Intervention de Jean-Paul Emorine

Réunion du 1er décembre 2018 à 15h00
Loi de finances pour 2019 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Jean-Paul EmorineJean-Paul Emorine :

Monsieur le ministre, je tiens tout d’abord à vous dire que, en tant qu’ancien président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, j’ai beaucoup de plaisir à voir qu’un membre éminent de cette commission soit au banc des ministres, en tant que ministre de l’agriculture.

Nous avons entamé l’examen du budget de l’agriculture. Il est vrai que l’on observe une baisse globale des crédits de la mission de 260 à 300 millions d’euros, ce que nous ne pouvons toutes et tous que regretter. Toutefois, je veux rappeler devant mes collègues que l’agriculture vit une crise structurelle qui dure depuis plusieurs années. Elle n’émane pas de votre gouvernement, monsieur le ministre.

Si nous observons les chiffres des dernières années, on voit que, en 2017, le revenu mensuel moyen d’un tiers des agriculteurs était de 360 euros ; c’est une moyenne, ce qui veut dire que certains agriculteurs gagnaient peut-être 500 euros, alors que d’autres n’avaient peut-être pas de revenus du tout. Un autre tiers gagnait moins de 1 000 euros par mois et un dernier tiers parvenait à dégager un revenu convenable.

C’est cette situation qu’il faut prendre en compte. Sur la période 2007-2018, le secteur de l’agriculture a connu de nombreux suicides. Je vous rends hommage, monsieur le ministre, parce que vous avez insisté vis-à-vis de l’opinion publique dès votre prise de fonction sur cette question dont votre prédécesseur n’avait jamais pris conscience.

La situation du monde agricole est inacceptable. On observe les baisses de crédits du ministère. Les aides de la PAC qui s’élèvent à près de 9 milliards d’euros et qui permettent aujourd’hui de compenser les difficultés vont vraisemblablement baisser.

En 2018, nous n’avons pas encore les comptes des exploitations, mais, en examinant la trajectoire du premier semestre de cette année, on voit que les exploitations agricoles, surtout celles qui sont spécialisées dans l’élevage, ont une trésorerie très faible et ont des problèmes de financement.

En plus du reste, la sécheresse a posé un problème majeur aux agriculteurs, qui n’avaient plus aucun moyen de trouver des aliments pour leurs animaux faute de trésorerie, même si, parallèlement, les collectivités locales se sont mobilisées pour leur apporter des concours financiers.

On voit bien que les dispositions prises vis-à-vis de l’agriculture par le ministère, que ce soit l’exonération de la taxe sur le foncier non bâti ou le fonds de garantie des calamités agricoles, ne sont que des palliatifs par rapport à une crise structurelle.

Monsieur le ministre, le Président de la République a fait une déclaration importante, indiquant vouloir redonner du pouvoir d’achat aux agriculteurs, c’est-à-dire un revenu décent.

Vous étiez présent dans l’hémicycle lors de l’examen de la loi ÉGALIM : ce que nous avons pu constater, c’est que l’objectif qui devait être atteint dans le cadre de la contractualisation après un accord entre les différentes professions n’est pas assez ambitieux. Ici, au Sénat, nous avons regretté que l’on ne puisse prendre en compte l’observatoire de la formation des prix et des marges de FranceAgriMer. Tous ces éléments sont importants pour l’avenir de notre agriculture.

Monsieur le ministre, il faut que vous fassiez valoir que l’agriculture est un patrimoine national. L’agriculture couvre 50 % de la superficie de notre territoire. Comme vous êtes responsable du budget qui lie l’agriculture et la forêt, on peut même parler d’un espace couvrant 80 % du territoire. Il offre une qualité environnementale à nos concitoyens, mais aussi une qualité en termes alimentaires.

Monsieur le ministre, les agriculteurs ne vous demandent pas de faire 35 heures par semaine – ils travaillent plutôt 70, 80 ou 100 heures –, mais simplement de leur assurer à l’avenir un revenu décent, qui leur permette de faire vivre leurs familles correctement.

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