bien plus, même si vous ne le dites pas.
M. Philippe Dallier rit.
Le projet de budget que je vous présente traduit plusieurs priorités qui visent à assurer une transformation en profondeur de la justice.
La première priorité est l’amélioration de la justice au quotidien. Dans cette perspective, nous entendons accompagner la transformation de nos juridictions. Cette réorganisation s’appuie sur une programmation immobilière ambitieuse : le budget pour 2019 prévoit, pour la lancer, une enveloppe d’autorisations d’engagement de 450 millions d’euros. Cette somme nous permettra de construire de nouveaux tribunaux de grande instance, par exemple à Aix-en-Provence, madame la sénatrice Joissains.
Dès 2019, les crédits de paiement consacrés à l’investissement immobilier progresseront de 9 %, de sorte que nous pourrons également prendre en compte la situation dans les outre-mer, monsieur le sénateur Mohamed Soilihi ; nous en avons déjà parlé.
Cela nous permettra surtout d’améliorer la justice de proximité, madame Joissains, madame Assassi. Il s’agit à mes yeux d’un enjeu essentiel et je ne peux comprendre que vous évoquiez la fermeture de tribunaux de proximité. Je l’ai déjà dit et je le réaffirme : aucun tribunal d’instance ne fermera nulle part dans notre pays, car ma seule ambition est de maintenir cette justice de proximité au plus près de nos concitoyens. Non seulement nous la maintiendrons, mais, contrairement à ce qui a toujours été fait, nous l’améliorerons. Dans tous les actuels tribunaux d’instance, il y aura des juges des contentieux de la proximité. Il sera garanti par décret que seront jugés dans ces lieux les contentieux du surendettement, du crédit à la consommation, des tutelles, bref les contentieux du quotidien. Nous prévoyons même que, lorsque des besoins apparaîtront, de nouveaux contentieux puissent y être jugés. Tout cela sera garanti, je ne peux donc pas comprendre que l’on dise que les tribunaux de proximité fermeront : c’est inexact !
Nous aurons donc un budget qui permettra d’accompagner la réorganisation des juridictions et d’assurer le bon fonctionnement de la justice, en remettant à niveau les crédits de fonctionnement des juridictions et les frais de justice. Je ne détaille pas ces points.
Il permettra également de poursuivre le mouvement de transformation numérique du ministère, avec 530 millions d’euros d’investissements et des créations d’emplois. C’est pour moi la première des priorités, au sens où elle conditionnera toutes les autres. La justice n’en deviendra pas pour autant inhumaine. Devrions-nous être les seuls à ne pas mener cette transformation numérique, quand tous les autres ministères et les professions du droit se sont engagés dans cette voie ? Ce n’est pas envisageable. Nous le ferons donc, en préservant néanmoins un accueil physique des justiciables dans tous les tribunaux, au travers du programme de multiplication des services d’accueil unique du justiciable. De même, nous renforcerons les points d’accès au droit, qui permettront d’accueillir les citoyens en dehors même des tribunaux.
Le budget pour 2019 autorisera aussi la création de 100 postes de magistrat supplémentaires et la mise en place de véritables équipes autour des magistrats. Nous avons déjà résorbé plus de la moitié des vacances de postes en un an et demi, et nous allons donc continuer dans cette voie. Seront également créés 92 postes de juriste assistant et de greffier.
L’ensemble de ces mesures, y compris celles dont je ne parle pas ici, notamment la création du tribunal criminel départemental, devraient conduire à satisfaire une de vos demandes : la réduction des délais de traitement, qui constituent, ainsi que M. Détraigne et Mme de la Gontrie l’ont relevé, l’un des points faibles de notre système judiciaire.
En somme, nous entendons améliorer la justice du quotidien, et je voudrais rassurer M. Mézard : nous n’allons pas du tout vers une métropolisation des contentieux. Au contraire, nous maintenons la justice de proximité et tous les tribunaux de grande instance, sans exception, dans un équilibre des compétences. Tous les contentieux de masse continueront à y être jugés ; si des spécialisations sont instaurées, elles seront réparties entre l’ensemble des tribunaux, dans tous les territoires, et concerneront des contentieux de faible volume et de haute technicité. Il ne faut donc pas déformer l’ambition de notre projet, qui est d’assurer une justice de proximité et de qualité.
Une deuxième priorité est de renforcer le sens et l’efficacité des peines. Vous le savez, nous voulons que les peines prononcées soient à la fois adaptées et effectivement exécutées. Nous entendons également que les détenus soient suivis tout au long de leur parcours de peine. Cela suppose un programme immobilier ambitieux. Je sais que nous avons un désaccord à ce sujet, monsieur le sénateur Buffet, mais je réaffirme que le plan immobilier pénitentiaire que j’ai présenté, qui est réaliste, nous permettra de livrer 7 000 places de prison et d’engager la construction de 8 000 autres d’ici à 2022. Faisant cela, je ne présente pas un budget trompeur, pour reprendre l’expression que vous avez employée, mais un budget volontariste, soutenant une politique réaliste. Les implantations des nouveaux établissements sont désormais connues. En incluant la rénovation des gros établissements, cela représente un effort budgétaire de 1, 7 milliard d’euros.
