C’est oublier que les moyens que nous avons décidé de consacrer à notre défense dans la LPM sont loin d’être un luxe !
Les défis sont colossaux, vous les connaissez comme moi, madame la ministre : combler les lacunes capacitaires, moderniser les équipements, développer nos capacités de renseignement, remettre en état des infrastructures délabrées, investir les nouveaux champs de conflictualité, redonner de l’air au service de santé et au commissariat des armées et renforcer l’attractivité du métier des armes, à l’heure où la concurrence des recruteurs du privé menace les ressources humaines des armées.
Oui, il y a aura besoin de l’effort prévu en LPM, et si Bercy persiste à venir chercher un demi-milliard d’euros, un milliard d’euros ou plus sur le budget des armées chaque année, cela ne fonctionnera pas !
J’ai également entendu un argument assez troublant : quand le Gouvernement – pas vous, madame la ministre – affirme que les annulations de crédit n’auront aucun impact, que faut-il en conclure exactement ?
S’il s’agit de dire que certaines dépenses, par exemple le versement à l’OCCAR, l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement, seraient reportées, c’est tout simplement de la cavalerie budgétaire. Autre hypothèse, nous aurions fait des économies sur le coût de certains matériels : si le ministère avait réussi à faire plus de 300 millions d’économies, nous le saurions !
Une autre interrogation émerge alors ? Si l’annulation de ces crédits devait être indolore, serait-ce parce que le ministère des armées serait devenu incapable d’absorber des hausses de crédits ? Il faut dans ce cas se poser la question de l’organisation du soutien, qui est en silos : une telle organisation est-elle encore adaptée ? Ne faut-il pas plus de subsidiarité pour les bases de défense ? Les commandants de base, eux, sauront engager les crédits au plus près des besoins, au lieu d’être corsetés pour commander un transport, gérer l’habillement ou la cantine ou repeindre un couloir ! Cette question d’organisation doit être traitée, au risque d’empêcher la remontée en puissance.
La question des ressources humaines et des recrutements nous inquiète aussi : quelque 155 millions d’euros n’ont pas été dépensés sur le titre 2 cette année. Chacun connaît la difficulté de maintenir les compétences dans nos armées, vu le niveau des rémunérations et la comparaison avec ce qui a cours dans le secteur privé.
Aussi, l’idée qu’il reste en fin d’année 155 millions d’euros non dépensés nous laisse songeurs. La centralisation de la politique des ressources humaines au niveau du secrétariat général des armées a-t-elle vraiment amélioré le pilotage de la masse salariale ? Ou, tout simplement, est-ce un mal plus profond, celui de la perte globale d’attractivité du métier des armes par la conjonction du surengagement et de la faiblesse des rémunérations ? Je ne doute pas, madame la ministre, que ce sont des questions sur lesquelles vous allez vous pencher de très près. Nous vous accompagnerons dans ces investigations.
Ce que souhaite notre commission, vous le savez, c’est non pas l’échec du Gouvernement, mais la réussite de notre modèle d’armée, parce que cette réussite est la condition de la défense de la France et des Français.
Nous espérons avoir des réponses sur l’ensemble de ces questions et notre commission restera vigilante et mobilisée pour le succès de nos armées. Elle reste disponible, vous le savez, pour y travailler avec vous.