La séance, suspendue à treize heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les États généraux de l’alimentation, nous nous attendions à un budget généreux de l’agriculture.
Or, ce que nous constatons, c’est une mise au régime sec, peut être en écho aux épisodes de sécheresse que les agriculteurs ont eu à subir cet été. À le lire, monsieur le ministre, j’ai l’impression d’être déjà en pleine période de carême !
Sourires.
En termes plus économiques, c’est à un budget sans vitalité macroéconomique et aux impacts microéconomiques tout à fait inacceptables que nous sommes confrontés.
Lors de la discussion de votre budget à l’Assemblée nationale, vous avez indiqué que « ce qui compte, ce n’est pas sa masse budgétaire ». Permettez-moi de m’étonner, car nous savons bien que la masse budgétaire, cela compte pour un budget dont la vocation primordiale est d’accompagner les efforts de nos agriculteurs, de leur permettre de vivre de leur activité et d’offrir aux Français toutes assurances de pouvoir consommer des produits sains.
N’oublions pas, monsieur le ministre, que la moitié des agriculteurs de ce pays dispose d’un revenu annuel avant impôt de 14 000 euros, et qu’entre 15 % et 25 % des agriculteurs n’ont tout simplement pas de revenu. Faut-il aussi rappeler ici le désespoir de bon nombre d’exploitants ? Faut-il rappeler encore le nombre de suicides constatés dans le secteur agricole ?
La France perd, année après année, des exploitations, et l’emploi agricole a chuté de près de 60 000 postes depuis 2010. La valeur ajoutée agricole est volatile, mais c’est surtout sa croissance qui s’est de longue date volatilisée.
La situation agricole de ce pays appelle un redressement ; la situation de nos agriculteurs mérite davantage de respect et de considération. Avec des crédits inertes, le budget que vous défendez n’est pas à la hauteur de ce défi économique.
Il n’est pas davantage au rendez-vous des deux ambitions majeures que devrait porter ce secteur : une agriculture diversifiée, structurante pour la vitalité des territoires ruraux, et une agriculture en transition vers un horizon agroécologique.
Monsieur le ministre, sans moyens réels, que devient l’objectif de convertir 15 % de la surface agricole française au bio dès 2022, sinon un slogan vide de tout sens ?
Quels seront les effets de la suppression de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, l’ICHN, pour les 3 800 exploitations affectées par la réforme du zonage ? Ne vous appuyez pas sur la hausse des crédits de l’ICHN, car vous savez bien qu’elle est financée par les agriculteurs et qu’au niveau de chaque exploitation elle n’apportera pas un centime de plus.
Ce budget sans élan est également inacceptable d’un point de vue microéconomique.
Une dotation pour dépenses imprévues a été intégrée au budget pour 2018. Comme c’était à craindre, elle n’a couvert que des dépenses prévisibles, à avoir celles nécessaires pour couvrir les corrections financières arrêtées par la Commission européenne pour sanctionner des défaillances de gestion des aides par votre ministère. Il reste un reliquat. Comptez-vous l’employer pour compenser les aléas de production dus à la sécheresse ou bien pour compléter des lignes budgétaires insuffisamment dotées ?
Vous entendez réduire d’un tiers cette dotation, en vous fondant sur la consommation des crédits de 2018, c’est-à-dire sur une dette d’apurement de l’ordre de celle réglée en cours d’année. Compte tenu des risques pendants, cela paraît bien imprudent, et cela signifie que vous ne disposez dans le budget initial de 2019 d’aucune marge pour soutenir les exploitants. Cela n’est pas acceptable Et la déduction pour épargne de précaution ne changera rien à l’affaire pour la plupart des agriculteurs.
Dans le sombre panorama de l’emploi agricole, le seul type d’emploi qui conserve un peu de dynamisme, c’est l’emploi saisonnier. Eh bien, voilà que vous le pénalisez, monsieur le ministre !
La réforme des exonérations de cotisations sociales pour les TO-DE, les travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi, ne peut être acceptée par notre assemblée. Vous le savez d’autant mieux qu’il n’y a pas si longtemps vous l’affirmiez vous-même avec force et brio, ici même, dans la haute Assemblée. Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à nous annoncer un plein retour au dispositif en vigueur ?
J’en finirai avec quelques mots sur le CASDAR. Nous souhaitons ici que la recherche soit pleinement intégrée à notre politique agricole. Il serait au demeurant souhaitable que l’INRA devienne un opérateur de la mission. Nous sommes inquiets de voir le CAS accumuler des moyens qu’il n’est pas en mesure de dépenser, selon les critères admis d’évaluation scientifique. Nous pressentons que, bientôt, le produit de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations qui doit alimenter l’innovation agricole sera détourné de son objet pour des usages sans aucun lien avec l’agriculture.
Pour cet ensemble de raisons, la commission des finances vous propose de ne pas adopter les crédits de la mission, ni ceux du compte d’affectation spéciale.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis, applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous savez l’intérêt porté par cette assemblée à l’agriculture et la place qu’elle occupe dans la vie des territoires.
Nous sommes convaincus que cette activité est stratégique et qu’elle constitue une garantie de non-dépendance dans un monde instable et balayé d’incertitudes.
En outre, nous percevons bien à quel point nos concitoyens sont plus que jamais vigilants et réactifs s’agissant des conditions de la production agricole, ainsi que de la qualité de l’alimentation.
Par ailleurs, nous savons que nous vivons une période particulière. Le réchauffement climatique suppose de se préparer – il n’est que temps ! – aux aléas qui devraient s’accentuer et affecter l’agriculture, comme il faut faire face aux nouveaux risques sanitaires qui se manifestent à épisodes rapprochés désormais et qui peuvent surgir à chaque instant dans un monde rétréci par la mobilité.
Chacun connaît les conséquences de la fièvre catarrhale ovine, du virus H5N1, qui en est d’ailleurs à la quatrième ou cinquième génération désormais, sur l’économie des filières. Aujourd’hui, c’est la peste porcine présente en Pologne qui fait peser un risque substantiel sur cette production. Cela dit pour rappeler, monsieur le ministre, que le budget doit répondre à deux sujétions : celle du court et du moyen terme, bien entendu, mais aussi celle de l’avenir, qu’il faut anticiper.
Le sentiment que j’éprouve est que, pour une part importante, le budget poursuit sur sa trajectoire antérieure pour une grande part des dépenses qu’il prévoit, et ce dans l’attente de deux éléments déterminants : la nouvelle politique agricole commune et les conséquences du Brexit, sans doute difficiles à évaluer complètement à ce stade.
Du point de vue du contexte économique, le ministre de l’agriculture de 2018 se trouve, et c’est heureux, dans une situation plus apaisée que son prédécesseur l’an passé, la conjoncture agricole s’étant améliorée, même si elle demeure atone.
Par ailleurs, vous bénéficiez des efforts accomplis antérieurement afin d’améliorer le fonctionnement de la chaîne de paiements agricoles, ce qui devrait nous épargner de lourdes corrections financières européennes. Ces événements demeurant néanmoins aléatoires, tout relâchement des efforts de provisionnement des risques et de modernisation du cadre de gestion doit être exclu.
On doit à cet égard regretter la réduction de la dotation pour imprévus, ainsi que les variations autour du financement de la nécessaire modernisation des systèmes de l’Agence de services et de paiement.
L’avenir de l’agriculture mérite incontestablement mieux qu’un simple budget de reconduction, d’autant, monsieur le ministre, que nous devons, notamment, nous engager résolument vers une production plus diversifiée, biologique en particulier, qu’il ne s’agit pas, ainsi que vous l’avez plusieurs fois indiqué, d’opposer à l’agriculture conventionnelle, elle-même en voie de redéfinition.
Vous évoquez, monsieur le ministre, l’allégement des cotisations sociales, qui se traduira par un renforcement des transferts vers la production agricole.
Localement nous sommes surtout interpellés sur l’intérêt de conserver le régime TO-DE, qui concernerait 70 000 exploitations. En effet, il n’y a pas forcément adéquation entre l’emploi salarié en général, qui est loin de concerner toutes les exploitations, et l’emploi propre à certaines productions saisonnières ; je pense en particulier à la filière légumière, mais l’on pourrait tout autant citer l’arboriculture, que vous connaissez particulièrement bien, voire la production de sapins de Noël, comme l’a rappelé un collègue de la Nièvre.
La filière bois, quant à elle, demeure très déficitaire au titre du commerce extérieur, alors que la forêt française est la plus vaste d’Europe.
J’ouvre une parenthèse, afin de vous rappeler le rapport parlementaire produit par le Sénat, à ce jour resté sans écho. Qu’envisagez-vous de proposer afin de relocaliser la transformation de la ressource, donc la valeur ajoutée ? Le Gouvernement a signé récemment un nouveau contrat de filière avec les professionnels du bois. Quelle stratégie induit-il, monsieur le ministre ?
Parallèlement, nous avons noté la réduction des moyens de l’ONF, l’Office national des forêts, en matière d’emplois, soit 200 postes, et, dans le même temps, nous remarquons que l’office conserve un endettement très préoccupant, à hauteur de 320 millions d’euros, semble-t-il, qu’il faudra bien résorber un jour ou l’autre.
La qualité sanitaire de nos productions et de l’alimentation sera en permanence un sujet de préoccupation, comme tout ce qui concerne la santé publique. Le programme 206 finance une partie des dépenses correspondantes. Or il demeure à peu près inchangé, une fois pris en compte l’éventuel dénouement particulièrement laborieux du contentieux des vétérinaires sanitaires. Est-il opportun de maintenir simplement cette dépense quand tout, autour de nous, invite au contraire à l’accentuer ?
Quelque 40 emplois sont créés pour anticiper les effets du Brexit et les détournements de trafic qu’il occasionnera possiblement, et même certainement. C’est assurément trop peu compte tenu de besoins de contrôle dont, je l’accorde volontiers, on ne sait quand ils se matérialiseront complètement.
Nous sommes en permanence confrontés à l’irruption et la propagation de crises sanitaires toujours lourdes de conséquences économiques et financières pour les producteurs. Ni l’influenza aviaire, dont de nouvelles souches existent de par le monde, ni la peste porcine, qui rôde à nos frontières, n’ont d’égards pour les arbitrages budgétaires du moment.
Il faudrait sans nul doute anticiper les crises et augmenter les moyens de notre vigilance sanitaire, même si, par ailleurs, nous le savons bien une meilleure organisation pourrait permettre des gains d’efficacité. Sur ce sujet encore, nous avions proposé, dans un rapport de la commission des finances du Sénat, de repenser et réorganiser notre infrastructure de maîtrise du risque.
La dotation de l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, est quelque peu renforcée. La perspective du Brexit pourrait ne pas y être pour rien, puisque 40 % des autorisations de mise sur le marché, les AMM, des médicaments vétérinaires seraient aujourd’hui accordées au Royaume-Uni.
Or il existe pour le moins quelques sérieux problèmes du fait de la concurrence pouvant exister entre les intervenants participant à la délivrance des AMM. Cet aspect du rôle de l’ANSES a été beaucoup développé, malgré l’écart entre les coûts qu’il entraîne pour l’agence et les retours financiers qu’elle perçoit.
Je relève que ce déficit serait de nature à peser sur les autres activités de l’ANSES au service de la recherche et des opérations courantes d’identification de nouveaux risques sanitaires. Au-delà, alors que nos compatriotes s’inquiètent des effets des produits, phytopharmaceutiques notamment, il faut s’interroger sur les conséquences de cette situation concurrentielle entre agences sanitaires.
Enfin, monsieur le ministre, il convient que nous soyons attentifs, dès aujourd’hui, à l’impérieux devoir de recherche, pour prévenir les conséquences des changements climatiques, par la mise au point des semences plus résistantes et par l’accès à des techniques de production plus adaptées aux nouvelles conditions. En un mot, il faut que nous soyons pleinement préparés à ce bouleversement, pour maintenir notre économie agricole.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Laure Darcos applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année 2019 est l’année de toutes les incertitudes pour l’agriculture. Le moment était venu d’envoyer un vrai signal à destination des agriculteurs. Il l’a été, mais, malheureusement, ce n’est pas le bon.
C’est donc au moment où le budget de la PAC est sur le point de diminuer de 15 % en euros constants que le budget de la mission recule de plus de 200 millions d’euros, soit 10 % à périmètre constant.
C’est donc au moment où les aléas n’ont jamais été si forts pour l’agriculture française, vous le savez, monsieur le ministre, que la réserve pour aléas, créée l’année dernière, voit ses crédits amputés d’un tiers.
C’est donc au moment où la concurrence n’a jamais été aussi forte sur nos productions que l’un des dispositifs les plus efficaces en faveur de la compétitivité de certaines filières, à savoir le TO-DE, est supprimé.
Tous ces paradoxes ne font que révéler l’ambiguïté de la politique agricole gouvernementale. Il faut rétablir la vérité !
La vérité, c’est que la réserve de crise du budget agriculture n’en est pas une. Elle ne sert qu’à financer des apurements communautaires. Aucun euro n’a été déboursé cette année contre des aléas agricoles ; pourtant, monsieur le ministre, si vous les interrogez, les agriculteurs vous confirmeront qu’ils en ont connu beaucoup. Cette réserve ne revient nullement aux agriculteurs en cas de calamités. Elle n’est qu’une épargne que l’État conserve pour couvrir chaque année les dépenses induites par les erreurs de son administration.
La vérité, c’est que la loi ÉGALIM ne peut réellement inverser le rapport de forces entre les producteurs et leurs acheteurs que si les contrôles du bon respect des contrats sont appliqués. Or ce PLF réduit les effectifs des deux instances chargées de ces contrôles : la DGCCRF et FranceAgriMer ! C’est à se demander, monsieur le ministre, si le Gouvernement ne doute pas de l’efficacité de sa propre loi !
La vérité, c’est qu’il n’est pas envisageable d’avaliser cette réduction du budget de l’agriculture, alors même que l’agriculture en a tellement besoin. C’est en tout cas le point de vue de la commission des affaires économiques et le mien.
En conclusion, monsieur le ministre, je vous demande de cesser ce jeu de massacre, qui consiste à stigmatiser sans cesse notre agriculture. C’est une impasse ! Cela démoralise les agriculteurs et les conduits parfois à l’acte ultime du suicide – un agriculteur se suicide tous les deux jours –, leur situation étant moralement insoutenable. C’est inacceptable.
De plus, cette pratique de l’agri-bashing est schizophrénique pour la France. Nous produisons de moins en moins sur notre territoire et sommes de plus en plus tributaires de l’importation de produits étrangers qui ne respectent ni nos normes ni nos façons de produire.
Monsieur le ministre, réagissez, et réagissez très vite !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur la sécurité sanitaire.
La France dispose de l’un des meilleurs systèmes au monde. C’est ce que rappelle un récent classement international. Même si le risque zéro n’existe pas, et c’est tout le problème, il faut en être fier.
Ce n’est pas pour autant que la France doit se reposer sur ses lauriers. Les défis sanitaires auxquels elle va devoir faire face sont nombreux, comme en témoigne le risque d’épidémie de peste porcine auquel la France est désormais exposée.
Or le budget du programme « Sécurité et qualité sanitaires » affiche un recul, certes comptable, mais un recul tout de même.
Parmi les principaux problèmes posés à notre sécurité sanitaire, le Sénat n’a de cesse de dénoncer les importations de denrées alimentaires de pays tiers ne respectant pas les normes européennes. Les résultats des contrôles aux importations sur ces produits sont en effet très préoccupants.
On peut estimer aujourd’hui qu’au moins un produit importé de pays tiers sur dix ne respecte pas les normes sanitaires et phytosanitaires européennes. Il est parfois de plus de 25 %. Rien que pour les produits issus de l’agriculture biologique, il est, par exemple, de 17 %. Je vous laisse y réfléchir, mes chers collègues. Et ces chiffres ne prennent pas en compte le taux de non-conformité des importations venant de pays de l’Union européenne, plus difficile à mesurer, et sans doute encore plus élevé.
Cette situation est intenable !
D’une part, elle pose d’immenses problèmes sanitaires, car ces importations nuisent à une bonne protection des consommateurs. D’autre part, ces importations constituent une concurrence déloyale massive pour nos agriculteurs français. Comment peut-on leur demander d’augmenter leurs standards de production tout en favorisant l’importation de produits ne les respectant pas ?
Le seul moyen de lutter contre ce phénomène, c’est d’accentuer les contrôles et de renvoyer une fois pour toutes tous les produits non conformes pour faire comprendre aux autres pays que la France est inflexible. Comment voulez-vous assurer un contrôle efficace quand l’État dépense moins de 10 millions d’euros par an pour contrôler l’ensemble des denrées alimentaires importées ?
Cela représente – je sais que vous êtes sensible à cette formule, monsieur le ministre – les recettes que l’État encaisse au titre de trois tirages du Loto ! Trois tirages du Loto pour la sécurité sanitaire des Français et la compétitivité de notre agriculture, cela ne paraît vraiment pas cher payé.
Depuis la loi ÉGALIM, l’autorité administrative doit prendre toutes les mesures de nature à faire respecter le principe d’interdiction à la vente de produits non autorisés dans l’Union européenne. Il est temps, monsieur le ministre, de prendre les mesures exigées par la situation et, surtout, de répondre aux obligations fixées par la loi.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Daniel Gremillet applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tant que j’aurai de la voix, je dirai et redirai ce chiffre effroyable, qui a déjà été évoqué : un agriculteur se suicide tous les deux jours ! Pour quelle autre profession accepterait-on ce tragique constat ?
Monsieur le ministre, vous l’avez dit vous-même sur ces travées, les lois agricoles se succèdent, mais rien n’y fait.
Ce malaise paysan reflète le malaise de notre société, car les enjeux que l’agriculture englobe sont universels : indépendance alimentaire, qualité alimentaire, santé publique, emplois non délocalisables, attentes sociétales, aménagement du territoire, lutte contre les incendies.
Vous avez affirmé une ambition pour la politique agricole. Pour vous avoir côtoyé de près dans vos combats dans nos rangs au Sénat, je crois en votre sincérité et en votre connaissance du terrain. Pour autant, vous le savez, ce n’est pas vous seul qui allez décider. Pour concrétiser des ambitions, il faut s’en donner les moyens, et ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux de l’agriculture française.
Parlons méthode, tout d’abord. Votre prédécesseur avait mis en place les États généraux de l’alimentation. J’avais salué et même participé à ces ateliers, qui consistaient à placer autour d’une même table tous les acteurs de la chaîne.
L’intention s’est arrêtée en cours de route : la loi ÉGALIM a permis quelques avancées, mais elle a provoqué les inquiétudes des filières et des organisations syndicales. Face à la guerre des prix de la grande distribution, la recherche d’un prix juste pour le producteur n’a rencontré aucune solution.
La suppression annoncée de l’allégement des charges pour les TO-DE, maintenu, mais à la baisse, jusqu’en 2020, malgré une volonté forte du Sénat de pérenniser cette mesure, nous entraînera forcément à une perte de compétitivité. Après 2020, certaines filières seront condamnées : pommes, poires, horticulture…
Concernant la PAC, si nous prônons le maintien du budget agricole, ce n’est pas seulement dans des objectifs comptables. C’est parce qu’il faut regarder au-delà de l’Union européenne pour se rendre enfin compte que l’agriculture est une politique éminemment essentielle.
La Chine, le Brésil, les États-Unis, qui ont bien compris les enjeux d’une politique agricole engagée et soutenue, ont augmenté leur budget pour soutenir leurs filières.
Dans un contexte mondialisé et de libre-échange, où notre compétitivité se heurte à des iniquités tout aussi sociales que normatives, nous avons de grands doutes sur l’avenir de notre politique agricole commune.
Nourrissant de grands espoirs au sujet des États généraux de l’alimentation, mon groupe s’était abstenu l’an dernier. En revanche, monsieur le ministre, le groupe socialiste et républicain ne peut qu’être opposé à ce budget en baisse pour 2019.
Je vous donne rendez-vous dans un an, mais je pense que, malheureusement, il n’y aura eu aucune redistribution de la valeur. Les paysans, une fois de plus, en subiront les conséquences et resteront dans le désespoir.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis, applaudit également.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Joël Guerriau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le mercredi 18 avril 2018 au matin, alors que j’étais en commission des affaires étrangères, j’ai reçu un message qui m’a bouleversé : mon neveu Jean-Louis, agriculteur, venait d’être retrouvé mort au volant de son tracteur. En prenant la parole aujourd’hui, je souhaite lui rendre hommage, ainsi qu’au monde agricole, qui travaille par amour de la terre au prix de nombreux sacrifices et pour de faibles rémunérations.
Notre monde est aujourd’hui confronté à des enjeux capitaux : changement climatique, explosion démographique, épuisement des énergies fossiles, vieillissement et dépendance, inégalités croissantes, déséquilibres socio-économiques, perte de biodiversité. Tous ces défis sont complexes, car ils sont interdépendants. Ils nécessitent l’alliance de nombreux acteurs, s’inscrivent dans le long terme et ne s’accommodent pas de réponses simplistes. Une chose est sûre : l’agriculture, que ce soit à l’échelon national ou au niveau européen, a un rôle crucial à jouer.
L’agriculture française présente un bilan de santé contrasté. Si la France compte des champions agro-industriels, des entreprises intermédiaires innovantes très compétitives sur des marchés mondialisés, plusieurs signaux d’alerte montrent que le secteur vit des mutations profondes et souvent douloureuses.
De nombreuses exploitations sont aujourd’hui en détresse, et un agriculteur sur quatre en France vit sous le seuil de pauvreté. Les raisons de cette paupérisation sont bien connues : elles tiennent à la fois à la dérégulation des marchés agricoles et, surtout, à la très inégale répartition de la valeur dans les filières agricoles et alimentaires.
La profession d’agriculteur est le deuxième métier le plus dangereux au monde, avec des conditions de travail difficiles, un isolement fort, des accidents de travail bien trop nombreux. Nous avons, en tant qu’acteurs publics, une responsabilité à assumer face à ce triste constat. C’est la catégorie socioprofessionnelle la plus à risque : la mortalité par suicide chez les agriculteurs est de 20 % à 30 % supérieure à la moyenne de la population. Comme l’a rappelé Henri Cabanel, un agriculteur se suicide tous les deux jours en France ; on ne peut continuer à passer cela sous silence.
Eu égard à l’enjeu humain, ce projet de budget 2019 n’est pas assez ambitieux : relativement stable, il s’inscrit dans la continuité d’une politique menée depuis des années, avec la reconduction de la plupart des dispositifs. Il prend trop peu en compte les grands défis auxquels est confronté ce secteur. Il faut absolument adopter un nouveau regard sur l’agriculture française, changer de paradigme en matière de politiques publiques pour favoriser et mieux prendre en compte la diversité des agriculteurs et des agricultures.
Il convient également de la sécuriser, de la valoriser et de la rendre plus attractive, pour qu’elle soit durable, équitable et performante.
La sécuriser, car 2019 sera sans conteste une année charnière pour l’agriculture, qui fera face à de nombreuses incertitudes, avec notamment la gestion du Brexit, la réduction de 15 % des crédits de la PAC, et une concurrence toujours plus forte, souvent trop déloyale.
La réforme de la fiscalité agricole reste trop frileuse pour sécuriser le secteur agricole. Nous pouvons saluer le dispositif unique de déduction reposant sur la constitution d’une épargne de précaution. Cela permettra d’aider nos agriculteurs à faire face aux aléas de plus en plus fréquents grâce à des outils fiscaux leur permettant d’améliorer leur résilience et leur compétitivité, tout en leur assurant des revenus stables. Nous approuvons aussi le maintien du taux réduit de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques sur le secteur non routier pour l’agriculture.
En revanche, nous ne pouvons, en aucun cas, soutenir la suppression du dispositif d’exonération des charges pour les travailleurs saisonniers. Je salue d’ailleurs la position du Sénat, qui a défendu le maintien en sa forme actuelle au-delà de 2021, et la dernière position de l’Assemblée nationale, qui semble tendre vers un compromis acceptable.
Nous regrettons également la diminution des crédits prévus pour la réserve de crise et considérons qu’il serait souhaitable d’augmenter davantage les fonds à destination des zones à handicap naturel.
Nous souhaitons que soient valorisées nos filières agricoles en soutenant davantage l’enseignement agricole. Le budget restera stable en 2019. Il faut diversifier leurs activités, promouvoir les filières innovantes. Il s’agit de relever le défi et d’anticiper les métiers de demain.
Cette valorisation passe également par une meilleure communication sur la sécurité alimentaire des productions agricoles françaises : les règles sanitaires appliquées sont parmi les meilleures, mais aussi les plus contraignantes au monde. C’est pourquoi il est nécessaire, en parallèle, de renforcer le contrôle des importations. Il est également essentiel de lutter contre le recul du nombre de vétérinaires dans nos campagnes et de revaloriser les organismes gérant la sécurité alimentaire. Nous ne devons plus connaître de crises sanitaires, comme ce fut le cas par le passé.
Nous approuvons le maintien des mesures agroenvironnementales et climatiques. L’agriculture doit être écologiquement responsable et économiquement forte.
Cette agriculture, notre agriculture, nous devons aussi la rendre attractive en mettant en lumière le savoir-faire de nos agriculteurs, en développant des circuits courts, qui répondent aux demandes des consommateurs, en soutenant la recherche et l’innovation, en valorisant des méthodes de production respectueuses de l’environnement, tout en assurant des rendements suffisants.
L’installation des jeunes et la reprise des exploitations doivent aussi être un point essentiel. On constate dans certaines régions, dans la mienne par exemple, une réduction des surfaces agricoles. Dans la Loire-Atlantique, le fort développement des agglomérations de Nantes et de Saint-Nazaire conduit à une pression très forte sur les terres agricoles. La façade maritime et l’activité touristique associée contribuent également à la diminution de la surface agricole utile qui, forte de 457 000 hectares aujourd’hui, se réduit chaque année d’environ 2 500 à 3 000 hectares – il nous faut réagir.
Nos agriculteurs participent activement à la revitalisation des territoires ; ils sont les premiers gestionnaires des ressources naturelles françaises.
Concernant la politique forestière, nous regrettons qu’une trop grande dispersion des financements publics conduise à un manque de visibilité et de cohérence.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra sur les crédits du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », car ils ne sont pas à la hauteur de ces ambitions.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous vivons aujourd’hui une période de transition de notre modèle agricole et de nos habitudes alimentaires. Nous ne devons pas rater ce rendez-vous et nous devons accompagner ces changements vers plus d’agriculture biologique et plus de sécurité sanitaire pour tous.
Aussi, le budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour 2019 a plusieurs ambitions.
Le premier objectif, et le plus important, est de donner à la France les moyens de rester souveraine sur le plan alimentaire. La balance commerciale continue aujourd’hui d’être excédentaire, et nous devons pérenniser cette situation par une montée en gamme de certains produits agricoles, pour obtenir, notamment, de meilleurs débouchés à l’international et assurer le développement d’une agriculture plus productive.
Par ailleurs, le caractère sociétal des débats qui ont lieu depuis maintenant quelques années a changé le paradigme par lequel les politiques, les médias et une grande partie de la population font une approche de l’agriculture et de l’alimentation. Il est devenu indispensable de produire une nourriture de qualité et dont le prix soit juste pour le producteur et l’acheteur.
C’est tout le sens des mesures que le Parlement a adoptées dans le cadre de la loi ÉGALIM, la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, qui permettra à la France d’accomplir les transitions nécessaires.
Ainsi, nous devons tenir compte du mal-être d’une trop grande partie de nos paysans et de nos pêcheurs, qui méritent comme les autres de vivre dignement de leur travail et de leur production.
Au titre de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », le Gouvernement demande l’ouverture de 2, 77 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 2, 86 milliards d’euros en crédits de paiement.
Tout d’abord, la mission que nous examinons aujourd’hui doit se lire en parallèle avec la réforme fiscale prévue dans la première partie du projet de loi de finances pour 2019.
Avec le Parlement, le Gouvernement souhaite, comme il s’y était engagé l’année dernière, simplifier les modalités de recours à l’épargne de précaution afin que les agriculteurs puissent faire face efficacement aux aléas de plus en plus importants auxquels ils sont exposés. En effet, l’article 18 du projet de loi de finances pour 2019 supprime la déduction pour aléas, la DPA, ainsi que la déduction pour investissement, la DPI, et crée la déduction pour épargne de précaution, la DEP.
Le projet de budget que vous soumettez au vote du Parlement, monsieur le ministre, est cohérent et traduit une certaine stabilité par rapport au budget de l’année dernière, puisque celui-ci est sensiblement identique. Comme vous avez déjà pu l’expliquer, la baisse de 500 millions d’euros correspond en grande partie aux allégements de charges sociales, qui sont passées sur le budget de la sécurité sociale, car il ne s’agit pas d’actions de développement agricole évidentes.
Par ailleurs, la provision pour aléas sera ramenée de 300 millions d’euros à 200 millions d’euros, une baisse qui n’affectera pas le développement économique ni l’aide aux agriculteurs et à la transformation de l’agriculture, mais qui s’opère dans une période où nous sommes confrontés à plusieurs crises déclarées, notamment le phénomène de sécheresse, que je n’ai cessé de dénoncer ici même. En cas de nouvelles difficultés, vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à répondre de manière efficacement aux exploitants agricoles en difficulté.
Mes chers collègues, nous pouvons dire que, à périmètre constant, le budget est préservé, et notre ambition est maintenue.
La mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » traduit donc plusieurs ambitions, notamment celle de l’augmentation significative de l’agriculture bio. Plusieurs mesures budgétaires, à l’instar de la loi ÉGALIM, viennent traduire le programme Ambition Bio 2022, présenté en juin dernier par le Gouvernement.
Notons une augmentation pour la redevance pour pollution diffuse et le doublement progressif des moyens du fonds de structuration Avenir Bio, dont l’enveloppe sera portée de 4 millions d’euros à 8 millions d’euros. Notons aussi la subvention attribuée à l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, l’Agence Bio, qui sera portée de 5, 43 millions d’euros à 10, 7 millions d’euros.
Je salue également la volonté de développer l’expérimentation des fermes Dephy, en transférant quelque 450 millions du programme « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture » » au programme « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation ». Par ailleurs, le budget alloué au secteur de la forêt et du bois bénéficie d’une augmentation substantielle de 250 millions d’euros.
