Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le budget de la mission « Justice » progresse de près de 4, 5 %, pour atteindre 7, 291 milliards d’euros en crédits de paiement.
Même si le budget pour 2019 s’inscrit dans le mouvement de hausse quasiment continue des ressources votées, la trajectoire budgétaire retenue par le Gouvernement dans le projet de loi de programmation et de réforme pour la justice – une hausse de 23, 5 % en cinq ans, pour atteindre 8, 3 milliards d’euros – est en réalité bien moins ambitieuse que celle proposée par le Sénat, à savoir une augmentation de 33, 8 % en cinq ans, pour atteindre 9 milliards d’euros. Elle est insuffisante pour assurer le redressement du service public de la justice par une action puissante et durable de rattrapage des retards accumulés dans le passé.
Oui, cette progression de près de 4, 5 % apparaît bien modeste au regard des efforts nécessaires au redressement de la justice, qui se trouve aujourd’hui dans une situation critique, en termes tant de délais que de moyens ! Ce constat, le groupe Les Indépendants – République et Territoires l’avait déjà fait il y a un an à cette même tribune.
Le rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, qui a été récemment publié, vient confirmer, hélas ! ce diagnostic : quand l’Allemagne dépense 122 euros par habitant pour sa justice, la France n’y consacre que 66 euros par habitant, soit deux fois moins. La France se situe en queue du peloton européen et, malheureusement, le projet de budget pour 2019 ne permettra pas d’y remédier.
Je formulerai maintenant des observations spécifiques sur deux des trois programmes de la mission « Justice ».
Concernant tout d’abord les crédits consacrés à la justice judiciaire et à l’accès au droit, si le projet de loi de finances pour 2019 comporte plusieurs mesures positives, celles-ci doivent toutefois être accueillies avec prudence et ne doivent pas occulter une situation qui demeure extrêmement dégradée dans les juridictions.
Cette année encore, nous déplorons la pénurie chronique de magistrats et de fonctionnaires de greffe. Cette situation se traduit par un délai moyen de traitement des procédures en augmentation, toutes juridictions confondues.
De même, le système de l’aide juridictionnelle est à bout de souffle. À cet égard, le Sénat avait proposé le rétablissement de la contribution pour l’aide juridique en première instance, modulable de 20 à 50 euros, et l’instauration de l’obligation de consultation préalable d’un avocat avant toute demande d’aide juridictionnelle.
Concernant les crédits du programme « Administration pénitentiaire », je déplore l’hypocrisie de l’annonce du programme « 15 000 places », lequel repose essentiellement sur des constructions engagées par des gouvernements précédents. Ici, le constat est clair : le plan de construction de 15 000 places supplémentaires de prison d’ici à 2022 dont la mise en œuvre figurait parmi les engagements de campagne du Président de la République a été abandonné. Les ambitions du Gouvernement ont été ramenées, pour l’essentiel, à la création de 2 130 places en structures d’accompagnement vers la sortie d’ici à 2022. Aucun chantier n’étant engagé à ce jour, tous les terrains n’ayant pas été identifiés, même cet objectif plus modeste risque fort de ne pas être atteint.
Je souhaite également dénoncer l’insuffisance des crédits consacrés à la réinsertion, alors même que le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit de renforcer l’efficacité de l’exécution des peines.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne votera pas les crédits de la mission « Justice » du projet de loi de finances pour 2019.