Monsieur Sueur, les crédits de maintenance s’élèveront à 100 millions d’euros dès cette année et nous les porterons dès l’année prochaine à 120 millions d’euros. Le programme immobilier pénitentiaire prévoit de nouveaux types d’établissements, l’idée étant de les adapter à différentes typologies de prévenus, ce qui permettra des prises en charge différenciées.
Nous avons en effet doublé les lits dans la moitié des cellules individuelles de la prison de la Santé, et non dans toutes, afin de pouvoir désengorger l’établissement de Fresnes, notamment, qui connaît un taux de surpopulation carcérale de près de 200 %.
Nous poursuivrons nos efforts pour renforcer la sécurité dans les établissements pénitentiaires et lutter contre la radicalisation : 50 millions d’euros seront consacrés au déploiement de nouveaux dispositifs de sécurité ou au renforcement de l’existant, 159 emplois seront créés pour accroître la sécurité, mieux sécuriser les extractions judiciaires et développer le renseignement pénitentiaire. Conformément aux engagements pris dans le relevé de conclusions du mois de janvier dernier, enfin, la création de 1 100 emplois supplémentaires de surveillant pénitentiaire permettra de réduire les vacances de postes.
Nous avons également prévu de mettre en place une prime de fidélisation des personnels pénitentiaires. Elle concernera les vingt-trois établissements qui connaissent le plus de difficultés, ceux où le turn-over est le plus élevé. Ce sont ainsi quelque 3 000 agents de l’administration pénitentiaire qui pourront bénéficier d’une indemnité de fidélisation à hauteur de 8 000 euros environ pour six ans de présence, versée en trois fois. Les discussions sont en cours avec les organisations syndicales, mais il s’agira d’un atout important pour fidéliser les personnels.
Enfin, un effort sera consenti pour suivre le parcours de peine des détenus, avec la création de 400 emplois dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation dès 2019 et de 1 500 emplois en tout d’ici à 2022. L’accent sera également mis sur la réinsertion des détenus, avec la création, le 10 décembre, d’une agence nationale pour le travail d’intérêt général et le travail en détention. À cette fin, une augmentation de 14 % des crédits est prévue dans le budget pour 2019.
La troisième priorité est de diversifier les modes de prise en charge des mineurs délinquants. Cette diversification est tout à fait essentielle, chaque territoire devant disposer d’une offre de placement équilibrée, de nature à répondre à la pluralité des demandes des magistrats. En 2019, cette orientation se traduira notamment par le lancement du programme de construction de vingt centres éducatifs fermés, dont le nombre total sera ainsi porté à soixante et onze. Cela ira de pair avec l’augmentation du recrutement de familles d’accueil et le développement d’une plus grande pluridisciplinarité de l’intervention en milieu ouvert.
J’entends les appels conjoints de M. Lefèvre, de Mme Carrère et, d’une certaine manière, de Mme Bertrand à mieux évaluer la portée et l’efficacité de ces dispositifs. C’est en effet une nécessité, et je m’y emploierai.
Hors masse salariale, les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, augmentent de 5, 2 %, soit de 17 millions d’euros, pour atteindre 347 millions d’euros. Un effort tout particulier sera consenti pour l’entretien et la rénovation du patrimoine immobilier et 51 emplois – et non 48 – seront créés en 2019 au sein de la PJJ.
J’indique à l’intention de Mme la sénatrice Lherbier que nous avons également prévu d’aider les départements dans l’évaluation des mineurs non accompagnés. Cela ne relève que pour partie de mon ministère, mais la phase d’évaluation sera prise en charge par l’État. Les dispositifs financiers et les modalités d’évaluation de ces jeunes seront considérablement améliorés.
Concernant la réforme de l’ordonnance de 1945, j’ai conscience que la méthode peut apparaître paradoxale. Si j’ai souhaité demander une habilitation à légiférer par ordonnance à l’Assemblée nationale, c’est parce que j’avais reçu des appels de toutes parts, des parlementaires comme des professionnels, à procéder à la révision de l’ordonnance de 1945. C’est un texte qui a été modifié à de nombreuses reprises et qui, aujourd’hui, n’a plus de cohérence.
