Monsieur le président, mes chers collègues, M. le garde des sceaux a dit l'essentiel, mais, pour respecter les formes, je me dois de vous livrer les conclusions de la CMP.
Réunie au Sénat le vendredi 16 février pour se prononcer sur les articles encore en discussion du projet de loi tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, la commission mixte paritaire a très largement validé le texte issu des travaux du Sénat.
Je rappelle que notre assemblée a enrichi le texte résultant des travaux de l'Assemblée nationale sur trois points en particulier.
D'abord, elle a ramené de cinq ans à trois ans le délai d'entrée en vigueur de la collégialité de l'instruction que les députés avaient introduit dans le projet de loi, ce qui justifie encore plus, monsieur le garde des sceaux, une loi d'orientation et de programmation pour la justice.
Ensuite, elle a supprimé le recours au critère du « trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public » pour justifier le placement en détention provisoire en matière correctionnelle. Nous avons en effet estimé que les autres critères suffisaient pour justifier une détention indispensable et que, en tout état de cause, plusieurs procédures permettaient déjà le jugement rapide de l'intéressé.
Tous les parlementaires se sont interrogés sur cette question du placement en détention provisoire, non sur sa nécessité, mais sur sa durée. Plus cette mesure est encadrée, plus le juge doit être attentif à ne pas la prolonger indûment.
Enfin, le Sénat a donné aux parties la possibilité de s'appuyer sur le risque d'atteinte à la présomption d'innocence pour s'opposer à la publicité de l'audience au cours de laquelle le juge des libertés et de la détention statue sur le placement en détention provisoire dans la mesure où cette publicité ne bénéficie pas toujours à la personne mise en examen.
Ces apports du Sénat ont été retenus par la commission mixte paritaire.
Celle-ci ne s'est écartée du texte adopté par le Sénat que sur trois points.
Premièrement, dans un souci de souplesse, le Sénat avait prévu que, une fois la collégialité instituée, le juge d'instruction puisse statuer seul s'il a recueilli l'assentiment de la personne en présence de son avocat. Les députés, très attachés au principe de la collégialité, ont souhaité que celle-ci s'applique dans tous les cas.
Cette préoccupation nous est apparue justifiée et nous nous y sommes ralliés d'autant plus volontiers que les députés ont accepté le raccourcissement du délai de cinq ans à trois ans pour l'entrée en vigueur de la collégialité, votée par le Sénat.
En outre, le législateur sera nécessairement appelé à revenir sur la question de la collégialité pour en définir les conditions de mise en oeuvre et, à cette occasion, peut-être introduire des éléments de souplesse, comme tel avait été le cas, il faut le rappeler, dans la loi du 10 décembre 1985, qui, la première, avait prévu la collégialité de l'instruction, mais non les moyens afférents.
Deuxièmement, la commission mixte paritaire est également revenue sur la disposition adoptée par le Sénat à la suite d'un amendement du groupe communiste républicain et citoyen obligeant les juges d'instruction cosaisis à cosigner l'avis de fin d'information et l'ordonnance de règlement.
Notre assemblée avait estimé qu'une telle obligation conférerait à la cosaisine sa pleine effectivité. Mais la commission mixte paritaire a craint l'excessive rigidité de ce dispositif et souhaité rétablir en la matière une simple faculté, telle qu'elle était prévue par le projet de loi initial. En contrepartie cependant, et afin d'encourager les juges cosaisis à travailler réellement de concert, la commission mixte paritaire a prévu que l'ordonnance de règlement qui ne serait pas cosignée pourrait faire l'objet d'un recours devant la chambre de l'instruction, ce qui, aujourd'hui, est impossible en matière correctionnelle.
Monsieur le garde des sceaux, on a longtemps débattu de la cosaisine, qui constitue un progrès, mais vive la collégialité !
Enfin, troisièmement, le Sénat avait prévu la représentation obligatoire par un avocat à la Cour de cassation pour les pourvois en cassation en matière pénale. L'absence de représentation réduit, à l'évidence, les chances de succès d'un recours en cassation. En outre, la disposition adoptée par le Sénat concourt sans doute à une meilleure organisation du travail de la Cour de cassation. Il n'en reste pas moins que cette disposition a suscité une vive opposition des barreaux et des représentants de l'Assemblée nationale. Une majorité des membres de la commission mixte paritaire a estimé que les esprits n'étaient pas encore mûrs et que la réflexion devait donc se poursuivre. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Dans son ensemble le texte adopté par la commission mixte paritaire répond très largement aux souhaits du Sénat. Je vous invite donc à adopter ces conclusions.
Sans doute ce texte ne révolutionnera-t-il pas notre procédure pénale. Mais faut-il la révolutionner ? Il convient de se poser la question.