À ce budget de 4, 6 milliards d’euros s’ajoutent évidemment les crédits de la PAC – plus de 9 milliards d’euros – et les allégements fiscaux. Cumulés, ce sont 23, 4 milliards d’euros que nous consacrerons l’année prochaine à l’aide directe à l’agriculture, soit une augmentation de 6 %.
Pour conclure, le budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » est à la hauteur des enjeux
Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.
… et il traduit, conjointement avec la loi ÉGALIM, l’ambition d’une transition multiforme : une transition économique, avec l’inversion de la construction du prix, et une transition écologique, en favorisant une agriculture moins consommatrice d’eau et de produits phytosanitaires.
Comme le Président de la République s’y est engagé, la France sortira du glyphosate en 2021.
Exclamations sur les mêmes travées.
Mme Noëlle Rauscent. Il faut maintenir le cap pour que la France soit le leader européen de l’agriculture bio en 2022.
Mêmes mouvements.
Ce budget traduit enfin une transition sanitaire, avec une meilleure traçabilité des produits. Nous devons absolument combattre le développement d’une agriculture à deux vitesses : une agriculture sûre – bio, mais surtout peut-être plus onéreuse – et une agriculture pour les plus défavorisés.
De toute façon, toute la société souhaite parvenir à un « mieux manger ». Le mieux manger pour tous, tel est l’objectif que nous devons avoir.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, loin de moi l’idée de jouer la carte du pessimisme, mais, franchement, nous ne pouvons, encore une fois, que constater que le Gouvernement reste sourd face aux besoins du monde agricole !
Ce désir de raboter en général tous les crédits des missions, comme vous le faites avec la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », ne passe plus auprès des agriculteurs. Dotée de 2, 765 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2, 854 milliards d’euros en crédits de paiement, la mission que nous étudions aujourd’hui connaît une baisse de près de 17 %.
Année après année, le constat amer est le même : vous tournez le dos à nos agriculteurs, aux consommateurs, à l’ensemble de nos concitoyens.
Même si vous répétez inlassablement que la baisse du soutien à l’agriculture via cette mission n’est qu’apparente, car elle est amputée des allégements de charges désormais intégrés au projet de loi de financement de la sécurité sociale, il n’en demeure pas moins vrai que cette baisse ne représente qu’un coût de 272 millions d’euros, et non de 552 millions d’euros comme c’est le cas actuellement !
Je l’ai dit, comme pour d’autres missions, le soutien de l’État passe de plus en plus par des allégements fiscaux et sociaux, aux dépens des soutiens aux crédits, qu’ils soient européens ou nationaux, et cela marque, de fait, le désengagement de l’État.
Nous partageons d’ailleurs le constat des rapporteurs spéciaux, les dépenses de soutien aux exploitations agricoles, absolument nécessaires à la viabilité de nombre d’entre elles, demeurant sans tonus.
Ainsi, tous les programmes connaissent des baisses, mais la plus forte est celle qui porte sur le programme 149, « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture », qui perd 154 millions d’euros.
Pourtant, ce programme concerne les principaux dispositifs structurants de l’agriculture, notamment le cofinancement national des mesures de développement rural de la PAC : soutien à l’élevage dans les zones soumises à des contraintes naturelles, installation des jeunes agriculteurs, accompagnement des projets d’investissement des exploitations agricoles, mesures agroenvironnementales.
En entrant dans le détail des crédits, c’est moins 90 millions d’euros de crédits pour l’action n° 27, Moyens de mise en œuvre des politiques publiques et gestion des interventions. Or cette action regroupe les moyens dévolus aux opérateurs tels que l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO, l’Agence BIO, FranceAgriMer, l’Office de développement de l’économie agricole des départements d’outre-mer, l’Agence de services et de paiement ; la liste n’est pas exhaustive.
C’est moins 8, 4 millions d’euros pour l’action n° 06, Mise en œuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l’alimentation, et moins 18 millions d’euros pour l’action n° 01, Moyens de l’administration centrale.
Monsieur le ministre, c’est encore moins 8 millions d’euros pour les DRAAF, les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, et les DDT, les directions départementales des territoires. C’est toujours moins !
Dès lors, comment croire que ce budget permettrait tout à la fois de mener des actions de développement agricole et d’assurer la préservation de l’environnement, la transition vers l’agroécologie, le développement du bio et la meilleure protection sanitaire possible ? Comment croire qu’il sera possible de toujours faire mieux avec moins, alors que notre agriculture est aujourd’hui sinistrée !
Comme cela a été souligné lors de nombreux débats, vous affichez sur tous les terrains une préoccupation environnementale, mais les actes ne suivent pas ! Ils sont même en parfaite contradiction. La transition, c’est le changement, mais vous supprimez les moyens humains, et ce à tous les niveaux, alors qu’ils sont indispensables pour accompagner les agriculteurs vers l’agroécologie.
Ici même, lors du débat sur le CETA, l’accord économique et commercial global, mais aussi sur le Mercosur ou l’accord avec la Nouvelle-Zélande, nous avions pointé les risques pour certaines filières comme la filière viande, notamment, et nous avions répété nos inquiétudes lors du débat sur le Brexit.
Alors qu’il faudrait renforcer le soutien à nos filières, ainsi que les moyens attribués aux administrations de contrôle, c’est l’option inverse que vous choisissez ! Comment allons-nous, demain, contrôler les dizaines de milliers de tonnes supplémentaires de viande bovine importées du Canada, du Mercosur ou de la Nouvelle-Zélande ? Comment être sûr que ces viandes auront été produites sans antibiotiques, sans hormones, sans alimentation animale issue de sols traités avec du glyphosate ?
D’ailleurs, l’actualité récente nous donne raison, puisque Le Monde a découvert que 150 tonnes d’aliments contaminés par un OGM non conforme aux réglementations européennes à destination du bétail français ont été distribuées à trois fabricants et douze éleveurs. D’après des associations de consommateurs, vingt pays sont aujourd’hui touchés par ces denrées contaminées.
Il faut absolument condamner le manque de traçabilité en Europe : il a fallu plus d’un mois et demi avant que les autorités ne se saisissent du problème et que la société incriminée puisse donner aux États les éléments nécessaires pour retracer les lots infectés. De quoi compliquer ce travail de traçabilité !
Enfin, dans ce contexte de libéralisation croissante des échanges, nous ne pouvons nous satisfaire que la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ait été moins rabotée que les autres. Non, monsieur le ministre, franchement, les agriculteurs ne peuvent se soumettre à l’adage : « Faute de grives, on mange des merles ! »
Notre pays est frappé par un véritable agri-bashing, alors qu’il doit aujourd’hui apporter un soutien réel à l’ensemble du monde agricole, du monde paysan. Comme cela a été rappelé, l’agriculture permet à des femmes et à des hommes de vivre de leur travail et, tout simplement, aux millions de Français de se nourrir. La question de la qualité alimentaire, de l’accès de toutes et tous à cette qualité alimentaire, est un débat qui est encore devant nous.
Ne soyez pas surpris, nous ne voterons bien évidemment pas les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » connaissent une baisse de 16, 5 % par rapport à 2018, diminution qui s’explique par deux facteurs : un rééquilibrage de la provision pour aléas, qui passe de 300 millions d’euros à 200 millions, et un allégement des charges sociales de 400 millions d’euros. Ce budget ne connaît donc pas de diminutions trop importantes dans un contexte budgétaire malheureusement contraint, comme vous le savez.
Il est crucial de conserver les moyens de répondre à la situation encore bien fragile de nombreux exploitants.
Ce budget a quatre objectifs : le soutien à l’agriculture complété par des cofinancements européens ; le renforcement de la prévention et de la gestion des risques sanitaires ; la formation des jeunes, au travers des moyens consacrés à l’enseignement et à la recherche, en particulier l’enseignement agricole dans toute sa diversité ; enfin, la transformation de l’agriculture par l’innovation et sa modernisation, notamment soutenue par le déploiement du volet agricole du Grand Plan d’investissement. J’ajoute que certains dispositifs du PLF traduisent déjà l’esprit de la loi ÉGALIM, récemment promulguée ; je pense, notamment, au doublement des crédits du Fonds Avenir Bio.
À ce titre, il est absolument nécessaire de ne pas décevoir les espérances nées lors des états généraux de l’alimentation, qui doivent pleinement mobiliser le Gouvernement pour faire de la loi ÉGALIM un succès. Ce n’est pas encore gagné, monsieur le ministre ! Cela ne repose bien évidemment pas que sur l’agriculture biologique, cela va de soi.
En effet, ce texte avait pour ambition première d’améliorer le revenu des agriculteurs. Il est important de rappeler que cela repose sur trois facteurs : le prix payé au producteur ; les soutiens européens portés par la PAC, enjeu essentiel sur lequel nous sommes mobilisés ; enfin, le niveau des charges. À ce titre, soyons très vigilants et veillons à ce que le second volet de la loi ÉGALIM n’entraîne pas une progression de celles-ci, neutralisant ainsi les objectifs ! La reconquête du revenu des agriculteurs ne peut se faire, à mon sens, qu’en combinant ces trois éléments.
Je voudrais maintenant évoquer quelques points de ce budget qui me paraissent importants.
Après la suppression programmée du dispositif TO-DE, les débats parlementaires et votre mobilisation ont permis de le maintenir à 1, 15 % du SMIC. Le Sénat a, dans sa très grande majorité, adopté l’amendement, visant à rétablir le dispositif initial, de notre collègue Laurent Duplomb.
Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.
J’avais alors en parallèle proposé un amendement de repli à 1, 20 % du SMIC. Ce point d’équilibre a été adopté en séance publique par l’Assemblée nationale le 27 novembre dernier. Néanmoins, la question de la pérennité de ce dispositif reste en suspens. Il faut maintenir ce dispositif pour donner à nos agriculteurs la possibilité de s’adapter, car il s’agit d’un levier de compétitivité indispensable.
Monsieur le ministre, il est nécessaire d’envoyer un signal fort à ce secteur très fortement exposé à la concurrence internationale.
Par ailleurs, je veux revenir sur la réforme de la fiscalité agricole et, plus particulièrement, sur les dispositions fiscales favorisant l’épargne de précaution, qui permettront à nos agriculteurs de mieux faire face aux situations et d’amortir les aléas, qu’ils soient climatiques, sanitaires ou de marché. Je ne puis que saluer la création d’un tel dispositif, longtemps attendu par la profession, à la fois simple dans sa mise en œuvre et adapté à la situation de chacun.
Ce projet de budget met aussi l’accent sur l’installation et le soutien au renouvellement des générations, un soutien fondamental.
Enfin, concernant la filière bois, je salue l’augmentation des crédits à hauteur de 250 millions d’euros et plus particulièrement l’augmentation du Fonds stratégique de la forêt et du bois de 3 millions d’euros, même si les besoins sont encore plus conséquents.
C’est pour cette raison que je soutiens pleinement l’amendement déposé par notre collègue Anne-Catherine Loisier, pour orienter la taxe carbone, afin de soutenir les investissements nécessaires dans la filière.
En conclusion, une gestion durable de la forêt, les enjeux de la captation du carbone, les biocarburants, la méthanisation, le photovoltaïque, voilà autant de solutions de nature à contribuer à répondre aux nouveaux défis de l’agriculture et de la forêt, mais également à la nécessaire transition énergétique, un domaine fort mal accompagné actuellement, je tiens à le dire, par le ministère de la transition écologique. Nous devons absolument privilégier une écologie de projets et non pas une écologie d’interdiction, perçue comme étant punitive.
Monsieur le ministre, vous aspirez à ce que la France soit « souveraine d’un point de vue alimentaire » et que « son agriculture rayonne dans le monde ». Nous ne pouvons que partager et saluer vos ambitions.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, tout d’abord, à féliciter les rapporteurs spéciaux et pour avis de l’excellence de leur travail. J’illustrerai leurs interrogations en évoquant deux points : la situation de la filière fruits et légumes, ainsi que les conséquences du Brexit sur notre agriculture et la pêche.
La filière fruits et légumes est l’une des plus fragiles de nos productions agricoles, car elle dépend fortement non seulement du contexte climatique et météorologique, mais également de la compétition internationale. Avec 388 000 hectares cultivés en fruits et légumes, 5, 5 millions de tonnes, la France est le troisième producteur de l’Union européenne, loin derrière l’Italie et l’Espagne.
Mon département, le Lot-et-Garonne, fait notre fierté dans ce domaine, mais il est aussi l’un des départements les plus touchés par les problématiques liées à l’emploi des salariés agricoles et par le manque d’eau durant l’été.
Permettez-moi d’insister fortement sur la question des travailleurs saisonniers ; les orateurs précédents s’y sont déjà employés. Depuis plus de trente ans, les employeurs de travailleurs saisonniers bénéficient d’une réduction de cotisations patronales sur les contrats par le biais d’un dispositif spécifique que nous connaissons tous et que vous connaissez aussi, monsieur le ministre, les TO-DE.
Nous avons été nombreux à vous alerter sur ce point, car nous craignons que, sous couvert d’économies budgétaires, les mesures que le Gouvernement propose ne viennent directement affecter la compétitivité de notre économie agricole.
Le coût de la main-d’œuvre française est déjà bien plus élevé que chez nos voisins allemands et italiens, à savoir respectivement de 27 % et 37 %. Il ne faudrait pas encore l’aggraver.
En outre, ce secteur est directement affecté par les aléas climatiques, ceux qui sont liés à l’eau, c’est-à-dire les inondations et la sécheresse. Nous pensons qu’il est nécessaire de revoir la loi sur l’eau, pour faire évoluer nos capacités à créer et à gérer la ressource, tout en continuant à la protéger.
Ces difficultés, particulièrement accrues pour la filière fruits et légumes, entraîneront une perte de souveraineté alimentaire pour notre pays. Or je sais votre attachement à celle-ci, monsieur le ministre, comme d’ailleurs à notre agriculture et à nos agriculteurs.
En outre, j’évoquerai les conséquences du Brexit sur notre pays dans le domaine de la pêche maritime. Après un an de négociations, l’Union européenne et la Grande-Bretagne ont fini par s’entendre sur un projet d’accord de retrait. La politique européenne en matière agricole est essentielle pour la France. Les aides de la PAC représentent près des deux tiers des concours publics à notre agriculture. Nous devons être très vigilants à leur évolution dans la nouvelle politique PAC, mais aussi dans les conséquences du retrait britannique.
Le Conseil européen a adopté dimanche dernier un texte réglant les relations avec Londres pendant une période de transition, qui pourrait se prolonger jusqu’en 2022. Cet accord, qui contient un volet sur les questions de pêche, prévoit un accès aux eaux territoriales britanniques, et les Britanniques resteront soumis aux quotas de pêche européens pendant la période de transition.
Néanmoins, il faudra conclure un accord au plus tard d’ici à la mi-2020 pour régler cette question. Nous pouvons nous associer avec d’autres États membres comme les Pays-Bas pour faire valoir notre position. Je crois que la négociation pourrait se fonder sur les principes d’accès réciproques et sur le maintien des quotas existants. Il faut trouver un équilibre entre les droits de douane, les règles de l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce, et l’accès aux eaux territoriales.
Nous souhaitions, avec mes collègues bretons, vous interpeller, monsieur le ministre, sur ce sujet, car il y va de la survie de la pêche maritime européenne et française.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Ferme France contribue à la richesse de notre pays, avec une balance excédentaire de 6 milliards d’euros, mais celle-ci s’érode d’année en année.
C’est un constat partagé avec mon collègue Daniel Laurent et, j’en suis sûre, de nombreux collègues, nos agriculteurs sont fatigués – certains de mes collègues ont parlé précédemment des suicides. Ils doivent déployer beaucoup d’énergie pour défendre leur métier, alors même qu’il est gage d’indépendance.
Personne ne l’ignore : nous ne vivons pas dans un bocal. Des pays émergents le sont de moins en moins et deviennent des puissances à part entière. L’agriculture française cherche à s’adapter à la mondialisation des échanges, et ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux de l’agriculture de demain.
Bien qu’ils soient en permanence pointés du doigt comme de « présumés pollueurs », les agriculteurs se sont engagés dans la transition écologique en menant des actions concrètes. Ce qu’ils contestent, ce sont les calendriers et les moyens d’accompagnement mis en œuvre, qui ne tiennent absolument pas compte de leur situation économique actuelle.
Face aux phénomènes climatiques, la question de l’efficience des assurances récoltes et les modalités de l’épargne de précaution sont également des sujets importants pour aider les professionnels à surmonter ces épreuves, et ce dans des délais raisonnables.
Depuis 2014, nous n’avons cessé d’intervenir sur la récurrence des retards d’instruction des aides du second pilier. La situation financière des exploitants ne peut supporter de nouveaux dysfonctionnements.
Les propositions de la Commission européenne dans le cadre du Brexit et de la nouvelle PAC sont, vous le savez, inadmissibles.
Sur la question des TO-DE, vous avez indiqué que l’Assemblée nationale aurait le dernier mot – cela tombe bien monsieur le ministre, le Gouvernement y dispose de la majorité ! Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir défendre nos exploitants. À titre d’exemple, je puis vous dire que les Bouches-du-Rhône doivent faire face à la concurrence italienne, espagnole, marocaine, où le coût du travail est nettement inférieur.
Les agriculteurs souhaitent également que leur régime de retraite continue de s’améliorer. Comment ne pas les comprendre ?
Monsieur le ministre, chaque année lors de l’examen du projet de loi de finances ou du salon de l’agriculture, ou à chaque élection présidentielle, nos agriculteurs entendent beaucoup de déclarations d’amour. On évoque souvent le souvenir d’un arrière-grand-père exploitant. Parfois, on va jusqu’à parler d’une jeunesse passée à la campagne…
Permettez-moi de vous le rappeler, monsieur le ministre, en amour comme en politique, il n’y a que les actes qui comptent !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le ministre, il y a un an, votre prédécesseur nous disait que le budget 2018 était la « première étape d’une transformation sans précédent de l’agriculture française ». Nous n’avions pas su alors trouver les nouveautés répondant aux grands enjeux que l’agriculture française doit relever et nous étions abstenus en considérant que l’essentiel restait à faire.
Vous nous avez dit que le budget que nous examinons aujourd’hui, monsieur le ministre, n’était pas le vôtre, mais que vous le défendriez pleinement, ce qui est bien normal.
Le revenu des agriculteurs, l’accompagnement de la transformation agroécologique des exploitations, la compétitivité des filières, la gestion des risques, l’approche de la future PAC : c’est à l’aune de ces enjeux que ce budget doit être apprécié.
Au cours de l’année écoulée, à partir de l’initiative positive des États généraux de l’alimentation, les EGA, vous avez abordé la question du revenu, celle de la qualité de l’alimentation et des plans de filières.
La loi a été promulguée, les ordonnances sur les seuils de revente à perte et les promotions sont prises, les négociations commerciales sont en cours. Pourtant, le doute persiste dans la profession même quant à l’efficacité de ces dispositifs.
Tout en partageant les objectifs du Gouvernement, nous étions sceptiques au sortir de la discussion de cette loi. Nous le sommes toujours et d’autant plus que 1 million d’euros seulement sera consacré à son accompagnement.
La mise en extinction sur une période de deux ans des exonérations de charges patronales pour l’emploi de TODE va considérablement affaiblir des filières comme la viticulture, la filière fruits et légumes et bien d’autres.
Vous envoyez ainsi un signal contraire à votre intention initiale, qui consistait à redonner du revenu aux producteurs. Maintenir ce dispositif est indispensable, quand bien même des allégements de charges s’y ajoutent. La compétitivité des filières concernées ne s’en portera que mieux dans un contexte, vous le savez, où la concurrence sur les coûts fait rage. La transition agroécologique vers des produits de qualité à prix abordable en sera aussi facilitée.
La sortie injuste et injustifiée à ce jour de certains territoires ancestraux de polyculture-élevage des zones défavorisées conduira aussi à des pertes de revenus importantes et à l’arrêt d’exploitations, voire pire. Ce sera le cas dans le Gers pour près de 110 éleveurs, dans l’Aude, dans les Deux-Sèvres, ainsi que dans d’autres départements.
On ne peut l’admettre quand on connaît les territoires concernés, les hommes et les femmes qui y vivent avec autant de peine que de dignité !
Au-delà des dispositifs de sortie déjà annoncés et bien insuffisants, nous avons déposé un amendement ayant pour objet de flécher une augmentation des crédits du PCAE, le plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles, vers les exploitants, ce qui leur aurait permis de maintenir leur activité et leurs revenus, au moins durant une phase transitoire. Cet amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. C’est incompréhensible ! Il ne tendait pourtant pas à aggraver les charges de l’État ou à réduire pas ses ressources !
Par ailleurs, nous pensons que les primes des éleveurs qui restent dans le dispositif baisseront sensiblement. Vous nous direz peut-être ce qu’il en est exactement de leur situation, monsieur le ministre.
Henri Cabanel et moi-même avons travaillé ensemble sur le développement d’outils de gestion des risques. Le texte voté à l’unanimité sur ces travées pourrait utilement être repris, afin de soutenir les revenus agricoles. Vous nous avez dit vouloir avancer sur ce sujet, et nous nous en réjouissons. Mais pourquoi votre budget baisse-t-il les crédits de la réserve pour aléas de 100 millions d’euros, quand, de surcroît, on sait que les 200 millions d’euros restants seront affectés aux apurements communautaires ?
En matière de soutien à la transition agroécologique, la dotation accordée au PCAE diminue de 8 millions d’euros et de 27 % en deux ans, soit une baisse de près d’un tiers. Quel signal voulez-vous envoyer en la matière ?
En ce qui concerne l’Europe, vous nous avez assuré de votre intransigeance à l’égard d’une éventuelle baisse du budget de la nouvelle PAC. Comment allez-vous compenser la diminution des aides annoncée, qui est de 15 % en euros constants, pour que le revenu agricole n’en soit pas affecté ? D’ores et déjà, les effets du Brexit sont sensibles : les 40 équivalents temps plein travaillé que vous prévoyez pour le contrôle des importations anglaises nous paraissent très loin des besoins estimés par les autorités concernées, à savoir 80 ETPT.
Monsieur le ministre, indépendamment de la diminution d’environ 300 millions d’euros de ses crédits, à périmètre constant, et malgré des mesures bienvenues en matière fiscale, ce budget 2019 ne prend pas, ou pas assez, en compte les grandes difficultés des filières, des territoires, des hommes et des femmes.
L’issue du débat déterminera notre appréciation sur cette mission. Nous regrettons cependant que, au titre d’une interprétation très restrictive de l’article 40 de la Constitution, qui ne nous convainc absolument pas sur le fond, certains de nos amendements, pourtant importants, car ils permettaient de prendre en compte les problèmes de nombreux agriculteurs, n’aient même pas pu être discutés. Et je reconnais volontiers, monsieur le ministre, que ce n’est pas de votre fait.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde l’a dit : le budget alloué à l’agriculture n’est pas à la hauteur des enjeux et ne correspond aux besoins ni de l’agriculture ni des agriculteurs français.
Pourtant l’agriculture va mal ! Je voudrais, au moment du vote de ce budget, que l’on n’oublie pas les premiers intéressés : un tiers d’entre eux ne gagne pas la moitié du SMIC, un autre tiers gagne à peine le SMIC, un dernier tiers seulement, tout en travaillant souvent plus de soixante-dix heures par semaine, gagne à peu près convenablement sa vie.
Dans le même temps, nos agriculteurs sont accusés de tous les maux. On les accuse d’être des paysans-pollueurs, qui abîment les sources, la nature, les aliments, alors qu’ils ont consenti d’énormes efforts pour pratiquer une agriculture raisonnée et produire des aliments français, …
… aujourd’hui concurrencés par des aliments qui viennent du monde entier et peuvent entrer dans notre pays quasi librement, sans avoir à respecter les normes de production française.
On les accuse aussi d’être des agriculteurs-bourreaux, alors que tout le monde connaît le soin et l’amour que les agriculteurs portent à leurs animaux, et l’on voit l’association L214 mettre le feu aux abattoirs en toute impunité. Comment peut-on ignorer le massacre des loups dans les troupeaux d’ovins, parfois même dans des troupeaux de bovins ? On m’a ainsi rapporté le cas d’un veau naissant, attaqué par un lynx et laissé à l’agonie pendant toute une nuit.
Aujourd’hui, les agriculteurs en ont ras le bol ! Si ce n’était pas suffisant, et vous le savez tout autant que moi, monsieur le ministre, ils subissent une administration omnipotente, qui n’est même plus capable de gérer les règles qu’elle a fixées et de payer les agriculteurs, tant la complexité de ces règles provoque des bugs informatiques.
Aujourd’hui, nombre d’entre eux n’ont toujours pas reçu leurs primes de 2016 et de 2017, alors que l’on sait très bien qu’une partie des réserves de ce budget va servir à payer des pénalités à l’Europe. Ce ne sont pourtant pas les agriculteurs qui sont responsables de ces pénalités. C’est plutôt le ministère qui est incapable de gérer l’agriculture française. Il va donc falloir se ressaisir, et rapidement !
Face à ce malaise paysan, il va falloir apporter un certain nombre de réponses : des réponses pour mettre une barrière à la concurrence des produits qui ne respectent pas les normes françaises et élaborer une loi-cadre pour l’agriculture française, qui fixerait les règles du jeu entre les agriculteurs et les consommateurs français.
N’oublions pas que nos agriculteurs nourrissent tout un pays et qu’ils ont l’impression, aujourd’hui, que ce pays leur en veut.
Il ne faut pas céder à un public de « bobos écolos ».
Marques d ’ approbation sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Les agriculteurs sont prêts à produire des aliments de qualité, il faut simplement leur donner un peu de temps et quelques moyens.
Ces moyens, on ne les trouve pas dans ce budget, mais vous venez d’arriver aux responsabilités, monsieur le ministre, …
M. Pierre Louault. … et les agriculteurs ont confiance en vous. Vous ne devez pas les décevoir !
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
Le temps qui vous était imparti est écoulé, mon cher collègue.
La parole est à M. Daniel Gremillet.
Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les précédentes interventions ont relayé un message et des interrogations sur la gravité de la situation dans laquelle se trouvent notre agriculture, nos territoires et nos entreprises agroalimentaires.
Pour ma part, je voudrais avoir une pensée pour les événements qui sont en train de se dérouler sur nos territoires en ce moment. La situation est très grave, elle interroge ; je ne voudrais pas qu’elle soit oubliée en cet instant, parce qu’elle nous concerne tous de la même manière.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.
Monsieur le ministre, lors de votre audition, vous avez commencé votre propos en déclarant que ce budget 2019 n’était pas le vôtre, puisque vous étiez encore dans nos rangs au moment où il a été conçu. J’ai bien compris que vous étiez devenu ministre alors que la construction budgétaire était effectivement déjà quasi finalisée.
Toutefois, je le répète, il y a un an, nous avons entendu des engagements du Président de la République lors du discours de Rungis. Nous avons également connu les États généraux, qui ont fait naître des espérances, qui ont fait travailler, qui ont suscité beaucoup d’agitation dans nos territoires, dans le cadre notamment des ateliers, et qui auraient normalement dû permettre d’aboutir à un texte satisfaisant.
Ce texte a été discuté et voté ici au Sénat, mais le travail des sénateurs a été malmené par le Gouvernement et l’Assemblée nationale. Ainsi, monsieur le ministre, on se rend compte aujourd’hui que le budget 2019, qui devrait normalement mettre en œuvre les dispositions votées dans la loi ÉGALIM, n’a ni cette ambition ni cette perspective.
Vous avez rendu des arbitrages sur la formation des prix dans le cadre de ce texte. Je serai bref sur ce point, car mes collègues y reviendront. Les négociations ont commencé, et je crains que, au mois de janvier ou de février prochain, puisque la fin des négociations commerciales a lieu au mois de février 2019, les espérances du monde rural, celles du monde paysan, mais aussi, quelque part, celles des Français, ne soient déçues.
Je prendrai un autre exemple, celui du titre II de la loi ÉGALIM, qui a créé des charges nouvelles pour notre agriculture. Là encore, on aurait pu espérer que ce budget 2019 prenne en compte ces contraintes nouvelles, cette modernisation qui a été imposée à l’agriculture française, mais pas aux produits alimentaires importés du reste de l’Europe ou d’ailleurs.
Je reconnais, monsieur le ministre, que la ligne budgétaire pour la modernisation de notre agriculture n’est pas en baisse, puisque les crédits augmentent de 2 %. Mais quand on sait le défi qui est lancé à l’agriculture, aux paysans et aux entreprises, on comprend que ce n’est pas une telle hausse qui nous permettra de répondre aux besoins et de régler les situations de distorsion de concurrence !
Je crains sincèrement que le budget 2019 ne mette pas en valeur la Ferme France et que le consommateur ne retrouve pas dans son assiette les promesses qui lui avaient été faites s’agissant des « exigences à la française ».
M. le ministre rit.
M. Daniel Gremillet. C’est vrai ! Monsieur le ministre, pour conclure, j’espère que vous n’oublierez pas les propos que vous teniez ici en tant que sénateur.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le ministre, pour apprécier le budget que vous nous présentez aujourd’hui, je partirai du même point que mon collègue Franck Montaugé : le budget 2018 devait être la « première étape d’une transformation sans précédent de l’agriculture française ».
En jetant un œil dans le rétroviseur sur les avancées engrangées depuis ce budget, on se dit que, à ce rythme-là, la transformation prendra du temps ! Or du temps, nous n’en avons guère, puisque, selon une récente étude du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, le CIRAD, et de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, tous les indicateurs sont à l’orange.
Ces deux grands organismes de recherche agronomique ont travaillé sur cinq scénarios d’évolution possible d’usage des terres. Un seul de ces modèles permet de concilier tous les impératifs : préservation de l’environnement, atténuation du changement climatique, garantie d’une alimentation saine et suffisante, développement rural plus inclusif.
Si vous souhaitez réellement aller vers une transformation sans précédent de notre agriculture, c’est sur la voie étroite, certes, mais praticable que ces organismes décrivent, qu’il faut vous engager. Or ce budget semble s’inscrire dans la stricte lignée du précédent : nous n’y trouvons ni les réponses aux grands enjeux de demain ni les solutions aux problèmes d’aujourd’hui.
L’urgence, nous le savons tous, est de garantir un métier rémunérateur aux agriculteurs. Comme l’a justement souligné Franck Montaugé, la question du revenu est l’un des principaux motifs de déception de la loi ÉGALIM, après l’espoir qu’avaient suscité les États généraux l’année dernière.
