Intervention de Martin Hirsch

Commission des affaires sociales — Réunion du 5 décembre 2018 à 11h00
Perspectives de la future loi santé et organisation de la protection sociale. Audition de M. Martin Hirsch directeur général de l'assistance publique — Hôpitaux de paris

Martin Hirsch, directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) :

Madame Delmont-Koropoulis, la Seine-Saint-Denis est le département où l'AP-HP investit le plus. On déplace un hôpital des Hauts-de-Seine et un autre de Paris intra-muros pour en ouvrir un en Seine-Saint-Denis, ce qui représente un investissement de 650 millions d'euros. La rénovation de l'hôpital Avicenne coûte 40 millions d'euros et l'on investira 85 millions d'euros pour refaire le pôle mère-enfant.

Ces dernières années, les investissements ont surtout bénéficié à la rive gauche de la Seine et on a délaissé le nord et l'est de Paris où se trouve la population la plus dynamique et la plus précaire. Pour corriger le tir, nous investissons à côté des gares du Nord et de l'Est, ainsi qu'en Seine-Saint-Denis.

La population précaire et sans droit est effectivement une réalité à laquelle nous devons faire face. L'éthique de soins nous oblige à la prendre en charge de sorte que le taux d'impayés est important. Nous discutons avec le ministère au sujet du financement sans forcément trouver de solutions. Nous travaillons à monter des réseaux élargissant les coopérations entre la médecine de ville et l'hôpital dans les prises en charge.

Lorsque j'ai été nommé, j'ai demandé à des amis médecins généralistes ce qu'ils pensaient de l'AP-HP. Ils m'ont fait part de leurs critiques, notamment du fait qu'on n'y répondait jamais au téléphone ! Nous avons donc monté un programme pour demander aux médecins de ville ce qu'ils attendaient de l'hôpital et aux médecins hospitaliers ce qu'ils reprochaient aux médecins de ville, et nous avons essayé de reconstruire au carrefour des réponses reçues. Nous avons fait en sorte, par exemple, que le téléphone ne sonne plus dans le vide, nous avons mis en place un système de prise de rendez-vous en ligne, réservé des créneaux pour les médecins partenaires... Ce n'est pas encore travailler ensemble, mais c'est déjà mieux se connecter et, sur ce point, nous serons attentifs aux dispositions législatives à venir.

L'article 51 de la dernière loi de financement de la sécurité sociale prévoyait des programmes expérimentaux d'équipes de soin. Nous avons monté un tel programme sur l'insuffisance cardiaque, pour que ville et hôpital prennent en même temps en charge des patients qui vont vivre pendant vingt ans avec une insuffisance cardiaque. Bref, nous avons dépassé la barrière culturelle qui faisait que l'hôpital méprisait la ville et que la ville se pensait méprisée par l'hôpital. Il faut à présent renforcer les outils de nature à apporter de la souplesse, notamment pour des structures de proximité. Celles-ci nous concernent moins que d'autres territoires, mais sont tout de même pertinentes au coeur même de Paris comme dans certains départements de la petite ou grande couronne. Ces structures seront plus efficaces si elles associent la médecine de ville et les centres de santé.

Il nous arrive de fermer des sites, mais nous en ouvrons d'autres ! La population de la région d'Île-de-France s'accroît, et je garde les hôpitaux parisiens tels quels, mais l'hôpital est un organisme vivant. Si un hôpital est le seul à trente kilomètres à la ronde, on ne le ferme pas. Mais ceux qui ne sont pas assez attractifs pour les professionnels posent un problème pour la sécurité des patients. Vous connaissez ce discours, je sais. Même tenu par des technocrates, il est parfois vrai ! Les anesthésistes ne veulent plus aller à Bondy, par exemple, et préfèrent un hôpital, également situé en Seine-Saint-Denis, qui offre un environnement de blocs opératoires, de soins critiques et de réanimation beaucoup plus intéressant pour eux. Comme ils ont le choix, ils choisissent !

Je n'ai pas d'avis autorisé sur les assistants médicaux, si ce n'est qu'il faut certainement soutenir les médecins de ville.

Je n'ai pas évoqué le plan de retour à l'équilibre et les questions budgétaires dans mon propos liminaire, car je pensais bien que vous m'interrogeriez sur ce point. Ce sujet nous préoccupe évidemment, puisque l'AP-HP est en déficit. Il est vrai que notre taux d'endettement est inférieur à la moyenne des hôpitaux et que nous n'avons pas d'emprunts toxiques. Mais le déficit de notre compte d'exploitation est de 2,5 %, soit environ 200 millions d'euros. Mon contrat avec l'État m'oblige à rétablir l'équilibre en cinq ans. Nous allons donc baisser le déficit de 25 % en 2019 et continuer ainsi jusqu'à atteindre l'équilibre.

Cette situation extrêmement exigeante impose, concrètement, une stabilité de la masse salariale pendant cinq ans. Avec le glissement technicité-vieillesse, qui représente environ 1 %, cela signifie qu'il faut réduire de 1 % les effectifs, ce qui nous ramène au calcul que vous avez évoqué. Bref, nous sommes dans une période de serrage de vis. Je crois que nous y arriverons, en réduisant notre bureaucratie pour aboutir à un système plus agile et en tirant parti de la révolution numérique. Déjà, 30 % des paiements se font en ligne, et de plus en plus de rendez-vous sont pris de même. Cela permet de supprimer des emplois. Nous allons aussi réorganiser nos activités et nos services. Sinon, tout le monde souffre partout avec des sous-effectifs. Par exemple, il y a trois services d'urologie différents pour les quatorzième et quinzième arrondissements. Cela coûte plus cher et les médecins sont moins heureux parce qu'ils sont dans des équipes plus petites. Unifier ces services permettrait à la fois de faire des économies en termes de personnel et de mieux prendre en charge les patients. Bien sûr, ces réorganisations ne sont jamais faciles, et il nous arrive de devoir faire marche arrière.

Nous avons aussi recours à la rénovation des hôpitaux. Quand un hôpital est pavillonnaire, la configuration des locaux nécessite des effectifs plus importants que les ratios nationaux. Nous veillons donc, quand on construit un nouvel hôpital, à privilégier une organisation de l'espace rationalisant les besoins en personnel.

Certaines réorganisations suscitent des grincements de dents pour des raisons qui n'ont rien à voir avec les économies. Je citerai, par exemple, celle de la transplantation hépatique, où nous sommes passés de six à trois postes en quelques années, non pas pour faire des économies, mais pour assurer la sécurité des patients. À Henri-Mondor, il ne restait plus que deux chirurgiens de transplantation hépatique, qui devaient être de permanence 24 heures sur 24 et 365 jours par an ! Si je n'ai pas organisé cette table ronde, ce n'est pas que je ne suis pas un homme d'engagement, c'est parce que la communauté médicale m'a dit que la sécurité des malades ne pouvait plus être garantie à Henri-Mondor.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion