Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous savez l’intérêt porté par cette assemblée à l’agriculture et la place qu’elle occupe dans la vie des territoires.
Nous sommes convaincus que cette activité est stratégique et qu’elle constitue une garantie de non-dépendance dans un monde instable et balayé d’incertitudes.
En outre, nous percevons bien à quel point nos concitoyens sont plus que jamais vigilants et réactifs s’agissant des conditions de la production agricole, ainsi que de la qualité de l’alimentation.
Par ailleurs, nous savons que nous vivons une période particulière. Le réchauffement climatique suppose de se préparer – il n’est que temps ! – aux aléas qui devraient s’accentuer et affecter l’agriculture, comme il faut faire face aux nouveaux risques sanitaires qui se manifestent à épisodes rapprochés désormais et qui peuvent surgir à chaque instant dans un monde rétréci par la mobilité.
Chacun connaît les conséquences de la fièvre catarrhale ovine, du virus H5N1, qui en est d’ailleurs à la quatrième ou cinquième génération désormais, sur l’économie des filières. Aujourd’hui, c’est la peste porcine présente en Pologne qui fait peser un risque substantiel sur cette production. Cela dit pour rappeler, monsieur le ministre, que le budget doit répondre à deux sujétions : celle du court et du moyen terme, bien entendu, mais aussi celle de l’avenir, qu’il faut anticiper.
Le sentiment que j’éprouve est que, pour une part importante, le budget poursuit sur sa trajectoire antérieure pour une grande part des dépenses qu’il prévoit, et ce dans l’attente de deux éléments déterminants : la nouvelle politique agricole commune et les conséquences du Brexit, sans doute difficiles à évaluer complètement à ce stade.
Du point de vue du contexte économique, le ministre de l’agriculture de 2018 se trouve, et c’est heureux, dans une situation plus apaisée que son prédécesseur l’an passé, la conjoncture agricole s’étant améliorée, même si elle demeure atone.
Par ailleurs, vous bénéficiez des efforts accomplis antérieurement afin d’améliorer le fonctionnement de la chaîne de paiements agricoles, ce qui devrait nous épargner de lourdes corrections financières européennes. Ces événements demeurant néanmoins aléatoires, tout relâchement des efforts de provisionnement des risques et de modernisation du cadre de gestion doit être exclu.
On doit à cet égard regretter la réduction de la dotation pour imprévus, ainsi que les variations autour du financement de la nécessaire modernisation des systèmes de l’Agence de services et de paiement.
L’avenir de l’agriculture mérite incontestablement mieux qu’un simple budget de reconduction, d’autant, monsieur le ministre, que nous devons, notamment, nous engager résolument vers une production plus diversifiée, biologique en particulier, qu’il ne s’agit pas, ainsi que vous l’avez plusieurs fois indiqué, d’opposer à l’agriculture conventionnelle, elle-même en voie de redéfinition.
Vous évoquez, monsieur le ministre, l’allégement des cotisations sociales, qui se traduira par un renforcement des transferts vers la production agricole.
Localement nous sommes surtout interpellés sur l’intérêt de conserver le régime TO-DE, qui concernerait 70 000 exploitations. En effet, il n’y a pas forcément adéquation entre l’emploi salarié en général, qui est loin de concerner toutes les exploitations, et l’emploi propre à certaines productions saisonnières ; je pense en particulier à la filière légumière, mais l’on pourrait tout autant citer l’arboriculture, que vous connaissez particulièrement bien, voire la production de sapins de Noël, comme l’a rappelé un collègue de la Nièvre.
La filière bois, quant à elle, demeure très déficitaire au titre du commerce extérieur, alors que la forêt française est la plus vaste d’Europe.
J’ouvre une parenthèse, afin de vous rappeler le rapport parlementaire produit par le Sénat, à ce jour resté sans écho. Qu’envisagez-vous de proposer afin de relocaliser la transformation de la ressource, donc la valeur ajoutée ? Le Gouvernement a signé récemment un nouveau contrat de filière avec les professionnels du bois. Quelle stratégie induit-il, monsieur le ministre ?
Parallèlement, nous avons noté la réduction des moyens de l’ONF, l’Office national des forêts, en matière d’emplois, soit 200 postes, et, dans le même temps, nous remarquons que l’office conserve un endettement très préoccupant, à hauteur de 320 millions d’euros, semble-t-il, qu’il faudra bien résorber un jour ou l’autre.
La qualité sanitaire de nos productions et de l’alimentation sera en permanence un sujet de préoccupation, comme tout ce qui concerne la santé publique. Le programme 206 finance une partie des dépenses correspondantes. Or il demeure à peu près inchangé, une fois pris en compte l’éventuel dénouement particulièrement laborieux du contentieux des vétérinaires sanitaires. Est-il opportun de maintenir simplement cette dépense quand tout, autour de nous, invite au contraire à l’accentuer ?
Quelque 40 emplois sont créés pour anticiper les effets du Brexit et les détournements de trafic qu’il occasionnera possiblement, et même certainement. C’est assurément trop peu compte tenu de besoins de contrôle dont, je l’accorde volontiers, on ne sait quand ils se matérialiseront complètement.
Nous sommes en permanence confrontés à l’irruption et la propagation de crises sanitaires toujours lourdes de conséquences économiques et financières pour les producteurs. Ni l’influenza aviaire, dont de nouvelles souches existent de par le monde, ni la peste porcine, qui rôde à nos frontières, n’ont d’égards pour les arbitrages budgétaires du moment.
Il faudrait sans nul doute anticiper les crises et augmenter les moyens de notre vigilance sanitaire, même si, par ailleurs, nous le savons bien une meilleure organisation pourrait permettre des gains d’efficacité. Sur ce sujet encore, nous avions proposé, dans un rapport de la commission des finances du Sénat, de repenser et réorganiser notre infrastructure de maîtrise du risque.
La dotation de l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, est quelque peu renforcée. La perspective du Brexit pourrait ne pas y être pour rien, puisque 40 % des autorisations de mise sur le marché, les AMM, des médicaments vétérinaires seraient aujourd’hui accordées au Royaume-Uni.
Or il existe pour le moins quelques sérieux problèmes du fait de la concurrence pouvant exister entre les intervenants participant à la délivrance des AMM. Cet aspect du rôle de l’ANSES a été beaucoup développé, malgré l’écart entre les coûts qu’il entraîne pour l’agence et les retours financiers qu’elle perçoit.
Je relève que ce déficit serait de nature à peser sur les autres activités de l’ANSES au service de la recherche et des opérations courantes d’identification de nouveaux risques sanitaires. Au-delà, alors que nos compatriotes s’inquiètent des effets des produits, phytopharmaceutiques notamment, il faut s’interroger sur les conséquences de cette situation concurrentielle entre agences sanitaires.
Enfin, monsieur le ministre, il convient que nous soyons attentifs, dès aujourd’hui, à l’impérieux devoir de recherche, pour prévenir les conséquences des changements climatiques, par la mise au point des semences plus résistantes et par l’accès à des techniques de production plus adaptées aux nouvelles conditions. En un mot, il faut que nous soyons pleinement préparés à ce bouleversement, pour maintenir notre économie agricole.