Avec la suppression programmée de l’exonération des charges patronales pour l’emploi des travailleurs saisonniers, les TO-DE, vous allez encore fragiliser des filières entières. Des voix se sont élevées toute une après-midi sur toutes les travées de cet hémicycle pour vous en faire la démonstration.
Vous nous aviez répondu que, bien qu’il soit sympathique, le dispositif que nous adoptions ne pourrait pas tenir à l’Assemblée nationale. Et plutôt que d’essayer de convaincre les députés de ce que les sénateurs vous avaient fait remonter à l’unanimité, monsieur le ministre, vous vous êtes empressé d’émettre un avis favorable sur l’amendement du rapporteur de l’Assemblée nationale qui tend à éteindre cette exonération en 2021, ce qui est bien dommage.
Puisque vous voulez vous poser en « bouclier » contre l’agri-bashing – cet anglicisme n’est évidemment pas de moi –, vous devriez peut-être commencer à le faire quand vous êtes face aux députés de votre majorité
Mme Sophie Taillé-Polian applaudit.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.
Cette après-midi encore, nous vous ferons objectivement des propositions concrètes et pragmatiques pour améliorer la situation économique de nos exploitations.
Puisque l’avenir se prépare aujourd’hui, nous vous proposerons de rétablir les dotations allouées aux jeunes agriculteurs, qui sont en baisse de 1, 3 million d’euros en autorisations d’engagement ; elles apparaissent certes en augmentation de 12 millions d’euros en crédits de paiement par rapport à l’an dernier, mais c’est uniquement pour couvrir les restes à payer des prêts bonifiés supprimés en 2017 !
Aussi la diminution de 1, 3 million d’euros en autorisations d’engagement marquerait un coup d’arrêt pour l’année prochaine. Cumulée à celle de l’année précédente, elle correspondrait à une baisse de 3, 8 millions d’euros en deux ans, soit 7 % de moins par rapport à 2017.
L’installation et le renouvellement des générations sont des problématiques majeures quand il est question de l’avenir de notre agriculture. C’est pourquoi il faut absolument maintenir les efforts financiers dans ce domaine.
Il manque dans ce budget des mesures volontaristes pour répondre aux difficultés de trésorerie que connaissent de nombreuses exploitations. Aussi, je voudrais vous faire une proposition très simple à mettre en œuvre : le versement mensualisé des aides du deuxième pilier de la PAC.
Vous avez reconnu lors de votre audition que l’État était aujourd’hui défaillant en matière de versement des aides. Comme mon collègue l’a rappelé, les aides dues au titre de l’année 2016 ne seront versées qu’au début de l’année 2019 en même temps que les aides de l’année 2017.
Toutefois, au-delà de cette défaillance, un versement différé l’année N+2 n’est pas satisfaisant. C’est pourquoi je vous propose de réfléchir à la mise en place d’un paiement mensualisé d’une partie de l’aide annuelle sur les dix premiers mois de l’année : ce serait une bouffée d’oxygène pour les trésoreries des exploitations, et les deux derniers mois de l’année permettraient un ajustement par rapport à l’aide recalculée.
Dans le même ordre d’idée, nous avons voté en première partie du projet de loi de finances un amendement, qui tend à verser 60 % du crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique dès le mois de janvier, afin de prévenir les effets du prélèvement à la source sur ces exploitations. J’espère que cette mesure ne sera pas détricotée à l’Assemblée nationale avec votre appui, monsieur le ministre.
Pour rester sur cette question, je voudrais revenir sur la suppression des aides à la conversion et au maintien de l’agriculture biologique. Vous n’aviez pas répondu à ma question lors de votre audition devant la commission des affaires économiques, ici même, au Sénat.
Aussi, je vous la repose très clairement : quelle différence faites-vous entre ces aides au maintien de l’agriculture biologique et la prime au maintien de vaches allaitantes, par exemple, ou la prime à la brebis ? Pourquoi, d’après vous, le marché doit-il s’équilibrer pour certaines filières, et pas pour d’autres ?
Ces derniers temps, les préoccupations de nos concitoyens en matière de qualité et de sécurité alimentaires, ainsi que leur attention à l’impact environnemental de ce qu’ils consomment, se font plus fortes que jamais. Le modèle de production de l’agriculture biologique constitue l’une des réponses à ces attentes. Les aliments biologiques ne sont pourtant toujours pas accessibles à toutes les bourses : la suppression de ces aides, qui permettaient de rendre ce type d’aliments plus abordable, ne va donc pas dans le bon sens.
Je vous le répète, monsieur le ministre : vous aviez dit ici – nous l’avons tous entendu, puisque nous vous l’avons tous rappelé ! – que vous défendriez ce budget préparé par votre prédécesseur comme si c’était le vôtre. Cela peut se comprendre, mais entre votre prédécesseur et vous, il y a eu la démission de Nicolas Hulot et la sonnette d’alarme qu’il a tirée !
M. Jean-Claude Tissot. J’en termine : monsieur le ministre, qu’allez-vous apporter de différent dans ce ministère, notamment pour hâter la nécessaire transformation de notre modèle agricole ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour 2019 laissent une impression mitigée, entre le très peu de positif et une grande déception.
Le monde agricole a des défis à relever, chacun en convient. Or les actes ne sont pas à la hauteur des engagements pris.
Monsieur le ministre, je voudrais manifester ma préoccupation et mon inquiétude pour la dotation de réserve pour aléas climatiques et problèmes sanitaires, qui est en baisse de 100 millions d’euros. L’enveloppe diminue malgré les difficultés actuelles. Les aléas sont de plus en plus fréquents et importants : c’est le cas cette année avec la sécheresse, qui va causer de lourds préjudices. Il est regrettable que la ligne ouverte en 2018 ne serve pas à accompagner les éleveurs, qui subissent de plein fouet les effets de la crise.
Une grande partie de l’agriculture française sinistrée par la sécheresse doit faire face à une situation sans précédent. Certes, comme vous l’avez dit en commission, monsieur le ministre, des aides exceptionnelles sont prévues, mais les compensations versées seront-elles à la hauteur et dans quel délai ? Pour certains départements comme le Jura, par exemple, la première coupe de fourrage a été correcte ; ensuite, hélas, pas de regain et des pâturages complètement grillés ! Envisagez-vous de prendre en compte les pertes liées aux pâturages, monsieur le ministre ?
La réserve pour aléas ne couvre en fait aucun aléa agricole, puisqu’elle sert à financer les apurements communautaires. Nos rapporteurs estiment d’ailleurs à juste titre que cette provision est un alibi, qui vise à masquer des coupes budgétaires. En 2018, quelque 94 % des dépenses de la réserve ont servi au paiement des refus d’apurement communautaire. Cette réserve de crise est en réalité une auto-assurance de l’État financée par des économies réalisées au détriment des agriculteurs. Voilà la vérité ! Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous rassuriez nos agriculteurs, de plus en plus confrontés aux aléas de toute nature.
Notre agriculture est soumise également à des risques sanitaires, comme, en ce moment, le risque de propagation de la peste porcine. Hélas, ce n’est pas la pose de clôtures électriques de part et d’autre de la frontière qui arrêtera le virus ! On voit ici que la notion d’aléa va devenir de plus en plus cruciale.
En lien avec les problèmes sanitaires, je souhaiterais soulever le problème des déserts vétérinaires. En effet, les futurs vétérinaires choisissent de plus en plus fréquemment les soins pour animaux domestiques, délaissant la pratique en élevage. Que prévoyez-vous, monsieur le ministre, pour lutter contre ce phénomène ?
Mme Marie-Christine Chauvin. Nos agriculteurs travaillent dur pour nous nourrir et assurer notre indépendance alimentaire. Ils méritent notre reconnaissance et notre soutien. Les crédits de la mission qui sont présentés aujourd’hui ne me paraissent pas à la hauteur des enjeux agricoles à venir. Aussi je ne voterai pas ces crédits, monsieur le ministre !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre, je tiens tout d’abord à vous dire que, en tant qu’ancien président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, j’ai beaucoup de plaisir à voir qu’un membre éminent de cette commission soit au banc des ministres, en tant que ministre de l’agriculture.
Nous avons entamé l’examen du budget de l’agriculture. Il est vrai que l’on observe une baisse globale des crédits de la mission de 260 à 300 millions d’euros, ce que nous ne pouvons toutes et tous que regretter. Toutefois, je veux rappeler devant mes collègues que l’agriculture vit une crise structurelle qui dure depuis plusieurs années. Elle n’émane pas de votre gouvernement, monsieur le ministre.
Si nous observons les chiffres des dernières années, on voit que, en 2017, le revenu mensuel moyen d’un tiers des agriculteurs était de 360 euros ; c’est une moyenne, ce qui veut dire que certains agriculteurs gagnaient peut-être 500 euros, alors que d’autres n’avaient peut-être pas de revenus du tout. Un autre tiers gagnait moins de 1 000 euros par mois et un dernier tiers parvenait à dégager un revenu convenable.
C’est cette situation qu’il faut prendre en compte. Sur la période 2007-2018, le secteur de l’agriculture a connu de nombreux suicides. Je vous rends hommage, monsieur le ministre, parce que vous avez insisté vis-à-vis de l’opinion publique dès votre prise de fonction sur cette question dont votre prédécesseur n’avait jamais pris conscience.
La situation du monde agricole est inacceptable. On observe les baisses de crédits du ministère. Les aides de la PAC qui s’élèvent à près de 9 milliards d’euros et qui permettent aujourd’hui de compenser les difficultés vont vraisemblablement baisser.
En 2018, nous n’avons pas encore les comptes des exploitations, mais, en examinant la trajectoire du premier semestre de cette année, on voit que les exploitations agricoles, surtout celles qui sont spécialisées dans l’élevage, ont une trésorerie très faible et ont des problèmes de financement.
En plus du reste, la sécheresse a posé un problème majeur aux agriculteurs, qui n’avaient plus aucun moyen de trouver des aliments pour leurs animaux faute de trésorerie, même si, parallèlement, les collectivités locales se sont mobilisées pour leur apporter des concours financiers.
On voit bien que les dispositions prises vis-à-vis de l’agriculture par le ministère, que ce soit l’exonération de la taxe sur le foncier non bâti ou le fonds de garantie des calamités agricoles, ne sont que des palliatifs par rapport à une crise structurelle.
Monsieur le ministre, le Président de la République a fait une déclaration importante, indiquant vouloir redonner du pouvoir d’achat aux agriculteurs, c’est-à-dire un revenu décent.
Vous étiez présent dans l’hémicycle lors de l’examen de la loi ÉGALIM : ce que nous avons pu constater, c’est que l’objectif qui devait être atteint dans le cadre de la contractualisation après un accord entre les différentes professions n’est pas assez ambitieux. Ici, au Sénat, nous avons regretté que l’on ne puisse prendre en compte l’observatoire de la formation des prix et des marges de FranceAgriMer. Tous ces éléments sont importants pour l’avenir de notre agriculture.
Monsieur le ministre, il faut que vous fassiez valoir que l’agriculture est un patrimoine national. L’agriculture couvre 50 % de la superficie de notre territoire. Comme vous êtes responsable du budget qui lie l’agriculture et la forêt, on peut même parler d’un espace couvrant 80 % du territoire. Il offre une qualité environnementale à nos concitoyens, mais aussi une qualité en termes alimentaires.
Monsieur le ministre, les agriculteurs ne vous demandent pas de faire 35 heures par semaine – ils travaillent plutôt 70, 80 ou 100 heures –, mais simplement de leur assurer à l’avenir un revenu décent, qui leur permette de faire vivre leurs familles correctement.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier les différents orateurs de leurs interventions.
On peut, évidemment, ne pas souscrire à ce budget – il me semble, d’ailleurs, que le Sénat ne le votera pas. Mais il y a bien une chose que nous partageons : notre passion pour l’agriculture, pour les agriculteurs et les agricultrices, et la volonté, commune sur toutes ces travées, que l’agriculture se porte mieux demain.
Ce n’est pas simple ! Nous y travaillons, chacun, indépendamment des gouvernements ou des sensibilités politiques, depuis de très nombreuses années. Pourtant le constat est là : le revenu des agriculteurs ne cesse de diminuer depuis vingt ans. C’est la réalité !
Les lois successives – loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, dite « LMAP », loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, loi ÉGALIM – n’y ont rien changé.
On ne peut se réjouir de cette situation. C’est pourquoi j’ai besoin de la représentation nationale, du Sénat et, en particulier, des trente-quatre sénateurs qui sont agriculteurs et qui connaissent bien ce métier. J’ai envie de leur demander : que peut-on faire, ensemble, pour aller encore plus loin que toutes les lois votées, pour améliorer ce revenu des agriculteurs et des agricultrices, qui ne fait que régresser depuis vingt ans ?
Vous avez été plusieurs à reprendre mes propos en commission. Oui, ce budget n’est pas le mien, mais je le fais mien ! Je l’assume totalement, car il répond à la situation actuelle de l’agriculture française. C’est la traduction chiffrée d’une politique, et non l’inverse.
Vous connaissez ma vision globale. Il faut que la France conserve son haut niveau de souveraineté alimentaire, dont nous pouvons toutes et tous être fiers, et que son agriculture rayonne dans le monde.
C’est le cas aujourd’hui ! Notre balance commerciale est encore excédentaire, même si, comme cela a été souligné précédemment, cet excédent diminue depuis plusieurs années, et ce mouvement doit être enrayé. Dans le même temps, il faut produire une nourriture de qualité, au juste prix pour celui qui produit et pour celui qui consomme. Or, depuis plusieurs années aussi, la situation n’évolue jamais en faveur des producteurs.
Aussi, ces crédits permettront d’accompagner les transitions qui ont été évoquées : économique, écologique, sanitaire et sociale. Ils sont suffisants pour développer la filière bois et améliorer la sécurité sanitaire.
Je partage tous les constats dressés au cours de cette discussion générale ; je n’ai rien à y redire. J’ajoute que si ce budget avait été augmenté de 30 %, 40 % ou 50 %, l’on aurait su quoi en faire – c’est, bien sûr, valable pour toutes les missions.
Pour autant, le budget que je défends aujourd’hui devant vous, s’il baisse de 500 millions d’euros en valeur comptable, ne compte, en réalité, en termes de politique effective de développement agricole, pas un centime de moins. En effet, les 400 millions d’euros qui sont transférés sur le PLFSS, ce n’est pas de l’argent en moins pour l’agriculture française. Les 100 millions d’euros de provision pour aléas – j’y reviendrai dans un instant en évoquant la sécheresse –, ce n’est pas de l’argent en moins pour gérer les aléas !
Ce budget est conçu pour relever les défis majeurs de notre agriculture.
Il s’agit de donner un avenir à l’agriculture et de faire du métier d’agriculteur un métier d’avenir.
Il s’agit de faire en sorte que, demain, notre agriculture soit rémunératrice pour les agriculteurs, et – vous avez eu raison de le souligner, sur toutes les travées – c’est loin d’être gagné.
Il s’agit de faire en sorte que, demain, nous puissions amplifier encore cette transition agroécologique que tous appellent de leurs vœux, à commencer par les paysans.
Il s’agit de faire en sorte que, demain, notre haut niveau de sécurité sanitaire soit maintenu.
La provision pour aléas créée en 2018 a été évoquée. Voici les chiffres pour cet exercice 2018 : les apurements communautaires s’élèvent à 178 millions d’euros ; les contentieux représentent 9 millions d’euros ; une somme de 25 millions d’euros est mise sur la sécheresse et 50 millions d’euros sont reportés sur 2019.
En 2019, la totalité de la dotation pour aléas sera consacrée à ces derniers, notamment à la sécheresse. Ce ne sera évidemment pas suffisant, car l’on peut d’ores et déjà considérer que les sommes attribuées à la gestion de cet épisode de sécheresse seront plus proches de 400 millions d’euros que des 200 millions d’euros inscrits au budget. C’est dire s’il faut faire la différence entre la comptabilité publique, ce que l’on inscrit dans un budget, et la volonté politique, c’est-à-dire ce que l’on donne réellement à l’agriculture lorsque celle-ci est touchée.
S’agissant des paiements liés à la politique agricole commune, la PAC, je l’ai dit publiquement, que ce soit à l’Agence de services et de paiement, l’ASP, ou au cours des auditions à l’Assemblée nationale ou au Sénat, il est anormal – c’est une défaillance de l’État – que ces aides ne puissent pas être payées en temps utile, c’est-à-dire au bout d’un an ou d’un an et demi.
L’administration est en échec, et elle n’aime pas que l’on lui dise. Ce n’est pas uniquement de sa faute, d’ailleurs. La complexité est trop grande ! Quand il faut un jour et demi à un agent de la direction départementale des territoires, la DDT, pour étudier un dossier de demande d’aides, ce n’est pas possible ! On compte 9 000 critères ; il faut réduire ce nombre.
Marques d ’ approbation sur les travées du groupe Les Républicains.
Je sais pouvoir compter sur vous dans cette affaire.
Aujourd’hui, le taux sur le premier pilier atteint 99 %. En revanche, sur le deuxième pilier, l’engagement pris par le Gouvernement en juin dernier ne sera pas tenu. Je ne m’en suis pas caché, par souci de transparence : toutes les aides PAC du deuxième pilier, notamment en bio, ne seront pas payées avant la fin de l’année, mais engagement a été pris au niveau de l’ASP pour qu’elles le soient dans les deux premiers mois de l’année 2019.
Avant d’en venir au budget en lui-même, permettez-moi de m’arrêter un instant sur les propos, très justes, que Franck Montaugé a tenus avec beaucoup de conviction. Aujourd’hui, les agriculteurs et les agricultrices de France sont dans la peine, et cela – je leur rends hommage pour cela – dans la dignité. La situation est dramatique.
C’est pourquoi je veux dire à nouveau, même si c’est du patois breton, alsacien ou bourguignon, que l’agri-bashing n’est plus possible ! Cet agri-bashing, ce n’est pas le Gouvernement qui l’entretient, ni les parlementaires ; il est le fait de la société tout entière.
Pour ma part, je ne laisserai jamais traiter un paysan de pollueur ! Je ne laisserai jamais traiter un paysan d’empoisonneur ! Je me suis rendu à Rethel, dans les Ardennes, pour rouvrir un abattoir. Je n’ai pas peur de dire que nous avons besoin d’une filière d’élevage et d’abattoirs qui fonctionnent bien, en toute sécurité.
Quoi qu’il arrive, le Gouvernement soutiendra les agriculteurs face à cet agri-bashing, …
… car celui-ci n’est plus supportable.
Dernièrement encore, j’ai réagi à la publication d’une organisation sur ce que l’on appelle les « fermes usines ». Que ce soit au Gouvernement ou ici, nous défendons, toutes et tous, la tradition des exploitations familiales. Certaines entreprises agricoles sont plus grandes que d’autres. Mais une exploitation agricole comptant six ou huit salariés associés et cent à cent cinquante têtes de bétail, ce n’est pas une ferme usine ; c’est une exploitation familiale, avec des associés ! Je veux le dire avec force, ici, devant la représentation nationale.
De même qu’ils sont ulcérés par l’agri-bashing, les agriculteurs sont aujourd’hui fatigués par toutes ces crises, que, malgré les années, on ne parvient pas à régler. Ainsi, ayant par le passé cosigné un texte de loi sur la gestion des aléas en agriculture, je souhaite que nous puissions, dans les mois à venir, remettre l’ouvrage sur le métier.
Comme je l’indiquais à l’instant, le Gouvernement a pris la mesure de la situation actuelle, eu égard à la sécheresse. Il aidera, autant que faire se peut, les agriculteurs. Je rappelle le chiffre annoncé – autour de 400 000 euros selon les prévisions actuelles. J’ai reçu un certain nombre d’acteurs, notamment le président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, l’APCA, qui compte engager un travail collectif pour avancer sur la question.
Enfin, les agriculteurs sont inquiets pour leurs revenus, et c’est le point essentiel qui doit nous occuper ici. Les négociations commerciales sont ouvertes. Elles dureront trois mois et, vraisemblablement, leur résultat sera le même que d’habitude.
Je veux le dire à cette tribune de la Haute Assemblée, ce n’est pas possible ! Non, on ne peut pas envisager que les négociations commerciales se passent comme celles des années passées ! Si tel est le cas, il faudra s’attendre à des fermetures d’exploitations agricoles par centaines, voire à pire, et moi, je ne veux plus entendre parler – Jean-Paul Émorine a eu la gentillesse d’évoquer le sujet – d’un suicide de paysan tous les deux jours, tous les cinq jours ou toutes les semaines.
C’est pourquoi, dès la semaine prochaine, je vais réunir l’ensemble de la filière, de l’amont à l’aval, – producteurs, transformateurs, industriels, distributeurs –, et, avec mon collègue de Bercy, nous allons mettre la pression sur ces négociations commerciales.
Plusieurs orateurs ont fait remarquer que la loi ÉGALIM n’avait pas produit ses effets. C’est forcé, car cette loi n’est pas encore en application. Les ordonnances ne sont pas prises. Par ailleurs, ces dispositions seront-elles suffisantes ? Je ne sais pas, mais j’ai la ferme volonté d’avancer, et le Gouvernement ne cessera pas de défendre le revenu des agriculteurs.
Sur la question de l’Europe, les agriculteurs sont crispés. Ils ont l’impression que celle-ci n’est pas vraiment pour eux, en dépit des quelque 9, 5 milliards d’euros d’aides. En effet, le poids des normes et des contrôles leur semble chaque fois plus lourd.
Par ailleurs, la France est bien prête à affronter le Brexit, qu’il soit plus ou moins dur. Des postes ont déjà été créés dans les services de douane et les services vétérinaires, mais ce n’est pas dans ce budget que les autres postes seront ouverts. Nous examinerons la question avec le coordinateur national Brexit et, évidemment, l’État sera amené à recruter du personnel pour les contrôles douaniers ou vétérinaires.
Ce budget entend aller dans le sens du développement économique, avec une ambition : non pas mieux avec moins – je réponds à Mme Cécile Cukierman –, mais mieux avec autant ! Ce budget n’est pas en déprise ; il présente un montant inchangé par rapport à l’année dernière.
L’agriculture biologique a beaucoup été évoquée. Nous avons fait le choix de mettre tout le paquet sur la conversion, plutôt que sur les aides au maintien. Nous pensons, en effet, que la transition vers l’agroécologie ne peut se faire uniquement via des aides sur cinq ans, mais qu’il faut encourager, aussi, les jeunes à se tourner vers le bio. À ce titre, j’ai pris l’engagement, devant le syndicat des jeunes agriculteurs, les JA, et l’ensemble de la profession, que les aides à l’installation ne seraient pas revues à la baisse en cas de réduction des recettes liée à l’actuel épisode de sécheresse.
Pour répondre au rapporteur spécial Alain Houpert, le budget du fonds Avenir bio a été doublé ; le plan Ambition bio est doté de 1, 1 milliard d’euros. On ne peut donc pas dire que rien n’est fait en matière d’agriculture biologique.
Je ne veux pas m’appesantir sur toutes les mesures fiscales. Vous savez très bien l’utilisation que nous ferons du Grand Plan d’investissement. Les baisses fiscales seront très fortes. Nous voulons aider à la compétitivité des entreprises de transformation alimentaire.
Quant à l’épargne de précaution, ce n’est pas rien ! La simplification était demandée par la profession ; elle a été mise en place dans ce budget. Certes, il sera compliqué d’épargner, pour ceux qui subissent actuellement la sécheresse et d’autres aléas, mais cette épargne de précaution est bien inscrite dans le budget. Il faudra avancer sur le sujet, car cela aura un effet positif dans de nombreux secteurs.
Plusieurs questions ont été posées à propos du secteur forêt-bois. Le 16 novembre dernier, un plan d’action concernant la filière a été présenté et un contrat de filière signé. Pour répondre aux inquiétudes exprimées sur l’ONF, je réaffirme ici que cet organisme public est un formidable outil, que nous devons conserver. Son modèle économique est très fragile – deux orateurs ont évoqué une dette exorbitante et un problème de gouvernance. Nous travaillons actuellement sur le sujet et serons à même de faire des propositions dans les semaines à venir. Franck Menonville a eu la gentillesse de signaler que plus de 250 millions d’euros dotaient ce fonds.
L’objectif en matière de politique sanitaire – je m’adresse plus particulièrement à Mme Françoise Férat – est de répondre aux enjeux de santé publique et de protéger notre agriculture. La France est en avance sur tous les autres pays dans ce domaine – ce n’est pas forcément rassurant ; on préférerait sans doute voir certains pays progresser également. Elle promeut l’interdiction de certains produits phytosanitaires, et ses propositions sont souvent suivies. Je pense, notamment, à la récente interdiction du méthamsodium.
Nous comprenons la crainte qui s’exprime à propos des accords internationaux. C’est précisément pour cette raison, du fait d’une trop grande disparité avec les pays composant cet ensemble, que la France refuse de signer les accords avec le Mercosur.
Il en va de même pour le Brexit et, plus particulièrement, pour le secteur de la pêche, évoqué par le sénateur Jean-Pierre Moga. Quoi qu’il arrive, les pêcheurs ne rencontreront aucune difficulté dans les deux ans à venir et, évidemment, nous nous battons – l’ensemble des membres du Gouvernement, dont Nathalie Loiseau – sur tous ces sujets. Le Président de la République a annoncé, lors du dernier conseil européen, que la pêche ne pourrait pas être la variable d’ajustement dans le cadre des discussions sur le Brexit et du débat européen.
Telles sont les réponses que je pouvais vous apporter, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’aborder l’examen des amendements.
Le Sénat risque fort de ne pas voter ce budget, mais cela ne nous empêchera pas, tout au long de l’année, de travailler ensemble au développement de notre agriculture et, de nos exploitations agricoles, afin que notre agriculture continue de rayonner en Europe et dans le monde. C’est ce qui nous est le plus cher.
Si, en plus, nous gagnons le pari de cette lutte incroyable pour une meilleure rémunération des agriculteurs, alors nous aurons fait œuvre utile pour l’agriculture française.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation
Dont titre 2
308 959 606
308 959 606
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture
Dont titre 2
555 574 243
555 574 243
L’amendement n° II-112 rectifié, présenté par MM. Montaugé, Cabanel, Tissot, Botrel et Kanner, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, M. Iacovelli et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation
dont titre 2
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Franck Montaugé.
Cet amendement vise à maintenir le niveau des autorisations d’engagement du plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles, ou PCAE, à hauteur de 71 millions d’euros.
Les aides liées au PCAE servent à moderniser l’appareil de production, innover, combiner les performances économiques, environnementales et sociales. Elles favorisent aussi l’installation des jeunes agriculteurs, ce qui n’est pas négligeable.
Désormais, ces aides sont intégrées, au niveau de leur financement, dans le Grand Plan d’investissement évoqué par le ministre.
Toutefois, ce plan n’est pas encore réellement mis en œuvre. Les moyens débloqués en 2019 apparaissant encore faibles, à savoir 158 millions d’euros en autorisations d’engagement et 216 millions d’euros en crédits de paiement, sur les 5 milliards d’euros annoncés sur la période 2018-2022. Il nous apparaît donc nécessaire, dans un premier temps et a minima, de maintenir les autorisations d’engagement à un niveau similaire à celui de 2018.
Je rappelle que, en 2017, les autorisations d’engagement pour le PCAE s’élevaient à 84, 5 millions d’euros, après avoir connu une augmentation de 77 % en cinq ans, sous le précédent quinquennat. Si le niveau des aides était maintenu en l’état dans le présent PLF, nous enregistrerions une baisse de 23 millions d’euros, soit près de 30 % en deux ans. Ce serait un signal contraire aux propos du ministre sur la nécessité d’une transition.
Le groupe socialiste et républicain avait présenté un amendement visant à flécher des crédits PCAE vers les exploitations sortant du dispositif des indemnités compensatoires de handicaps naturels, ou ICHN. L’article 40 de la Constitution est passé par là, mais je tiens tout de même à évoquer ce sujet. Nous pensons, monsieur le ministre, que vous avez la latitude de procéder à ce fléchage pour ces cas particuliers, qui le méritent, car les exploitants sont en grandes difficultés.
Tout cela, c’est sans parler des prestations pour services environnementaux. Je ne les ai pas évoquées en discussion générale, mais elles le seront dans le cadre de la future PAC et pourraient permettre à l’agriculture française d’être reconnue pour tout ce qu’elle apporte à la société, dans son ensemble !
Cette mesure serait un bon signal adressé aux exploitations en mal de financement et qui, souvent, sont aussi en mal d’autofinancement. Cela appelle une action publique, à laquelle le PCAE peut contribuer. À cet égard, Bpifrance doit être encouragée dans son action.
La commission émet donc un avis favorable.
Je ne suis pas opposé à cette mesure, mais, comme je l’ai souligné précédemment, toutes les aides à l’investissement décidées par le Gouvernement entrent désormais dans le cadre du Grand Plan d’investissement. Cette année, il y avait 58 millions d’euros, et ce montant restera probablement inchangé en 2019.
Dès lors que, sur un plan stratégique, on choisit d’inscrire ces crédits dans le Grand Plan d’investissement, il n’y a pas lieu de les intégrer ici.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Je tiens à soutenir fortement cet amendement de Franck Montaugé, qui a pour objet l’investissement.
Dans l’une de ses dimensions, cet investissement concerne le secteur de la forêt. Vous venez, monsieur le ministre, d’évoquer l’ONF de manière un peu générale. Il est clair que la situation de la filière bois est très difficile, tout comme la situation budgétaire de cet organisme. Je ne prendrai qu’un exemple, qui pourra paraître ponctuel, mais qui préoccupe un certain nombre d’habitants et d’élus dans mon département du Loiret.
L’arboretum des Barres, créé par la famille Vilmorin, à Nogent-sur-Vernisson, rassemble 10 000 arbres, représentant plus de 2 000 espèces différentes. Ce site, unique au plan international, est géré par l’ONF, lequel nous a appris, voilà quelques semaines, qu’il ne disposait plus des moyens de présenter au public ce patrimoine très précieux. C’est dire combien la situation est tendue !
Je voulais appeler votre attention sur cette question précise, monsieur le ministre, et vous demander si vous pouviez nous donner quelques assurances ou même nous dire que vous allez vous intéresser au sujet. Je sais en effet que vous aimez les arbres !