Il était indispensable de le réviser pour en restaurer la cohérence et remédier aux difficultés que vous avez relevées en matière de modalités de jugement et de prise en charge des jeunes ou de contrôle judiciaire. C’est un sujet très important, et si j’ai choisi de passer par une loi d’habilitation, c’est pour me contraindre à faire une proposition dans des délais réduits.
Ensuite, je m’y suis engagée, il n’y aura pas de ratification « sèche » : le débat au Parlement aura pleinement lieu.
Je me suis également engagée à travailler avec les parlementaires sur le texte qui sera élaboré en vertu de la loi d’habilitation. De nombreux députés et sénateurs ont déjà rédigé des rapports, que j’entends absolument prendre en compte. Avec les professionnels, ils participeront, s’ils le souhaitent, à la réflexion qui débouchera sur le texte que je serai amenée à vous présenter.
La procédure accélérée a privé le Sénat de ce débat. Pourquoi avez-vous déposé cet amendement à l’Assemblée nationale ?
J’ai précisé que je respecterais les principes qui fondent la justice des mineurs, tels qu’affirmés au travers des décisions du Conseil constitutionnel.
La dernière de mes priorités est de porter une attention particulière à nos concitoyens les plus vulnérables, grâce à une politique renforcée d’accès au droit et d’aide aux victimes. Les moyens consacrés à l’accès au droit et à la justice progressent de 6, 5 % dans le budget pour 2019 pour atteindre 467 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 83 millions d’euros de ressources affectées, destinées au financement de l’aide juridictionnelle. Ce sont plus d’un demi-milliard d’euros qui sont consacrés à l’accès au droit pour chaque citoyen.
J’ai dit à plusieurs reprises que je souhaitais engager dès 2019 avec les avocats et l’ensemble des parlementaires une réflexion globale sur l’aide juridictionnelle, afin que des mesures concrètes puissent être affichées dans le budget pour 2020. Cependant, mener à bien ce chantier très vaste exige du temps et un travail conjoint.
Pour terminer, je vous signale, madame de la Gontrie, que les crédits en faveur de l’aide aux victimes sont en augmentation de 2, 1 %. Cette hausse des moyens et l’action conduite par la délégation interministérielle à l’aide aux victimes, placée à mes côtés, me semblent garantir que les victimes puissent bénéficier, sur la durée, d’un suivi dans les domaines psychologique, social et économique.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Comme vous l’avez constaté, les crédits de la mission « Justice » traduisent non seulement la volonté de donner à la justice les moyens dont elle a besoin, mais aussi l’ambition de la transformer en profondeur pour qu’elle soit à la hauteur des attentes de nos concitoyens.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.
Monsieur le président, mon intervention se fonde non seulement sur le règlement, mais aussi sur la Constitution.
Il se trouve qu’il y a deux assemblées dans le Parlement. Madame la garde des sceaux, vous avez déposé, en cours de discussion d’un texte examiné selon la procédure accélérée, un amendement visant à demander à l’Assemblée nationale une habilitation à légiférer par ordonnance sur la justice des mineurs. La commission des lois de l’Assemblée nationale n’a pu débattre de cet amendement, non plus que le Sénat, qui est totalement bafoué dans cette affaire. Nous n’aurons aucune occasion de parler de ce sujet très important.
Vous nous dites que réformer l’ordonnance de 1945 est une impérieuse nécessité et qu’il fallait absolument recourir à une ordonnance. Dans ce cas, madame la garde des sceaux, pourquoi n’avez-vous pas présenté cet amendement devant le Sénat ? Votre façon de procéder est d’autant moins correcte que vous avez accepté que votre projet de loi soit examiné en procédure accélérée, ce qui à mon avis n’est pas normal s’agissant d’un texte sur la justice.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Justice
Justice judiciaire
Dont titre 2
2 355 451 042
2 355 451 042
Administration pénitentiaire
Dont titre 2
2 534 491 408
2 534 491 408
Protection judiciaire de la jeunesse
Dont titre 2
528 541 821
528 541 821
Accès au droit et à la justice
Conduite et pilotage de la politique de la justice
Dont titre 2
177 193 892
177 193 892
Conseil supérieur de la magistrature
Dont titre 2
2 727 086
2 727 086
L’amendement n° II-436, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Justice judiciaire
dont titre 2
Administration pénitentiaire
dont titre 2
Protection judiciaire de la jeunesse
dont titre 2
Accès au droit et à la justice
Conduite et pilotage de la politique de la justice
dont titre 2
Conseil supérieur de la magistrature
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Cet amendement est lié à la loi de modernisation pour la justice du XXIe siècle, qui a prévu le transfert au 1er janvier 2019 des tribunaux des affaires de sécurité sociale et des tribunaux du contentieux de l’incapacité au ministère de la justice.
Cette réforme est mise en œuvre grâce à un transfert des personnels relevant des organismes de sécurité sociale et du ministère des solidarités et de la santé qui assurent les fonctions de secrétariat et de greffe, ainsi que des moyens de fonctionnement associés.
