Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la question sociale et écologique est désormais sur toutes les lèvres et de tous les débats.
La séquence allant de la démission de Nicolas Hulot, celui-ci ayant perdu la plupart de ses arbitrages budgétaires, à l’affirmation d’un puissant mouvement de protestation populaire, celui des « gilets jaunes », en passant par le nouveau rapport alarmiste du GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le démontre, s’il en était besoin : l’écologie, la sauvegarde de la biodiversité, la transition énergétique, les mobilités, sont aujourd’hui des thèmes centraux de l’action politique.
Il est temps, et les Français nous le rappellent à juste titre, de fonder un véritable contrat social-écologique qui réconcilie nos engagements climatiques et la justice sociale.
Malheureusement, ce budget transcrit mal ces attentes et ne répond en aucun cas aux inquiétudes et à la colère qui s’expriment dans les rues.
Le ministère de l’écologie annonçait en septembre une augmentation de son budget de l’ordre de 3 %. Nous nous en félicitons, mais est-ce bien à la hauteur des enjeux ? La question se pose d’autant plus que, dans le même temps, vous supprimez 1 000 postes équivalents temps plein !
Vous ratez ici l’occasion de faire entrer la France dans une nouvelle ère, en ne transférant pas massivement les ressources de la fiscalité carbone vers la transition écologique ; en ne proposant pas un véritable accompagnement de la population dans la sobriété énergétique que nous appelons de nos vœux ; en ne rétablissant pas l’équité fiscale pour les personnes vivant dans les « zones blanches de la mobilité », soit 28 % de la population totale, selon les chiffres du CEREMA, le centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement. Nos concitoyens se mobilisent aujourd’hui pour vous rappeler cette erreur et ce manque profond de lisibilité des mesures prises.
Lors de son discours de présentation de la très décevante programmation pluriannuelle de l’énergie, mardi dernier, le Président de la République lui-même avouait ne pas comprendre ce qu’est le chèque énergie.
Devant cet aveu un peu ubuesque, et au regard de la gestion calamiteuse, jusqu’à présent, de la crise sociale, il est peut-être temps, madame la ministre, d’écouter attentivement le Parlement. Nous avons en effet des propositions très concrètes pour nos concitoyens, applicables dès janvier 2019.
En l’occurrence – Roland Courteau vous le disait à l’instant –, nous vous proposons de tripler le montant du chèque énergie à destination des ménages modestes.
L’augmentation du chèque, dont le montant serait porté à 600 euros, permettrait à ses bénéficiaires de faire face à la nouvelle fiscalité et leur donnerait en même temps la possibilité de prévoir des travaux d’isolation énergétique, ce chèque étant cumulable avec d’autres aides.
L’idée d’un chèque transport fait également son chemin. Notre collègue Olivier Jacquin vous la présentera.
Concernant le budget de la mission « Écologie » proposé par le Gouvernement, nous nous interrogeons sur plusieurs mesures qui nous paraissent plus qu’étonnantes.
En effet, et tout d’abord, nous ne saisissons pas la raison pour laquelle le budget de l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, est étrangement en baisse de 6 millions d’euros, alors que – vous le savez, madame la ministre –, l’agence est le fer de lance, le grand ensemblier, de la transformation écologique dans les territoires, aussi bien dans le domaine des mobilités que dans la mise en œuvre de projets environnementaux structurants. Cette décision est illisible !
S’il est bien un secteur où l’investissement de l’État ne doit pas diminuer, c’est celui de la transition écologique. Conscient de l’urgence, le groupe socialiste proposera donc de remettre à niveau l’action n° 12, ADEME, du programme 181, « Prévention des risques » – et je ne parle pas du « fonds chaleur », dont le Président de la République avait promis le doublement de l’enveloppe.
Une telle remise à niveau serait un bon message envoyé à cette agence et à l’ensemble des collectivités territoriales qui, désireuses d’investir dans la transition énergétique, regrettent l’abandon des appels à projets « Territoires à énergie positive », les fameux TEPOS, lancés durant le précédent quinquennat, et qui ont obtenu, au niveau local, des résultats remarquables.
Par ailleurs, comme de nombreux collègues dans cet hémicycle, nous sommes très attachés au principe en vertu duquel l’eau paie l’eau.
Or ce principe est progressivement mis à mal par l’État. En effet, la loi de finances pour 2018 a prévu un prélèvement cumulé de 480 millions d’euros sur les budgets des agences de l’eau, entraînant une baisse nette de plus de 20 % de leur budget.
Ce prélèvement est opéré pour combler les déficits de l’État et financer l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, donc pour financer des missions sans lien avec l’objet des redevances prélevées. Le budget des agences de l’eau ne doit pas servir à financer la baisse des redevances cynégétiques, et cela n’a rien à voir avec le soutien que nous pouvons adresser aux chasseurs dans nos circonscriptions respectives.
L’enveloppe dédiée aux agences de l’eau baisse, au total, de près de 1 milliard d’euros sur la période 2019–2024. Comment pourront-elles remplir, avec moins de moyens, des missions dont l’étendue s’accroît ?
La question se pose, car le Gouvernement a annoncé, lors des assises de l’eau, l’augmentation de 50 % des aides versées par les agences de l’eau aux territoires ruraux qui n’ont pas les moyens d’investir dans le renouvellement de leurs installations, soit 2 milliards d’euros qui devraient être investis dans le cadre du XIe programme 2019–2024.
En outre, un plan Biodiversité a été présenté en juillet dernier. Au regard des moyens qui y sont consacrés, il apparaît très ambitieux. Je pense notamment à l’objectif « zéro plastique rejeté dans l’océan d’ici à 2025 », qui passera par l’interdiction des produits en plastique à usage unique d’ici à 2020, ou encore à l’objectif « 100 % plastique recyclé d’ici à 2025 ».
Nos inquiétudes portent également sur le programme 159, « Expertise, information géographique et météorologie », et notamment sur la situation du CEREMA. En deux ans, les crédits auront diminué de 11, 6 millions d’euros. Notre collègue Angèle Préville aura l’occasion d’y revenir durant le débat.
Les enjeux de ce budget étant ainsi brossés, je réitère notre désaveu, et surtout notre crainte que le Gouvernement ne soit pas à la hauteur du défi climatique et social auquel nous faisons collectivement face.
Le Gouvernement, jusqu’à présent, use de tous les faux-fuyants pour repousser le moment des réponses. La loi d’orientation sur les mobilités en est un bon exemple : elle risque d’être réduite à peau de chagrin si nous n’arrivons pas à vous convaincre, dans la discussion à venir, de proposer aux Français des solutions efficaces et significatives en matière de pouvoir d’achat. Nous serons donc très attentifs au cours du débat budgétaire ; et vous l’aurez compris, madame la ministre : en l’état actuel des choses, nous ne voterons pas les crédits de la mission.