Sourires.
Je vais très brièvement répondre à M. Jean-Pierre Sueur, qui a profité d’une explication de vote qui n’en était pas une pour aborder le dossier de cet arboretum situé dans le département du Loiret.
Nous en avons déjà parlé ensemble, monsieur le sénateur, mais je confirme devant cette assemblée que, à la suite de votre interpellation et à celle de M. Jean-Pierre Door, j’examinerai ce dossier.
Merci, monsieur le ministre. J’avais déposé un amendement sur la question, mais, hélas, il y a eu un abattage d’amendements au titre de l’article 40 !
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° II-326 rectifié, présenté par Mmes Grelet-Certenais, Taillé-Polian et Rossignol, M. Daudigny, Mmes Préville, Meunier et Conway-Mouret, MM. Tissot, Madrelle, Marie, Assouline et Lurel et Mme Monier, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation
dont titre 2
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Cet amendement, auquel Mme Nadine Grelet-Certenais tient tout particulièrement, tend à mettre en place un « bonus cantine bio et locale ».
Il s’agirait d’un bonus temporaire, pour encourager certaines collectivités ayant du mal à s’engager dans des dispositifs permettant la délivrance de produits bio ou de qualité, notamment dans les cantines scolaires, de mettre le pied à l’étrier.
Voilà plusieurs années, voire une dizaine d’années, avec les lois issues du Grenelle de l’environnement, que les parlementaires, ici comme à l’Assemblée nationale, fixent des objectifs dans ce domaine. Malheureusement, force est de constater que, malgré la bonne volonté affichée par certaines collectivités ou les actions très fortes que celles-ci peuvent mener, le taux de nourriture bio proposée dans les restaurants collectifs atteint 3, 5 % seulement.
Autrement dit, certains font, avec un grand volontarisme et beaucoup de réussite, et d’autres – ils sont les plus nombreux – n’arrivent pas à faire, par manque de formation de leur personnel ou manque de moyens.
Il serait bon de mettre en place un fonds dédié à ce bonus, afin de lancer une dynamique dans un certain nombre de collectivités, et ce d’autant que la loi ÉGALIM fixe un objectif de 20 % de produits bio, mais aussi un objectif de 50 % de produits sous signe de qualité.
On peut lire parfois que les produits bio ne sont pas plus chers, que de nombreuses collectivités atteignent l’objectif sans forcément enregistrer des surcoûts. C’est souvent parce que les produits bio utilisés viennent de loin. Il est certain que des pommes bio en provenance de Pologne risquent de ne pas forcément causer un surcoût important. Mais est-ce vraiment cela que nous voulons ?
Nous avons inscrit dans la loi que nous souhaitions, notamment pour nos enfants dans les cantines, des produits de qualité, des produits sous label. Reconnaissons qu’une volaille sous label rouge coûtera plus cher qu’une volaille conventionnelle !
Il y a donc bien une question de coût à traiter, si nous voulons sortir des vœux pieux et des démarches trop limitées, si nous voulons faire en sorte que toutes les collectivités s’y mettent et que le plus grand nombre possible d’enfants dans les cantines scolaires – un jour peut-être, ce sera les hôpitaux ou d’autres structures collectives – puisse enfin avoir accès aux produits de l’agriculture biologique et aux produits reconnus par les meilleurs signes de qualité.
Je ne vais pas refaire le débat de la nourriture bio dans les cantines scolaires, qui concerne plus les zones urbaines que la ruralité, où il peut être plus facile de prendre certaines dispositions. La commission est favorable à cet amendement et demandera le retrait de l’amendement n° II–97 rectifié, qui n’a pas encore été défendu, à son profit.
L’avis du Gouvernement sera défavorable, et même très défavorable. Je vais vous en donner les raisons, moi qui ai fait de mon département, pendant une quinzaine d’années, le premier département « bio » de France, avec 50 % de produits bio proposés dans toute la restauration collective.
Si le premier signe que l’on donne consiste à dire qu’il faut mettre plus d’argent pour plus du bio, la bataille est perdue !
Lorsque le groupe majoritaire à l’Assemblée nationale, notamment M. Matthieu Orphelin, élu de La République En Marche, a présenté un amendement en tout point pareil – le sujet est bien connu, j’ai rencontré Audrey Pulvar et je sais comment tout cela fonctionne… –, j’ai réussi à éviter que cette disposition ne passe. Ce serait en effet un très mauvais signal !
La première chose à faire, c’est de mieux former. La deuxième chose, c’est d’engager un travail avec les chambres d’agriculture et les gestionnaires. La troisième chose, c’est d’utiliser les moyens que nous confèrent les lois dont nous disposons.
Avec Bernard Buis, mon collègue sénateur, que je salue bien volontiers, puisque c’est la première fois que je le rencontre dans cet hémicycle, j’ai monté la plateforme Agrilocal, aujourd’hui présidée par l’excellent Jean-Yves Gouttebel, président du conseil départemental du Puy-de-Dôme. Cette plateforme le montre parfaitement : cela ne coûte pas plus cher de proposer du « bio » dans les cantines, ou alors c’est que l’on est en train de faire autre chose…
Pour ma part, je suis partisan de donner de l’ambition et de forcer tous les agents sur les territoires – agriculteurs, enseignants, gestionnaires – à se lancer dans cette aventure.
Après cet amendement, on demandera des aides pour le financement des légumeries, et ainsi de suite… L’enjeu n’est pas là ! L’enjeu, c’est la transition agroécologique. Si nous progressons dans cette voie, nos enfants mangeront dans bons produits dans les cantines.
Autre point, ce qui me fait bien rire, c’est que l’on ne parle que des cantines scolaires. Mais quand la Ferme France donne, il n’y a personne dans les écoles et les cantines parce que ce sont les vacances scolaires ! On ferait mieux de s’engager sur la restauration collective de manière générale – les hôpitaux, les administrations, l’armée, etc. L’enjeu est là !
J’ai déjà eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle, la loi ÉGALIM n’est pas plus ambitieuse que les dispositions issues du Grenelle de l’environnement. Les taux sont identiques. Mais nous n’avons pas réussi dans la décennie écoulée depuis Jean-Louis Borloo. Aussi, avançons, afin d’atteindre cet objectif de 50 % de produits de qualité dans toutes nos cantines !
Enfin, je fais toujours attention quand on mentionne de tels produits… Pardonnez-moi de le dire, mesdames, messieurs les sénateurs, mais, dans nos cantines, on mange des produits de qualité ! L’agriculture française, en effet, fournit des produits de qualité !
Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Je partage complètement l’avis du ministre. C’est d’ailleurs pour cette raison que notre groupe a voté l’amendement n° II–112 rectifié de Franck Montaugé. Cette disposition avait du sens ! Elle n’opposait pas les agricultures. Elle permettait de susciter des envies, de donner aux différents types d’exploitations des capacités de modernisation et d’adaptation. À elles, ensuite, d’affronter le marché, le bio comme le reste !
Sur ce sujet, nous vous rejoignons donc totalement, monsieur le ministre – cela arrive ! Ne nous trompons pas de message. Je l’ai dit dans mon intervention en discussion générale, et Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, l’a aussi évoqué, le groupe Les Républicains juge nécessaire d’afficher des crédits supplémentaires au niveau de ces lignes budgétaires, qui, même si elles sont en légère augmentation aujourd’hui, ne suscitent pas l’ambition.
Je me réjouis de la position de M. le ministre. Nous sommes nous aussi opposés à cet amendement, considérant qu’il est satisfait par le précédent.
Pour être très honnête, cet amendement me pose un problème politique. Lors de l’examen de la loi ÉGALIM, nous sommes un certain nombre, dans mon groupe, mais pas seulement, à avoir cherché à faire la démonstration que passer à 20 % de bio dans la restauration collective ne coûterait pas plus cher demain aux collectivités, et que, pour répondre à cette exigence, il fallait aider la filière à investir, l’accompagner dans la structuration de son fonctionnement et de son organisation, travailler avec elle sur l’aide à la reconversion.
Tel était le but des amendements que nous avions déposés.
Parce que nous connaissons bien en région cette problématique, j’irai jusqu’à dire qu’il faudrait même mettre sur pied des plateformes que les agriculteurs bio fourniraient, à charge pour les responsables des différents lieux de restauration collective – dans les collectivités territoriales, dans les grandes administrations publiques, dans les entreprises disposant encore d’un restaurant d’entreprise – de venir s’y approvisionner sereinement, sans risque de rupture.
Je ne remets pas en cause l’objectif des auteurs de cet amendement, mais je crois qu’il va à l’encontre de ce que nous voulons et à l’encontre de la volonté d’un certain nombre de maires, depuis des années, de s’approvisionner en produits bio sinon locaux, du moins d’origine régionale. Souvent, ce qui explique le prix plus élevé des productions locales, c’est la difficulté à garantir un approvisionnement suffisant au regard des quantités commandées.
Comme je l’ai dit dans mon intervention générale, autant certains programmes sont sous-dotés et mériteraient davantage de crédits, autant il faudrait accompagner, encourager et même, parfois, obliger certaines régions à mieux investir dans cette filière. Mais je ne pense pas que l’adoption de cet amendement permettrait de traiter l’enjeu du bio dans les cantines et la restauration publique.
Je livrerai quelques éléments supplémentaires.
La loi ÉGALIM prévoit 20 % de bio, mais également 50 % de produits « sous signes de qualité » : un label, une indication géographique protégée, une appellation d’origine protégée. Or, en général – et vous me direz si je me trompe –, cette contrainte entraîne un coût supplémentaire.
Autre chose : j’ai dirigé non pas un conseil départemental, monsieur le ministre, mais une régie publique de restauration collective.
Quand nous faisions des tests afin de choisir les produits, nous en trouvions certains qui n’étaient pas de qualité. Ils provenaient non pas forcément des agriculteurs, mais plutôt d’une certaine industrie agroalimentaire, qui propose à la restauration collective des produits à bas coût et avec des niveaux de qualité, y compris nutritionnelle, souvent différents selon les prix.
Comme dans bien d’autres domaines, il existe un certain nombre de gammes et de niveaux de qualité. Pour en avoir goûté certains, je puis vous certifier que ces produits n’étaient pas tous d’une qualité identique. C’est pourquoi il faut aider les collectivités à investir dans la qualité.
C’est vrai, nous ne pouvons plus nous en tenir à des vœux pieux. Mais, comme vous le dites vous-même, monsieur le ministre, cela fait dix ans que l’on en parle.
C’est vrai, certains le font. Mais parce qu’une commune aurait ouvert pour la première fois une crèche ou tout autre service public seule, sans aucune subvention, faudrait-il alors ne jamais subventionner aucune autre crèche, aucun autre service public similaire ? Il faut prendre en compte la réalité : la réalité, aujourd’hui, c’est 3, 2 % de bio en moyenne et une inégalité majeure entre les collectivités qui se sont engagées dans cette voie et les autres, celles qui n’ont pas pu ou, pour certaines, pas voulu s’y engager.
Il ne s’agit pas pour nous d’arroser tout le monde ; nous voulons simplement inciter à s’engager dans des démarches volontaristes. S’il faut cibler des actions de formation des personnels, monsieur le ministre, alors faisons-le !
De toute manière, ce n’est pas avec 8 millions d’euros que l’on va pouvoir aider toutes les cantines de France et de Navarre à atteindre 50 % de bio et de produits de qualité ; il s’agit de leur mettre le pied à l’étrier, de les aider à aller au-delà des vœux pieux. Cela fait dix ans que nous en parlons sans que rien ne se passe. Soyons pragmatiques !
La problématique que tend à soulever cet amendement va bien au-delà.
Pour prendre l’exemple des cantines scolaires de mon département, le coût d’un repas au collège se monte à un peu plus de 8 euros, la part des produits ne représentant même pas 2 euros de ce total. Ce n’est donc pas un problème de subventions ; il faut simplement changer de méthode et d’organisation.
Aujourd’hui, la totalité des produits consommés dans les collèges et dans les lycées provient d’une plateforme qui échappe complètement aux décisions politiques du conseil départemental ou du conseil régional. Son but est de sans cesse massifier le marché, pour tenter de faire baisser les prix au maximum.
On voudrait aujourd’hui favoriser les produits de qualité en restauration hors foyer, mais commençons déjà par favoriser les produits français ! En effet, pour ne prendre que cet exemple, 80 % des poulets consommés hors foyer proviennent soit de la Pologne, soit du Brésil. Pour la viande bovine, ce chiffre se situe entre 40 % et 50 %. Cessons de nous flageller et de nous focaliser sur le bio, les labels ou les autres signes distinctifs. Puisque les repas des cantines sont financés par des contributions ou par l’impôt des Français, il faut qu’ils soient fournis par nos producteurs, soumis à nos propres normes.
Monsieur le ministre, nous allons, à l’occasion de l’examen d’un prochain amendement, aborder la question du contrôle à l’importation de denrées alimentaires. Alors même que le CETA n’a pas encore été ratifié par le Parlement, déjà l’Europe importe des produits canadiens contenant quarante et une substances interdites en France. C’est le principe même de tous ces accords ! Faisons ce qu’il faut pour que ce ne soit pas possible.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Joël Guerriau applaudit également.
À l’heure où nos concitoyens attendent une amélioration sensible de la qualité des repas servis en restauration collective scolaire – l’enjeu est très important, puisqu’il s’agit de nos enfants –, nous devons absolument faire en sorte que les collectivités soient accompagnées de manière significative et très concrète. Ceux qui gèrent les restaurants collectifs peuvent être démunis, être freinés de multiples façons : il faut donc absolument débloquer ces situations.
Les choses ne sont pas simples, nous le savons tous : il faut chercher des producteurs locaux, s’assurer de la conformité des produits, contractualiser. Il faut aussi veiller à l’équilibre des budgets. C’est un important travail supplémentaire qui est demandé à ces collectivités. Ce bonus pourrait donc aider tous ces restaurants à s’engager dans cette voie.
Ces aides sous forme de bonus non seulement sont incitatives, mais peuvent aussi permettre de vaincre des réticences, de manière que tous les acteurs puissent envisager cette transition avec sérénité.
Ce sujet est particulièrement sensible, compte tenu du contexte dans lequel évolue l’agriculture, ainsi que bien d’autres secteurs d’activité.
Monsieur le ministre, vous avez fait référence au savoir-faire de nos agriculteurs et avez même évoqué le département que je représente.
La restauration collective en milieu scolaire, de la maternelle jusqu’au lycée, est du ressort des collectivités territoriales – communes, intercommunalités, départements, régions, selon les compétences de chacune d’entre elles. Se pose aussi le problème des marchés publics. Dans les Ardennes, mais cela vaut malheureusement pour de nombreux autres départements, les organisations syndicales agricoles sont très mécontentes, faute pour les agriculteurs de pouvoir fournir les établissements scolaires, alors même qu’ils proposent des produits de qualité. C’est vraiment contradictoire !
Sans doute faudrait-il également simplifier les règles applicables aux marchés publics. Posons-nous les bonnes questions. Je comprends donc nos collègues agriculteurs, que je soutiens moi aussi.
Voilà encore quinze jours, j’étais gestionnaire de collège, donc soumis aux directives de notre collectivité de rattachement, à savoir le département. Celui-ci souhaitait que soient servis davantage de produits locaux et de produits bio.
À cette fin, nous avons adhéré à une plateforme, de manière à mettre en rapport les gestionnaires avec les fournisseurs potentiels dans un périmètre de 20 à 30 kilomètres – quelque 50 % de nos approvisionnements provenaient d’un fournisseur situé à moins de 20 kilomètres. Nous avons ainsi pu surmonter les problèmes de marchés publics. C’est donc faisable ; seule suffit la bonne volonté des gestionnaires. Peut-être faut-il les former quand ils ne le sont pas. Mais il faut aussi que les collectivités locales donnent des directives dans ce sens.
Le recours à des groupements d’achats a permis que chaque repas servi dans un collège de l’Ardèche revienne à 2, 10 euros. Nous avions fait le choix de goûter les produits à l’aveugle et d’éliminer ceux qui n’étaient pas bons, indépendamment du prix. Cela fonctionne et cela permet de servir toujours les meilleurs produits, si possible locaux.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° II-97 rectifié, présenté par Mmes Lienemann et Benbassa, n’est pas soutenu.
L’amendement n° II-92, présenté par M. Duplomb, Mme Férat et M. Cabanel, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation
dont titre 2
2 600 000
2 600 000
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Les dispositions de cet amendement font suite à plusieurs événements.
Le projet de loi de finances prévoit de financer le recrutement de 40 ETP supplémentaires pour renforcer les contrôles sanitaires à l’importation de denrées alimentaires après le Brexit. Monsieur le ministre, vous nous dites pouvoir assurer cette sécurité sanitaire. Aussi, je vous pose franchement la question : pensez-vous que ce sera possible avec seulement 40 ETP ?
Le ministre Darmanin, à qui j’ai posé la même question, m’a répondu qu’il avait rendu son arbitrage sur la demande effective de la Direction générale de l’alimentation, la DGAL : selon lui, ces 40 ETP correspondent exactement à la demande que celle-ci a formulée. Or, nous avons eu le plaisir d’auditionner le directeur de la DGAL en commission, et celui-ci nous a déclaré avoir demandé non pas 40 ETP, mais au moins 80, soit le double. Excusez du peu !
Au cours de la discussion, je lui rapporte les propos du ministre Darmanin, selon lequel nous n’aurions à contrôler aux frontières que les produits entrants, et non les produits sortants. Le directeur me répond par la négative, indiquant que les produits sortants devront obligatoirement être conformés et donc faire l’objet d’un avis, afin de déterminer s’ils répondent aux normes de qualité et aux spécifications définies.
Immédiatement, mes collègues rapporteurs pour avis Françoise Férat et Henri Cabanel et moi-même lui avons demandé à combien d’ETP il estimait ses besoins pour faire correctement le travail, si 80 ne suffisent pas. Le directeur général de l’alimentation nous a alors fait cette réponse hallucinante : au moins 900 ETP !
Exclamations.
Les deux rapporteurs pour avis sont présents dans cet hémicycle et pourront vous confirmer que c’est exactement ce qu’il nous a été dit.
Je veux bien que le directeur général de l’alimentation ait des problèmes avec les chiffres, mais c’est en tout cas ce que j’ai entendu au cours de cette audition, que j’ai conduite.
Étant raisonnable – quoique ! –, je ne demande pas la création de 900 ETP. En revanche, il serait important de faire preuve d’un peu plus de réalisme et d’envisager plus que 40 ETP pour assurer les contrôles sanitaires aux frontières. Nous demandons que ce chiffre passe à 80.
Avec mon collègue Yannick Botrel, j’ai rédigé un rapport sur la sécurité alimentaire…
… pour lequel nous avons auditionné le directeur général de l’alimentation.
Monsieur le rapporteur pour avis, la commission est favorable à votre amendement.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Je ne pense pas que M. Dehaumont ait parlé de la nécessité de 900 ETP pour la période post-Brexit. Ce qui est certain, c’est que, pour garantir la sécurité sanitaire, il faudra procéder à des recrutements dans les services vétérinaires au cours des dix prochaines années ; Mme Férat l’a dit.
Vraisemblablement, nous sommes d’accord, ces 40 ETP ne seront pas suffisants, pour les raisons que j’ai indiquées en commission. Une fois que le coordinateur interministériel pour le Brexit aura établi un bilan global, nous connaîtrons le chiffre des recrutements supplémentaires nécessaires – cinquante, soixante, cent ETP, je ne sais pas –, lesquels seront financés non pas sur le budget du ministère de l’agriculture, mais sur le budget général.
Certes, on peut toujours augmenter les effectifs des services vétérinaires et recruter toujours plus de fonctionnaires. Mais sachez que la France est prête à exercer ses contrôles et à surveiller la situation, et qu’il ne se passera rien entre le 29 mars et le 1er avril. On n’assistera pas à un déferlement sur la France de camions remplis de denrées avariées.
L’État fera ce qu’il faudra faire. À ce stade, je ne puis vous indiquer quels seront les besoins. Et encore une fois, je ne pense pas que M. Dehaumont ait parlé de 900 ETP supplémentaires.
Je ne remets pas en cause ce que vous affirmez, vous et vos deux collègues rapporteurs pour avis ; simplement, il a dû mal s’exprimer.
Je voudrais rappeler les propos que j’ai tenus dans mon intervention à la tribune il y a quelques instants au sujet de ces 40 emplois : « C’est assurément trop peu compte tenu des besoins de contrôle », mais j’ai ajouté : « On ne sait pas quand ils se matérialiseront ». C’est une vraie question.
Aujourd’hui se pose un problème fondamental, celui du contrôle, dans un certain nombre de ports, des produits entrant sur le continent européen.
Dans ce rapport qu’Alain Houpert et moi avons rédigé, et que M. le ministre a eu la bonté de trouver excellent, nous dressions le constat que certains ports, en particulier celui d’Anvers, pratiquaient un taux de contrôle extrêmement faible – moins de 1 % des marchandises contrôlées –, par rapport à d’autres ports, en particulier français. Ce sujet dépasse le cadre de la discussion que nous avons cet après-midi.
Ce problème des contrôles insuffisants dans certains ports est évoqué également par les producteurs français, et même probablement européens. Il est à craindre justement qu’un certain nombre de pays ne privilégient ces ports à d’autres quand il s’agira de faire entrer des produits sur notre continent.
J’entends ce que dit le ministre, à savoir que ces 40 postes devront être vraisemblablement complétés par d’autres quand on y verra un peu plus clair dans le Brexit et les conséquences que ce dernier entraînera, qu’il faudra examiner de très près. Je sais également, parce que ce sujet a été évoqué l’autre jour en en commission des affaires européennes, que s’instaure dès à présent une concurrence entre les ports européens pour recueillir une partie du flux des marchandises qui arriveront en Europe.
Je sais aussi que les ports français n’ont pas été très bien traités jusque-là, en particulier les ports normands et ceux du nord de la Bretagne. En l’état, je souscris sur le fond à cette demande de création de postes ; la question n’est pas celle-ci, c’est celle du calendrier. De bonne foi, j’entends l’argument du ministre.
Nous devrons examiner les choses attentivement, une fois que l’on y verra un peu clair sur le Brexit.
Nous avons été nombreux à le rappeler dans la discussion générale ou dans des débats précédents, et cette proposition nous rappelle l’exigence de s’assurer de la sécurité des produits entrant dans notre pays. Nous savons bien que, avec le Brexit, se posera la question des produits en provenance du Royaume-Uni.
On ne peut pas à la fois exiger pour notre pays des pratiques agricoles garantissant notre sécurité alimentaire – je fais partie de ceux qui portent cette exigence – tout en acceptant qu’entre tout et n’importe quoi à n’importe quel prix, quitte à mettre en danger la santé des consommateurs français.
Par ailleurs, ce qui est en jeu, c’est la qualité de l’alimentation et l’évolution des comportements alimentaires des uns et des autres. Un certain nombre de scandales qui ont éclaté dans le passé expliquent en partie que de plus en plus de nos concitoyens et de nos concitoyennes soient désormais sensibles à une musique les incitant à revoir leur régime alimentaire et à se détourner partiellement de l’alimentation traditionnelle, néanmoins indispensable au bon développement de l’être humain.
Enfin, ces scandales alimentaires ont aussi fortement fragilisé l’ensemble de nos industries agroalimentaires de transformation. La question de la sécurité alimentaire des produits entrants intervient donc à tous les niveaux de la production agricole.
Bien évidemment, nous voterons cet amendement de la commission des affaires économiques. À ce propos, vous me permettrez, en ce 1er décembre, de ne pas bouder mon plaisir quand j’entends mon collègue Laurent Duplomb défendre avec autant de ferveur l’idée qu’il faut davantage de fonctionnaires dans notre pays.
Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. Je ne répondrai pas à Cécile Cukierman, même si ce n’est pas l’envie qui m’en manque.
Sourires.
Premièrement, monsieur le ministre, l’exercice d’aujourd’hui, me semble-t-il, c’est le budget. Or le bon sens paysan veut que, lorsque l’on élabore un budget, il faut penser à se protéger, c’est-à-dire, en bon père de famille, à prévoir un peu plus qu’il ne faut, quitte à ce que toutes les dépenses ne soient pas exécutées si les besoins ne s’en font pas sentir. C’est ce que l’on fait quand on gère correctement une collectivité locale.
Deuxièmement, nous ne sommes pas sûrs que le Brexit ne soit pas un Brexit dur le 31 mars 2019. Le cas échéant, bons Français que nous sommes, nous aurons tellement mis la poussière sous le tapis que nous regretterons de ne pas y avoir pensé un peu plus vite ou un peu plus tôt. Inscrire dans le budget des crédits supplémentaires, même s’ils ne sont pas consommés, c’est simplement une mesure de précaution.
Troisièmement, une grande quantité de produits traversent déjà nos frontières sans qu’ils répondent à nos normes. Par conséquent, même si cela n’est pas obligatoirement nécessaire à la suite du Brexit, et pour répondre à l’invitation de Cécile Cukierman, embauchez des fonctionnaires pour renforcer les contrôles. Cela évitera que nous nous écharpions sur la qualité de notre agriculture et sur notre modèle agricole.
Nos concitoyens pourront ainsi manger des produits français, conformes à nos normes, plutôt que des produits étrangers qui ne les respectent pas !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Je me félicite de la position de notre rapporteur spécial Alain Houpert et de son avis favorable.
Laurent Duplomb a parfaitement exprimé la position de la commission des affaires économiques. Monsieur le ministre, l’adoption de cet amendement entraînerait peut-être une charge supplémentaire, mais chaque fois que l’on empêchera un produit d’entrer sur le territoire national parce qu’il n’est pas conforme à l’exigence que nous formulons pour les assiettes des Français, nous favoriserons d’autant notre propre production. Cela s’inscrit parfaitement dans l’esprit du texte que nous avons voté dernièrement, alors même que vous siégiez encore dans cet hémicycle.
Ce n’est pas du protectionnisme ; c’est simplement faire en sorte que ce que trouveront dans leurs assiettes nos enfants et nos concitoyens, corresponde exactement à ce que nous leur avons promis.
Je ferai une dernière remarque, que je vous demande de ne pas prendre mal. Il y a un an, le Sénat était resté fort prudent s’agissant de l’augmentation des taxes. S’il avait été écouté, nous n’en serions pas là. Loin de moi l’idée de tout amalgame, mais, à certains égards, c’est un peu la même chose : il ne faudrait pas, monsieur le ministre, que l’on se retrouve dans l’incapacité de répondre à l’instant t aux exigences auxquelles nous confronteront les textes de loi que nous avons votés ici, Brexit ou pas.
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Nous n’allons pas entamer une partie de ping-pong, et je vais donc faire le filet.
Sourires.
Mon collègue Yannick Botrel, coauteur avec moi d’un rapport sur la sécurité alimentaire, a dit qu’il était urgent d’attendre parce que nous ne sommes pas prêts. M. Duplomb dit qu’il est urgent de prévoir. Je suis d’accord avec lui, parce que nos frontières sont des passoires.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Je veux conforter les propos de mon collègue Duplomb : la langue du directeur général de l’alimentation a sûrement fourché, mais il a bien déclaré qu’en cas de Brexit dur, il faudrait au moins 500 à 900 ETP supplémentaires.
De quoi parlons-nous ? Effectivement, on peut comprendre votre position. Sauf que c’est du nombre de contrôleurs que dépendront les contrôles.
Aujourd’hui, cela a été dit, bon nombre d’aliments importés ne sont pas suffisamment contrôlés. En outre, 10 % des aliments contrôlés sont non conformes. Ce pourcentage monte à 20 % pour les viandes, et à plus encore pour les produits bio.
Aussi, avec le peu d’ETP que vous proposez, les contrôles risquent d’être insuffisants, et la proportion de produits non conformes augmentera très certainement. Il vaut mieux prévenir que guérir : vous réajusterez certainement le dispositif dans les années qui viennent, monsieur le ministre, mais, en attendant, je suggère de voter cet amendement.
À mon tour de confirmer ce que j’ai entendu au cours de l’audition.
Je voudrais simplement insister sur les 40 équivalents temps plein, monsieur le ministre. Certes, en trois jours, aucune situation ne peut devenir gravissime. Néanmoins, expliquez-moi comment vous faites avec 40 équivalents temps plein ?
On peut supposer que ces salariés ne travailleront pas vingt-quatre heures sur vingt-quatre – ce serait une nouveauté ! –, qu’ils auront droit à quelques congés et, hélas !, même si nous ne le souhaitons pas, que certains tomberont malades. Vous vous trouverez alors, en moins de trois jours, dans une situation impossible, sauf à accepter, comme vient de le dire M. Cabanel, que des aliments ne soient pas contrôlés.
On parle du Royaume-Uni, mais ce n’est pas le seul pays concerné. Avez-vous encore à l’esprit tous ces pays du Commonwealth qui transiteront, eux aussi, par cette porte d’entrée ? Il ne me semble pas du tout raisonnable de s’en tenir aux 40 équivalents temps plein, monsieur le ministre. Vous allez être très rapidement débordés.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° II-110 rectifié bis, présenté par MM. Tissot, Cabanel, Montaugé, Botrel et Kanner, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation
dont titre 2
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Franck Montaugé.
La question de l’installation des jeunes agriculteurs reste pour nous très importante. D’ailleurs, le sujet fait écho à ce que disait M. le ministre à l’instant à propos de la compétitivité de l’agriculture française et de sa transition vers un mode plus agroécologique.
Mes chers collègues, cet amendement vise à attirer votre attention sur la baisse des autorisations d’engagement dans ce budget. Il est souhaitable de les rétablir, au moins au niveau qui était les leurs en 2018. C’est la raison pour laquelle nous demandons une augmentation de 1, 3 million d’euros en autorisations d’engagement. En effet, celles-ci ont baissé, je le souligne, de près de 7 %, soit 3, 8 millions d’euros. Pour mémoire, le gouvernement précédent avait porté les autorisations d’engagement concernant ces installations à 40 millions d’euros.
M. le ministre évoquera peut-être le Grand Plan d’investissement avec ses 5 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros permettra des garanties via la Banque européenne d’investissement pour l’installation des jeunes agriculteurs.
Comme on dit chez moi et ailleurs, « il vaut mieux tenir que courir » ; d’où notre amendement qui vise – puisque les mesures ne sont pas encore en place, même si elles sont annoncées – à éviter de dissuader les jeunes et à permettre de les accompagner lorsqu’ils souhaitent s’installer. Encore une fois, il y va de la modernisation, dans le bon sens du terme, de nos agricultures françaises.
Il s’agit là d’un signe positif, montrant notre volonté de maintenir l’effort en faveur de l’installation des jeunes agriculteurs.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. Didier Guillaume, ministre. Je suis favorable au maintien du soutien à l’installation des jeunes agriculteurs, mais pas à cet amendement.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis, s ’ exclame.
Cette année, dans le cadre de l’équilibre budgétaire, les autorisations d’engagements sont à moins 600 000 euros, laissant penser que le budget baisse. Mais les crédits de paiement sont de plus 12, 8 millions d’euros, permettant de souligner un effort important du Gouvernement pour l’installation des jeunes agriculteurs.
On peut toujours ajouter 1, 3 million d’euros, mais en avons-nous réellement besoin ? Pour l’instant, nous ne le pensons pas. Sont prévus, en outre, des ajustements de fiscalité pour les jeunes – je n’en parlerai pas.
Pour ces raisons, je suis au regret de solliciter, avec peu d’espoir de succès il est vrai, le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Dans certains territoires comme le mien, le département du Lot, la situation est critique. La population, d’une manière générale, est non seulement vieillissante, notamment chez les agriculteurs, mais en baisse. Nous perdons 1 000 habitants par an pour une population de 170 000 habitants.
Dans nombre de nos communes, les quelques agriculteurs restants sont trop souvent sans successeur. Or reprendre une exploitation peut être presque impossible pour un jeune désirant s’installer. Il y a urgence dans certains territoires, où la déprise agricole est là. L’avenir ne doit pas passer par la désertification rurale, qui mène aux espaces spontanément « enforestés ».
Nous devons entendre le malaise des jeunes agriculteurs. En votant cet amendement, mes chers collègues, vous leur enverrez un signal fort d’engagement et de soutien.
M. le ministre s’exclame.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° II-94, présenté par M. Duplomb, Mme Férat et M. Cabanel, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation
dont titre 2
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Cet amendement tend à lutter contre la désertification des vétérinaires en zone rurale, en promouvant les stages tutorés de vétérinaires.
Les vétérinaires spécialisés en élevage jouent, vous le savez parfaitement, mes chers collègues, un rôle essentiel dans la prévention, la détection et le traitement des épizooties sur l’ensemble de notre territoire. Or l’Observatoire national démographique de la profession vétérinaire pour 2017 craint une diminution importante de ses effectifs. L’activité principale de ceux-ci s’oriente de plus en plus vers les filières « animaux de compagnie ».
Ce phénomène pourrait s’aggraver dans les années à venir, à mesure que les jeunes praticiens ne remplacent plus les anciens vétérinaires ruraux, qui étaient proches de la retraite, pour se concentrer sur les soins d’animaux de compagnie dans les centres urbains.
C’est un drame, mais tout comme ont surgi les « déserts médicaux », les premiers « déserts vétérinaires » sont apparus en France et devraient se multiplier d’ici cinq à dix ans dans certaines régions rurales. Vous n’ignorez pas non plus que cela constituerait un drame pour nos territoires ruraux, pour notre élevage, ainsi que pour la sécurité sanitaire de la France dont nous parlons jusqu’à présent.
Pour autant, certaines solutions ont fait leurs preuves. C’est le cas des « stages tutorés en milieu rural », financés par le programme 206, monsieur le ministre, à hauteur de 300 000 euros. Lors de leur dernière année du cursus des écoles nationales vétérinaires, les étudiants peuvent réaliser un stage tutoré. Une vingtaine d’entre eux a bénéficié de ce dispositif et plus des trois quarts – 80 % environ, ce qui est particulièrement significatif – s’installent et exercent, par la suite, en milieu rural.
Le stage tutoré est donc un outil qui a fait ses preuves. Il faut l’étendre dès aujourd’hui pour agir avant qu’il ne soit trop tard. C’est la raison pour laquelle cet amendement vous propose de relever le budget des stages tutorés de 1, 2 million d’euros pour créer 80 places supplémentaires, ce qui porterait le total des places offertes à cent.
Cet amendement a été merveilleusement défendu, et la commission est favorable à toute action en faveur du tutorat vétérinaire.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
On constate dans les classes vétérinaires – j’en ai personnellement eu la confirmation récemment –, tout d’abord, que 80 % à 90 % des étudiants sont des filles, et 10 % à 20 % des garçons, et, ensuite, que quand on leur demande ce qu’ils veulent faire plus tard et s’ils souhaitent devenir vétérinaires en zone rurale, ils répondent par la négative, car ils préfèrent travailler comme vétérinaires de ville. C’est donc un vrai sujet, et vous avez raison de le souligner, madame Férat.
C’est pourquoi, en 2016, un engagement avait été pris, avec une feuille de route pour organiser des stages tutorés. Nous pensons que les choses avancent, car le nombre des étudiants concernés par les stages est passé de trente-cinq en 2017-2018 à cinquante-cinq en 2018-2019. Et ce n’est pas la seule action qui est menée. J’en veux pour preuve les huit axes stratégiques que vous connaissez beaucoup mieux que moi.
Toutefois, dans ce budget, nous n’avons pas les moyens d’augmenter le nombre de stages. Je ne sais même pas si nous avons les moyens d’accueillir de nouveaux jeunes et si de nouveaux cabinets vétérinaires pourront organiser les tutorats.
Aussi, parce qu’il nous faut continuer à appliquer la feuille de route qui a été lancée en 2016, je suis au regret d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Émettre un avis défavorable sur cet amendement est à mes yeux une erreur. Certes, il s’agit d’une dépense supplémentaire, monsieur le ministre. Mais c’est une mesure intelligente.
Prenons l’exemple du Royaume-Uni, qui, pendant une certaine période, a dénaturé complètement les services sanitaires vétérinaires. Souvenons-nous de la crise de la vache folle, que chacun devrait garder en mémoire, comme étant susceptible de se reproduire dans notre pays. Je vous rappelle que nous avons eu, en France, trois cas de maladie de Creutzfeld Jakob, mais que cette affection a pu être stoppée grâce au tissu vétérinaire et sanitaire réparti sur la totalité des territoires et permettant une bonne surveillance. Au Royaume-Uni, des milliers, voire des millions de cas se sont déclarés, au point que des buchers d’animaux étaient allumés à travers tout le pays.
Nous devons faire de la prospection et être capables de former des jeunes, pour les inciter à travailler au sein de services vétérinaires ruraux. Ce n’est pas contraire à la mode ou à la responsabilité d’un ministre de l’agriculture. Le peu d’argent que ce dispositif représente devrait au contraire peser directement sur le budget de cette année. Il y va de la sécurité sanitaire future des consommateurs et de nos élevages, plutôt que d’intérêts purement financiers.
J’irai dans le même sens que mon collègue : vous n’aurez pas de politique d’élevage dans nos territoires, monsieur le ministre, si aucun vétérinaire n’exerce à proximité.
Nous sommes tous d’accord sur l’importance de soutenir l’installation des jeunes agriculteurs et de favoriser le renouvellement des générations. Mais les productions animales jouent un rôle extrêmement important sur nos territoires, notamment sur l’utilisation de l’herbe, elle-même essentielle pour la qualité de l’eau.
Il faut savoir tirer les leçons de l’expérience que nous avons dans les zones rurales ou dans certains secteurs urbains dépourvus de médecins. Ne répétons pas le même schéma pour l’agriculture, car jusqu’à présent, comme je l’ai souvent dit, l’élevage était parfois mieux traité que l’homme. En effet, jour et nuit, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, un vétérinaire pouvait se rendre disponible dans le quart d’heure ou la demi-heure suivant la demande.
C’est ainsi que l’on peut donner envie à des personnes d’investir dans le secteur de l’élevage.
Je souhaiterais maintenant conforter le propos de mon collègue. Dans une autre vie, j’étais responsable de la politique de l’élevage au sein des chambres d’agriculture. Monsieur le ministre, je suis allé à Bruxelles avec vos services pour témoigner de ce que l’on avait fait en France, et non au Royaume-Uni, non pas à la suite de la crise de la vache folle, mais en réaction à l’épidémie de fièvre aphteuse. Alors que nos voisins britanniques avaient brûlé de nombreux animaux sur des bûchers, en France, nous avions su tout conjuguer.
La France a été auditionnée par la Commission à Bruxelles. Pourquoi ? Justement pour savoir comment notre organisation territoriale avait contribué à faire naître cet esprit de surveillance territoriale aussi fin. J’aimerais que la France ne gâche pas ses forces. Cet amendement en est l’un des moyens, car il donne envie et rassure la population et les acteurs économiques. On peut dire qu’il est stratégique. C’est pourquoi je le soutiens.
J’ai peu de choses à ajouter aux propos de mes deux collègues. Simplement, monsieur le ministre, vous sembliez penser que nous manquions de tuteurs en la matière.
Eh bien, je m’inscris en faux contre cette déclaration, car les auditions que nous avons menées démontrent bien au contraire que les vétérinaires sont prêts à être les tuteurs qui pourront demain transmettre leurs savoir-faire. Sur ce point, soyez pleinement rassuré, monsieur le ministre.
Je voudrais conforter les propos de Mme la rapporteur pour avis.
Lors de l’audition qui nous a permis d’écouter les vétérinaires, on les a vus exprimer leurs craintes – M. Gremillet l’a dit. À cette occasion, la comparaison a vite été établie entre la désertification médicale et la disparition des vétérinaires. L’explication que les vétérinaires nous ont donnée est assez simple : il vaut mieux s’installer comme vétérinaire dans une ville, soigner des chats et des chiens sans sortir, plutôt que parcourir pendant des heures et des heures des routes rurales, pour prodiguer à la campagne des soins à tel ou tel animal.
Il faut vraiment se soucier de l’inquiétude de ces professionnels. C’est la raison pour laquelle je vous invite à aller dans le sens de cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° II-93, présenté par M. Duplomb, Mme Férat et M. Cabanel, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation
dont titre 2
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Cet amendement tend à doubler le budget des projets alimentaires territoriaux, les PAT, en le passant de 1 million à 2 millions d’euros.
Les projets alimentaires territoriaux constituent finalement des réponses à une annonce du Gouvernement qui n’a pas été traduite dans le projet de loi de finances. En effet, à la suite des États généraux de l’agriculture, il avait été annoncé que le nombre de PAT devait atteindre 500 en 2020.
Les PAT sont des solutions intéressantes et pragmatiques pour consolider les filières sur un territoire dans le but de structurer la production, d’aider la structuration des marchés de gros, par exemple, et de mieux répondre à la hausse de la demande de la restauration collective.
C’est une manière intelligente d’aider les collectivités territoriales à pouvoir répondre aux nouvelles obligations qui pèsent sur elles à la suite de l’adoption de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, la loi ÉGALIM, notamment en matière d’approvisionnements de produits – nous en avons débattu précédemment.
Je rappelle que, à ce stade, 80 % des poulets et de la viande dans la restauration collective sont aujourd’hui importés. L’objectif est de cinq cents PAT. Or on en compte seulement 40, faute de budget suffisant, puisque seulement un million d’euros sont dédiés chaque année à leur financement. Il est surtout illusoire d’espérer atteindre un objectif de cinq cents PAT d’ici à 2020, soit une multiplication par 12, 5 du nombre actuel, sans y ajouter des moyens supplémentaires.
Si vraiment on veut ajouter un million d’euros pour les projets alimentaires territoires, il faut partir du terrain et créer des dynamiques. Pour l’instant, nous n’avons pas d’informations concernant un manque d’argent.
En conséquence, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° II-107 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy, MM. Montaugé, Cabanel, Tissot, Botrel et Kanner, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation
dont titre 2
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Henri Cabanel.
Avec cet amendement, nous tirons les conséquences de l’adoption au Sénat, le 1er février 2018, de la proposition de loi portant création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques. Il s’agit de prendre en charge la réparation intégrale des préjudices des personnes atteintes de maladies liées à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, par la création d’un fonds d’indemnisation abondé par les fabricants de ces produits.
Cette proposition de loi portée par notre collègue Nicole Bonnefoy et l’ensemble du groupe socialiste et républicain du Sénat, votée à l’unanimité par notre assemblée, avait été reprise et adoptée dans le cadre de la loi ÉGALIM le 2 juillet dernier – vous avez d’ailleurs voté en faveur de la création de ce fonds à plusieurs reprises, monsieur le ministre. Et vous teniez le même jour les propos suivants, en vous adressant à votre prédécesseur :
« Monsieur le ministre Stéphane Travert, il me semble, avec tout le respect que j’ai pour vous, que vous apportez à une question politique et sociétale portée par nos concitoyens, une réponse administrative et technocratique.
« Considérant le débat que nous avons à l’instant, le Sénat semble s’orienter vers un vote très majoritaire. Aussi, parfois le Gouvernement doit écouter le Parlement.
« Monsieur le ministre, vous comprendrez que nous n’attendons donc rien d’autre que votre plein et entier soutien à notre amendement, qui vient répondre à une attente sociétale forte et vient traduire une prise de position claire et ferme de la Haute Assemblée, quels que soient les bancs politiques.
« Nous le répétons, il s’agit de protéger et de défendre les malades, au premier rang desquels les agriculteurs. Ces derniers sont en effet trop souvent montrés du doigt pour l’utilisation de ces produits, alors qu’ils sont, dans le même temps, les premiers et les plus nombreux à souffrir de leur effet nocif. »
Monsieur le ministre, je le répète, je compte sur votre constance pour apporter un soutien à notre amendement, conformément au vote que vous avez exprimé en février et juillet derniers au Sénat, et à la nécessité, comme vous le disiez si bien vous-même lors de l’examen de la loi ÉGALIM, que le Gouvernement écoute le Parlement.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Comme l’a dit notre collègue Henri Cabanel, le Sénat a adopté à l’unanimité une proposition de loi portant la création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytosanitaires.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Monsieur Cabanel, ne jouez pas avec les mots. Je suis désolé, mais ce n’est pas du tout ce qui est écrit dans la loi !
Sur le fond, je suis favorable à cette mesure que nous avons votée à l’unanimité, mais la loi prévoit la remise d’un rapport au Parlement dans les six mois suivant sa promulgation, donc avant le 30 avril 2019. Un peu de sérieux ! Le rapport est en cours d’élaboration, il va être déposé au Parlement qui, sur la base de ces éléments objectifs – j’y suis favorable, je le redis, puisque j’ai voté pour – prendra sa décision légitimement. Les effets d’annonce sont possibles, mais ils doivent reposer sur les dispositions de la loi ÉGALIM.
Je vous demande donc, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement, et je prends l’engagement que, après la remise du rapport, le Parlement travaillera sur le sujet. À défaut, le Gouvernement émettra un avis très défavorable.
L ’ amendement est adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
L es crédits ne sont pas adoptés.
Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », figurant à l’état D.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Développement agricole et rural
Développement et transfert en agriculture
Recherche appliquée et innovation en agriculture
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
L es crédits ne sont pas adoptés.
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Je remercie tous les sénateurs présents aujourd’hui, ceux des territoires ruraux, auxquels se sont joints des sénateurs très urbains de la région parisienne – ils sont à proximité du Bois-de-Boulogne et des cantines !
Sourires.
Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce matin même, nous votions les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Permettez-nous de regretter que, aujourd’hui même, à Paris, la tombe du Soldat inconnu ait été déshonorée et que des inscriptions scandaleuses aient été écrites sur l’Arc de triomphe. Nous comprenons les manifestations des gilets jaunes et leurs revendications légitimes. D’ailleurs, nous, sénateurs, sommes les représentants des territoires et, à ce titre, connaissons bien les problèmes des gilets jaunes. Nous avons d’ailleurs voté, en première partie du projet de loi de finances, la fin de la hausse de la taxe sur les carburants.
Néanmoins, nous ne pouvons pas tolérer l’extrême violence, les incendies, les dégradations en tout genre. Nous ne pouvons pas non plus comprendre pourquoi le Gouvernement n’a pas mieux protégé ce haut lieu de l’histoire de France, ni pourquoi il n’a pas repris la proposition de loi de Bruno Retailleau, votée ici au Sénat, contre les Blacks Blocs, car il ne faut pas confondre ces derniers avec les gilets jaunes. Nous avons formulé des propositions contre les casseurs.
Nous appelons solennellement à l’apaisement, et celui-ci passera par les solutions du Sénat. Je demande au Gouvernement de nous écouter.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale.
SECONDE PARTIE (SUITE)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires étrangères et de la défense, ce budget constitue la première année de la mise en œuvre de la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025, qui a été adoptée il y a quelques mois.
Le montant des crédits de paiement, hors pensions, inscrits dans le présent projet de loi de finances – 37, 9 milliards d’euros, en hausse de 1, 7 milliard d’euros par rapport à 2018 –est donc conforme à la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire.
Dont acte, même si nous continuons à déplorer que l’effort prévu entre 2019 et 2023 soit inégalement réparti, avec une marge plus importante, qui ne pourra être gravie qu’en 2023, soit au début du prochain quinquennat et de la prochaine mandature.
S’agissant des effectifs, les engagements sont également tenus, avec la création de 450 emplois. La répartition de ces postes est également conforme à la loi de programmation militaire, la majorité d’entre eux étant consacrée au renseignement et à la cyberdéfense.
Toutefois, je m’inquiète de la sous-consommation des crédits du titre 2 en 2018. Cette dernière, qui est de 155 millions d’euros, illustre les difficultés de recrutement et de fidélisation des personnels. Dans ce contexte, je me félicite du financement de mesures de revalorisation salariale et de la montée en puissance du plan Famille.
Doté de 57 millions d’euros en 2019, contre 22, 5 millions d’euros en 2018, ce plan comporte 46 actions relatives à la mobilité, au champ social ou encore à l’hébergement. À cet égard, je persiste à penser que c’est une erreur que de vouloir poursuivre la cession du Val-de-Grâce, dernière emprise foncière parisienne susceptible d’accueillir des militaires. À l’avenir, il faudrait héberger nos soldats de l’opération Sentinelle hors de Paris et subir toutes les difficultés qui en découleraient, qu’il s’agisse de la sécurité ou des transports.
Dans le rapport que j’ai dédié, en 2017, au parc immobilier des armées, j’ai dressé le constat d’une dégradation des infrastructures de la défense, singulièrement de celles du quotidien, destinées à l’hébergement ou à la restauration. En 2019, les crédits de maintenance progressent de 7 % en autorisations d’engagement et de 12 % en crédits de paiement. Sur la durée de la programmation, 13, 5 milliards d’euros devraient être consacrés aux infrastructures. Il s’agit là d’un effort important, qu’il me plaît de souligner, même si, selon les armées, il manque encore 1, 5 milliard d’euros.
L’entretien programmé des matériels progresse de 4, 6 milliards d’euros en autorisations d’engagement, pour accompagner la réforme du maintien en condition opérationnelle aéronautique. Mais il est clair que les résultats attendus ne seront pas perceptibles dès cette année. Nous sommes donc, une nouvelle fois, placés face à la question de la surutilisation de nos matériels et de la formation de nos troupes.
Madame la ministre, ce budget est, au total, conforme aux engagements pris, et, au matin du 6 novembre dernier, je préconisais encore son approbation par la Haute Assemblée. Néanmoins, depuis le 7 novembre, date de présentation du projet de loi de finances rectificative pour 2018, nous avons compris que l’inscription des crédits était une chose, et que l’exécution en était une autre… Ces nouveaux chiffres ont jeté le trouble, non pas sur votre bonne foi, madame la ministre, mais sur la sincérité du Gouvernement.
Pour la première fois depuis de nombreuses années, en contradiction totale avec l’article 4 de l’actuelle loi de programmation militaire comme avec l’article 4 de la future LPM, la solidarité interministérielle ne jouera pas. Ce renoncement aux principes augure mal de l’application de la future loi de programmation. Comment croire qu’avec une provision OPEX de 850 millions d’euros en 2019, contre 650 millions d’euros en 2018, Bercy ne sera pas tenté de récidiver, en répétant ce hold-up ?
Si nous nous sommes battus pour le principe de l’inscription de la solidarité interministérielle dans la LPM, c’est pour des raisons, non seulement budgétaires, mais aussi politiques. Nos militaires ne choisissent pas de partir au front au péril de leur vie. La solidarité interministérielle témoigne, à leur endroit, de la reconnaissance de la Nation tout entière.
À ces arguments s’ajoute une raison plus profonde, que je qualifierai de quasi constitutionnelle : le Président de la République a le pouvoir d’engager nos forces, au nom de la France, sans passer devant le Parlement. Il est donc logique que sa décision trouve une traduction solennelle impliquant l’ensemble de l’action gouvernementale.
À cet instant, madame la ministre, je ne puis manquer de rappeler les déclarations que vous avez faites à cette tribune, le 29 mai dernier, lors du vote solennel de la LPM. Vous affirmiez alors : « […] Nous venons ensemble d’envoyer à nos armées un message clair : les privations sont finies, le renouveau commence. »
Je suis convaincu que vous étiez sincère en prononçant ces paroles, et que vous aviez reçu suffisamment d’assurances pour les exprimer au nom du Gouvernement. La solidarité gouvernementale vous impose de ne pas nous livrer le fond de votre pensée. Mais vous ne m’empêcherez pas d’estimer, comme nombre de mes collègues, que vous avez été trahie.
En nous remettant à la sagesse du Sénat pour ce qui concerne ce projet de budget de la défense, nous entendons condamner cette trahison et formuler un quadruple message.
Le premier s’adresse à nos militaires. Nous leur disons clairement que nous dénonçons une pratique consistant à leur demander toujours plus, sans leur donner les moyens qui s’imposent. Au total, 404 millions d’euros de crédits sont annulés purement et simplement, dont 319 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement au titre du programme 146, qui devrait garantir la régénération de nos forces. Malgré les allégations du Premier ministre, cette décision aura, tôt ou tard, des conséquences sur le paiement de nos commandes et sur les livraisons elles-mêmes.
Le deuxième message s’adresse au Gouvernement, et singulièrement à Bercy. Nous refusons de cautionner un budget qui compromet, dès son entrée en vigueur, la bonne exécution de la nouvelle LPM.
Le troisième message s’adresse à vous-même, madame la ministre. Nous vous invitons à poursuivre votre combat pour obtenir les moyens indispensables aux missions de nos armées, et nous vous assurons du soutien du Sénat à cet égard.
Le quatrième et dernier message s’adresse à l’opinion. Le Président de la République se met en scène, remontant les Champs-Élysées dans un command car, s’exprimant depuis le Charles-de-Gaulle ou appelant à une défense européenne. Mais, dans le même temps, selon la formule consacrée, il ne respecte pas la LPM, texte par essence régalien, dont il est le garant. Nous dénonçons cette pratique !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Joël Guerriau applaudit également.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, en remplacement de M. le rapporteur pour avis.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis, avec moi, du programme 146, « Équipement des forces », ne peut malheureusement être des nôtres aujourd’hui, en raison du décalage de l’examen de la mission « Défense ». Il m’a demandé de bien vouloir vous livrer son intervention.
Madame la ministre, les crédits du programme 146 doivent augmenter sensiblement en 2019 : nous nous en réjouissons, en raison du caractère stratégique de ce programme, qui représente 30 % des crédits de votre ministère. Fort de 10, 9 milliards d’euros, il constitue également le premier budget d’investissement de l’État.
L’augmentation de 644 millions d’euros dont bénéficient les crédits de paiement est donc une bonne nouvelle. Elle permettra l’acquisition de nombreux matériels. Je salue notamment la poursuite du redressement des capacités de transport aérien, avec un A400 M Atlas, un MRTT Phénix deux C 130 J.
Je relève également la montée en puissance des outils de surveillance aérienne, avec notamment deux systèmes de trois drones MALE Reaper pour la mobilité et le soutien des troupes au sol, dix hélicoptères NH90 et les 500 premiers véhicules légers affectés au transport public de personnes, les VLTP. S’y ajoutent, enfin, pour le système de forces « engagement et combat », quelque 8 000 fusils d’assaut HK 416, une frégate multimissions, ou FREMM, 50 postes de tir du nouveau missile moyenne portée, ou MMP, et 89 blindés multirôles lourds Griffon.
Je tiens à m’arrêter un instant sur ce programme Griffon. En effet, à plusieurs reprises, lors de nos auditions en commission, nous avons demandé si le calendrier établi serait tenu. Nous avons reçu des réponses rassurantes, ce qui ne nous empêche pas de rester vigilants au sujet de ce programme emblématique. En effet, nous avons appris les quelques difficultés auxquelles Thales a pu se heurter.
De fait, les trois exemplaires annoncés comme livrés dès cette année seront-ils vraiment réceptionnés par l’armée de terre avant la fin du mois ? Et que se passera-t-il en 2019 ? Les représentants de Thales, que nous avons interrogés à ce sujet, nous indiquent que les difficultés sont en cours de traitement. Dès lors, l’entreprise devrait être en mesure de respecter le calendrier de livraison prévu ; mais cet objectif ne sera pas facile à atteindre, avec 89 Griffon à livrer au cours de l’année.
Quoi qu’il en soit, l’entrée en LPM est fragilisée par les conditions de la fin de gestion de l’exercice 2018. La décision, prise par le Gouvernement, de faire peser la totalité du surcoût OPEX de 2018 sur le seul ministère des armées, est une mauvaise nouvelle pour le programme 146. Au total, quelque 404 millions d’euros sont retranchés des crédits de votre ministère, et ce programme sera, comme d’habitude, le plus lourdement frappé, avec 319 millions d’euros annulés. Il s’agit là d’une pratique que notre commission dénonce régulièrement, et qu’elle a encore condamnée dans le rapport qu’elle a dédié à la LPM.
Il n’y a pas de miracles : ces millions d’euros, annulés aujourd’hui, devront être payés plus tard, c’est-à-dire au cours d’une LPM qui, avant même son premier jour, est plongée dans le rouge. Nous voyons malheureusement le redressement annoncé se heurter d’emblée à des logiques budgétaires qui, en définitive, posent la question des priorités politiques.
Monsieur le président, mes chers collègues, le 29 mai dernier, le Sénat votait le dernier projet de loi de programmation militaire. Or, cinq mois plus tard, ce texte, devenu consensuel grâce notamment au dialogue permanent que nous entretenons avec Mme la ministre, semble désavoué par la copie budgétaire du Gouvernement.
Madame la ministre, le problème n’est pas votre budget ou vos orientations, lesquelles sont conformes à la loi. Le problème vient de l’annulation, imposée par Bercy, de 404 millions d’euros dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Pour le programme 146, dont je suis rapporteur pour avis, 319 millions d’euros sont, au total, déduits du budget de 2018.
À cet égard, je souhaite vous poser une première question, dont j’estime qu’elle est tout à fait légitime : elle porte sur l’impact exact de cette annulation, notamment pour ce qui concerne le report de charges.
De plus, la ponction opérée pour financer les OPEX, en contravention totale, rappelons-le, aussi bien avec la LPM 2013-2018, toujours en vigueur, qu’avec la LPM que nous venons de voter pour 2019-2025, pose naturellement cette question : que se passera-t-il l’année prochaine ? En 2019, la provision pour OPEX ne sera encore que de 850 millions d’euros. Bercy compte-t-il continuer l’an prochain à refuser d’appliquer la LPM que vous avez conçue et qui a été signée par le chef de l’État le 14 juillet dernier ?
Vous le savez, au cours des dernières années, le programme 146, relatif à l’équipement des forces, s’est trop souvent révélé la variable d’ajustement de toutes les contraintes budgétaires. C’est ce comportement court-termiste que nous espérions avoir dépassé avec la nouvelle LPM. Pour résumer, madame la ministre, qui prendra la décision relative à l’exécution du budget de la défense pour 2019 ?
Ce triste épisode nous conduit également à nous demander comment nous en sommes arrivés là. Certains ont tenté de justifier ces annulations de crédits en avançant qu’elles seraient indolores pour la défense ; les montants en question n’auraient pas pu être dépensés, d’une manière ou d’une autre, faute d’engagement. On comprend que tel puisse être le cas pour le titre 2, notamment si certains recrutements prévus n’ont pas pu avoir lieu, faute de candidats. Mais qu’en est-il pour le programme 146 ? A-t-on déploré des retards ou des sous-engagements ?
Madame la ministre, vous avez fait reposer une part importante de la LPM sur les coopérations européennes. À ce titre, nous vous avons fait part de nos préoccupations. Certaines informations récentes nous inquiètent tout particulièrement au sujet du partenariat franco-allemand.
Saurez-vous nous rassurer sur ce point ? Par exemple, nous souhaiterions obtenir, sous forme de rapport, des informations détaillées quant à l’avancement des différents projets de coopération européenne en matière d’armement. Pouvez-vous également nous exposer ce qui, dans le budget pour 2019, traduit concrètement l’accélération des coopérations européennes que vous espérez ?
Enfin, je tiens à évoquer un dernier sujet. Nous aimerions obtenir des éléments de comparaison à propos des coûts d’acquisition et d’entretien de nos matériels, par rapport à ceux que connaissent nos alliés européens et otaniens. La LPM prévoit que nous augmentions fortement les crédits d’équipement des forces. Il nous revient aussi de nous assurer que ces fonds supplémentaires profitent pleinement, et surtout principalement, à nos forces armées.
La parole est à Mme Christine Prunaud, en remplacement de M. le rapporteur pour avis.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je prends la parole en remplacement de Jean-Marie Bockel, qui s’est trouvé dans l’impossibilité absolue de se joindre à nous aujourd’hui.
Le programme 178 voit ses crédits de paiement augmenter de 8, 9 % par rapport à 2018, pour s’établir à 8, 78 milliards d’euros. Cette progression bénéficie au financement des opérations extérieures, lequel obtient 195 millions d’euros supplémentaires pour atteindre 600 millions d’euros. Si notre commission a soutenu la poursuite du « resoclage » budgétaire des surcoûts des OPEX, c’était à la condition que l’enveloppe globale des crédits de la mission soit augmentée à due proportion. Or tel n’est pas le cas. Les crédits que le projet de loi de finances pour 2019 consacre aux OPEX sont encore largement insuffisants.
Dans ce contexte, notre commission, qui a modifié l’article 4 de la LPM pour prévoir le financement interministériel des surcoûts dus aux OPEX et la proportionnalité de l’effort consenti par la défense, recommande vivement que cette disposition soit bien appliquée en 2019.
