En termes plus économiques, c’est à un budget sans vitalité macroéconomique et aux impacts microéconomiques tout à fait inacceptables que nous sommes confrontés.
Lors de la discussion de votre budget à l’Assemblée nationale, vous avez indiqué que « ce qui compte, ce n’est pas sa masse budgétaire ». Permettez-moi de m’étonner, car nous savons bien que la masse budgétaire, cela compte pour un budget dont la vocation primordiale est d’accompagner les efforts de nos agriculteurs, de leur permettre de vivre de leur activité et d’offrir aux Français toutes assurances de pouvoir consommer des produits sains.
N’oublions pas, monsieur le ministre, que la moitié des agriculteurs de ce pays dispose d’un revenu annuel avant impôt de 14 000 euros, et qu’entre 15 % et 25 % des agriculteurs n’ont tout simplement pas de revenu. Faut-il aussi rappeler ici le désespoir de bon nombre d’exploitants ? Faut-il rappeler encore le nombre de suicides constatés dans le secteur agricole ?
La France perd, année après année, des exploitations, et l’emploi agricole a chuté de près de 60 000 postes depuis 2010. La valeur ajoutée agricole est volatile, mais c’est surtout sa croissance qui s’est de longue date volatilisée.
La situation agricole de ce pays appelle un redressement ; la situation de nos agriculteurs mérite davantage de respect et de considération. Avec des crédits inertes, le budget que vous défendez n’est pas à la hauteur de ce défi économique.
Il n’est pas davantage au rendez-vous des deux ambitions majeures que devrait porter ce secteur : une agriculture diversifiée, structurante pour la vitalité des territoires ruraux, et une agriculture en transition vers un horizon agroécologique.
Monsieur le ministre, sans moyens réels, que devient l’objectif de convertir 15 % de la surface agricole française au bio dès 2022, sinon un slogan vide de tout sens ?
Quels seront les effets de la suppression de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, l’ICHN, pour les 3 800 exploitations affectées par la réforme du zonage ? Ne vous appuyez pas sur la hausse des crédits de l’ICHN, car vous savez bien qu’elle est financée par les agriculteurs et qu’au niveau de chaque exploitation elle n’apportera pas un centime de plus.
Ce budget sans élan est également inacceptable d’un point de vue microéconomique.
Une dotation pour dépenses imprévues a été intégrée au budget pour 2018. Comme c’était à craindre, elle n’a couvert que des dépenses prévisibles, à avoir celles nécessaires pour couvrir les corrections financières arrêtées par la Commission européenne pour sanctionner des défaillances de gestion des aides par votre ministère. Il reste un reliquat. Comptez-vous l’employer pour compenser les aléas de production dus à la sécheresse ou bien pour compléter des lignes budgétaires insuffisamment dotées ?
Vous entendez réduire d’un tiers cette dotation, en vous fondant sur la consommation des crédits de 2018, c’est-à-dire sur une dette d’apurement de l’ordre de celle réglée en cours d’année. Compte tenu des risques pendants, cela paraît bien imprudent, et cela signifie que vous ne disposez dans le budget initial de 2019 d’aucune marge pour soutenir les exploitants. Cela n’est pas acceptable Et la déduction pour épargne de précaution ne changera rien à l’affaire pour la plupart des agriculteurs.
Dans le sombre panorama de l’emploi agricole, le seul type d’emploi qui conserve un peu de dynamisme, c’est l’emploi saisonnier. Eh bien, voilà que vous le pénalisez, monsieur le ministre !
La réforme des exonérations de cotisations sociales pour les TO-DE, les travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi, ne peut être acceptée par notre assemblée. Vous le savez d’autant mieux qu’il n’y a pas si longtemps vous l’affirmiez vous-même avec force et brio, ici même, dans la haute Assemblée. Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à nous annoncer un plein retour au dispositif en vigueur ?
J’en finirai avec quelques mots sur le CASDAR. Nous souhaitons ici que la recherche soit pleinement intégrée à notre politique agricole. Il serait au demeurant souhaitable que l’INRA devienne un opérateur de la mission. Nous sommes inquiets de voir le CAS accumuler des moyens qu’il n’est pas en mesure de dépenser, selon les critères admis d’évaluation scientifique. Nous pressentons que, bientôt, le produit de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations qui doit alimenter l’innovation agricole sera détourné de son objet pour des usages sans aucun lien avec l’agriculture.
Pour cet ensemble de raisons, la commission des finances vous propose de ne pas adopter les crédits de la mission, ni ceux du compte d’affectation spéciale.