Au 1er janvier 2019, 541 postes devront être pourvus dans les nouveaux pôles sociaux des tribunaux de grande instance. Compte tenu de la possibilité laissée aux agents relevant du ministère de la santé ou des caisses primaires d’assurance maladie de ne pas rejoindre le ministère de la justice, il est apparu que le nombre de 541 agents mis à disposition du ministère ne serait pas atteint.
En conséquence, le projet de loi de finances transfère des emplois à hauteur de 84 équivalents temps plein pour permettre au ministère de la justice de recruter les personnels nécessaires au fonctionnement de ces pôles sociaux. Sur ces 84 emplois, 54 sont transférés depuis le ministère des solidarités et de la santé par un transfert de crédits et d’emplois du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » vers le programme « Justice judiciaire » et 32 emplois sont transférés depuis la sécurité sociale par une mesure de périmètre.
Toutefois, au regard des nouvelles évolutions des effectifs qui seront effectivement présents au 1er janvier 2019 au sein des pôles sociaux, le nombre de 84 équivalents temps plein doit être revu à la hausse. Le présent amendement, qui a fait l’objet d’un accord du ministère des solidarités et de la santé, tend donc à opérer un transfert complémentaire de 22 emplois, se répartissant entre 5 emplois transférés depuis le ministère et 17 depuis les caisses de sécurité sociale, par mesure de périmètre.
Cet amendement tend également à opérer un abondement de la masse salariale du programme 166, à hauteur de 1 235 912 euros. Ce transfert complémentaire est indispensable à la bonne mise en œuvre des réformes des juridictions sociales au 1er janvier prochain.
L’adoption de cet amendement permettra de financer le transfert du contentieux social au ministère de la justice : avis favorable.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° II-123 rectifié quater, présenté par M. Mézard, Mme Joissains, MM. Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme N. Delattre, M. Gold, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Justice judiciaire
dont titre 2
Administration pénitentiaire
dont titre 2
Protection judiciaire de la jeunesse
dont titre 2
Accès au droit et à la justice
Conduite et pilotage de la politique de la justice
dont titre 2
500 000
500 000
Conseil supérieur de la magistrature
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Jacques Mézard.
Pour garantir un meilleur accès à la justice, nous proposons d’abonder les moyens de l’aide juridictionnelle via une augmentation de 16, 4 millions d’euros des crédits du programme « Accès au droit et à la justice ».
Ne serait-ce que du fait de l’entrée en application de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, de nouveaux besoins vont s’ajouter aux actuels, déjà non entièrement satisfaits. Un redéploiement de crédits au profit de ce programme est donc pleinement justifié.
Madame la garde des sceaux, pour avoir longuement travaillé, avec Mme Joissains, sur cette question de l’aide juridictionnelle, je ne pense pas que l’on puisse dire qu’aucune réflexion n’a été menée sur le sujet. Au-delà de notre rapport, voilà des années que le Parlement travaille sur l’aide juridictionnelle.
On ne peut pas constamment remettre à l’année suivante une réforme devenue urgente : faciliter l’accès à la justice de nos concitoyens le plus en difficulté est une priorité. On a parlé de surendettement, de justice de proximité : c’est là qu’il y a des besoins !
Je demande à entendre l’avis du Gouvernement sur cet amendement. Madame la garde des sceaux, le budget de l’aide juridictionnelle est-il suffisant compte tenu des réformes à venir…
… et quels sont les sous-jacents de la hausse des crédits de l’aide juridictionnelle prévue par le projet de loi de finances ?
Nos collègues ont raison de dénoncer l’insuffisance des crédits destinés au financement de l’aide juridictionnelle. Cette aide concerne près de 1 million de personnes, et le filtre permettant d’apprécier la recevabilité de la requête prévu par la loi de juillet 1991 n’est jamais mis en œuvre.
La commission des lois ne cesse, depuis des années, de tirer la sonnette d’alarme et de formuler des propositions concrètes pour réformer un système aujourd’hui, tout le monde en convient, à bout de souffle. Elle l’a fait en 2014, avec le rapport de nos collègues Sophie Joissains et Jacques Mézard intitulé « Aide juridictionnelle, le temps de la décision ». Elle l’a fait de nouveau en 2017, au travers du rapport de la mission d’information sur le redressement de la justice. Sur sa proposition, le Sénat a introduit dans le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice des mesures concrètes et utiles pour réformer en profondeur l’aide juridictionnelle. J’y ai fait référence dans la discussion générale.