L’allocation de 375 millions d’euros supplémentaires en faveur de l’entretien programmé du matériel, en 2019, est un effort nécessaire au regard des besoins immenses qui se font jour. L’externalisation des marchés d’entretien des équipements aéronautiques, sous la houlette de la nouvelle direction de la maintenance aéronautique, la DMAé – la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres, la SIMMT, œuvre également en ce sens –, est un changement de paradigme qui ne fonctionnera que si la performance est au rendez-vous, en alliant remontée de la disponibilité technique opérationnelle, la DTO, et maîtrise des coûts de maintenance. Il conviendra également de veiller au maintien des compétences en régie de l’État et des possibilités de mise en concurrence ultérieure.
Madame la ministre, trente-huit commissaires se sont abstenus de voter les crédits de la mission pour marquer leur mécontentement face aux décisions d’exécution pour 2018, lesquelles brisent l’élan de cette LPM. Nous espérons que Bercy entendra cette protestation, qui vise à soutenir la défense.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’activité opérationnelle, gage de l’excellence et de la sécurité de nos militaires, reste inférieure, de près de 10 %, aux objectifs fixés.
La remontée tarde à s’amorcer. Notre commission le déplore et s’inquiète à ce sujet : les jeunes équipages de l’armée de l’air peinent à se qualifier, alors que l’entraînement est un enjeu majeur de la marine. Enfin, Sentinelle pèse sur la capacité d’entraînement de l’armée de terre ; ne serait-il pas temps de définir Sentinelle 3 ?
De surcroît, la commission s’inquiète de l’état des services de soutien, qui, selon une expression récurrente dans cette assemblée, sont les éternels sacrifiés : ils subissent de plein fouet les réductions de personnel, quand le nombre de soutenus remonte.
Certes, la remontée des effectifs du service de santé des armées, le SSA, longtemps appelée de nos vœux, est enfin prévue. Mais cette structure reste fragile, alors que la capacité de projeter le personnel médical est une condition indispensable à la capacité de la France à entrer en premier. Or, c’est 20 % du contrat opérationnel du SSA en OPEX qui, l’année prochaine, seront assurés par des réservistes, contre 10 % en 2018.
Le service du commissariat des armées, le SCA, va connaitre 150 suppressions de postes au cours de la période de programmation. Sa réforme n’est pourtant pas achevée. De grands défis l’attendent, qu’il s’agisse de mettre ses systèmes d’information à la hauteur des besoins, d’améliorer la fonction d’habillement, ou encore de parfaire le transport, domaine où les tensions sont réelles.
Madame la ministre, nous serons d’autant plus attentifs à l’évolution du SCA que celui-ci sera un acteur important de la réforme des soutenants annoncée : face à ce chantier d’ensemble, nous resterons très vigilants.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, en tant que rapporteur pour avis du programme 212, je prends acte de l’augmentation modérée des crédits de titre 2, laquelle est de l’ordre de 1, 3 % pour 2019.
Cette hausse permet de respecter la trajectoire des effectifs fixée par la nouvelle LPM, laquelle prévoit 450 créations nettes d’emplois en faveur du renseignement, de la cyberdéfense, de la numérisation, de la sécurité-protection et du soutien aux exportations – ces priorités sont désormais bien connues –, sans oublier un renfort opérationnel au profit de la marine et de l’armée de l’air.
Cette hausse des crédits de titre 2 permet, en outre, de financer un plan catégoriel d’envergure, qui autorise enfin la mise en œuvre de la seconde annuité du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations », suspendue l’année dernière par mesure d’économie.
Cette décision nous avait préoccupés. En effet, nous sommes attachés à ce que la transposition en faveur des militaires des mesures affectant la rémunération des fonctionnaires civils soit assurée sans retard, afin d’éviter que des écarts, ressentis comme inéquitables, ne se creusent au détriment de nos forces.
Au surplus, le plan catégoriel comporte diverses mesures de revalorisation salariale et indemnitaire, notamment en faveur des praticiens des armées et, plus largement, au bénéfice des métiers sous tension, notamment via la création d’une nouvelle prime de lien au service. Cette dernière a vocation à se substituer à cinq primes existantes. Elle est conçue comme un outil plus souple, à la disposition des différentes armées. Elle a vocation à favoriser l’attractivité des emplois de la défense, la fidélisation de ses personnels et la valorisation de ses compétences critiques.
Il s’agit là – on le sait – d’un enjeu crucial pour les armées. Leur modèle de ressources humaines « à flux » impose un constant renouvellement des effectifs. Dans le même temps, elles doivent attirer des compétences rares et recherchées dans un environnement de plus en plus concurrentiel.
Madame la ministre, ces considérations me conduisent à vous interroger : comment ces mesures en faveur de l’attractivité, prévues au titre du présent texte, s’articuleront-elles avec le chantier de la nouvelle politique de rémunération des militaires, laquelle est en cours de déploiement ? Ces mesures constituent-elles déjà une partie de la réforme ? Dans le cas contraire, ne les anticipent-elles pas outre mesure ? Il faudrait que nous puissions appréhender l’économie du projet dans son ensemble, ainsi que ses équilibres, avant sa mise en œuvre, prévue, sauf erreur de ma part, à l’horizon 2022. Pouvez-vous nous éclairer au sujet de la méthode et du calendrier ?
De plus, la perspective de la réforme des retraites suscite des inquiétudes dans le monde militaire. La réforme s’accommodera-t-elle du maintien de ces dispositions, qui mettent en jeu la pérennité du modèle de ressources humaines appliqué par les armées ? On pense, bien sûr, aux bonifications de cotisations liées à l’activité opérationnelle, à l’existence d’une pension à liquidation immédiate, ou encore aux limites d’âge basses, qui sont liées aux carrières courtes des militaires. En d’autres termes, pouvez-vous nous certifier que la singularité militaire sera bien prise en compte à l’occasion de cette réforme ?
Enfin, puisque l’année touche à son terme, et puisque j’ai dépassé mon temps de parole
Sourires.
À cet égard, quand devrait débuter la phase dite « de solde en double », ultime étape avant la bascule, qui ne concernera, dans un premier temps, que la marine ? Nous le savons, ce dossier est à très haut risque, et nous avons un très mauvais souvenir de Louvois !
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, après une hausse de plus de 400 millions d’euros l’an dernier, les crédits de la politique immobilière du ministère des armées semblent stabilisés. La marche franchie l’an passé semble désormais pérenne.
Toutefois, nous sommes inquiets pour deux raisons : d’une part, la LPM ne permettra qu’une stabilisation de l’état du patrimoine – en effet, 1, 5 milliard d’euros d’investissements ont été reportés au-delà de 2025 ; d’autre part, la soutenabilité de la politique immobilière est incertaine, en raison de la saturation des services de soutien. La déconcentration et l’externalisation sont des réponses au mieux partielles, en tout cas insuffisantes.
Le service des infrastructures de la défense comptait 11 500 collaborateurs en 2005. Aujourd’hui, il en dénombre 6 700, et cet effectif n’est pas appelé à progresser sur la durée de la LPM. Or ce service a été bâti, en 2015, dans la perspective de 1 milliard d’euros de travaux de dépenses immobilières annuelles, et, aujourd’hui, ce montant dépasse les 2 milliards d’euros !
Madame la ministre, la stratégie d’efficience accrue a ses limites : la charge de travail est telle que le service ne semble plus suffisamment efficace. La mutualisation des soutiens était souhaitable, mais peut-être aurait-on pu réfléchir à réemployer une partie des effectifs de manière intelligente, plutôt que de les restituer de manière précipitée.
M. de Legge a déjà évoqué les cessions immobilières. Nous regrettons la récente cession d’une fraction de l’îlot Saint-Germain à la régie immobilière de la ville de Paris : cette opération a été conclue avec plus de 66 % de décote – c’est un constat que j’ai dû dresser moi-même. Malheureusement, le ministère des armées ne va récupérer que cinquante petits logements sociaux.
M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis. C’est insuffisant. Le Sénat a introduit dans la LPM une disposition qui permet, pour l’avenir, de réserver au ministère trois quarts des logements sociaux réalisés lors d’opérations de cette nature. Avec cette disposition, l’on devrait être à même de faire beaucoup mieux – ce n’est pas difficile…
Sourires.
Je conclus en évoquant la cession du bâtiment de l’ancien hôpital du Val-de-Grâce. Nous avions appelé à reconsidérer la pertinence d’une telle cession. Madame la ministre, où en sont les discussions en cours ?
La parole est à M. Michel Boutant, en remplacement de M. le rapporteur pour avis.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le cadre budgétaire du programme 144 est, disons-le d’emblée, positif, car il respecte la trajectoire définie par la LPM, à savoir l’augmentation progressive des crédits d’ici à 2025.
Les crédits d’études amont représentent, à eux seuls, un peu plus de la moitié des crédits du programme, et progresseront de 35 millions d’euros pour s’établir à 758, 5 millions d’euros. Notons tout de même que ce montant est en retrait par rapport aux 762 millions d’euros prévus dans le cadre de la loi de programmation militaire. En effet, nous avions souhaité inscrire le détail de la montée en puissance de ces crédits dans le rapport annexé à la LPM.
Cela étant, comme nos collègues rapporteurs pour avis du programme 146, nous sommes inquiets des conditions de la fin de gestion de 2018 : pour le programme 144, ce sont 20 millions d’euros qui sont annulés. Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser où ces coupes seront effectuées exactement et quel sera leur impact ?
Pour ce qui concerne le soutien à l’innovation, qui constitue l’un des deux axes de ce programme, l’autre étant le renseignement, nous portons, globalement, une appréciation positive, du fait, non seulement, de la hausse des crédits, mais aussi de l’orientation que vous avez retenue, en soulignant à maintes reprises l’importance que vous accordez à l’innovation.
Naturellement, il ne faut pas que ces mesures restent un effet de mode. Dans ce contexte, si nous ne voulons pas que notre industrie de défense, aujourd’hui, et nos armées, demain, connaissent le déclassement technologique, il faut redoubler d’efforts sur le front de l’innovation. Le constat a été dressé lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire : il faut notamment capter l’innovation civile, qui, aujourd’hui, dépasse de plus en plus souvent l’innovation militaire.
Le 1er septembre dernier, l’Agence de l’innovation de défense a été créée, et nous nous en félicitons. Nous avons auditionné son directeur, M. Emmanuel Chiva. Ce dernier nous l’a clairement dit : il a bien conscience du risque d’empilement des structures. Il entend précisément simplifier les canaux de diffusion de l’innovation. Nous suivrons donc avec un grand intérêt les premiers pas de cette nouvelle agence.
Nos auditions ont confirmé un second point positif : le succès du régime d’appui aux innovations duales, ou dispositif RAPID, de soutien à l’innovation. À ce sujet, nous vous adressons une suggestion : le dispositif pourrait être amélioré s’il était étendu à la phase de pré-production des projets.
Enfin, j’appelle votre attention sur la situation de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales, l’ONERA.
Alors que l’innovation et la recherche sont affirmées comme des éléments fondamentaux de notre effort de défense, on ne peut qu’être frappé du cadre extrêmement contraint que l’État a fixé à l’ONERA au titre du contrat d’objectifs et de performance, ou COP, pour la période 2017-2021 : la subvention de l’État devrait être pour ainsi dire stable, de l’ordre de 115 millions d’euros.
De manière significative, la subvention à l’équivalent allemand de l’ONERA a crû, dans le même temps, de 110 à 170 millions d’euros. À l’heure où nous voulons mettre en œuvre, de concert avec l’Allemagne, le système de combat aérien futur, le SCAF, ce différentiel relatif à l’effort de recherche amont devrait nous faire réfléchir.
Pour résumer, le COP négocié et signé en 2016 est aujourd’hui en décalage par rapport à nos ambitions dans le domaine aéronautique et, plus largement, en matière de défense, me semble-t-il. Madame la ministre, n’y aurait-il lieu de faire un petit effort supplémentaire pour l’ONERA, sans attendre la fin du COP ?
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la LPM a exposé clairement les menaces et les priorités. Dans un monde plus incertain et plus dangereux, la France doit poursuivre ses efforts dans le domaine du renseignement.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, les crédits alloués à la direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, et à la direction du renseignement et de la sécurité de la défense, la DRSD, en sont la traduction. À ce titre, je tiens à formuler deux observations.
Tout d’abord, la DGSE bénéficiera de 89 créations d’emplois, contre 41 pour la DRSD. Toutefois, cette dernière ne parvient pas à pourvoir tous les postes ouverts, non seulement parce que les armées ne sont plus en mesure de la régénérer autant que nécessaire, mais aussi parce qu’elle manque de visibilité et de capacité à proposer des niveaux de rémunération suffisants aux personnels civils.
Ces difficultés de recrutement et de fidélisation, globalement, mais pas complètement surmontées par la DGSE, tiennent également aux singularités des profils recherchés, ainsi qu’à la faiblesse des viviers, notamment dans le domaine du numérique. Il s’agit là d’un problème structurel, qui touche tous les secteurs de l’État.
Il est regrettable que les écoles d’ingénieurs et les universités soient dans l’incapacité de répondre à la croissance des demandes, ce qui crée des tensions sur le marché du travail. Sans une politique active d’orientation vers les filières scientifiques, la France aura, à terme, des difficultés à suivre les pays concurrents ou adversaires dans le domaine du renseignement technique et de la cyberdéfense. C’est un véritable enjeu de sécurité nationale !
Deuxième observation, les crédits d’investissement progressent de plus de 15 %, cette hausse étant essentiellement destinée aux investissements techniques et aux infrastructures immobilières.
Avec Pascal Allizard, je me suis rendu sur les sites centraux de la DGSE et de la DRSD et nous avons pris conscience de l’hétérogénéité et de la vétusté de nombre de bâtiments. Ils ne correspondent plus aux besoins et à l’activité de ces services et nuisent, en outre, à leur attractivité comme à la fidélisation de leurs agents. Les programmes de rénovation et de construction sont des opérations complexes : la saturation des emprises oblige à rénover sans interrompre l’activité et les exigences de sécurité sont maximales.
S’agissant de la DGSE, l’effort d’investissement est considérable : quelque 910 millions d’euros devraient être engagés d’ici à 2025 contre 277 millions d’euros au cours de la précédente loi de programmation. La DRSD verra, en 2019, le démarrage du projet de restructuration du site central pour un coût évalué à 60 millions d’euros. En parallèle, un plan pluriannuel de rénovation des directions zonales et des postes sera financé pour un montant de 16, 5 millions d’euros. Nous veillerons à ce que cet effort soit maintenu en exécution.
En conclusion, s’agissant du renseignement, je me réjouis à titre personnel du respect, dans le projet de loi de finances pour 2019, des engagements de la loi de programmation.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je voudrais tout d’abord rendre hommage à nos soldats, exemplaires, ces femmes et ces hommes qui exposent leur vie pour défendre la France et nos concitoyens.
Je pense notamment à celles et ceux qui, en ce moment même, sont déployés en OPEX. J’ai aussi une pensée pour nos blessés, dont on parle peu, alors qu’ils portent dans leur chair la trace de leur courage. Je veux à cet instant et en notre nom à tous leur dire notre reconnaissance et notre admiration.
Applaudissements.
Nous voilà, madame la ministre, sur le premier exercice budgétaire de la nouvelle loi de programmation militaire. Vous avez pu mesurer lors de nos débats sur ce texte que le Sénat s’interdisait toute posture partisane, quand il y va de la défense de la France – cela a été rappelé, 326 sénateurs ont voté ce texte.
Nous avons adhéré à votre démarche d’une LPM « à hauteur d’hommes », qui se préoccupe des militaires et de leurs familles, et pas seulement des équipements. Nous avons soutenu les deux volets de ce texte, la réparation et la préparation de l’avenir, tous les deux indispensables.
C’est pourquoi vous ne serez pas étonnée que je reconnaisse ici, tout d’abord, qu’il y a du positif dans le projet de budget pour 2019, qui s’élève à 35, 9 milliards d’euros, en hausse de 1, 7 milliard d’euros. Il y a une augmentation des moyens, personne ne peut le nier. Il y a aussi le respect, à ce stade, de la trajectoire de la LPM. Les presque 700 millions d’euros supplémentaires sur les équipements doivent ainsi permettre de véritablement commencer le grand chantier de modernisation de nos armées. C’est votre combat, madame la ministre ; c’est aussi le nôtre !
Naturellement, il y a des points qui appellent une plus grande vigilance, notamment concernant les ressources humaines : la façon dont seront traitées les retraites des militaires, la mise en œuvre de la nouvelle politique de rémunération, les conditions d’application du prélèvement à la source… Après la catastrophe Louvois, il est impératif que la bascule sur Source Soldes se passe au mieux. Nous serons très vigilants sur tous ces points et je sais, madame la ministre, combien ils vous mobilisent.
Mais parce que nous reconnaissons les points positifs, nous ne tairons pas non plus nos déceptions. Vous le savez, notre commission déplore vivement l’annulation des 404 millions d’euros du budget de 2018, inscrite dans la loi de finances rectificative. Les conséquences en seront réelles et lourdes.
Tout d’abord, jugeons l’ordre de grandeur, alors que le ministre de l’action et des comptes publics veut nous vendre le fait que tout cela est marginal : sur le seul programme 146, ce sont 319 millions d’euros qui sont annulés. Nos rapporteurs, Cédric Perrin et Hélène Conway-Mouret, l’ont dénoncé à raison.
Mes chers collègues, 319 millions, ce n’est pas rien, c’est l’équivalent de deux ans de livraison des nouveaux Griffon ou de dix hélicoptères Tigre, c’est 2, 5 fois le coût de l’équipement de tous nos soldats en nouveaux fusils HK416, qui arrivent pourtant au compte-gouttes dans les régiments !
Au-delà de ces exemples éloquents, il y a plus grave : c’est le doute que ce mouvement soudain de pure logique comptable peut faire naître sur la détermination du Gouvernement à suivre la feuille de route, difficile, que trace la LPM. S’il faut déjà raboter près d’un demi-milliard d’euros, alors que la LPM n’est même pas encore commencée, comment ferons-nous lorsqu’il faudra ajouter chaque année un volume encore plus important de crédits au budget de la défense ?
Le message adressé par le collectif budgétaire est désastreux, et tout cela laisse une immense impression de gâchis, quelques mois seulement après l’adoption presque unanime de la LPM. La confiance finira par laisser place au doute !
Madame la ministre, nous avons travaillé en responsabilité, vous et nous, sur la LPM. Nous ne remettons pas en cause votre bonne foi. Nous savons quel est votre combat, il est aussi le nôtre : renforcer les capacités opérationnelles de nos armées. Je veux réaffirmer aujourd’hui notre détermination totale à faire respecter la LPM que nous avons votée.
Sans cette initiative malheureuse sur le collectif budgétaire, nous aurions voté sans réserve le budget de ce premier exercice de la LPM, mais à cause de cela, une large majorité des sénateurs va s’abstenir. Nous manquons une belle occasion de rassembler à nouveau le Sénat derrière nos armées et aussi derrière vous, madame la ministre. Tout cela est bien dommage…
Tournons-nous maintenant vers l’avenir. L’an prochain, la provision pour les OPEX sera portée à 850 millions d’euros. Nous savons bien que ce montant sera inférieur aux besoins. Je vous pose donc d’ores et déjà la question : le Gouvernement compte-t-il, l’an prochain, renier à nouveau le principe d’une prise en charge par la solidarité interministérielle de ce surcoût et faire le contraire de ce qui est spécifiquement prévu dans la LPM ?
J’ai lu avec attention la lettre que le Premier ministre a bien voulu m’adresser à la suite du communiqué de presse de notre commission. J’ai cru y deviner l’amorce d’un raisonnement qui me paraît préoccupant : l’idée que, en proportion du budget total des armées, la ponction était faible et que, somme toute, votre ministère avait été bien traité.
C’est inquiétant, car si le Gouvernement tient ce raisonnement en 2018, qu’en sera-t-il au fur et à mesure de l’exécution de la LPM et des augmentations prévues – 1, 7 milliard d’euros par an dans un premier temps, puis 3 milliards d’euros ?
C’est oublier que les moyens que nous avons décidé de consacrer à notre défense dans la LPM sont loin d’être un luxe !
Les défis sont colossaux, vous les connaissez comme moi, madame la ministre : combler les lacunes capacitaires, moderniser les équipements, développer nos capacités de renseignement, remettre en état des infrastructures délabrées, investir les nouveaux champs de conflictualité, redonner de l’air au service de santé et au commissariat des armées et renforcer l’attractivité du métier des armes, à l’heure où la concurrence des recruteurs du privé menace les ressources humaines des armées.
Oui, il y a aura besoin de l’effort prévu en LPM, et si Bercy persiste à venir chercher un demi-milliard d’euros, un milliard d’euros ou plus sur le budget des armées chaque année, cela ne fonctionnera pas !
J’ai également entendu un argument assez troublant : quand le Gouvernement – pas vous, madame la ministre – affirme que les annulations de crédit n’auront aucun impact, que faut-il en conclure exactement ?
S’il s’agit de dire que certaines dépenses, par exemple le versement à l’OCCAR, l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement, seraient reportées, c’est tout simplement de la cavalerie budgétaire. Autre hypothèse, nous aurions fait des économies sur le coût de certains matériels : si le ministère avait réussi à faire plus de 300 millions d’économies, nous le saurions !
Une autre interrogation émerge alors ? Si l’annulation de ces crédits devait être indolore, serait-ce parce que le ministère des armées serait devenu incapable d’absorber des hausses de crédits ? Il faut dans ce cas se poser la question de l’organisation du soutien, qui est en silos : une telle organisation est-elle encore adaptée ? Ne faut-il pas plus de subsidiarité pour les bases de défense ? Les commandants de base, eux, sauront engager les crédits au plus près des besoins, au lieu d’être corsetés pour commander un transport, gérer l’habillement ou la cantine ou repeindre un couloir ! Cette question d’organisation doit être traitée, au risque d’empêcher la remontée en puissance.
La question des ressources humaines et des recrutements nous inquiète aussi : quelque 155 millions d’euros n’ont pas été dépensés sur le titre 2 cette année. Chacun connaît la difficulté de maintenir les compétences dans nos armées, vu le niveau des rémunérations et la comparaison avec ce qui a cours dans le secteur privé.
Aussi, l’idée qu’il reste en fin d’année 155 millions d’euros non dépensés nous laisse songeurs. La centralisation de la politique des ressources humaines au niveau du secrétariat général des armées a-t-elle vraiment amélioré le pilotage de la masse salariale ? Ou, tout simplement, est-ce un mal plus profond, celui de la perte globale d’attractivité du métier des armes par la conjonction du surengagement et de la faiblesse des rémunérations ? Je ne doute pas, madame la ministre, que ce sont des questions sur lesquelles vous allez vous pencher de très près. Nous vous accompagnerons dans ces investigations.
Ce que souhaite notre commission, vous le savez, c’est non pas l’échec du Gouvernement, mais la réussite de notre modèle d’armée, parce que cette réussite est la condition de la défense de la France et des Français.
Nous espérons avoir des réponses sur l’ensemble de ces questions et notre commission restera vigilante et mobilisée pour le succès de nos armées. Elle reste disponible, vous le savez, pour y travailler avec vous.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Rachid Temal applaudit également.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Alain Richard.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances constitue la première étape de l’application de la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025, que nous avons adoptée en juin dernier.
De fait, les crédits inscrits sont en hausse de 1, 7 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. Cette hausse, qui est sans précédent depuis la fin de la guerre froide, respecte la trajectoire inscrite dans la loi de programmation. Cette évolution est également cohérente, dans un pays qui lutte contre le surendettement, avec les dispositions de la loi de programmation des finances publiques.
En outre, les ressources prévues sont dépourvues d’aléas, ce qui n’a pas encore été indiqué, me semble-t-il, dans notre débat. Ces inscriptions budgétaires, ainsi que la perspective stratégique claire qui a été définie au début du présent quinquennat – perspective qui est d’ailleurs cohérente avec celle qui avait été fixée antérieurement –, constituent une base solide pour financer un développement cohérent de nos forces armées.
Nous avons entendu, lors de la présentation des différents rapports budgétaires, des critiques sur la gestion du financement des OPEX en fin d’année 2018. Ces critiques sont évidemment légitimes, mais je ferai simplement observer que nous n’avons jamais connu une inscription budgétaire de 850 millions d’euros pour les OPEX en loi de finances initiale.
Souvenons-nous tout de même que, durant les premières années où nous avons inscrit une ligne budgétaire à ce titre, celle-ci ne s’élevait qu’à quelques dizaines de millions d’euros et qu’elle a oscillé, durant les deux précédents quinquennats, entre 400 et 500 millions d’euros. Une inscription de 850 millions d’euros en loi de finances initiale constitue donc un progrès ; il n’est pas inopportun de le rappeler.
Le projet de loi de finances pour 2019 met l’accent sur l’investissement en faveur des personnels, militaires ou civils, auxquels je veux aussi exprimer notre hommage et notre soutien – je rejoins en cela les termes employés par le président Cambon à l’instant, qui nous rassemblent tous.
Cette année, les forces armées bénéficieront de 450 créations de postes, centrées principalement sur le renseignement, le cyber et le numérique. Cela constitue un défi, car de tels recrutements, nous le savons, sont difficiles. Cette difficulté explique aussi le chiffre de 450, qui est accessible.
La dimension ressources humaines de ce budget comprend aussi une composante importante et politiquement très significative, à savoir la poursuite du plan Famille. Cette problématique, qui représente le premier facteur de disponibilité et d’engagement des personnels, avait été clairement identifiée par les gouvernements précédents, mais c’est celui auquel vous appartenez, madame la ministre, qui met effectivement des mesures en œuvre.
Des solutions sont ainsi apportées en matière de petite enfance, de logement, d’accès facilité à la carte famille de la SNCF ou de Wi-Fi – celui-ci devient gratuit dans la plupart des situations de projection. Ce sont des projets concrets, qui contribuent à l’attractivité de la carrière militaire pour les jeunes, qui vont ainsi servir leur pays dans des conditions améliorées par rapport à ce qu’ont connu leurs aînés.
Ce budget porte aussi des améliorations en matière d’infrastructures – certaines datent effectivement… – et de conditions de travail et de vie. Sur ces sujets, plusieurs dispositifs sont bien engagés et vont se poursuivre au cours de l’année 2019. Je pourrais aussi citer, comme l’a fait notre collègue Guerriau, la mise à jour du système indemnitaire, qui est destinée à conserver de l’attractivité aux carrières dans l’armée.
Je voudrais d’ailleurs saluer, à cet instant, le travail réalisé depuis maintenant une dizaine d’années par le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, qui est un instrument crédible et parfaitement respectueux de la neutralité des armées ; au fond, il est chargé de défendre par procuration les intérêts professionnels des militaires, en opérant notamment un travail de comparaison, d’étalonnage, de leurs conditions statutaires et de rémunération par rapport à d’autres professions. Les personnalités engagées dans ce Haut Comité apportent beaucoup de soin à leur tâche et servent utilement les armées.
Je voudrais aussi évoquer le service de santé des armées. Nous savons tous par expérience à quel point ce service est une composante essentielle de la solidité et de la confiance de nos forces armées, et à quel point il constitue un pôle d’excellence dans la médecine française et la recherche.
Au-delà de la question immobilière – le sujet du Val-de-Grâce a été évoqué –, je crois qu’il nous faut aussi parler des personnels, dont je veux souligner les qualités humaines, de courage et d’engagement – je pense notamment aux médecins, qui sont, je le rappelle, particulièrement qualifiés pour la mission dans laquelle ils s’engagent.
Il n’est pas toujours facile de fidéliser ces personnels. En raison de la valeur scientifique et médicale, l’attractivité des postes est toujours très forte en début de carrière, ce qui est un bon signe, mais la suite est souvent plus fragile. Je suis convaincu, madame la ministre, que vous examinez ce sujet de près.
Dans nombre d’opérations, dont certaines avec des unités très dispersées, il peut être nécessaire de projeter aussi des personnels médicaux. La question du service de santé des armées est donc importante pour la crédibilité de nos engagements.
Pour revenir au projet de loi de finances, je note que les dépenses liées aux équipements sont en forte progression.
Sans citer toutes les réalisations, je souhaite mentionner l’importante réorganisation que vous avez engagée, madame la ministre, en ce qui concerne le maintien en condition opérationnelle, le MCO, de l’aéronautique. Ce projet porte beaucoup d’espoirs, puisque, dans toutes les armées, il s’agit d’une fragilité connue et très sérieuse.
J’observe aussi avec satisfaction l’accélération des études amont et la mise en place d’un nouveau partenariat avec Bpifrance, DEFINVEST, qui, je le crois, attirera nombre d’entreprises stratégiques.
Vous l’aurez compris, nous sommes devant un bon budget, qui ouvre une perspective dynamique. Il faut donc le voter – c’est en tout cas ce que fera le groupe La République En Marche, en disant bravo au Gouvernement !
M. Jacques Mézard applaudit.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Défense » sont essentiels pour la préservation de notre sécurité et de nos valeurs, mais aussi de nos intérêts, du fait de notre présence sur l’ensemble du globe.
Ces crédits doivent en priorité assurer la sécurité des militaires déployés dans le monde. Au moment où nous parlons, ils sont près de 5 000 au Sahel, où ils remportent chaque jour des victoires contre le terrorisme, plus de 1 000 au Levant, que ce soit en mer, sur terre ou dans les airs, pour lutter contre ce qui reste de Daech et 10 000 à assurer la présence et la souveraineté de la France dans le monde.
Ces crédits sont essentiels, enfin, car ils doivent contribuer à préparer l’avenir, en nous permettant d’investir dans l’innovation pour préserver notre liberté d’action et d’assurer notre capacité à dissuader tout adversaire potentiel. Jeudi dernier, le chef d’état-major de l’armée de l’air a notamment souligné son inquiétude face à la prolifération des systèmes d’anti-accès, qui mettent en péril notre supériorité aéronavale.
Face à ces défis, nous avons deux préoccupations ; nous les avons déjà exprimées lors des discussions sur la loi de programmation militaire.
Première préoccupation, le budget des armées doit être sincère. Certes, madame la ministre, j’entends l’argument d’une hausse sans précédent du budget de la défense depuis de nombreuses années, mais convenez qu’il y a un problème de respect du vote du Parlement et des engagements pris à l’égard des armées dans le cadre de la LPM pour 2019-2025.
