Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances est toujours la traduction, l’illustration ou la déclinaison d’un projet politique au sens étymologique du terme : il s’agit d’être au service de la cité, donc du peuple. Et on ne fait pas le bonheur des gens malgré eux !
Ce budget pour 2019 ne traduit rien, sinon la volonté de dégager des recettes supplémentaires. Nous sommes sidérés, tout comme nos concitoyens, de l’abîme entre les investissements nécessaires à la transition écologique, qui sont très en deçà des besoins, et des recettes en forte hausse. En effet, jamais les mesures à caractère environnemental et énergétique n’auront rapporté autant au budget de l’État. À elle seule, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques devrait engendrer 36, 3 milliards d’euros de recettes.
En 2024, la taxe carbone pour une tonne de CO2 devrait dépasser la valeur de 100 euros, six ans plus tôt que ce que prévoyait la loi relative à la transition énergétique. L’augmentation des taxes énergétiques a rapporté à l’État 3, 9 milliards d’euros supplémentaires en 2018. Seulement 80 millions d’euros seront en réalité consacrés à la transition énergétique.
Ce projet de loi de finances pour 2019 opte également pour une accélération de la hausse de la fiscalité de 6, 5 centimes le litre pour le diesel et de 2, 9 centimes le litre pour l’essence. Vous ne pouvez douter des lourdes conséquences que cela entraîne pour les ménages, notamment dans les zones rurales où la voiture est souvent le seul moyen de locomotion. Telle est l’origine des protestations que nous avons évoquées précédemment.
Face au réchauffement climatique, ou plutôt au dérèglement climatique, terme qui me semble plus approprié, aux sécheresses et inondations dont la fréquence et l’intensité sont croissantes, à la perte de plus en plus inquiétante de notre biodiversité, il paraît décisif d’agir dès aujourd’hui et fortement. Néanmoins, rien ne laisse à penser que le Gouvernement souhaite agir. En regardant de plus près la mission « Écologie, développement et mobilité durables », on s’aperçoit, comme l’a souligné notre collègue Guillaume Chevrollier, que les moyens consacrés à la biodiversité et à la nouvelle Agence française pour la biodiversité sont largement insuffisants. Les moyens des agences de l’eau et de l’ONCFS le sont également.
Pire encore, madame la ministre, votre majorité a voté à l’Assemblée nationale un amendement limitant une fois de plus les dépenses du Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier, à hauteur de 105 millions d’euros au lieu de 125 millions d’euros. L’an dernier, j’étais intervenu ici même afin de dénoncer le plafonnement des recettes affectées, ponctionnées de 55 millions d’euros en 2017, de 71 millions d’euros en 2018 et de 120 millions d’euros en 2019. Cette mesure est irresponsable. Les collectivités soumises à des risques d’inondation importants auront donc encore moins de moyens que l’année dernière pour financer des travaux afin de prévenir ces catastrophes. C’est un élu de Vendée ayant vécu Xynthia voilà dix ans qui vous le dit ! En effet, compte tenu de la lenteur des procédures, seulement 35 % des travaux ont été réalisés !
Si le Gouvernement fait des efforts sur le chèque énergie et la prime à l’achat des véhicules électriques et la prime à la conversion, ces efforts restent insuffisants au regard des recettes engendrées par les taxes.
Par ailleurs, concernant le CITE, le crédit d’impôt pour la transition énergétique, j’appelle le Gouvernement à prendre des décisions claires et à s’y tenir. Soit on juge inefficace ce dispositif, comme le suggère la Cour des comptes, et on réfléchit ensemble à un nouveau dispositif, soit on le maintient avec un taux incitatif. L’entre-deux doit cesser, pour une meilleure lisibilité de tous les acteurs des filières.
Madame la ministre, l’augmentation de ces taxes aurait un sens si les recettes supplémentaires étaient consacrées à l’accompagnement de nos concitoyens vers un mode de consommation plus vertueux. Puisque tel n’est pas le cas, cette augmentation apparaît illégitime aux yeux des Français.
Si nous avons la chance de vivre dans un pays où les citoyens ont pleinement compris et intégré les enjeux de développement durable, de réchauffement climatique, de protection de la biodiversité, c’est grâce à l’important travail de pédagogie engagé, depuis plusieurs années, par tous les acteurs politiques, associatifs et du monde économique. Comme je l’ai dit lors du débat sur la COP 2024, je ne crois pas qu’une taxe fluctuante ou un Haut Conseil pour le climat résoudront, à court terme, ces questions de fond.
C’est grâce à des mesures incitatives que nous arriverons à progresser vers un modèle plus durable, avec l’objectif de modifier les comportements individuels et collectifs en suscitant l’adhésion de nos concitoyens, plutôt que de chercher à les culpabiliser et à les infantiliser.
Vous comprendrez pourquoi le Sénat a voté contre cette politique fondée sur toujours plus de taxes. Elle est injuste, car elle pénalise des ménages sans leur donner de contreparties suffisantes pour s’adapter. Elle est aussi incroyablement dangereuse, car elle désigne l’écologie et le développement durable comme responsables des hausses de la fiscalité, alors que les recettes sont destinées, pour l’essentiel, à combler les déficits publics.