L’inertie du Gouvernement est particulièrement regrettable, dès lors que le diagnostic et les pistes de réforme sont connus. C’est pourquoi, tout en partageant les préoccupations de mes collègues, je m’interroge sur l’utilité d’abonder sans fin les crédits de l’aide juridictionnelle, au détriment d’autres actions de l’autorité judiciaire, si ces majorations ne s’accompagnent d’aucune réforme structurelle. L’aide juridictionnelle ne doit pas devenir le tonneau des Danaïdes de la justice…
Monsieur Mézard, vous proposez d’accroître les ressources extrabudgétaires qui financent l’aide juridictionnelle, mais les crédits prévus à cette fin par le budget pour 2019 sont suffisants. Je ne l’ai peut-être pas précisé, mais ces crédits sont en hausse de 28 millions d’euros.
Les crédits prévus permettront de tenir les engagements pris à la fin de la législature précédente, avec une augmentation de l’unité de valeur de référence, qui sert à établir la rémunération des avocats, de plus de 40 %, passant de 22, 5 euros à 32 euros, et le relèvement du plafond de l’aide juridictionnelle, porté à 1 000 euros.
Ces crédits permettront également de financer les conséquences de l’extension de la représentation obligatoire, prévue dans la loi de programmation et de réforme pour la justice.
À ce stade, nous n’avons donc pas besoin de ressources financières supplémentaires. Prévoir des ressources supplémentaires doit être lié à une réforme en profondeur du dispositif qui le rendrait plus efficace. Comme je vous l’avais déjà annoncé lors des débats sur le projet de loi de programmation et de réforme pour la justice, c’est un chantier auquel je compte m’atteler en 2019, pour un effet budgétaire en 2020.
J’ai confié une mission aux inspections générales de la justice et des finances pour travailler sur des pistes concrètes d’amélioration du dispositif d’aide juridictionnelle. Ce rapport m’a été remis, et nous allons maintenant pouvoir travailler sur les pistes proposées, en concertation avec les représentants de la profession d’avocat.
Il n’y a donc pas d’inertie du Gouvernement, mais au contraire la volonté de prendre ce dossier à bras-le-corps, dans des délais raisonnables. Je compte m’appuyer également sur les travaux parlementaires menés sur le sujet.
Il faut que nous définissions la réforme du dispositif de l’aide juridictionnelle avant d’en prévoir le financement.
J’émets un avis défavorable sur l’amendement.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Madame la garde des sceaux, je ne comprends pas très bien : tout en nous assurant que les crédits sont suffisants, ce que nous contestons, vous annoncez votre intention d’engager une réforme. Sur quoi fondez-vous votre diagnostic ?
Aujourd’hui, il se passe un certain nombre de choses dans notre pays. Un grand nombre de personnes rencontrent de grandes difficultés pour accéder à leurs droits élémentaires. L’aide juridictionnelle est le moyen de permettre aux pauvres d’avoir accès à la justice, de voir reconnus leurs droits, et à quelques avocats d’être indemnisés – de manière extrêmement réduite, je vous prie de le croire – pour leur travail.
Cet amendement ouvre une possibilité d’améliorer la situation : nous le voterons.
Je crois, madame la garde des sceaux, que vous avez compris le message.
Vous avez confié un travail aux inspections générales de la justice et des finances, mais le diagnostic est connu depuis de nombreuses années, de même que les pistes. On peut continuer à demander des rapports, mais, en réalité, il s’agit maintenant de trancher.
Nombre de personnes appartenant à ce que l’on appelle aujourd’hui les classes moyennes basses n’ont pas accès à l’aide juridictionnelle, parce que le plafond de ressources est trop bas. Elles se trouvent confrontées à une situation extrêmement difficile, en particulier lorsqu’il s’agit d’être défendu en matière pénale.
Je ne souhaite pas que l’État abonde systématiquement les crédits. Il y a d’autres pistes, que nous connaissons déjà depuis des années. En particulier, je proposerai dans quelques instants la mise à contribution des bénéfices tirés des contrats de protection juridique.
Maintenant, madame la garde des sceaux, il y a un choix à faire. Vous nous dites qu’il sera déterminé par le travail qui sera fait en 2019, pour un effet budgétaire en 2020. Espérons-le, parce qu’il y a urgence !
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n ’ adopte pas l ’ amendement.
L’amendement n° II-334, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Sueur, Féraud, Durain, J. Bigot, Leconte, Kerrouche et M. Bourquin, Mme Meunier, MM. Kanner et Fichet, Mme Harribey, MM. Marie, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Justice judiciaire
dont titre 2
Administration pénitentiaire
dont titre 2
Protection judiciaire de la jeunesse
dont titre 2
Accès au droit et à la justice
Conduite et pilotage de la politique de la justice
dont titre 2
Conseil supérieur de la magistrature
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Nous avons évoqué, les uns et les autres, la situation dans les prisons. Nous savons que la façon dont se déroule la vie pénitentiaire est importante pour le calme en détention, évidemment, mais aussi pour la sortie et la réinsertion. Dans cette perspective, les intervenants en milieu carcéral jouent un rôle capital.
