… car celui-ci n’est plus supportable.
Dernièrement encore, j’ai réagi à la publication d’une organisation sur ce que l’on appelle les « fermes usines ». Que ce soit au Gouvernement ou ici, nous défendons, toutes et tous, la tradition des exploitations familiales. Certaines entreprises agricoles sont plus grandes que d’autres. Mais une exploitation agricole comptant six ou huit salariés associés et cent à cent cinquante têtes de bétail, ce n’est pas une ferme usine ; c’est une exploitation familiale, avec des associés ! Je veux le dire avec force, ici, devant la représentation nationale.
De même qu’ils sont ulcérés par l’agri-bashing, les agriculteurs sont aujourd’hui fatigués par toutes ces crises, que, malgré les années, on ne parvient pas à régler. Ainsi, ayant par le passé cosigné un texte de loi sur la gestion des aléas en agriculture, je souhaite que nous puissions, dans les mois à venir, remettre l’ouvrage sur le métier.
Comme je l’indiquais à l’instant, le Gouvernement a pris la mesure de la situation actuelle, eu égard à la sécheresse. Il aidera, autant que faire se peut, les agriculteurs. Je rappelle le chiffre annoncé – autour de 400 000 euros selon les prévisions actuelles. J’ai reçu un certain nombre d’acteurs, notamment le président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, l’APCA, qui compte engager un travail collectif pour avancer sur la question.
Enfin, les agriculteurs sont inquiets pour leurs revenus, et c’est le point essentiel qui doit nous occuper ici. Les négociations commerciales sont ouvertes. Elles dureront trois mois et, vraisemblablement, leur résultat sera le même que d’habitude.
Je veux le dire à cette tribune de la Haute Assemblée, ce n’est pas possible ! Non, on ne peut pas envisager que les négociations commerciales se passent comme celles des années passées ! Si tel est le cas, il faudra s’attendre à des fermetures d’exploitations agricoles par centaines, voire à pire, et moi, je ne veux plus entendre parler – Jean-Paul Émorine a eu la gentillesse d’évoquer le sujet – d’un suicide de paysan tous les deux jours, tous les cinq jours ou toutes les semaines.
C’est pourquoi, dès la semaine prochaine, je vais réunir l’ensemble de la filière, de l’amont à l’aval, – producteurs, transformateurs, industriels, distributeurs –, et, avec mon collègue de Bercy, nous allons mettre la pression sur ces négociations commerciales.
Plusieurs orateurs ont fait remarquer que la loi ÉGALIM n’avait pas produit ses effets. C’est forcé, car cette loi n’est pas encore en application. Les ordonnances ne sont pas prises. Par ailleurs, ces dispositions seront-elles suffisantes ? Je ne sais pas, mais j’ai la ferme volonté d’avancer, et le Gouvernement ne cessera pas de défendre le revenu des agriculteurs.
Sur la question de l’Europe, les agriculteurs sont crispés. Ils ont l’impression que celle-ci n’est pas vraiment pour eux, en dépit des quelque 9, 5 milliards d’euros d’aides. En effet, le poids des normes et des contrôles leur semble chaque fois plus lourd.
Par ailleurs, la France est bien prête à affronter le Brexit, qu’il soit plus ou moins dur. Des postes ont déjà été créés dans les services de douane et les services vétérinaires, mais ce n’est pas dans ce budget que les autres postes seront ouverts. Nous examinerons la question avec le coordinateur national Brexit et, évidemment, l’État sera amené à recruter du personnel pour les contrôles douaniers ou vétérinaires.
Ce budget entend aller dans le sens du développement économique, avec une ambition : non pas mieux avec moins – je réponds à Mme Cécile Cukierman –, mais mieux avec autant ! Ce budget n’est pas en déprise ; il présente un montant inchangé par rapport à l’année dernière.