Je pense, d’une part, aux annulations de programme qu’il faudra réintégrer dans les prochaines années, et, d’autre part, au prolongement de l’effort engagé en 2018 en ce qui concerne les OPEX, dont la provision va à nouveau augmenter, en passant de 650 millions d’euros en 2018 à 850 millions en 2019. Nous appelons à ce que le reliquat soit effectivement et concrètement assuré par la solidarité interministérielle, comme l’a indiqué Dominique de Legge, et non par le budget des armées.
Seconde préoccupation, le budget des armées doit, au moins, permettre de préserver un statu quo opérationnel et capacitaire.
C’est vrai en termes budgétaires, mais également en termes humains. L’année 2019 verra la création de 450 postes, en particulier dans les secteurs du renseignement et de la cyberdéfense. Nous comprenons ces priorités, mais nous souhaitons que les missions conventionnelles des armées reçoivent également le renfort humain dont elles ont besoin.
À ce niveau, nous sommes confrontés à un fait préoccupant : une sous-consommation des crédits de personnel pourrait être constatée en 2018. Sommes-nous face à un creux conjoncturel ou à un déficit chronique d’attractivité de la part des armées ? Pourriez-vous, madame la ministre, nous éclairer sur ce point ?
Cette question est d’autant plus prégnante que vous avez déjà pris des mesures fortes, que nous approuvons, pour fidéliser les soldats. Ainsi, la création d’une prime de lien au service, la reprise du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » et la montée en charge du plan Famille vont dans le bon sens. Il faut placer les efforts de la Nation, comme vous le dites avec justesse, madame la ministre, « à hauteur d’hommes ».
Sur le plan humain, nous avons d’autres questionnements. Le projet de service national universel, SNU, nous interpelle. S’il était question d’un encadrement militaire, à quelque échelle que ce soit, cela soulèverait des interrogations majeures. Où les ressources correspondantes seraient-elles prélevées ? Quelles seraient la responsabilité des militaires et leur articulation avec les encadrants civils ?
Le SNU devrait être expérimenté à l’été 2019. Or aucun crédit n’a été inscrit à ce titre dans le présent projet de loi de finances, ni sur le budget du ministère des armées, ni sur celui du ministère de l’éducation nationale. Nous craignons une déstabilisation de la LPM et nous demandons à être rassurés sur ce point.
Pour permettre d’exercer pleinement leur métier, les hommes ont besoin d’équipements bien entretenus et renouvelés.
En 2019, les crédits pour l’entretien programmé du matériel connaîtront une hausse exceptionnelle en autorisations d’engagement de plus de 4, 6 milliards d’euros, ce qui représente un doublement. Cette augmentation concernera en particulier le maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques et contribuera à la mise en place de la nouvelle direction de la maintenance aéronautique.
Alors que se déroulait, la semaine dernière, le Forum Innovation Défense, il est évident que la capacité du ministère à investir dans les technologies de demain est indispensable à notre effort de défense. Nous saluons ainsi la hausse des crédits dédiés à la recherche et au développement, qui sera de l’ordre de 180 millions d’euros en 2019.
Toutefois, en matière d’effort d’armement et d’équipement, nous souhaitons rappeler notre vigilance quant aux mouvements de crédits en cours, qui peuvent parfois déstabiliser des programmes entiers. L’exemple du récent projet de loi de finances rectificative nous a montré à quel point ces budgets sont fragiles et soumis aux aléas budgétaires.
Cela m’amène à mon dernier point : la logique comptable qui prévaut trop souvent au détriment de nos intérêts de sécurité. Vous savez que le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutient la remontée en puissance du budget des armées. Pour nous, il s’agit d’un impératif de sécurité nationale, mais également d’une nécessité si nous souhaitons maintenir notre rang dans le monde, être crédible auprès de nos alliés et assumer pleinement notre indépendance.
Le Parlement a voté une trajectoire budgétaire ambitieuse, la plus ambitieuse depuis de nombreuses années. Nous n’accepterons pas de la voir remise en question en permanence par des arbitrages de Bercy. Cette tension entre les ministères des armées et du budget doit cesser, si nous voulons assumer collectivement l’effort de défense que nous avons tous voulu.
Je rappelle à ce titre que les plus hautes « marches » budgétaires ne doivent être gravies qu’à partir de 2023. Le plus dur est donc devant nous ! Un proverbe tibétain dit : « Quand tu es arrivé au sommet de la montagne, continue de grimper ! » §Nous ne sommes qu’au début de la mise en œuvre de la loi de programmation militaire, et l’ascension sera longue avant que nous n’atteignons le sommet. Il ne faudrait pas, madame la ministre, que de petits cailloux nous fassent trébucher prématurément.
Madame la ministre, nous avons confiance dans votre engagement et vous pouvez compter sur notre soutien en faveur de l’intégrité de la trajectoire budgétaire, que nous avons votée dans la loi de programmation militaire.
Mme Sophie Joissains et M. Alain Richard applaudissent.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le vote des crédits de la défense est toujours un moment singulier, incontournable, car c’est un moment de vérité budgétaire et politique. C’est l’occasion de vérifier si le Gouvernement respecte ses engagements en allouant les moyens nécessaires à l’application de lois que nous votons.
La question est simple : le budget des armées pour 2019 est-il en adéquation financière avec la loi de programmation militaire votée il y a quatre mois, après un vrai travail de concertation ?
Madame la ministre, nous savons votre engagement personnel dans la recherche de crédits à la hauteur des ambitions françaises en matière de défense, ambitions imposées par nos responsabilités internationales et par une sécurité mondiale rythmée par une instabilité géopolitique croissante.
Pour autant, madame la ministre, je suis au regret de vous dire que, malheureusement, votre détermination n’a pas suffi ! Ce budget devait incarner « l’antichambre » de la première année de la loi de programmation militaire. Or, une fois de plus, nous avons assisté au scénario « gel de crédits, dégel et crispation sur toutes les travées »…
Comme l’a très bien exprimé notre collègue rapporteur spécial de la commission des finances Dominique de Legge lors de son examen, le projet de loi de finances rectificative pour 2018 est un budget de renoncement : il se traduit par une annulation de 404 millions d’euros, qui affecte principalement le programme 146 dédié aux équipements.
Pourtant, vous nous aviez promis que l’heure était à la réparation et à la préparation de l’avenir. Ces annulations augurent mal de l’entrée dans la nouvelle LPM, alors même que la France n’a pas réduit la voilure des OPEX.
De fait, la problématique du maintien en condition opérationnelle, ou MCO, reste centrale, car l’usure des matériels et la rudesse des théâtres exigent un rythme de remplacement plus soutenu. Il y va de la sécurité de nos soldats.
En outre, nul ne peut le nier, ces annulations de crédits auront des répercussions sur la base industrielle et technologique de défense et sur le tissu des petites et moyennes entreprises qui participent à la croissance économique et pèsent positivement dans la balance des exportations. Il nous faut d’ailleurs réfléchir aux moyens de mieux les protéger, par exemple en écartant des appels d’offres les entreprises étrangères, dès lors qu’ils touchent à des domaines très sensibles.
Que dire également de la fin de la solidarité interministérielle dans le financement des OPEX ? Que penser des déclarations du Premier ministre, selon lesquelles les armées peuvent assumer intégralement les OPEX ?
Cela m’amène à deux remarques. La fin de l’interministériel, c’est la négation de la LPM. Est-ce là toute la considération pour le pouvoir législatif et la représentation nationale ? Ensuite, l’interministériel n’est pas uniquement une question comptable : c’est aussi un partage du coût de la sécurité et de la défense de la Nation entre tous les ministères. En termes symboliques, ce n’est pas un détail.
Peut-être me répondrez-vous que des reliquats de crédits de personnel, à hauteur de 150 millions d’euros, permettront d’amortir ces annulations ? Malheureusement non, car cette non-consommation incarne parfaitement le défi de la politique de ressources humaines, auquel le ministère doit faire face : recruter, rémunérer et fidéliser.
C’est particulièrement vrai dans les domaines du renseignement et de la cyberdéfense. Les data, leur exploitation et leur protection représentent un enjeu économique primordial. En outre, comment être attractif dans un secteur où les salaires dépassent ceux des généraux ?
Certes, la réserve citoyenne pourrait offrir un début de réponse, mais encore faudrait-il mieux recenser et utiliser les talents des réservistes. Madame la ministre, je profite de cet instant pour vous demander de nous éclairer sur l’état de la réserve citoyenne, qui pourrait être mieux utilisée, en particulier à l’étranger pour l’organisation de la Journée défense et citoyenneté. J’aurai l’occasion d’y revenir.
Pour continuer sur les questions technologiques, je voudrais attirer votre attention sur l’importance de notre souveraineté en matière cyber.
Nous pouvons nous féliciter d’une certaine prise de conscience qui a eu lieu sur ce sujet et des efforts qui sont consacrés à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, mais il convient de les accroître tant en matière de formation que d’investissement. À l’heure où les « rançongiciels » se développent, nous devons réfléchir à l’utilisation des logiciels libres dans les services et par les opérateurs sensibles.
La dépendance de la défense envers Microsoft, j’ai déjà eu l’occasion de le dire et de l’écrire, est un handicap, voire une menace pour cette souveraineté numérique que nous devons construire.
À cet instant de la discussion et en dépit du constat négatif sur la réalité de votre budget et ses lourdes conséquences sur les armées, je voudrais, madame la ministre, vous remercier pour votre action vis-à-vis des soldats et de leurs familles.
Il me paraît important de rappeler qu’il n’est point de défense sans ressources humaines. Certes, nous rendons très régulièrement un hommage appuyé et solennel aux hommes et aux femmes de la défense. Mais ces hommages et cette reconnaissance doivent se traduire par des actes.
Nous ne pouvons donc que vous soutenir concernant le plan Famille mis en place l’année dernière et qui devrait monter en puissance. Il y a en effet derrière chaque soldat une famille pour qui le quotidien est souvent difficile.
Madame la ministre, vous l’aurez compris, je suivrai, avec mon groupe, l’avis de la commission des finances, qui a conclu à une position de sagesse, sagesse responsable, mais empreinte de lassitude et de lourdes inquiétudes concernant l’environnement et toute la communauté de défense.
En guise de conclusion, je veux vous donner rendez-vous l’année prochaine, madame la ministre. Cela vous laisse une année pour réussir la première marche de la loi de programmation militaire et sur laquelle nous serons plus que vigilants.
M. Philippe Dallier remplace M. Thani Mohamed Soilihi au fauteuil de la présidence.
Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il y a six mois, nous discutions de la programmation militaire 2019–2025. Lors de ce débat, notre groupe avait pointé une vive inquiétude quant au choix de reporter la majorité de l’effort de défense à la fin du quinquennat, voire après les élections de 2022.
Autant dire notre attention sur ce premier budget post-LPM.
Avant toute chose, il faut rappeler notre profond doute à l’égard de l’objectif des fameux 2 % du PIB de l’effort budgétaire de défense. Cet objectif appelle, selon nous, un débat démocratique qui n’a toujours pas eu lieu. Pourrons-nous vraiment préparer la paix dans le monde en nous livrant à la course aux armements et en augmentant tous les budgets militaires mondiaux ?
Je sais, mes chers collègues, que nous avons un désaccord sur le financement des OPEX.
La défense nationale concerne, selon nous, l’ensemble des acteurs publics de l’État. Faire reposer une part du budget des opérations extérieures sur un fonds interministériel ne nous semble toutefois pas la solution la mieux adaptée. Je vous rappelle d’ailleurs la critique émise par la Cour des comptes sur ce fonctionnement.
Ce choix est, selon moi, d’autant plus incohérent que le ministère de la défense participe lui aussi à ce fonds. Dans ces conditions, pourquoi ne pas prévoir une ligne budgétaire suffisante au sein du programme 178 ?
Si, comme l’a rappelé l’un de nos collègues, le provisionnement de 850 millions d’euros pour cette année apporte beaucoup plus de transparence, le problème de la sous-évaluation du coût des OPEX perdure. Ces dernières années, il a coûté cher en retard d’équipements pour nos soldats et nos armées.
Je poursuis sur la question de l’immobilier. Les gouvernements successifs ont fait le choix de vendre le patrimoine de la défense, alors que les besoins étaient criants, du fait de la mobilisation toujours plus importante des effectifs et de la vétusté des locaux existants.
Le plan Famille doit permettre de répondre, en partie, à cette problématique. Nous soulignons l’engagement dans ce budget de presque 2 milliards d’euros pour planifier les nombreuses améliorations et rénovations de bâtiments de défense. C’est une très bonne chose, madame la ministre !
Pour poursuivre, vous connaissez, mes chers collègues, notre désaccord sur l’augmentation des crédits apportés à l’OTAN, à hauteur de 84 millions d’euros sur le budget de la défense et de 28 millions d’euros sur le budget de l’action extérieure de l’État. Cela représente encore une hausse de 7 %.
Nous le répétons chaque année, notre opposition n’est pas purement de principe, elle est également liée aux enjeux de la construction d’une Europe de la défense. Comment construire une nouvelle politique de sécurité collective en Europe et non une Europe de la défense arrimée à l’OTAN ? Voilà la question dont nous devrions débattre.
Autre point de désaccord, que j’ai également souvent évoqué ici, le plan de modernisation nucléaire, qui mobilisera 4, 5 milliards d’euros. En consacrant toujours plus d’argent à ce plan de modernisation – j’en reviens toujours à cela, car j’aimerais nous voir un jour réussir à réduire le nucléaire militaire, ce qui serait déjà une avancée énorme ! –, la France s’interdit d’être la figure de proue d’un retrait progressif du nucléaire militaire, conformément au traité de non-prolifération. Je n’aborde pas ici les traités d’interdiction.
Dans cette intervention, je tiens à aborder un sujet largement évoqué lors de nos discussions en commission, la question des ventes d’armes. Le sens des responsabilités mais aussi l’éthique impliqueraient de mettre en œuvre, comme le préconisent nos voisins allemands – je ne sais s’ils sont passés aux actes – et le Parlement européen, un arrêt des ventes d’armes vers les pays engagés dans un conflit contre la population civile, et je ne pense pas seulement à l’Arabie Saoudite par rapport au Yémen. Avouez que cette situation – très rarement évoquée, même entre nous, au sein de la commission – est, d’après les informations dont nous disposons, catastrophique sur le plan humain !
Mme Florence Parly, ministre des armées, acquiesce.
Le Gouvernement maintient sa position de refus de débattre de la question. Son argument, c’est que l’utilisation des armes, dès lors qu’elles sont achetées et livrées par les pays acheteurs aux armées d’État légales, ne regarde pas le vendeur que nous sommes, une fois la livraison effectuée. J’aimerais que soient engagées des réflexions sur ce sujet et sur l’opacité dans la vente des armes. Sur le plan humain, sur le plan du respect du droit international que nous défendons tous ici, nous adopterions déjà une position forte en affichant, sinon une volonté de stopper la vente des armes vers de tels pays, du moins celle de demander un moratoire.
Lors de mon intervention en qualité de rapporteur pour avis, j’avais souligné la remontée du maintien en condition opérationnelle, mais celle-ci reste encore lente et inférieure aux prévisions.
J’insiste également sur la baisse des crédits de l’action sociale en direction des militaires. Il s’agit ici d’un message que nous aurions aimé différent. Les séquelles de Louvois sont encore très présentes – vous en êtes consciente, madame la ministre, je le sais. Il faut aussi mentionner la future réforme des retraites, qui laisse planer une grosse inquiétude pour nos militaires.
Je vais conclure, monsieur le président. L’année dernière, j’avais dit qu’il serait bon que nous réussissions à nous rapprocher au sujet de la loi de programmation militaire. Après maintes discussions au sein de mon groupe, nous avons décidé, madame la ministre, de ne pas voter contre les crédits de la mission. Nous nous abstiendrons.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, monsieur Christian Cambon, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis nos derniers débats, ici même, lors de l’examen de la loi de programmation militaire, la situation du monde ne s’est pas apaisée. La montée des menaces a été largement décrite dans la dernière Revue stratégique.
La menace terroriste, si elle a été largement circonscrite par nos interventions, notamment avec les opérations Barkhane et Chammal, est toujours présente et engage nos forces armées en opérations extérieures et intérieures.
Je tiens ici à saluer la détermination, le courage et le professionnalisme de tous nos soldats et de leurs chefs, le général François Lecointre, chef d’état-major des armées et les chefs d’état-major des armées de terre, de l’air et de la Marine.
Au-delà des opérations extérieures, les Français les côtoient au quotidien et il n’est pas rare qu’ils les remercient ou les saluent avec admiration et bienveillance. Ils patrouillent chaque jour dans nos rues en s’intégrant parfaitement aux dispositifs mis en place de manière conjointe et coordonnée par l’ensemble de nos forces de sécurité.
Certains d’entre eux seront sur tous les théâtres d’opérations lors des prochaines fêtes de fin d’année et, pour avoir partagé quelques réveillons à leurs côtés, je sais ce que cela représente pour leurs familles.
Derrière chaque soldat, il y a des parents, des conjoints, des enfants. Il y a aussi, et je tiens à insister sur ce point, notre pays et ses valeurs, que nos forces armées servent sans hésitation, fût-ce au prix du sacrifice suprême. Je pense aussi à nos soldats blessés et aux familles endeuillées.
Notre travail dans cet hémicycle doit prendre tout cela en considération au moment où nous débattons du budget de la défense.
En ce sens, au Sénat, nous n’avons pas attendu les artifices de communication d’un soi-disant « nouveau monde » pour considérer que certains sujets revêtent une importance qui dépasse les oppositions classiques entre partis politiques et appelle une approche collective au-delà de toutes les travées, sans oublier nos différences et nos divergences qui enrichissent nos travaux. Notre défense appelle sérénité et efficacité.
Vous avez pu, madame la ministre, constater l’an dernier, lors du précédent débat budgétaire et au cours de la discussion de la loi de programmation militaire, que le Sénat est un lieu de débat constructif et créatif. Le président Cambon a repris le flambeau de ses prédécesseurs et je tiens à le remercier, lui et l’ensemble de nos collègues, pour la qualité de nos échanges et de nos débats en commission.
Ici, nous travaillons en confiance et avec vigilance. Nous jugeons sur pièces !
Lors de la loi de programmation militaire, vous avez proposé un cadre de confiance en positionnant les futurs engagements budgétaires à « hauteur d’homme » et en suscitant beaucoup d’espoir d’amélioration pour nos armées. Nous avons voulu croire aux promesses d’un effort inédit et d’une remontée en puissance exceptionnelle.
Cette démarche s’inscrivant en continuité du travail impulsé par le précédent président de la République, François Hollande, notre groupe l’a soutenue tout en émettant des réserves quant à son exécution et à la traduction des paroles en actes.
Or, dans les actes, la fin de gestion de l’exercice 2018 est marquée par la contradiction de l’article 4 de la loi de programmation militaire sur la solidarité interministérielle quant aux surcoûts des OPEX. Cette disposition primait jusqu’alors et jusque dans le texte que nous avons voté en toute bonne foi le 4 juillet dernier.
Les 404 millions d’euros supportés en 2018 par le seul budget des armées seront répercutés dès 2019 et entament donc largement les promesses faites par l’actuel gouvernement à nos armées. La loi de programmation militaire n’est pas encore en œuvre que ces engagements sont déjà remis en question. Ce n’est pas, comme nous l’avons entendu, une simple question de technique budgétaire. C’est un problème politique dont nous nous demandons quelles seront les répercussions concrètes.
Ce problème politique vient ternir l’impression générale de l’augmentation de 4, 2 % du budget de la défense pour 1, 7 milliard d’euros, qui l’inscrit dans la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire. À la suite du projet de loi de finances rectificative pour 2018, le doute est là. Il ne permet pas d’être assuré, par exemple, que l’augmentation du programme 146 aura la portée escomptée et que l’ensemble des commandes et livraisons d’équipements seront au rendez-vous.
La logique budgétaire qui s’est appliquée ces dernières semaines pour le budget de la défense, consistant à prendre plus au ministère des armées parce qu’il a été doté de plus de crédits, risque d’être démultipliée lorsqu’il s’agira de garder le cap et de gravir la dernière grande marche avec l’augmentation de 3 milliards d’euros annuels dans la seconde partie de la loi de programmation militaire. L’exercice de travaux pratiques et concrets risque de se heurter encore plus durement à la logique de Bercy. Cependant, dans ce contexte d’incertitudes, il y a tout de même des signaux positifs à saluer. L’aspiration profonde au sein de nos armées portant sur les conditions de vie apparaît néanmoins prise en compte. Je pense à l’augmentation des crédits pour le plan Famille, portés à 57 millions d’euros. Cela va dans le bon sens et nous soutiendrons toutes les décisions qui permettront de poursuivre cette dynamique.
L’un des grands enjeux de ces prochaines années porte en effet sur les capacités de fidélisation des personnels de nos armées. Nous devons faciliter la vie de nos soldats, qu’ils soient sur base, en caserne ou en situation de mobilité. Trop souvent, les tracas du quotidien quant à la recherche d’une place en crèche ou d’un appartement viennent s’ajouter aux difficultés d’un métier soumis à une pression constante.
Comme le relève le 11e rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire de septembre 2017, le premier facteur de départ de l’institution militaire porte sur la conciliation entre vie privée et vie militaire pour plus de 55 % des militaires interrogés. Nous avons le devoir de mettre nos soldats dans les meilleures conditions possibles, que ce soit en opération mais aussi en dehors.
De ce point de vue, pourriez-vous, madame la ministre, nous éclairer sur les prochaines étapes du plan Famille et d’autres projets que le ministère serait amené à porter pour situer son action sur l’amélioration des conditions de vie et de travail de nos militaires ?
À cet enjeu de fidélisation s’ajoutent d’autres enjeux en termes de ressources humaines, avec le recrutement de 6 000 personnels sur la période 2019–2025.
D’abord, je redis notre inquiétude sur la capacité à tenir la trajectoire annoncée, qui fait porter le plus gros effort sur 2023 à 2025, avec 75 % des créations de postes.
Ensuite, je repose la question des moyens et des dispositifs de recrutement et d’intégration dans un contexte où 62 % des militaires envisagent de quitter la fonction. Le plan Famille est un levier d’attractivité qui porte essentiellement sur les personnels déjà sous contrat, mais qui ne sera peut-être pas suffisant pour celles et ceux que nos armées souhaiteraient attirer.
Dans la pratique, pour l’année 2019, ce projet de loi de finances prévoit la création de 450 postes, 199 dans le renseignement et 107 dans la cyberdéfense, soit 68 % des postes créés. Si je tiens à saluer ces créations de postes, j’observe qu’il s’agit d’emplois faisant appel à un haut niveau de compétences et à des profils particuliers.
Sur ces profils, le ministère des armées est en concurrence avec le secteur privé, qui bénéficie d’une attractivité plus importante et qui est, en tout état de cause, rompu à l’exercice depuis de nombreuses années. En conséquence, l’institution va devoir mettre en œuvre une stratégie d’attraction des meilleurs profils. Je vous pose donc la question, madame la ministre : quelles mesures le ministère entend-il prendre afin d’attirer et d’incorporer ces hauts potentiels ?
Madame la ministre, vous l’aurez compris, nous sommes sceptiques. Depuis la loi de programmation militaire, le projet de loi de finances rectificative pour 2018 est passé par là, et il laisse des traces. Nous ne pouvons regarder ce budget « Défense » dans le projet de loi de finances pour 2019 qu’à travers un prisme de doutes et d’incertitudes, conséquences directes des conditions de fin de gestion de l’exercice budgétaire qui s’achève. Budget 2018 pour lequel vous nous annonciez « un budget sincère, contrairement », je vous cite, « aux gouvernements précédents ».
L’impact de 319 millions d’euros annulés sur le programme 146 n’est pas encore mesurable concrètement en termes d’équipements, mais nous savons, par expérience, qu’il y aura des effets à moyen ou long terme.
Ce n’est pas un bon signal dans la perspective du comblement de nos lacunes capacitaires. Ce n’est pas non plus un bon signal donné par le Gouvernement à l’aube de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi de programmation militaire.
Nous savons que nous n’avons pas besoin de vous convaincre, vous, madame la ministre. Cohérents avec ce que nous disons depuis votre entrée en fonctions consistant à soutenir les avancées au service de notre défense et à nous opposer aux reculs, nous allons envoyer, à notre tour, un signal au Gouvernement.
En conséquence, le groupe socialiste et républicain s’abstiendra sur le vote des crédits de la mission « Défense ».
Mme Nadia Sollogoub et M. Jean-Pierre Moga applaudissent.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’affichage des mesures inscrites dans le budget 2019 vient valider les axes de réforme portés par la loi de programmation militaire dont notre groupe partage pleinement les ambitions.
Il s’agit en effet du premier budget de cette loi de programmation militaire 2019–2025, que le groupe Union Centriste que je représente avait largement soutenue lors de son examen par notre assemblée.
Avec une augmentation de 1, 7 milliard d’euros de crédits par rapport à 2018, l’effort financier permet au budget d’atteindre 35, 9 milliards d’euros, hors pensions. Nous sommes donc sur la bonne trajectoire pour atteindre notre objectif d’allocation de 2 % de la richesse nationale à notre impératif de défense.
Je tiens tout d’abord à saluer, pour la première année, une remontée en puissance des effectifs au sein du ministère, avec la création nette de 450 emplois affectés principalement dans les domaines du numérique, du renseignement et de la cyberdéfense.
Ce budget intègre ainsi deux axes structurants de la loi de programmation militaire, la préparation aux conflits du futur et l’innovation, avec, notamment, 758 millions d’euros prévus pour les études amont, soit une hausse de 5 % des crédits.
À l’heure de révolutions numérique et sociétale, ces effectifs et ces crédits supplémentaires sont indispensables pour demeurer compétitifs et protégés face aux nouvelles menaces qui apparaissent autour de nous.
Les nouvelles technologies constituent en effet de nouveaux moyens de protection aussi bien que de nouvelles armes.
Il s’agit donc, à la fois, de ne pas nous laisser distancer, mais aussi et surtout de nous assurer de l’avance en termes d’initiative technologique.
À ce titre, je veux saluer la création de l’Agence de l’innovation de défense, dont nous attendons avec impatience des éléments complémentaires quant à ses moyens et son fonctionnement.
La progression des crédits permettra également de répondre à d’autres défis sociétaux et sociaux, notamment par l’investissement de 57 millions d’euros dans le plan Famille.
Très attendu par les personnels civils et militaires des armées, celui-ci constitue un levier incontournable de leur fidélisation. Sa mise en place est donc une réelle priorité afin d’assurer un meilleur accompagnement des militaires et de leur famille, notamment sur les questions de mobilité.
Concernant le maintien en condition opérationnel – MCO – des matériels terrestres, maritimes et aériens, des efforts importants sont à noter, avec une augmentation de 7 % des crédits par rapport à 2018.
Dans une période de fort engagement opérationnel de nos forces armées sur plusieurs théâtres d’opérations, également marquée par la mise en service de nombreux matériels nouveaux, il est primordial que le MCO des équipements soit assuré sans rupture et avec un degré de performance particulièrement élevé, en dépit des contraintes budgétaires et de la complexité des procédures contractuelles.
Je tiens cependant à alerter sur la situation de notre marine, qui semble connaître une évolution de ses crédits un peu moins importante que celle des autres forces.
Serons-nous à la hauteur avec une augmentation de seulement 6 % pour la préparation des forces navales, alors que cette augmentation est supérieure à 9 % pour les forces aériennes, comme pour les forces terrestres ?
À l’heure où la Chine met à la mer l’équivalent de l’ensemble de la flotte française tous les quatre ans, à l’heure où la Russie développe sa capacité de missiles depuis ses navires, il est plus que jamais nécessaire que nous conservions, voire renforcions, nos capacités navales et aéronavales. Elles sont le gage de notre capacité de projection et de notre présence sur tous les théâtres d’intervention au niveau mondial.
La conflictualité maritime ne pourra que s’accroître avec le temps et la mondialisation de nos échanges.
Ce constat m’amène à rappeler les chiffres concernant le financement des OPEX. Il était en effet prévu une provision de 650 millions d’euros pour les OPEX cette année et 850 millions d’euros en 2019, le reste à financer devant être pris en charge par la solidarité interministérielle.
Le général Lecointre, chef d’état-major des armées, avait d’ailleurs rappelé, l’année dernière, que ce complément de solidarité interministérielle était « extrêmement important pour montrer que ce ne sont pas les armées qui décident de leurs engagements ».
Le changement de position sur la solidarité interministérielle est, certes, inclus dans le projet de loi de finances rectificative, et non dans la mission que nous examinons aujourd’hui.
Même si je tiens à saluer, madame la ministre, vos efforts et votre détermination sur la loi de programmation militaire, comme sur ce budget, ni notre commission ni le groupe auquel j’appartiens ne sauraient rester silencieux face à ce revirement inacceptable de la part de Bercy.
Ces OPEX nécessitent, en outre, inéluctablement, un remplacement des matériels les plus anciens par des matériels de pointe. La hausse des crédits répondra, l’année prochaine, aux premiers besoins en la matière.
Je pense notamment à la livraison du premier avion léger de surveillance et de renseignement, ALSR, d’une FREMM, frégate de défense aérienne, de 89 véhicules blindés multirôles lourds GRIFFON ou encore de deux systèmes drone REAPER supplémentaires.
Derrière ces annonces globalement positives, nous ne pouvons passer sous silence certains points moins satisfaisants du budget dont nous sommes aujourd’hui saisis.
Je pense en particulier à l’annulation par le ministère des comptes publics du montant de crédits équivalents à ceux de l’enveloppe interministérielle dédiée aux OPEX.
Piochés dans la réserve de précaution sur trois programmes de défense, le 146, « Équipement des forces », le 212, « Soutien de la politique de la défense », et le 144, « Environnement et prospective de la politique de défense », ce sont près de 400 millions d’euros qui disparaissent de la réserve de précaution par un tour de passe-passe budgétaire !
Pour conclure, madame la ministre, je souhaite rappeler le plein soutien de mon groupe à la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire.
Cependant, la coupe claire de crédits opérée par Bercy sur ce budget pour 2019 est inacceptable et incompréhensible. Nos forces ont besoin de ces crédits. Par conséquent, à défaut d’éléments nouveaux, notre groupe s’abstiendra sur le vote des crédits de la mission « Défense ».
