Intervention de Florence Parly

Réunion du 1er décembre 2018 à 15h00
Loi de finances pour 2019 — Défense

Florence Parly :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de ces présentations et des nombreuses remarques que vous avez bien voulu formuler. J’ai bien noté certaines inquiétudes dans vos propos et je vais y répondre. D’abord, j’aimerais dire un mot, à mon tour, sur ce PLF 2019.

Le budget que je vous présente aujourd’hui, c’est d’abord une réponse.

Une réponse à des années de réduction de nos moyens, de programmes retardés, de livraisons annulées. C’est une réponse au fossé qui s’est creusé entre nos engagements et les crédits qui étaient accordés pour les remplir.

Ce budget, c’est aussi une ambition pour nos armées.

Après une augmentation du budget de 1, 8 milliard d’euros en 2018, le PLF 2019 est l’étape suivante pour la remontée en puissance de nos armées, avec 1, 7 milliard d’euros supplémentaires. Ce sont donc au total 35, 9 milliards d’euros que nous consacrerons à notre défense en 2019, soit 1, 82 % de notre PIB.

Pour vous donner une idée de la marche que nous franchissons, je vous rappelle qu’en 2016, juste après les attentats de 2015, les armées disposaient en tout et pour tout d’un budget de 32 milliards d’euros. Aujourd’hui, ce sont près de 4 milliards d’euros de plus qui figurent dans ce PLF 2019. Pour être plus claire encore, nous vous proposons une augmentation de 5 % du budget des armées par rapport à l’année dernière.

Ce PLF est donc une étape majeure pour réussir la loi de programmation militaire que vous avez votée, largement, cette année. Il s’agit d’actes pour une ambition à « hauteur d’homme », pour le renouvellement de nos équipements, pour l’innovation et pour la préparation des armées aux conflits de demain.

Enfin, ce PLF 2019, j’y tiens beaucoup, c’est une responsabilité. C’est l’exigence de finances tenues, une exigence que chaque euro employé soit un euro utile. C’est la nécessité que ces moyens supplémentaires sont bien employés et que nos forces en ressentent au plus tôt les effets. Nous allons donc continuer à moderniser le ministère et je veillerai strictement à la bonne exécution de notre budget. J’aurai l’occasion de revenir sur ce point dans un instant.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un budget de reconquête que je vous présente, d’une reconquête nécessaire pour notre défense, pour nos forces, pour les Français.

Car, certains d’entre vous l’ont dit, le contexte international ne s’est pas apaisé. Les menaces restent fortes, violentes, imprévisibles. Nous avons besoin d’affirmer nos alliances et de nous tourner vers l’Europe. Nous avons besoin d’anticiper des conflits sur terre, dans les airs et en mer, mais aussi dans l’espace exo-atmosphérique et le cyberespace. Nous devons faire face, encore et toujours, à la menace terroriste, contre laquelle nos armées combattent à la source.

Dans ce contexte, face aux menaces toujours bien présentes, pour répondre aux besoins et aux attentes de nos forces, le PLF 2019 offre des solutions.

D’abord pour nos forces, pour leurs familles. Les premiers sacrifices les ont trop longtemps concernés, et cela ne pouvait plus durer.

Vous le savez, je tiens particulièrement à mettre l’humain, les civils comme les militaires, les familles, au cœur de notre ministère, au cœur de nos armées, au cœur de notre action.

J’ai donc souhaité que le plan Famille entre le plus rapidement possible en vigueur. Je dois dire que je suis très satisfaite de son exécution, qui est le fruit d’un travail tout à fait remarquable mené par nos armées, directions et services. Aujourd’hui, je puis vous dire, comme je m’y étais engagée, que 70 % des mesures du plan ont été lancées, une grande partie a même été accomplie. Quand on parle de wifi qui arrive ou de facilités pour voir son enfant, cela change concrètement la vie. Je ne doute pas que tous ceux qui ont eu l’occasion de rendre visite à nos forces récemment ont pu se rendre compte des améliorations concrètes que tout cela apporte à nos soldats au quotidien.