L’agriculture biologique a beaucoup été évoquée. Nous avons fait le choix de mettre tout le paquet sur la conversion, plutôt que sur les aides au maintien. Nous pensons, en effet, que la transition vers l’agroécologie ne peut se faire uniquement via des aides sur cinq ans, mais qu’il faut encourager, aussi, les jeunes à se tourner vers le bio. À ce titre, j’ai pris l’engagement, devant le syndicat des jeunes agriculteurs, les JA, et l’ensemble de la profession, que les aides à l’installation ne seraient pas revues à la baisse en cas de réduction des recettes liée à l’actuel épisode de sécheresse.
Pour répondre au rapporteur spécial Alain Houpert, le budget du fonds Avenir bio a été doublé ; le plan Ambition bio est doté de 1, 1 milliard d’euros. On ne peut donc pas dire que rien n’est fait en matière d’agriculture biologique.
Je ne veux pas m’appesantir sur toutes les mesures fiscales. Vous savez très bien l’utilisation que nous ferons du Grand Plan d’investissement. Les baisses fiscales seront très fortes. Nous voulons aider à la compétitivité des entreprises de transformation alimentaire.
Quant à l’épargne de précaution, ce n’est pas rien ! La simplification était demandée par la profession ; elle a été mise en place dans ce budget. Certes, il sera compliqué d’épargner, pour ceux qui subissent actuellement la sécheresse et d’autres aléas, mais cette épargne de précaution est bien inscrite dans le budget. Il faudra avancer sur le sujet, car cela aura un effet positif dans de nombreux secteurs.
Plusieurs questions ont été posées à propos du secteur forêt-bois. Le 16 novembre dernier, un plan d’action concernant la filière a été présenté et un contrat de filière signé. Pour répondre aux inquiétudes exprimées sur l’ONF, je réaffirme ici que cet organisme public est un formidable outil, que nous devons conserver. Son modèle économique est très fragile – deux orateurs ont évoqué une dette exorbitante et un problème de gouvernance. Nous travaillons actuellement sur le sujet et serons à même de faire des propositions dans les semaines à venir. Franck Menonville a eu la gentillesse de signaler que plus de 250 millions d’euros dotaient ce fonds.
L’objectif en matière de politique sanitaire – je m’adresse plus particulièrement à Mme Françoise Férat – est de répondre aux enjeux de santé publique et de protéger notre agriculture. La France est en avance sur tous les autres pays dans ce domaine – ce n’est pas forcément rassurant ; on préférerait sans doute voir certains pays progresser également. Elle promeut l’interdiction de certains produits phytosanitaires, et ses propositions sont souvent suivies. Je pense, notamment, à la récente interdiction du méthamsodium.
Nous comprenons la crainte qui s’exprime à propos des accords internationaux. C’est précisément pour cette raison, du fait d’une trop grande disparité avec les pays composant cet ensemble, que la France refuse de signer les accords avec le Mercosur.
Il en va de même pour le Brexit et, plus particulièrement, pour le secteur de la pêche, évoqué par le sénateur Jean-Pierre Moga. Quoi qu’il arrive, les pêcheurs ne rencontreront aucune difficulté dans les deux ans à venir et, évidemment, nous nous battons – l’ensemble des membres du Gouvernement, dont Nathalie Loiseau – sur tous ces sujets. Le Président de la République a annoncé, lors du dernier conseil européen, que la pêche ne pourrait pas être la variable d’ajustement dans le cadre des discussions sur le Brexit et du débat européen.
Telles sont les réponses que je pouvais vous apporter, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’aborder l’examen des amendements.
Le Sénat risque fort de ne pas voter ce budget, mais cela ne nous empêchera pas, tout au long de l’année, de travailler ensemble au développement de notre agriculture et, de nos exploitations agricoles, afin que notre agriculture continue de rayonner en Europe et dans le monde. C’est ce qui nous est le plus cher.
Si, en plus, nous gagnons le pari de cette lutte incroyable pour une meilleure rémunération des agriculteurs, alors nous aurons fait œuvre utile pour l’agriculture française.