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 11 novembre dernier, au Forum de la paix organisé à la Villette, le Président de la République rappelait notre monde « fragilisé par des crises qui déstabilisent nos sociétés ».
Comme l’avait souligné le Livre blanc de 2013, puis confirmé La Revue stratégique de défense et de sécurité nationale en 2017, notre environnement stratégique se durcit.
En effet, malgré des décennies de construction d’un droit international, nous ne sommes toujours pas à l’abri des menaces, des menaces qui nous éloignent malheureusement du rêve de Charles Péguy, qui déclarait, à la veille de sa mort, le 5 septembre 1914 : « Je pars, soldat de la République, pour le désarmement général, pour la dernière des guerres. » Aujourd’hui, plus de 100 ans après, les défis ont changé de nature, mais, comme hier, ils nous obligent à maintenir et même accentuer l’effort de défense de notre pays.
Ces défis, nous les connaissons bien. Il y a celui de la faiblesse des États faillis, qui mobilise nos forces armées, comme c’est, par exemple, le cas actuellement dans la bande sahélo-sahélienne, avec l’opération Barkhane.
Il y a celui des postures de puissances de plus en plus affirmées, comme en témoigne la hausse continue des dépenses militaires dans le monde depuis 1999. En 2017, elles ont encore progressé de 1, 1 % en valeur.
Et je n’oublie pas les menaces de nature contemporaine, en particulier dans les domaines cyber et spatial. À cet égard, nous saluons l’initiative présidentielle lancée au début du mois à l’UNESCO, l’« Appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace ». Il y a urgence, car si de nombreux pays, dont la France, ont intégré le cyberespace dans leur doctrine militaire, se pose avec de plus en plus d’acuité la question de la définition de normes communes et de l’application du droit international dans l’espace. Aussi, il faut avancer sur ce dossier sensible. J’en conviens, ce n’est pas facile, comme le laissent entrevoir les discussions en cours à l’ONU, qui se crispent sur les questions de souveraineté et de non-ingérence.
Dans ce contexte de menaces protéiformes, les moyens de nos armées doivent être à la hauteur. C’est tout l’enjeu de la nouvelle loi de programmation militaire que le Parlement a adoptée l’été dernier, visant à faire converger le budget de la défense à 2 % du PIB d’ici à 2025.
Cela a été souligné par nos collègues rapporteurs, le projet de loi pour 2019 abonde la mission « Défense » de 1, 7 milliard d’euros supplémentaires par rapport à 2018, une évolution qui s’inscrit dans la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire.
Cependant, alors que celle-ci avait été adoptée à la quasi-unanimité, nous sommes aujourd’hui nombreux à être inquiets, au regard du projet de loi de finances rectificative pour 2018, qui compense le surcoût devenu habituel des OPEX par des annulations de crédits qui sont devenues, elles aussi, habituelles. C’est un mauvais signal, mais j’espère, madame la ministre, que vous nous apporterez des garanties, car il s’agit de garantir la crédibilité de notre défense, et ce à plusieurs égards.
Tout d’abord, parce que le respect de la trajectoire budgétaire est bien évidemment une condition de l’efficacité de nos armées.
La Revue stratégique l’a constaté : la France a des lacunes capacitaires à réparer. Il n’est donc pas envisageable que les crédits, en particulier, ceux de l’équipement, soient la variable d’ajustement budgétaire, comme cela a déjà été le cas dans le passé.
En attendant vos précisions sur la fin de gestion 2018, madame la ministre, pour ce qui concerne les crédits inscrits en 2019 pour l’équipement des forces, on doit reconnaître que l’effort est là, au travers du programme 146 dont les crédits de paiement et d’engagement augmentent significativement. En effet, l’attention portée tant sur les livraisons que sur les commandes devrait permettre de régénérer nos capacités conventionnelles durement éprouvées par la succession d’opérations extérieures.
J’observe également avec satisfaction l’effort porté sur la Marine qui, on doit bien le dire, a été délaissée par les dernières lois de programmation. Il est important d’inverser la tendance car, d’une part, le défi stratégique en mer s’intensifie, d’autre part, notre pays dispose de la deuxième plus grande zone économique exclusive avec 11 millions de kilomètres carrés.
La sincérité budgétaire, nous la devons aussi, et je dirais même « avant tout » aux militaires, hommes et femmes, qui consacrent une grande partie de leur vie au service de la Nation. Nous quittons un cycle mémoriel consacré à la Grande Guerre, et il n’est donc point besoin de rappeler que les militaires, aujourd’hui certes dans d’autres conditions et proportions, risquent néanmoins encore leur vie pour protéger la nôtre.
Ce sens du sacrifice, qui est au cœur de leur métier, doit être reconnu.
Aussi, je me réjouis de toutes les mesures qui contribuent à améliorer leur quotidien, tant sur le terrain que dans leur vie personnelle. Je pense en particulier aux 57 millions d’euros qui abondent en 2019 le bienvenu « Plan famille 2018–2022 » au sein du programme 212.
Enfin, pour terminer, je dirai que c’est également par égard pour nos alliés et nos partenaires que nous devons garantir au mieux une trajectoire budgétaire ascendante pour notre défense. Compte tenu du temps qu’il me reste, je n’évoquerai que nos engagements au sein de l’Union européenne, pour rappeler l’importance de pousser les dossiers de la défense commune pour mieux partager les responsabilités. Je sais, madame la ministre, que vous vous y employez, comme en témoignent vos récentes annonces sur le système de combat aérien futur, le SCAF, pour ne prendre qu’un exemple d’un développement conjoint, en l’occurrence avec l’Allemagne, de capacités futures pour renforcer la défense européenne.
Mes chers collègues, à ce stade des débats, si les membres du RDSE ont un regard bienveillant sur ce budget, ils seront évidemment vigilants quant à sa bonne exécution.
MM. Jacques Mézard et Alain Richard applaudissent.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de ces présentations et des nombreuses remarques que vous avez bien voulu formuler. J’ai bien noté certaines inquiétudes dans vos propos et je vais y répondre. D’abord, j’aimerais dire un mot, à mon tour, sur ce PLF 2019.
Le budget que je vous présente aujourd’hui, c’est d’abord une réponse.
Une réponse à des années de réduction de nos moyens, de programmes retardés, de livraisons annulées. C’est une réponse au fossé qui s’est creusé entre nos engagements et les crédits qui étaient accordés pour les remplir.
Ce budget, c’est aussi une ambition pour nos armées.
Après une augmentation du budget de 1, 8 milliard d’euros en 2018, le PLF 2019 est l’étape suivante pour la remontée en puissance de nos armées, avec 1, 7 milliard d’euros supplémentaires. Ce sont donc au total 35, 9 milliards d’euros que nous consacrerons à notre défense en 2019, soit 1, 82 % de notre PIB.
Pour vous donner une idée de la marche que nous franchissons, je vous rappelle qu’en 2016, juste après les attentats de 2015, les armées disposaient en tout et pour tout d’un budget de 32 milliards d’euros. Aujourd’hui, ce sont près de 4 milliards d’euros de plus qui figurent dans ce PLF 2019. Pour être plus claire encore, nous vous proposons une augmentation de 5 % du budget des armées par rapport à l’année dernière.
Ce PLF est donc une étape majeure pour réussir la loi de programmation militaire que vous avez votée, largement, cette année. Il s’agit d’actes pour une ambition à « hauteur d’homme », pour le renouvellement de nos équipements, pour l’innovation et pour la préparation des armées aux conflits de demain.
Enfin, ce PLF 2019, j’y tiens beaucoup, c’est une responsabilité. C’est l’exigence de finances tenues, une exigence que chaque euro employé soit un euro utile. C’est la nécessité que ces moyens supplémentaires sont bien employés et que nos forces en ressentent au plus tôt les effets. Nous allons donc continuer à moderniser le ministère et je veillerai strictement à la bonne exécution de notre budget. J’aurai l’occasion de revenir sur ce point dans un instant.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un budget de reconquête que je vous présente, d’une reconquête nécessaire pour notre défense, pour nos forces, pour les Français.
Car, certains d’entre vous l’ont dit, le contexte international ne s’est pas apaisé. Les menaces restent fortes, violentes, imprévisibles. Nous avons besoin d’affirmer nos alliances et de nous tourner vers l’Europe. Nous avons besoin d’anticiper des conflits sur terre, dans les airs et en mer, mais aussi dans l’espace exo-atmosphérique et le cyberespace. Nous devons faire face, encore et toujours, à la menace terroriste, contre laquelle nos armées combattent à la source.
Dans ce contexte, face aux menaces toujours bien présentes, pour répondre aux besoins et aux attentes de nos forces, le PLF 2019 offre des solutions.
D’abord pour nos forces, pour leurs familles. Les premiers sacrifices les ont trop longtemps concernés, et cela ne pouvait plus durer.
Vous le savez, je tiens particulièrement à mettre l’humain, les civils comme les militaires, les familles, au cœur de notre ministère, au cœur de nos armées, au cœur de notre action.
J’ai donc souhaité que le plan Famille entre le plus rapidement possible en vigueur. Je dois dire que je suis très satisfaite de son exécution, qui est le fruit d’un travail tout à fait remarquable mené par nos armées, directions et services. Aujourd’hui, je puis vous dire, comme je m’y étais engagée, que 70 % des mesures du plan ont été lancées, une grande partie a même été accomplie. Quand on parle de wifi qui arrive ou de facilités pour voir son enfant, cela change concrètement la vie. Je ne doute pas que tous ceux qui ont eu l’occasion de rendre visite à nos forces récemment ont pu se rendre compte des améliorations concrètes que tout cela apporte à nos soldats au quotidien.
Alors, nous allons continuer et, sans me lancer dans une énumération longue et fastidieuse, je voudrais citer, parmi les mesures du plan Famille pour 2019, un accroissement de l’offre de gardes d’enfants, une amélioration de l’accueil des familles, ainsi que des actions de cohésion en garnison ou la pérennisation du dispositif de soutien psychologique aux familles avec l’assistance téléphonique « Écoute Défense ». En 2019, vous l’avez rappelé, 57 millions d’euros sont prévus pour la mise en œuvre du plan Famille, contre 23 millions cette année.
Au-delà du plan Famille, il faut aussi évoquer les mesures « à hauteur d’homme » de la loi de programmation militaire, qui commencent à se concrétiser grâce au PLF 2019.
Pour la protection du combattant, ce sont 25 000 gilets pare-balles, des nouveaux treillis, des blindages pour hélicoptères, des moyens de lutte contre les engins explosifs improvisés. Pour la préparation opérationnelle et l’amélioration de la disponibilité du matériel, c’est une augmentation de près de 8 % du budget d’entretien des matériels, porté à 4, 2 milliards d’euros en 2019. C’est aussi un effort pour l’amélioration des infrastructures et, en particulier, leur entretien.
Comme je vous le disais, et comme vous pouvez le constater, parler de LPM et de ministère à « hauteur d’homme », ce n’est pas un slogan, c’est une réalité.
Quand je parle d’actions concrètes, j’en viens assez naturellement au renouvellement de nos équipements, qui est le deuxième axe de la loi de programmation militaire. C’’est, comme vous le savez, une nécessité, car nos matériels sont vieillissants pour certains, usés par des engagements intenses dans des milieux particulièrement abrasifs.
Alors, il fallait des moyens nouveaux, et il les fallait vite. C’était d’ailleurs le constat que nous avions dressé ensemble voilà quelques mois.
En termes de masse budgétaire, ce sont 19, 5 milliards de crédits d’équipements qui sont prévus dans le PLF 2019.
Je ne vais pas me lancer ce soir dans un inventaire « à la Prévert », mais je voudrais citer quelques livraisons emblématiques qui interviendront pendant l’année 2019, et qui montrent que, non, le renouveau de nos armées ne peut pas attendre, et que, oui, ses effets doivent se faire sentir tout de suite.
Pour l’armée de terre, l’année 2019 rime avec l’entrée concrète dans le programme SCORPION, et sera ainsi marquée par la livraison des 89 premiers blindés Griffon. Elle verra aussi la livraison de 8 000 fusils d’assaut HK416, de 50 postes de tir du missile moyenne portée, le MMP, répartis dans 14 régiments, des hélicoptères NH90, très attendus, des parachutes et des véhicules tactiques VT4.
Du côté de l’armée de l’air, des équipements indispensables seront livrés, à commencer par le deuxième MRTT, qui viendra s’ajouter à celui qui a été réceptionné le 19 octobre dernier, un A400M supplémentaire, 2 C130-J adaptés aux besoins de nos opérations spéciales, 6 drones MALE REAPER supplémentaires, ainsi qu’un avion léger de surveillance et de reconnaissance.
Pour ce qui est de la Marine nationale, on assistera notamment à la livraison de deux bâtiments de soutien et d’assistance hauturier, d’une frégate multimissions – il y aura donc une FREMM de plus à Brest –, d’un patrouilleur léger et d’un bâtiment multimissions dans les Antilles, ainsi que d’un avion de patrouille maritime rénové Atlantique 2.
C’est déjà beaucoup et, pourtant, je n’ai pas tout dit ! Je vous épargne donc les commandes que nous allons lancer, mais elles sont nombreuses, et je compte bien que toutes arrivent dans les temps.
Enfin, ce budget fait la part belle aux deux autres axes structurants de la loi de programmation militaire : la préparation aux conflits du futur et l’innovation, avec 758 millions d’euros prévus pour les études en amont, c’est-à-dire une hausse de 5 %. C’est une étape supplémentaire avant d’atteindre le milliard d’euros, dont nous avons parlé ensemble, en 2022. Par ailleurs, les armées disposeront de crédits et d’emplois supplémentaires, les deux tiers étant dédiés aux capacités clés du renseignement, du cyber et du numérique.
La force de ce PLF, je voulais le souligner devant vous, est qu’il n’oublie personne. Il n’y a pas de perdants ; il n’y a que des gagnants dans cette remontée en puissance.
Le ministère des armées verra ses effectifs croître de 450 équivalents temps plein, les ETP, avec, notamment, un effort particulier pour le renseignement, la cyberdéfense et l’action dans l’espace numérique.
J’en viens maintenant à vos remarques et à vos questions.
Il y en a une qui a particulièrement retenu mon attention, tout simplement parce qu’elle est revenue à de nombreuses reprises. Elle ne porte d’ailleurs pas stricto sensu sur le texte que nous sommes en train de discuter, mais sur le PLFR 2018.
Je souhaite profiter de ce débat pour tirer définitivement les choses au clair.
Non, la défense n’a pas perdu de crédits. Non, les programmes ne seront pas retardés ou mis en danger à l’avenir. Les chiffres qui ont été donnés, bien souvent par voie de presse, n’ont pas un rapport tout à fait direct avec la réalité.
Cette réalité, je vais tenter de vous l’exposer.
Tout d’abord, nous avons eu une gestion que je qualifierai de responsable du financement de nos opérations extérieure. Leur montant a diminué. Certes, l’année n’est pas totalement terminée, mais nous pouvons évaluer le coût des opérations extérieures à 1, 370 milliard d’euros en 2018, à comparer à 1, 540 milliard d’euros l’année dernière.
Couplée à la baisse du montant des surcoûts, la provision pour les OPEX et les missions intérieures – vous l’avez vous-même signalé – a été augmentée de 200 millions d’euros en 2018, ce qui a permis de réduire la pression. Je vous rappelle que, l’année dernière, c’est plus de 1 milliard d’euros qu’il avait fallu mobiliser pour financer les OPEX.
L’annulation de 404 millions d’euros que vous avez constatée est une décision qu’il faut ramener à sa juste proportion. Loin de moi l’idée de dire que ce n’est pas sensible, mais je veux vous rappeler qu’il s’agit de 1 % environ du budget global de notre ministère et que cette annulation s’est imputée sur une réserve que nous avions constituée à cet effet, et que nous avions d’ailleurs qualifiée de « réserve de précaution ». Dans ces conditions, cette annulation est sans incidence sur nos programmes.
Enfin, je précise qu’aucun gel ni aucun report n’interviendra au moment où nous débuterons la gestion 2019, puisque nous avons obtenu des garanties, avec le dégel, voilà deux semaines, de 272 millions d’euros. Je puis vous confirmer que ces crédits ont effectivement été libérés.
Nous respecterons donc le montant voté dans la loi de finances initiale pour 2018 à l’euro près, avec la hausse de 1, 8 milliard d’euros du budget des armées, telle qu’elle avait été programmée. Cette hausse aura permis de faire la transition entre les deux LPM, l’ancienne, dont nous clorons dans quelques semaines la dernière annuité, et la nouvelle, qui commence par le présent projet de loi de finances. Encore une fois, j’y insiste, nous assurons cette transition sans remettre en cause les commandes et les livraisons de matériels, en amorçant une LPM à hauteur d’homme, nécessaire pour nos soldats, nos marins et nos aviateurs, qui s’engagent au quotidien pour la protection de la France et des Français.
Dans ce débat, j’en appelle au calme et à la responsabilité de chacun. Je crois que c’est bien l’esprit du débat qui s’en engagé ici depuis deux heures.
Je voudrais enfin insister sur un point, sur lequel nous aurons certainement l’occasion de revenir dans le futur : les décisions de cette année ne font pas les pratiques de demain.
Demain, nous entrons dans une nouvelle LPM. Et c’est bien du PLF 2019, le premier PLF de cette nouvelle LPM, dont nous discutons. Aussi, et c’est, je crois, la volonté de tous ici, n’entravons la remontée en puissance de nos armées, n’entravons pas cette augmentation de 1, 7 milliard d’euros du budget de la défense pour 2019. Nos armées ne le comprendraient pas ; elles méritent que vous votiez ce budget.
Je l’ai déjà dit ici même, voilà un an : je me battrai pour chaque centime du budget des armées et je ne suis pas près de m’arrêter.
Pour ce qui est des très nombreuses questions que vous avez par ailleurs soulevées, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les orateurs, je suis bien consciente que, dans la minute qu’il me reste, il me sera un tout petit peu difficile de répondre à tout, que ce soit sur les projets d’avenir, le SCAF, la coopération européenne, le programme SCORPION, les réformes structurantes de notre ministère, la nouvelle politique de rémunération des militaires, la réforme des retraites, la poursuite de la réforme du SSA, la mise en œuvre du prélèvement à la source, la bascule sur Source soldes, les mesures de fidélisation de nos personnels et l’évolution du budget de l’ONERA. Je ne peux vous redire qu’une chose : je suis à l’entière disposition de votre commission pour répondre, autant que vous le souhaiterez, lors d’une audition, à la date que vous me fixerez.
Pour conclure, permettez-moi de rendre, comme vous, hommage à nos soldats, à nos forces, qui agissent avec courage pour préserver notre souveraineté et nos libertés. Permettez-moi aussi de souligner que nos armées attendent beaucoup de nous tous, de la représentation nationale comme du Gouvernement. Au moment où vous vous apprêtez à vous prononcer sur ce premier budget de la loi de programmation militaire 2019–2025, soyons bien conscients que nous sommes tous observés et que nos armées ont besoin d’un signal fort : celui de votre soutien à la première annuité de cette LPM.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – M. Joël Guerriau applaudit également.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Défense
Environnement et prospective de la politique de défense
Préparation et emploi des forces
Soutien de la politique de la défense
Dont titre 2
20 551 944 766
20 551 944 766
Équipement des forces
L’amendement n° II-393, présenté par MM. Guerriau, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Lagourgue, Malhuret et A. Marc, Mme Mélot et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Environnement et prospective de la politique de défense
Préparation et emploi des forces
Soutien de la politique de la défense
dont titre 2
Équipement des forces
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Joël Guerriau.
La mission « Défense » prévoit, pour 2019, une dotation en carburants opérationnels de 39, 5 millions d’euros pour nos forces armées, soit une baisse de 4, 1 millions d’euros par rapport au projet de loi de finances pour 2018.
Toutefois, plusieurs facteurs sont susceptibles d’entraîner une augmentation substantielle des dépenses de carburant de nos forces armées.
En premier lieu, la hausse de la taxation du carburant décidée dans le présent projet de loi, qui devrait, en 2019, faire augmenter le prix du gazole de 7 centimes par rapport à 2018, ce qui revient à une hausse moyenne de 5 %.
En second lieu, la hausse du prix du baril de pétrole, qui devrait augmenter d’environ 9, 3 % en 2019. Le Gouvernement table sur un prix du pétrole de 73 dollars par baril. Cette prévision ne tient pas compte de la grande volatilité des cours du baril liés à l’évolution du marché, mais aussi aux risques économiques internationaux.
Cet amendement vise donc à augmenter de 6 millions d’euros la dotation en carburants opérationnels, afin que ces différents facteurs aient un impact neutre sur le budget de nos forces armées.
Cela s’effectuerait par le fléchage de 6 millions d’euros de crédits de paiement supplémentaires vers l’action n° 05, Logistique et soutien interarmées, au sein du programme « Préparation et emploi des forces ». Ce fléchage serait compensé par une réduction de 6 millions d’euros des crédits de paiement de l’action n° 08, Relations internationales et diplomatie de défense, au sein du programme « Environnement et prospective de la politique de défense ».
Cet amendement soulève une très bonne question : l’évolution du cours du pétrole et son impact sur les moyens de nos armées.
Je souhaite citer l’article 5 de la loi de programmation militaire 2019–2025 : « En cas de hausse de prix constatée des carburants opérationnels, la mission « Défense » bénéficiera de mesures financières de gestion et, si la hausse est durable, des crédits supplémentaires seront ouverts en construction budgétaire, pour couvrir les volumes nécessaires à la préparation et à l’activité opérationnelle des forces. »
Dans un autre contexte, j’aurais donc été tenté de vous répondre, mon cher collègue, que votre amendement n’est peut-être pas utile. Néanmoins, il serait sans doute bon d’entendre le Gouvernement nous rappeler qu’il a l’intention d’appliquer en 2019, à la lettre et dans les chiffres, la loi de programmation militaire, puisque tel n’a pas été le cas il y a quelques semaines.
Monsieur le sénateur, vous avez raison : les crédits de carburants opérationnels sont essentiels au fonctionnement et à l’activité des armées. Ils font donc l’objet d’un pilotage spécifique par l’état-major des armées.
La dotation qui figure dans le projet de loi de finances pour 2019 que j’ai l’honneur de vous présenter s’élève à 458 420 000 euros. Pour dimensionner cette dotation, le ministère prend en compte, bien sûr, les volumes nécessaires à l’activité des forces, ainsi que l’évolution du cours du baril de brent. Il a retenu comme hypothèse de construction un cours de 60 dollars, c’est-à-dire 5 dollars de plus que dans la loi de finances pour 2018, ainsi qu’un cours de 1, 10 euro pour 1 dollar.
Pour faire face aux variations du prix du baril, le prix du carburant qui est facturé aux armées par le compte de commerce du service des essences des armées, ou SEA, correspond à un coût moyen unitaire, ce qui permet de lisser le prix d’acquisition sur une longue période.
Par ailleurs, le tarif de cession du carburant qui est pratiqué par le SEA prend en compte, outre le cours du pétrole, les coûts d’achat, les coûts de fonctionnement du SEA et l’éventuel recours à un mécanisme de couverture sur les marchés financiers, mécanisme qui fonctionne comme un stabilisateur de prix.
Ainsi, l’augmentation du cours du baril de brent ne se traduit pas, financièrement, par une augmentation immédiate et de mêmes proportions du prix des carburants acquis par les armées.
Enfin, comme vient de le rappeler M. le rapporteur spécial, l’article 5 de la loi de programmation militaire prévoit une clause de sauvegarde qui permet, qui permettra, devrais-je dire, de garantir l’adéquation de la dotation pour les dépenses de carburant des forces armées.
Il ne me paraît pas, dès lors, nécessaire d’abonder encore la ligne budgétaire dédiée à ces carburants.
Pour cette raison, le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement, faute de quoi son avis sera défavorable.
Dans la mesure où j’ai reçu des garanties que notre budget consacré aux carburants pourrait, l’an prochain, être adapté en fonction de ces possibilités, je retire cet amendement.
L’amendement n° II–393 est retiré.
L’amendement n° II–140, présenté par M. P. Laurent, Mme Prunaud, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Environnement et prospective de la politique de défense
Préparation et emploi des forces
Soutien de la politique de la défense
dont titre 2
Équipement des forces
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Christine Prunaud.
L’amendement n° II–140 est retiré.
L’amendement n° II–409 rectifié, présenté par Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi, MM. Frassa et Regnard et Mme Renaud-Garabedian, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Journée défense et citoyenneté à l’étranger - Personnel travaillant pour le programme “Liens entre la Nation et son armée”
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Environnement et prospective de la politique de défense
Préparation et emploi des forces
Soutien de la politique de la défense
dont titre 2
Journée défense et citoyenneté à l’étranger - Personnel travaillant pour le programme “Liens entre la Nation et son armée”
Équipement des forces
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Il s’agit d’un amendement d’appel et d’alerte. Vous ne l’ignorez pas, madame la ministre, mes chers collègues, la Journée défense et citoyenneté, ou JDC, est essentielle pour renforcer l’esprit de défense de nos jeunes, ainsi que leur esprit d’appartenance à notre Nation. Le code du service national précise d’ailleurs, à son article L. 114–2, que la JDC est organisée pour tous les Français.
Or une partie de nos jeunes compatriotes, ceux qui résident à l’étranger, risque d’être privée de cette journée par une décision unilatérale du ministère des affaires étrangères, qui la justifie par des raisons budgétaires.
Ces jeunes Français de l’étranger sont pourtant les plus concernés : ce sont ceux de nos compatriotes pour lesquels il est le plus important d’organiser la JDC, parce qu’ils sont à 50 % des binationaux, qu’ils sont souvent éloignés des consulats et des ambassades, et que c’est souvent leur seule occasion d’avoir un vrai contact avec les autorités françaises.
Supprimer la JDC pour eux, à l’heure où l’on s’apprête à dépenser des millions pour la création d’un service national universel dont ils seront de toute façon exclus, me semblerait une grave faute morale, et stratégique puisque nous avons besoin d’eux comme relais de nos valeurs et comme relais et promoteurs de la francophonie.
Je voudrais remercier Mme Garriaud-Maylam de cet amendement, parce qu’elle pose une excellente question : le caractère universel de cette journée ne semble en effet pas être assuré aujourd’hui sur l’ensemble des territoires où résident les Français de l’étranger.
Vous avez souligné, ma chère collègue, que la difficulté venait d’ailleurs plus du ministère de l’Europe et des affaires étrangères que du ministère des armées. Je crois savoir que, ce matin, vous avez défendu un amendement similaire et tout aussi excellent, amendement que vous avez retiré, considérant avec le Gouvernement qu’il aurait plus sa place dans la mission « Action extérieure de l’État ».
C’est la raison pour laquelle je vous suggère, ce soir, d’avoir le même comportement que ce matin et de retirer aussi cet amendement.
Madame la sénatrice, je vous remercie de l’attachement que vous manifestez à la Journée défense et citoyenneté. Je vous réponds avec la même conviction que Geneviève Darrieussecq ce matin, en vous assurant combien cette journée est importante pour conforter l’esprit de défense et le lien entre nos armées et la jeunesse.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier les Français établis hors de France. Le code du service national prévoit en effet que cette journée puisse être proposée aux jeunes Français de l’étranger, si bien que mettre fin à l’organisation de cette journée supposerait qu’une autre disposition législative soit prise, ce qui n’est pas du tout d’actualité.
Vous avez vous-même contribué, madame la sénatrice, à donner beaucoup de visibilité aux JDC organisées à l’étranger par les postes diplomatiques. Vous avez exprimé votre attachement à ce que tous les jeunes Français aient une bonne connaissance des valeurs et des enjeux de sécurité et de défense ; cet attachement, je le partage, tout comme Mme Darrieussecq.
Je vous rejoins donc tout à fait sur le fond. Néanmoins, comme le rappelait M. le rapporteur spécial à l’instant, la mise en œuvre de la JDC pour les Français établis hors de France relève de la responsabilité du ministère des affaires étrangères.
Par conséquent, je puis vous assurer que nous sommes en discussion avec ce ministère, attachés que nous sommes à la poursuite de l’organisation de cette journée.
Je vous serais donc extrêmement reconnaissante de bien vouloir, comme vous l’avez fait ce matin, retirer cet amendement. Nos échanges ne peuvent que conforter la position du ministère des armées pour appuyer, auprès du ministère des affaires étrangères, la poursuite de l’organisation de cette journée.
Madame Garriaud-Maylam, l’amendement n° II–409 rectifié est-il maintenu ?
Comme je l’ai précisé au début de ma présentation, il s’agissait bien d’un amendement d’alerte et d’appel, et j’avais bien évidemment l’intention, comme je l’ai fait ce matin, de le retirer.
Toutefois, madame la ministre, je souhaitais vous entendre, parce qu’il me semblait extrêmement important de recevoir de vous ce message de soutien. En effet, il nous faut lutter : comme le ministère des affaires étrangères a bel et bien décidé de supprimer ces JDC, nous avons besoin de tout votre appui !
Si j’ai présenté un nouvel amendement sur cette mission, après en avoir défendu un autre sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », c’est que cela ne me semblait pas illégitime, dans la mesure où, à l’étranger, ce sont souvent les attachés de défense qui s’attachent à organiser la JDC. Celle-ci n’occupe d’ailleurs même plus une journée entière, mais une simple demi-journée.
Dès lors, s’il n’y avait eu aucune possibilité d’accord avec le ministère des affaires étrangères – de fait, j’espère qu’il reviendra sur cette décision –, le ministère des armées aurait peut-être pu assumer l’organisation des JDC à l’étranger.
Quoi qu’il en soit, madame la ministre, je vous remercie de votre position, que je transmettrai bien évidemment à nos compatriotes de l’étranger, et je retire mon amendement.
L’amendement n° II–409 rectifié est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
L es crédits sont adoptés.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, dimanche 2 décembre 2018, à dix heures, quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale (n° 146, 2018–2019) ;
- Écologie, développement et mobilité durables (+ articles 75 à 76 quinquies) ;
- Budget annexe : Contrôle et exploitation aériens ;
- Compte spécial : Aides à l’acquisition de véhicules propres ;
- Compte spécial : Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ;
- Compte spécial : Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ;
- Compte spécial : Transition énergétique ;
- Sport, jeunesse et vie associative.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.