Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tant que j’aurai de la voix, je dirai et redirai ce chiffre effroyable, qui a déjà été évoqué : un agriculteur se suicide tous les deux jours ! Pour quelle autre profession accepterait-on ce tragique constat ?
Monsieur le ministre, vous l’avez dit vous-même sur ces travées, les lois agricoles se succèdent, mais rien n’y fait.
Ce malaise paysan reflète le malaise de notre société, car les enjeux que l’agriculture englobe sont universels : indépendance alimentaire, qualité alimentaire, santé publique, emplois non délocalisables, attentes sociétales, aménagement du territoire, lutte contre les incendies.
Vous avez affirmé une ambition pour la politique agricole. Pour vous avoir côtoyé de près dans vos combats dans nos rangs au Sénat, je crois en votre sincérité et en votre connaissance du terrain. Pour autant, vous le savez, ce n’est pas vous seul qui allez décider. Pour concrétiser des ambitions, il faut s’en donner les moyens, et ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux de l’agriculture française.
Parlons méthode, tout d’abord. Votre prédécesseur avait mis en place les États généraux de l’alimentation. J’avais salué et même participé à ces ateliers, qui consistaient à placer autour d’une même table tous les acteurs de la chaîne.
L’intention s’est arrêtée en cours de route : la loi ÉGALIM a permis quelques avancées, mais elle a provoqué les inquiétudes des filières et des organisations syndicales. Face à la guerre des prix de la grande distribution, la recherche d’un prix juste pour le producteur n’a rencontré aucune solution.
La suppression annoncée de l’allégement des charges pour les TO-DE, maintenu, mais à la baisse, jusqu’en 2020, malgré une volonté forte du Sénat de pérenniser cette mesure, nous entraînera forcément à une perte de compétitivité. Après 2020, certaines filières seront condamnées : pommes, poires, horticulture…
Concernant la PAC, si nous prônons le maintien du budget agricole, ce n’est pas seulement dans des objectifs comptables. C’est parce qu’il faut regarder au-delà de l’Union européenne pour se rendre enfin compte que l’agriculture est une politique éminemment essentielle.
La Chine, le Brésil, les États-Unis, qui ont bien compris les enjeux d’une politique agricole engagée et soutenue, ont augmenté leur budget pour soutenir leurs filières.
Dans un contexte mondialisé et de libre-échange, où notre compétitivité se heurte à des iniquités tout aussi sociales que normatives, nous avons de grands doutes sur l’avenir de notre politique agricole commune.
Nourrissant de grands espoirs au sujet des États généraux de l’alimentation, mon groupe s’était abstenu l’an dernier. En revanche, monsieur le ministre, le groupe socialiste et républicain ne peut qu’être opposé à ce budget en baisse pour 2019.
Je vous donne rendez-vous dans un an, mais je pense que, malheureusement, il n’y aura eu aucune redistribution de la valeur. Les paysans, une fois de plus, en subiront les conséquences et resteront dans le désespoir.