Or vous avez décidé voilà quelques jours, madame la garde des sceaux, de mettre un terme à l’intervention en milieu carcéral d’une association historique, le GENEPI, créée en 1976 sur l’initiative, notamment, de Lionel Stoléru.
Plusieurs d’entre vous, mes chers collègues, ont été membres du GENEPI lorsqu’ils étaient étudiants. Au fil du temps, des milliers d’étudiants sont intervenus en milieu pénitentiaire, manifestant ainsi un engagement admirable à un âge où l’on peut peut-être envisager d’occuper autrement son temps. Pour ces jeunes gens, cette expérience a souvent marqué le début d’un engagement civique.
Vous avez donc décidé, madame la garde des sceaux, de mettre un terme au partenariat avec le GENEPI, lui fermant de fait les portes de la prison. J’ai cru comprendre que l’émotion que cette décision a suscitée vous a conduite à renouer le dialogue avec cette association, dont vous avez dit, un matin sur France Inter, que les actions n’étaient pas conformes à vos politiques et que cela posait problème – je pense que, ce jour-là, votre parole s’est égarée…
Peut-être cette association signera-t-elle, demain, une nouvelle convention avec l’administration pénitentiaire. Toujours est-il que vous la privez des moyens, au demeurant bien faibles – 50 000 euros annuels –, qui lui étaient alloués. En 2018, le GENEPI n’aura reçu aucun soutien public. Cet amendement vise à rétablir cette subvention de 50 000 euros.
Madame la garde des sceaux, je vous ai saisie de cette question par courrier le 31 octobre dernier, mais je comprends bien que les interventions des sénateurs n’ont pas beaucoup d’intérêt. En tout cas, je suis très heureuse que le débat budgétaire m’offre cette occasion de vous interpeller.
La commission s’en remet à la sagesse du Sénat. Peut-être le Gouvernement pourra-t-il nous éclairer sur les subventions versées cette année et sur ce qui est envisagé pour l’année prochaine ?
Madame la sénatrice de la Gontrie, je tiens à vous assurer que les interventions des sénatrices et des sénateurs ont pour moi beaucoup d’intérêt ; je veille à ce que des réponses leur soient apportées, et je vous présente mes excuses si tel n’a pas été le cas pour le courrier que vous m’avez adressé.
La réinsertion des personnes placées sous main de justice est l’une des priorités que je défends de manière extrêmement forte, comme je l’ai expliqué à plusieurs reprises. D’ailleurs, le projet de loi de finances prévoit un effort important en la matière : 86 millions d’euros sont prévus à ce titre pour l’année prochaine, soit une augmentation de 6 % par rapport à 2018.
Ce budget est destiné notamment au financement des partenariats associatifs en milieu carcéral. Il s’agit à la fois de garantir les partenariats qui existent et de permettre leur diversification. Évidemment, les subventions versées par l’administration pénitentiaire vont à des associations qui participent au service public pénitentiaire, conformément à la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ; nous devons collectivement justifier de leur bonne utilisation.
Le ministère est lié de très longue date au GENEPI. Ce groupement, créé par Lionel Stoléru en 1976, a pour finalité de développer les contacts entre les étudiants de l’enseignement supérieur, souvent issus de grandes écoles, et le monde pénitentiaire. L’activité principale de l’association était jusqu’ici de donner, bénévolement, des cours aux détenus incarcérés.
L’administration pénitentiaire était liée à cette association par une convention pluriannuelle d’objectifs. La dernière convention, qui portait sur la période 2015-2018, prévoyait le versement d’une subvention de 50 000 euros, en échange d’un engagement de l’association de stabiliser le nombre d’heures d’activité assurées au bénéfice des personnes détenues.
Plusieurs éléments m’ont conduite à envisager le non-renouvellement de cette convention et de cette subvention.
D’abord, le nombre d’heures d’intervention du GENEPI en détention a connu une baisse tout à fait importante, à hauteur de 80 % de ce que la convention prévoyait a minima. Cela caractérise, nous semble-t-il, un fort désengagement de l’association.
Ce désengagement correspond en réalité à une évolution des missions que le GENEPI se donne au niveau national. En effet, l’association a retiré de ses statuts la mention de l’enseignement aux personnes incarcérées. Or c’est cette participation au service public pénitentiaire qui justifiait le versement de la subvention de 50 000 euros.
Par ailleurs, le GENEPI a adopté un positionnement très critique à l’égard de l’administration pénitentiaire, comme en témoigne le mot d’ordre d’un certain nombre de ses actions : « L’État enferme, la prison assassine ».
