Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 1er décembre 2018 à 9h30
Loi de finances pour 2019 — Justice

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Madame le garde des sceaux, votre budget augmente de 4, 5 % ; nous nous devons de le noter. Le budget de la justice progresse d’ailleurs depuis quinze ans, mais cela n’a pas toujours été à ce rythme. À cet égard, l’effort consenti par Jean-Jacques Urvoas pour l’augmenter significativement, durant l’année qu’il avait passée à la Chancellerie, doit être souligné.

Comme cela a déjà été dit, l’augmentation proposée cette année est insuffisante, au regard de l’effort qu’il faut absolument fournir. À cet égard, le Sénat a voté une trajectoire budgétaire plus ambitieuse, avec une hausse des crédits de la justice de 33, 8 % sur la période 2018-2022, contre 23, 5 % seulement dans celle dessinée par le Gouvernement.

Chacun sait que la France compte quatre fois moins de procureurs, trois fois moins de juges et deux fois moins de greffiers que la moyenne des pays européens. Ce n’est pas votre faute, madame la ministre : ce retard est dû à tous les gouvernements qui se sont succédé. On n’a jamais pris la mesure de l’effort à accomplir, que la commission des lois du Sénat a mis en exergue dans son rapport et sa programmation.

Les crédits de la juridiction judiciaire sont ceux qui augmentent le moins, à hauteur de 0, 87 % seulement. Sur les 6 500 nouveaux emplois annoncés pour les cinq prochaines années, il n’y en aura que 400 de magistrat et 183 de greffier. Or nous constatons dans toutes les juridictions de France un manque de greffiers très important, qui rend également très difficile le travail des magistrats.

Concernant l’administration pénitentiaire, dans ce domaine aussi, madame la ministre, l’héritage est très lourd. Vous héritez, en particulier, des partenariats public-privé décidés avant votre arrivée, dont les effets néfastes sont désormais reconnus.

Il est clair que seules 7 000 places de prison seront construites sur les 15 000 annoncées, mais ce qui m’inquiète le plus, c’est l’absence de moyens pour réhabiliter les prisons existantes. §Il est en effet indiqué, dans le rapport pour avis de la commission des lois, que, « en raison de la surpopulation carcérale, les détenus souffrent d’une grande promiscuité, de conditions d’hygiène déplorables et de difficultés d’accès aux soins ainsi qu’au travail ou à la formation, ce qui exacerbe les violences, nuit à la réinsertion des personnes condamnées et explique, au moins en partie, le manque d’attractivité de la profession de surveillant pénitentiaire ». Vous connaissez, madame la ministre, le drame que constitue la cohabitation, dans une cellule de 11 ou 12 mètres carrés, de trois personnes, dont un prévenu et deux condamnés, par exemple. De telles conditions de détention sont vraiment impossibles.

C’est pourquoi nous regrettons également que davantage de moyens ne soient pas consacrés aux alternatives à la détention. Il est évident qu’il faut multiplier les peines de travail d’intérêt général, les placements sous bracelets électroniques, les libérations sous probation, etc. Il faut aussi qu’il y ait moins de prévenus emprisonnés, et pour des durées moins longues.

Vous comprendrez, madame la ministre, que, pour ces raisons, le groupe socialiste et républicain ne pourra pas voter les crédits de la mission « Justice ».

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