Alors, nous allons continuer et, sans me lancer dans une énumération longue et fastidieuse, je voudrais citer, parmi les mesures du plan Famille pour 2019, un accroissement de l’offre de gardes d’enfants, une amélioration de l’accueil des familles, ainsi que des actions de cohésion en garnison ou la pérennisation du dispositif de soutien psychologique aux familles avec l’assistance téléphonique « Écoute Défense ». En 2019, vous l’avez rappelé, 57 millions d’euros sont prévus pour la mise en œuvre du plan Famille, contre 23 millions cette année.

Au-delà du plan Famille, il faut aussi évoquer les mesures « à hauteur d’homme » de la loi de programmation militaire, qui commencent à se concrétiser grâce au PLF 2019.

Pour la protection du combattant, ce sont 25 000 gilets pare-balles, des nouveaux treillis, des blindages pour hélicoptères, des moyens de lutte contre les engins explosifs improvisés. Pour la préparation opérationnelle et l’amélioration de la disponibilité du matériel, c’est une augmentation de près de 8 % du budget d’entretien des matériels, porté à 4, 2 milliards d’euros en 2019. C’est aussi un effort pour l’amélioration des infrastructures et, en particulier, leur entretien.

Comme je vous le disais, et comme vous pouvez le constater, parler de LPM et de ministère à « hauteur d’homme », ce n’est pas un slogan, c’est une réalité.

Quand je parle d’actions concrètes, j’en viens assez naturellement au renouvellement de nos équipements, qui est le deuxième axe de la loi de programmation militaire. C’’est, comme vous le savez, une nécessité, car nos matériels sont vieillissants pour certains, usés par des engagements intenses dans des milieux particulièrement abrasifs.

Alors, il fallait des moyens nouveaux, et il les fallait vite. C’était d’ailleurs le constat que nous avions dressé ensemble voilà quelques mois.

En termes de masse budgétaire, ce sont 19, 5 milliards de crédits d’équipements qui sont prévus dans le PLF 2019.

Je ne vais pas me lancer ce soir dans un inventaire « à la Prévert », mais je voudrais citer quelques livraisons emblématiques qui interviendront pendant l’année 2019, et qui montrent que, non, le renouveau de nos armées ne peut pas attendre, et que, oui, ses effets doivent se faire sentir tout de suite.

Pour l’armée de terre, l’année 2019 rime avec l’entrée concrète dans le programme SCORPION, et sera ainsi marquée par la livraison des 89 premiers blindés Griffon. Elle verra aussi la livraison de 8 000 fusils d’assaut HK416, de 50 postes de tir du missile moyenne portée, le MMP, répartis dans 14 régiments, des hélicoptères NH90, très attendus, des parachutes et des véhicules tactiques VT4.

Du côté de l’armée de l’air, des équipements indispensables seront livrés, à commencer par le deuxième MRTT, qui viendra s’ajouter à celui qui a été réceptionné le 19 octobre dernier, un A400M supplémentaire, 2 C130-J adaptés aux besoins de nos opérations spéciales, 6 drones MALE REAPER supplémentaires, ainsi qu’un avion léger de surveillance et de reconnaissance.

Pour ce qui est de la Marine nationale, on assistera notamment à la livraison de deux bâtiments de soutien et d’assistance hauturier, d’une frégate multimissions – il y aura donc une FREMM de plus à Brest –, d’un patrouilleur léger et d’un bâtiment multimissions dans les Antilles, ainsi que d’un avion de patrouille maritime rénové Atlantique 2.

C’est déjà beaucoup et, pourtant, je n’ai pas tout dit ! Je vous épargne donc les commandes que nous allons lancer, mais elles sont nombreuses, et je compte bien que toutes arrivent dans les temps.