Il est allé jusqu’à soutenir des mouvements de mutinerie ou à s’opposer, dans certains établissements pénitentiaires, comme celui de Villepinte, à la mise en place des modules de confiance, considérant que ces modules, dont le projet de loi de programmation et de réforme pour la justice prévoit le développement, contribuaient à une « aliénation » des personnes détenues.
Dans ces conditions, il nous est apparu qu’un financement public par l’administration pénitentiaire de l’activité du GENEPI était difficilement envisageable.
Néanmoins, au regard de l’ancienneté de notre partenariat avec cette association, j’ai souhaité qu’un nouveau conventionnement, sans financement, puisse lui être proposé, afin de permettre aux étudiants qui le souhaiteraient de poursuivre leur activité d’éducation populaire en détention et d’avoir accès aux établissements pénitentiaires. Des dialogues sont en cours en ce sens entre mes services et le GENEPI.
Je tiens à réaffirmer mon attachement au travail d’éducation populaire en prison, qui me semble tout à fait essentiel. Nous le menons avec de très nombreuses associations. Je suis évidemment prête à le conduire avec le GENEPI, mais pas dans les conditions actuelles.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
Les crédits sont adoptés.
J’appelle en discussion les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 77 quater, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Justice ».
Justice
L’amendement n° II-403, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Bargeton, Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
A. – Après l’article 77 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 681 du code général des impôts, il est inséré un article 681… ainsi rédigé :
« Art. 681 …. – À compter du 1er janvier 2020, les droits d’enregistrement des actes mentionnés à l’article 635, à l’exception de ceux mentionnés aux 1° et 2° du 1 et au 1° du 2, sont augmentés de 1 %.
II. – Le I entre en vigueur au 1er janvier 2020.
B. – En conséquence, faire précéder cet article d’un intitulé ainsi rédigé :
Justice
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
Je présenterai quatre amendements d’appel, pour signifier que si, sur le sujet de l’aide juridictionnelle, des travaux sont en cours, nous sommes prêts, ici au Sénat, et ce depuis longtemps. Nous avons des propositions concrètes, dont celle que M. Mézard a présentée il y a quelques instants.
L’amendement n° II-403 tend à augmenter le financement budgétaire de l’aide juridictionnelle et à mettre en place un agenda politique.
Plus précisément, nous proposons d’augmenter les droits d’enregistrement perçus sur certains actes juridiques énumérés à l’article 635 du code général des impôts, à l’exclusion des actes de notaire, des actes d’huissier de justice et des décisions des juridictions de l’ordre judiciaire lorsqu’elles ouvrent un droit proportionnel ou progressif.
Ce dispositif est avantageux à double titre, du fait de son assiette large et de son taux bas. Il permet en outre de maintenir un lien entre la taxation proposée et ses futurs bénéficiaires.
En se référant au tableau récapitulatif « Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes » du tome I du fascicule « Évaluations des voies et moyens » du projet de loi de finances pour 2018, il apparaît que le produit résultant de l’augmentation de 1 % de ces droits s’élèverait à 180 millions d’euros, soit une somme nettement supérieure aux recettes extrabudgétaires de nature fiscale figurant, à hauteur de 83 millions d’euros, dans le présent projet de loi de finances.
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. Je demande le retrait de cet amendement d’appel. Pour gagner du temps et ne pas prolonger ce débat jusqu’à l’heure du goûter
Sourires.
La commission des finances est plutôt favorable au rétablissement d’un droit de timbre, tel que celui qui a existé jusqu’à une période récente. Cette mesure a d’ailleurs été adoptée par le Sénat lors de l’examen du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Cette démarche nous paraît plus pertinente que la création ou l’augmentation de diverses taxes affectées.
J’ajoute que, pour des raisons de recevabilité financière, ces amendements tendent à augmenter des taxes qui reviennent à l’État et aux collectivités territoriales.
Je sollicite également le retrait de cet amendement.
Il nous faut procéder à la réforme complète du dispositif avant d’envisager son financement.
Je rappelle que la loi de finances pour 2016 a abaissé le plafond de l’aide juridictionnelle à 1 000 euros pour une aide juridictionnelle totale et à 1 525 euros pour une aide juridictionnelle partielle. Cela ne nous empêchera pas de réfléchir, au cours de l’année qui vient, à ces plafonds. Il est important de mener cette réflexion avant d’envisager toute augmentation d’impôt.
Les droits d’enregistrement perçus sur les actes juridiques mentionnés à l’article 635 du code général des impôts ne financent pas, aujourd’hui, l’aide juridictionnelle. Les droits d’enregistrement sont à titre principal affectés au financement des collectivités territoriales. En affecter une partie à l’aide juridictionnelle compliquerait donc encore davantage notre système fiscal et le circuit de financement de l’aide juridictionnelle, ce qui ne me paraît pas nécessairement opportun.
