Intervention de Franck Montaugé

Réunion du 1er décembre 2018 à 15h00
Loi de finances pour 2019 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Franck MontaugéFranck Montaugé :

Monsieur le ministre, il y a un an, votre prédécesseur nous disait que le budget 2018 était la « première étape d’une transformation sans précédent de l’agriculture française ». Nous n’avions pas su alors trouver les nouveautés répondant aux grands enjeux que l’agriculture française doit relever et nous étions abstenus en considérant que l’essentiel restait à faire.

Vous nous avez dit que le budget que nous examinons aujourd’hui, monsieur le ministre, n’était pas le vôtre, mais que vous le défendriez pleinement, ce qui est bien normal.

Le revenu des agriculteurs, l’accompagnement de la transformation agroécologique des exploitations, la compétitivité des filières, la gestion des risques, l’approche de la future PAC : c’est à l’aune de ces enjeux que ce budget doit être apprécié.

Au cours de l’année écoulée, à partir de l’initiative positive des États généraux de l’alimentation, les EGA, vous avez abordé la question du revenu, celle de la qualité de l’alimentation et des plans de filières.

La loi a été promulguée, les ordonnances sur les seuils de revente à perte et les promotions sont prises, les négociations commerciales sont en cours. Pourtant, le doute persiste dans la profession même quant à l’efficacité de ces dispositifs.

Tout en partageant les objectifs du Gouvernement, nous étions sceptiques au sortir de la discussion de cette loi. Nous le sommes toujours et d’autant plus que 1 million d’euros seulement sera consacré à son accompagnement.

La mise en extinction sur une période de deux ans des exonérations de charges patronales pour l’emploi de TODE va considérablement affaiblir des filières comme la viticulture, la filière fruits et légumes et bien d’autres.

Vous envoyez ainsi un signal contraire à votre intention initiale, qui consistait à redonner du revenu aux producteurs. Maintenir ce dispositif est indispensable, quand bien même des allégements de charges s’y ajoutent. La compétitivité des filières concernées ne s’en portera que mieux dans un contexte, vous le savez, où la concurrence sur les coûts fait rage. La transition agroécologique vers des produits de qualité à prix abordable en sera aussi facilitée.

La sortie injuste et injustifiée à ce jour de certains territoires ancestraux de polyculture-élevage des zones défavorisées conduira aussi à des pertes de revenus importantes et à l’arrêt d’exploitations, voire pire. Ce sera le cas dans le Gers pour près de 110 éleveurs, dans l’Aude, dans les Deux-Sèvres, ainsi que dans d’autres départements.

On ne peut l’admettre quand on connaît les territoires concernés, les hommes et les femmes qui y vivent avec autant de peine que de dignité !

Au-delà des dispositifs de sortie déjà annoncés et bien insuffisants, nous avons déposé un amendement ayant pour objet de flécher une augmentation des crédits du PCAE, le plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles, vers les exploitants, ce qui leur aurait permis de maintenir leur activité et leurs revenus, au moins durant une phase transitoire. Cet amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. C’est incompréhensible ! Il ne tendait pourtant pas à aggraver les charges de l’État ou à réduire pas ses ressources !

Par ailleurs, nous pensons que les primes des éleveurs qui restent dans le dispositif baisseront sensiblement. Vous nous direz peut-être ce qu’il en est exactement de leur situation, monsieur le ministre.

Henri Cabanel et moi-même avons travaillé ensemble sur le développement d’outils de gestion des risques. Le texte voté à l’unanimité sur ces travées pourrait utilement être repris, afin de soutenir les revenus agricoles. Vous nous avez dit vouloir avancer sur ce sujet, et nous nous en réjouissons. Mais pourquoi votre budget baisse-t-il les crédits de la réserve pour aléas de 100 millions d’euros, quand, de surcroît, on sait que les 200 millions d’euros restants seront affectés aux apurements communautaires ?

En matière de soutien à la transition agroécologique, la dotation accordée au PCAE diminue de 8 millions d’euros et de 27 % en deux ans, soit une baisse de près d’un tiers. Quel signal voulez-vous envoyer en la matière ?

En ce qui concerne l’Europe, vous nous avez assuré de votre intransigeance à l’égard d’une éventuelle baisse du budget de la nouvelle PAC. Comment allez-vous compenser la diminution des aides annoncée, qui est de 15 % en euros constants, pour que le revenu agricole n’en soit pas affecté ? D’ores et déjà, les effets du Brexit sont sensibles : les 40 équivalents temps plein travaillé que vous prévoyez pour le contrôle des importations anglaises nous paraissent très loin des besoins estimés par les autorités concernées, à savoir 80 ETPT.

Monsieur le ministre, indépendamment de la diminution d’environ 300 millions d’euros de ses crédits, à périmètre constant, et malgré des mesures bienvenues en matière fiscale, ce budget 2019 ne prend pas, ou pas assez, en compte les grandes difficultés des filières, des territoires, des hommes et des femmes.

L’issue du débat déterminera notre appréciation sur cette mission. Nous regrettons cependant que, au titre d’une interprétation très restrictive de l’article 40 de la Constitution, qui ne nous convainc absolument pas sur le fond, certains de nos amendements, pourtant importants, car ils permettaient de prendre en compte les problèmes de nombreux agriculteurs, n’aient même pas pu être discutés. Et je reconnais volontiers, monsieur le ministre, que ce n’est pas de votre fait.

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