Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaite aujourd’hui porter la voix des associations représentatives du monde combattant, qui ont toute ma considération et dont j’ai plaisir à rencontrer les représentants locaux, tout au long de l’année, dans mon département, le Calvados.
Ces associations ne se contentent pas d’agir pour le droit à réparation et le devoir de mémoire, elles participent aussi et surtout activement à la vie de la cité, sous des formes diverses. Gardiennes des valeurs qui fondent notre République, elles contribuent à réunir des personnes de toutes conditions autour d’actions caritatives, d’événements patriotiques ou concourant aux bonnes relations internationales. En cela, elles constituent assurément de merveilleux outils d’intégration et de cohésion sociale.
Le budget pour 2019 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » s’établit à 2, 3 milliards d’euros. Ses crédits connaissent une forte diminution, de près de 160 millions d’euros, principalement liée, il est vrai, à la baisse du nombre des bénéficiaires des dispositifs de reconnaissance et de réparation. Il est néanmoins regrettable que le Gouvernement n’ait pas fait le choix, en dehors de certaines mesures, de redéployer les économies réalisées pour améliorer, à budget constant, les dispositifs existants.
Cette mission regroupe trois programmes de poids financier très inégal.
Le programme 167, qui représente 5 % des crédits de la mission, finance la Journée défense et citoyenneté, ainsi que les actions éducatives et mémorielles. Mon groupe est particulièrement attaché à tout ce qui peut concourir à l’exercice du devoir de mémoire afin que certains événements historiques tragiques ne se reproduisent plus et que se perpétue le souvenir de toutes ces victimes, de tous ces soldats morts ou blessés pour la France. Jamais les citoyens français ne doivent oublier les sacrifices consentis, hier et aujourd’hui, pour assurer leur droit à vivre libres, égaux et dans la fraternité.
De ce point de vue, il est particulièrement positif que le monument à la mémoire des soldats tombés en opérations extérieures puisse enfin voir le jour. Je sais qu’il est très attendu par nos jeunes anciens combattants et nos militaires actuellement engagés dans les conflits.
Je note aussi avec satisfaction que les commémorations du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale se sont bien déroulées. Les manifestations étaient particulièrement dignes, émouvantes et participatives : une réussite permise, comme toujours, grâce au dévouement de nombreux bénévoles.
Si la fin du cycle des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale va entraîner une baisse des dépenses dédiées aux politiques de mémoire, l’ampleur de la réduction des crédits du programme 167 est bien supérieure : près de 2, 8 millions d’euros d’économies sont prévus, soit 20 % des crédits votés pour 2018. Là aussi, c’est regrettable, à une époque où la transmission de la mémoire, l’affirmation des liens entre la Nation et son armée sont véritablement nécessaires. Ce sont nos associations représentatives du monde combattant, sur le terrain, qui pourraient directement en pâtir, ainsi que nos jeunes, avec la remise en cause de certaines actions éducatives.
Rappelons que, l’an prochain, nous célèbrerons tout particulièrement la liberté, à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire du débarquement et de la bataille de Normandie. De nombreux événements, dont la cérémonie commémorative internationale en présence de chefs d’État, seront organisés, dans le Calvados notamment. Les coupes dans les lignes budgétaires dédiées à la mémoire ou à la nécessaire rénovation des sépultures apparaissent donc clairement excessives.
Pour en terminer avec ce programme, j’indique que la commission des affaires sociales a été alertée sur le fait qu’aucun crédit n’était prévu pour le financement du service national universel, appelé à remplacer la Journée défense et citoyenneté. Il ne faudrait pas que les crédits de la mission soient ponctionnés en cours d’exercice pour financer ce nouveau dispositif.
J’en viens au programme 169, couvrant les dispositifs de reconnaissance et de réparation, qui représente 94 % des crédits de la mission. Il connaît une baisse tendancielle de ses crédits, à hauteur de 156 millions d’euros en 2019.
Je salue le fait que le Gouvernement ait confirmé l’attribution de la carte du combattant aux soldats ayant servi en Algérie entre juillet 1962 et juillet 1964. Il s’agit d’une revendication ancienne du monde combattant, plusieurs fois relayée au Sénat, par moi-même comme par mes collègues, notamment en juin dernier au travers de l’adoption d’une proposition de loi visant à la satisfaire. À terme, cette mesure pourrait profiter à près de 50 000 personnes. Dès cette année, l’inscription budgétaire s’élèvera à 6, 6 millions d’euros.
Autre mesure annoncée, la revalorisation des expertises médicales nécessaires en vue de l’attribution de pensions militaires d’invalidité : j’espère que cela permettra de réduire les délais actuels, très difficilement supportables pour nos anciens.
J’en viens à l’article 73 et aux conclusions du groupe de travail sur la situation des harkis, qui ont conduit à la prise de mesures nouvelles allant dans le bon sens : la revalorisation de 400 euros de l’allocation de reconnaissance et de l’allocation viagère et l’institution d’un dispositif de solidarité au profit des descendants des harkis. Au titre de 2019, 10 millions d’euros sont inscrits pour compléter les mesures en faveur des harkis et de leurs enfants.
Si ces différentes mesures sont à souligner et à saluer, leur financement ne représente qu’une fraction réduite des économies permises par la baisse du nombre d’anciens combattants et, dans les faits, plusieurs demandes des associations représentatives du monde combattant sont toujours insatisfaites.
Je citerai notamment le droit à l’indemnisation pour les pupilles de la Nation dont les parents ont été reconnus « morts pour la France » entre 1939 et 1945. Je fais ainsi le lien avec le programme 158, qui permettra, l’an prochain, de financer à hauteur de 106 millions d’euros différentes indemnités accordées aux victimes d’actes de barbarie et de persécutions commis pendant l’Occupation.
J’évoquerai également l’assouplissement du dispositif de la demi-part fiscale supplémentaire, de façon à en accorder le bénéfice à davantage de veuves d’ancien combattant. J’ai été particulièrement alertée sur la situation financière de nombreuses femmes, qui subissent une chute de revenus énorme après le décès de leur mari, au point de se retrouver dans un extrême dénuement. Ce n’est pas acceptable !
Je souhaite me faire l’écho des inquiétudes qui s’expriment à propos de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC-VG. Son budget s’élèvera à 57, 6 millions d’euros en 2019, en baisse de 400 000 euros, en raison d’économies de fonctionnement. Je rappelle qu’un grand nombre d’anciens combattants et de veuves ont des ressources inférieures au seuil de pauvreté. L’ONAC-VG est donc très sollicité. Aujourd’hui, il doit aussi accompagner des publics nouveaux, tel celui des militaires ayant servi en OPEX. L’ONAC-VG poursuit sa modernisation, mais celle-ci doit se faire en préservant les indispensables liens de proximité tissés avec les bénéficiaires et associations locales représentatives du monde combattant. Il faut conserver le maillage départemental de l’ONAC-VG et peut-être mieux harmoniser les pratiques entre territoires.
Toute polémique ne serait pas à la hauteur du monde combattant. Madame la secrétaire d’État, malgré des regrets et des réserves, les sénateurs du groupe socialiste et républicain prendront leurs responsabilités en votant les crédits de cette mission et l’article 73. Nous entendons ainsi soutenir les avancées de ce projet de budget et témoigner de notre profond respect envers ceux qui ont tant donné à la France.
En cette année du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, je ne saurais conclure sans avoir une pensée pour tous ceux qui ont combattu pour défendre notre patrie. Que leur souvenir guide nos actions !