Enfin, ce budget fait la part belle aux deux autres axes structurants de la loi de programmation militaire : la préparation aux conflits du futur et l’innovation, avec 758 millions d’euros prévus pour les études en amont, c’est-à-dire une hausse de 5 %. C’est une étape supplémentaire avant d’atteindre le milliard d’euros, dont nous avons parlé ensemble, en 2022. Par ailleurs, les armées disposeront de crédits et d’emplois supplémentaires, les deux tiers étant dédiés aux capacités clés du renseignement, du cyber et du numérique.

La force de ce PLF, je voulais le souligner devant vous, est qu’il n’oublie personne. Il n’y a pas de perdants ; il n’y a que des gagnants dans cette remontée en puissance.

Le ministère des armées verra ses effectifs croître de 450 équivalents temps plein, les ETP, avec, notamment, un effort particulier pour le renseignement, la cyberdéfense et l’action dans l’espace numérique.

J’en viens maintenant à vos remarques et à vos questions.

Il y en a une qui a particulièrement retenu mon attention, tout simplement parce qu’elle est revenue à de nombreuses reprises. Elle ne porte d’ailleurs pas stricto sensu sur le texte que nous sommes en train de discuter, mais sur le PLFR 2018.

Je souhaite profiter de ce débat pour tirer définitivement les choses au clair.

Non, la défense n’a pas perdu de crédits. Non, les programmes ne seront pas retardés ou mis en danger à l’avenir. Les chiffres qui ont été donnés, bien souvent par voie de presse, n’ont pas un rapport tout à fait direct avec la réalité.

Cette réalité, je vais tenter de vous l’exposer.

Tout d’abord, nous avons eu une gestion que je qualifierai de responsable du financement de nos opérations extérieure. Leur montant a diminué. Certes, l’année n’est pas totalement terminée, mais nous pouvons évaluer le coût des opérations extérieures à 1, 370 milliard d’euros en 2018, à comparer à 1, 540 milliard d’euros l’année dernière.

Couplée à la baisse du montant des surcoûts, la provision pour les OPEX et les missions intérieures – vous l’avez vous-même signalé – a été augmentée de 200 millions d’euros en 2018, ce qui a permis de réduire la pression. Je vous rappelle que, l’année dernière, c’est plus de 1 milliard d’euros qu’il avait fallu mobiliser pour financer les OPEX.

L’annulation de 404 millions d’euros que vous avez constatée est une décision qu’il faut ramener à sa juste proportion. Loin de moi l’idée de dire que ce n’est pas sensible, mais je veux vous rappeler qu’il s’agit de 1 % environ du budget global de notre ministère et que cette annulation s’est imputée sur une réserve que nous avions constituée à cet effet, et que nous avions d’ailleurs qualifiée de « réserve de précaution ». Dans ces conditions, cette annulation est sans incidence sur nos programmes.

Enfin, je précise qu’aucun gel ni aucun report n’interviendra au moment où nous débuterons la gestion 2019, puisque nous avons obtenu des garanties, avec le dégel, voilà deux semaines, de 272 millions d’euros. Je puis vous confirmer que ces crédits ont effectivement été libérés.

Nous respecterons donc le montant voté dans la loi de finances initiale pour 2018 à l’euro près, avec la hausse de 1, 8 milliard d’euros du budget des armées, telle qu’elle avait été programmée. Cette hausse aura permis de faire la transition entre les deux LPM, l’ancienne, dont nous clorons dans quelques semaines la dernière annuité, et la nouvelle, qui commence par le présent projet de loi de finances. Encore une fois, j’y insiste, nous assurons cette transition sans remettre en cause les commandes et les livraisons de matériels, en amorçant une LPM à hauteur d’homme, nécessaire pour nos soldats, nos marins et nos aviateurs, qui s’engagent au quotidien pour la protection de la France et des Français.

Dans ce débat, j’en appelle au calme et à la responsabilité de chacun. Je crois que c’est bien l’esprit du débat qui s’en engagé ici depuis deux heures.

Je voudrais enfin insister sur un point, sur lequel nous aurons certainement l’occasion de revenir dans le futur : les décisions de cette année ne font pas les pratiques de demain.

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