Plus fondamentalement, nous devons réfléchir à cette question de manière globale. C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement et des quatre suivants.
Monsieur Thani Mohamed Soilihi, l’amendement n° II-403 est-il maintenu ?
Il était important que cet échange ait lieu. Comme je l’ai annoncé, il s’agit d’un amendement d’appel, comme les trois autres que j’ai déposés. C’est à dessein que je n’ai pas prévu l’affectation des sommes ainsi récoltées, sans quoi l’irrecevabilité au titre de l’article 40 aurait été prononcée ; il est bien évident que ces sommes seraient destinées au Conseil national des barreaux. Je retire l’amendement.
L’amendement n° II-403 est retiré.
L’amendement n° II-121 rectifié bis, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 77 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 5° ter A de l’article 1001 du code général des impôts, les mots : « 12, 5 % pour les primes ou cotisations échues à compter du 1er janvier 2016 et à 13, 4 % pour les primes ou cotisations échues à compter du 1er janvier 2017 » sont remplacés par les mots : « 18 % pour les primes ou cotisations échues à compter du 1er janvier 2020 ».
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’un intitulé ainsi rédigé :
Justice
Eu égard aux observations de la commission et du Gouvernement, je retire aussi cet amendement.
L’amendement n° II-121 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° II-394 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Joissains, M. Artano, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Gabouty et Guérini, Mme Jouve et M. Vall, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 77 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1002 du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 1002. – Une taxe sur l’ensemble des contrats et clauses de responsabilité civile et de protection juridique souscrits en France est instaurée à hauteur de 5 millions d’euros au titre de l’année 2020 et de 10 millions d’euros à partir de l’année 2021.
« Cette contribution est répartie au prorata du montant des sommes générées au titre de l’année précédant l’année au titre de laquelle la contribution est due par les assureurs.
« Le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à cette contribution sont régis par les règles applicables en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine.
« Un arrêté conjoint des ministres en charge de la justice et du budget fixe les modalités de répartition de cette contribution, ainsi que les modalités selon lesquelles les assureurs rendent compte au ministère de la justice du recouvrement de la contribution. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’un intitulé ainsi rédigé :
Justice
La parole est à M. Jacques Mézard.
Cet amendement reprend une proposition que Sophie Joissains et moi-même avions formulée dans le cadre du travail que nous avons mené sur l’aide juridictionnelle au nom de la commission des lois. Il s’agit de trouver un financement complémentaire pour l’aide juridictionnelle en prélevant une contribution sur les contrats de protection juridique.
Des contrats de protection juridique sont couramment inclus dans les contrats d’assurance, en sorte que, souvent, nos concitoyens sont assurés plusieurs fois en la matière, sans même le savoir… Il y a là une possibilité tout à fait certaine de financer en partie l’aide juridictionnelle, même si cela ne plaît pas du tout à Bercy, pour les raisons financières que l’on connaît.
Je pense, madame la garde des sceaux, que nous aurons l’occasion de reparler ultérieurement de cette proposition. C’est l’une des pistes envisageables en vue de mieux financer l’aide juridictionnelle.
S’agissant de l’aide juridictionnelle partielle, elle concerne très peu de nos concitoyens, étant donné la difficulté de l’obtenir. En outre, la part laissée à la charge du justiciable peut être assez importante et, de ce fait, le dispositif n’a guère d’intérêt.
L’amendement n° II-394 rectifié est retiré.
L’amendement n° II-122 rectifié bis, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 77 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du 1 de l’article 302 bis Y du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 1. Les actes des huissiers de justice sont soumis à une taxe forfaitaire de 16 € pour les actes accomplis à compter du 1er janvier 2020. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’un intitulé ainsi rédigé :
Justice
L’amendement n° II-177 rectifié bis, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Bargeton, de Belenet, Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
A. Après l’article 77 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 1018 A du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Aux 1° et 2°, le montant : « 31 € » est remplacé par le montant : « 40 € » ;
2° Au 3°, les montants : « 127 € » et « 254 € » sont respectivement remplacés par les montants : « 165 € » et « 330 € » ;
3° Au 4°, le montant : « 169 € » est remplacé par le montant : « 220 € » ;
4° Au 5°, le montant : « 527 € » est remplacé par le montant : « 685 € » ;
5° Au huitième alinéa, le montant : « 211 € » est remplacé par le montant : « 274 € » ;
II. – Le présent dispositif entre en vigueur au 1er janvier 2020.
B. En conséquence, faire précéder cet article d’un intitulé ainsi rédigé :
Justice
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
Les amendements n° II-122 rectifié bis et II-177 rectifié bis sont retirés.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Justice ».
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures, pour l’examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à treize heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.