Intervention de Jean-François Husson

Réunion du 2 décembre 2018 à 10h00
Loi de finances pour 2019 — Compte d'affectation spéciale : transition énergétique

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, rapporter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » après ce qui s’est passé hier, à Paris, me donne un peu l’impression de vivre dans un autre monde.

Hasard de l’actualité, madame la ministre, permettez-moi de rappeler que le détonateur de cette exaspération tient au raidissement sur la taxe carbone et à la volonté du Gouvernement – je viens encore de l’entendre de la bouche de son porte-parole – de ne rien changer, considérant que la vérité était détenue par une partie de ceux qui nous gouvernent, et eux seuls - en clair, par l’exécutif.

La France s’est réveillée hébétée, traumatisée par des images de chaos, de guérilla urbaine. Il est urgent, madame la ministre, je vous le dis en mon nom personnel, mais aussi, je le crois, au nom de l’ensemble de mes collègues, de prendre conscience et de changer de cap.

Si l’écologie et les enjeux environnementaux nous dépassent, nous avons besoin d’associer les Français à nos décisions, d’obtenir leur adhésion à un vrai choix d’avenir.

L’an dernier, nous avons rejeté la taxe carbone, estimant que le dispositif était trop brutal et que la méthode n’était pas la bonne. Vous la maintenez encore.

Nous vous avions alors proposé d’y travailler pendant une année dans le cadre de la Conférence nationale des territoires. Vous avez rejeté cette proposition.

Récemment, j’ai dit au Président de la République, que j’ai rencontré à Pont-à-Mousson, qu’il commettait une erreur qui risquait de se transformer en faute coupable, et peut-être grave. Sans suite.

Voilà trois jours, je siégeais au Conseil national de la transition énergétique en face du Premier ministre. Avec plus de solennité encore, et de gravité, j’ai plaidé pour une pause et, surtout, pour l’ouverture du dialogue. Que nous dit le Gouvernement aujourd’hui ? Qu’il ne change pas d’avis, qu’il ne change pas de vérité, qu’il ne change pas de cap.

Le pays est en train de se dresser, madame la ministre. Nous l’avons dit l’année dernière, il y a urgence à agir. Je vous le dis ici solennellement : le Gouvernement doit agir avec toutes les parties prenantes, au premier rang desquelles les corps intermédiaires et les deux assemblées parlementaires – comme l’exécutif, nous tirons notre légitimité du suffrage universel : direct pour l’Assemblée nationale et indirect pour le Sénat, à travers le vote des grands électeurs qui ont choisi, trois mois après les élections législatives, de doter le Sénat d’un panorama politique différent. Il est de la responsabilité du Gouvernement d’en tenir compte.

Enfin, pour qu’il n’y ait absolument aucune méprise, je m’associe aux propos de nos collègues : nous devons tout faire, avec le Gouvernement et les forces de l’ordre, pour pacifier la situation. Rien, jamais, n’autorise de telles violences.

Il est indispensable, madame la ministre, je le redis une dernière fois, de répondre à la colère qui continue de gronder. C’était à Paris hier, mais c’est aussi vrai dans nos provinces, dans nos villes et dans nos campagnes. La colère est là, parce que l’incompréhension règne face à une position dure et aveugle.

Tout cela ne m’empêchera pas, madame la ministre, de revenir – malheureusement très rapidement – sur les enjeux budgétaires qui traduisent un décalage entre les intentions affichées et les actes.

Cela est vrai du plan Climat, très en deçà de ce qu’avait imaginé et proposé le ministre d’État de l’époque, Nicolas Hulot. Ce décalage entre les actes et les intentions révèle finalement l’échec des politiques menées.

En ce qui concerne les enjeux auxquels doivent faire face les opérateurs, les agences de l’eau, au plus près des territoires, restent sous contrainte, dans un contexte d’extension de leurs missions.

Les agences de l’eau sont aujourd’hui confrontées à un effet de ciseaux important, entre la diminution de leurs moyens et l’élargissement de leurs missions, ce qui les conduira inévitablement à resserrer leur budget d’intervention et donc à provoquer des frustrations, des désaccords et, parfois, de la colère avec leurs mandants, notamment les communes.

La subvention pour charges de service public de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, dont le financement a été entièrement rebudgétisé en 2018, passe de 609 millions d’euros à 603 millions en 2019.

Là encore, cette baisse est contradictoire : il est demandé à l’ADEME de faire plus, notamment dans le cadre du développement de la chaleur renouvelable et de la politique de prévention des déchets, avec moins de moyens.

Les charges de service public de l’énergie, retracées dans le programme 345 « Service public de l’énergie » et dans le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique », sont le révélateur des insuffisances de l’État : après avoir beaucoup, beaucoup, beaucoup prélevé de contribution au nom de l’écologie, son faible retour en termes de participation est patent.

Il me revient, madame la ministre, de vous dire que nous rejetterons, dans l’ensemble, les crédits de la mission. Nous aurons l’occasion, avec les différents rapporteurs, compte d’affectation spéciale par compte d’affectation spéciale, de vous confirmer à la fois nos acceptations, mais également nos désaccords.

Comme beaucoup d’entre nous, je suis sensible aux enjeux sociétaux, environnementaux et écologiques. J’ai voulu vous dire, alors que s’ouvre aujourd’hui la COP24, à Katowice, en Pologne, la frustration, la déception et la part de colère qui est la mienne devant l’attitude très fermée du Gouvernement.

D’ici à la fin de cette matinée, j’espère que le climat aura commencé à se réchauffer – je parle du climat politique. Au-delà de notre débat d’aujourd’hui, c’est aussi l’avenir de notre pays qui se joue.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion