Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, les crédits de la mission « Outre-mer » que nous examinons ce matin présentent une double diversité : la diversité des collectivités auxquelles ils sont destinés, d’abord, puisqu’ils concernent au total onze territoires, chacun avec son histoire, sa situation économique et sociale, ses attentes ; la diversité des objectifs qui leur sont assignés, ensuite, car ils sont destinés à financer des interventions dans les champs économique, social, sanitaire ou éducatif, pour ne citer que ceux-là.
Satisfaire avec un même budget une telle pluralité de situations et d’attentes dans un contexte de contrainte budgétaire conduit chaque année le ministre chargé de nos territoires à devoir faire mieux, avec des moyens quasi identiques.
En 2019, cette stabilité se confirme, car, même si le montant total des crédits connaît une forte hausse, de plus de 20 % en crédits de paiement et de plus de 22 % en autorisations d’engagement, cette augmentation exceptionnelle est en réalité issue de deux importantes mesures de périmètre, pour un total de 466 millions d’euros.
La première mesure, qui s’élève à 170 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 120 millions d’euros en crédits de paiement, résulte de modifications fiscales : 100 millions d’euros proviennent de la suppression de la TVA non perçue récupérable, la TVA NPR, et 70 millions d’euros de la réforme de l’impôt sur le revenu dans les départements d’outre-mer ; la seconde mesure, qui atteint 296 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, correspond à la mise en œuvre de la réforme des exonérations de charges spécifiques à l’outre-mer, conduite en même temps que celle du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.
Sans ces mesures de périmètre, les crédits de la mission seraient presque stables par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, à un peu plus de 2 milliards d’euros.
Il est cependant important de rappeler que les crédits de la mission « Outre-mer » ne représentent pas la totalité de l’intervention de l’État. Ces crédits comptent en effet pour moins de 15 % de l’ensemble des crédits budgétaires transversaux, répartis au sein de trente et une missions, regroupant quatre-vingt-huit actions pour 18, 7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 18, 4 milliards d’euros en crédits de paiement, auxquels il convient d’ajouter les dépenses fiscales, estimées à 4, 3 milliards d’euros en 2019, soit un montant cumulé d’intervention de l’État de 23 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.
Au total, l’effort de l’État pour les outre-mer, tel que retracé par le document de politique transversale, est donc en augmentation de plus de 4 % en autorisations d’engagement par rapport à 2018, et de plus de 1, 5 % à périmètre constant.
Comme chaque année, l’examen des crédits de la mission met en évidence des points positifs, mais aussi des motifs d’inquiétude.
L’importante mesure de périmètre que j’ai évoquée a pour objet de permettre au Gouvernement de mobiliser une partie de la dépense fiscale supprimée en dépense budgétaire, soit, d’une part, 100 millions d’euros rassemblés au sein d’une nouvelle action n° 04 Financement de l’économie, pour stimuler le développement économique des territoires, et, d’autre part, 70 millions d’euros destinés à abonder le fonds exceptionnel d’investissement, le FEI, qui passe ainsi de 40 millions d’euros à 110 millions d’euros.
Mon collègue Georges Patient et moi-même avons effectué en 2016 un contrôle budgétaire de ce dispositif de financement des investissements publics dont nous avons noté, avec tous les acteurs locaux, la souplesse de mobilisation et la capacité à initier rapidement des projets jugés essentiels pour les collectivités concernées.
Ces transformations de dépenses fiscales en crédits budgétaires continuent, néanmoins, à susciter des inquiétudes légitimes chez certains de nos collègues.
Une évaluation objective et partagée des dépenses fiscales ou sociales avant leur mutation en crédits budgétaires est toujours nécessaire, compte tenu de l’impact important que pourraient avoir des baisses de ressources sur la situation de l’emploi, dans un contexte de chômage de masse touchant plus particulièrement la jeunesse de chacun de nos territoires.
Moins d’une année après la publication du Livre bleu outre-mer et après l’adoption, en 2017, de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, il était nécessaire de mettre en place les premiers financements destinés aux contrats de convergence et de transformation qui découlent de ces deux dispositifs complémentaires.
Ces financements au titre de la politique contractuelle de l’État totalisent pour 2019 un montant additionnel de 23 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 15 millions d’euros en crédits de paiement. Ils devront impérativement faire l’objet d’une montée en charge durant les prochains exercices afin d’atteindre les objectifs ambitieux assignés à la mise en œuvre de ces deux textes.
Considérant que ces plans se substitueront aux contrats en cours, qu’il s’agisse des contrats de plan, des contrats de développement ou des contrats de projets, avec un périmètre budgétaire élargi, il conviendra d’être particulièrement vigilant sur le respect des engagements financiers de l’État en fin d’exécution des conventions. Mon collègue corapporteur et moi-même avons rappelé à plusieurs reprises, à l’occasion de l’examen annuel de ces crédits, l’insuffisance des sommes inscrites à ce titre au regard des engagements contractuels pris par l’État lors de leur signature.
S’agissant des autres domaines d’intervention – logement, action sociale et sanitaire, action de formation, notamment au travers du service militaire adapté –, le temps qui m’est imparti ne permet pas d’entrer dans une analyse détaillée. J’indiquerai succinctement que l’on peut relever dans l’ensemble un maintien des moyens budgétaires alloués.
Le budget qui nous est présenté pour 2019 se caractérise, en réalité, par sa stabilité ; il progresse même légèrement, contrairement à certains de ceux qui ont été votés durant la précédente décennie.
On peut s’en réjouir, ou au moins s’en satisfaire, dans un contexte de contrainte budgétaire, en notant que ces crédits représentent pour 2019 0, 54 % du budget de l’État, contre 0, 48 % en 2018.
On peut aussi, à l’inverse, regretter l’insuffisance des sommes destinées à la mise en œuvre des contrats de convergence et de transformation issus du Livre bleu outre-mer et de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, dont les ambitions, s’agissant du rattrapage des écarts de développement avec la métropole, nécessitent un effort financier nettement plus important de l’État, qui ne s’est pas totalement concrétisé pour 2019.
Je rappelle que, pour certaines collectivités, cet écart, calculé en points de PIB par habitant, représente un retard de plus de 60 % par rapport à la métropole, avec des taux de chômage compris entre 25 % et 30 %, voire plus de 50 % pour les jeunes, et une part de la population éligible au logement social atteignant parfois près de 80 %.
En définitive, ce budget préserve les grands équilibres dans le financement des principales interventions de l’État en outre-mer, dans une optique de continuité.
Il suscite, ne le nions pas, des inquiétudes, notamment en ce qui concerne les opérations de périmètre, lesquelles sont toujours sensibles, s’agissant de la transformation de dépenses fiscales ou sociales en crédits budgétaires et de la nécessaire validation concertée des volumes de ressources financières à transformer.
Il porte les premiers crédits destinés à financer les actions résultant de la mise en œuvre des dispositions de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et du Livre bleu outre-mer, même si l’on peut regretter leur insuffisance, au regard des enjeux de rattrapage économique et social dont tous les parlementaires ont souligné la gravité.
Pour toutes ces raisons, et tout en étant, comme vous, mes chers collègues, conscient de l’importance des efforts qui restent à fournir pour permettre aux outre-mer de réduire les écarts de développement qui se sont creusés avec la métropole, je vous propose d’adopter les crédits de la mission « Outre-mer ».