La séance est ouverte à dix heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Monsieur le président, mes chers collègues, alors que des événements d’une extrême gravité se sont déroulés dans notre pays ce week-end, nous poursuivons ce matin la discussion du projet de loi de finances.
Mes chers collègues, nous ne pouvons pas continuer nos travaux sans faire écho à la colère populaire qui s’exprime.
Certains se plaisent à ne commenter que les actes de violence. Nous condamnons toutes et tous, et avec force, ces violences sans précédent et nous avons toutes et tous été choqués par des images montrant des individus, souvent des « ultras », s’attaquant à des symboles de l’histoire de notre pays, mais ces violences ne sauraient faire oublier le message clair que des milliers de nos concitoyennes et de nos concitoyens envoient au Président de la République : ils veulent une augmentation de leur pouvoir d’achat.
Depuis le début de la discussion du projet de loi de finances, notre groupe, par la voix de tous ses élus, n’a cessé de faire des propositions, parmi lesquelles le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, qui permettrait d’annuler la surtaxe sur les carburants, dont on sait qu’elle n’est pas destinée à la transition écologique. Il n’est pas simpliste de constater, sans être une grande économiste, que le rétablissement de l’un règle le problème de l’autre !
Je ne parle même pas ici de taxer les multinationales, les GAFA, ou d’autres mesures encore qui permettraient de répondre à une autre revendication, par exemple l’augmentation de 200 euros du SMIC.
Mes chers collègues, le peuple de France en colère ne demande ni la lune ni des miettes, il réclame la justice sociale, maintenant, pas dans trois mois ! Satisfaire pour le moins ces deux revendications, c’est possible, et c’est possible maintenant ! Ici, au Sénat, ne nous faisons pas complices des choix du Président de la République et de son gouvernement.
Nous sommes des parlementaires, nous sommes la représentation nationale, dont se méfient aujourd’hui nos concitoyennes et nos concitoyens, qui placent maintenant les enjeux démocratiques au cœur de leurs revendications. Envoyons un signal à celles et ceux qui souffrent dans notre pays !
Chers collègues, la France traverse une crise sociale et institutionnelle et nous en sommes à voter des mesures dont l’impact va aggraver la vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Ils n’en veulent pas !
Refusons de continuer à débattre d’un budget qui n’apporte aucune réponse concrète à la colère citoyenne, mais qui, à l’inverse, va accroître les souffrances humaines.
Ce matin, je vous demande, monsieur le président, de réunir une conférence des présidents. Face à la gravité de la situation, et alors que le Premier ministre va recevoir les partis politiques et leurs représentants au Parlement, nous devons exiger de sa part des engagements concrets. C’est une nécessité !
Aujourd’hui, pour être à la hauteur de sa sagesse, le Sénat devrait porter la voix du peuple !
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Acte vous est donné de votre rappel au règlement dans son intégralité, ma chère collègue.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 146, rapport général n° 147, avis n° 148 à 153).
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Outre-mer » (et article 77 quinquies).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, les crédits de la mission « Outre-mer » que nous examinons ce matin présentent une double diversité : la diversité des collectivités auxquelles ils sont destinés, d’abord, puisqu’ils concernent au total onze territoires, chacun avec son histoire, sa situation économique et sociale, ses attentes ; la diversité des objectifs qui leur sont assignés, ensuite, car ils sont destinés à financer des interventions dans les champs économique, social, sanitaire ou éducatif, pour ne citer que ceux-là.
Satisfaire avec un même budget une telle pluralité de situations et d’attentes dans un contexte de contrainte budgétaire conduit chaque année le ministre chargé de nos territoires à devoir faire mieux, avec des moyens quasi identiques.
En 2019, cette stabilité se confirme, car, même si le montant total des crédits connaît une forte hausse, de plus de 20 % en crédits de paiement et de plus de 22 % en autorisations d’engagement, cette augmentation exceptionnelle est en réalité issue de deux importantes mesures de périmètre, pour un total de 466 millions d’euros.
La première mesure, qui s’élève à 170 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 120 millions d’euros en crédits de paiement, résulte de modifications fiscales : 100 millions d’euros proviennent de la suppression de la TVA non perçue récupérable, la TVA NPR, et 70 millions d’euros de la réforme de l’impôt sur le revenu dans les départements d’outre-mer ; la seconde mesure, qui atteint 296 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, correspond à la mise en œuvre de la réforme des exonérations de charges spécifiques à l’outre-mer, conduite en même temps que celle du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.
Sans ces mesures de périmètre, les crédits de la mission seraient presque stables par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, à un peu plus de 2 milliards d’euros.
Il est cependant important de rappeler que les crédits de la mission « Outre-mer » ne représentent pas la totalité de l’intervention de l’État. Ces crédits comptent en effet pour moins de 15 % de l’ensemble des crédits budgétaires transversaux, répartis au sein de trente et une missions, regroupant quatre-vingt-huit actions pour 18, 7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 18, 4 milliards d’euros en crédits de paiement, auxquels il convient d’ajouter les dépenses fiscales, estimées à 4, 3 milliards d’euros en 2019, soit un montant cumulé d’intervention de l’État de 23 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.
Au total, l’effort de l’État pour les outre-mer, tel que retracé par le document de politique transversale, est donc en augmentation de plus de 4 % en autorisations d’engagement par rapport à 2018, et de plus de 1, 5 % à périmètre constant.
Comme chaque année, l’examen des crédits de la mission met en évidence des points positifs, mais aussi des motifs d’inquiétude.
L’importante mesure de périmètre que j’ai évoquée a pour objet de permettre au Gouvernement de mobiliser une partie de la dépense fiscale supprimée en dépense budgétaire, soit, d’une part, 100 millions d’euros rassemblés au sein d’une nouvelle action n° 04 Financement de l’économie, pour stimuler le développement économique des territoires, et, d’autre part, 70 millions d’euros destinés à abonder le fonds exceptionnel d’investissement, le FEI, qui passe ainsi de 40 millions d’euros à 110 millions d’euros.
Mon collègue Georges Patient et moi-même avons effectué en 2016 un contrôle budgétaire de ce dispositif de financement des investissements publics dont nous avons noté, avec tous les acteurs locaux, la souplesse de mobilisation et la capacité à initier rapidement des projets jugés essentiels pour les collectivités concernées.
Ces transformations de dépenses fiscales en crédits budgétaires continuent, néanmoins, à susciter des inquiétudes légitimes chez certains de nos collègues.
Une évaluation objective et partagée des dépenses fiscales ou sociales avant leur mutation en crédits budgétaires est toujours nécessaire, compte tenu de l’impact important que pourraient avoir des baisses de ressources sur la situation de l’emploi, dans un contexte de chômage de masse touchant plus particulièrement la jeunesse de chacun de nos territoires.
Moins d’une année après la publication du Livre bleu outre-mer et après l’adoption, en 2017, de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, il était nécessaire de mettre en place les premiers financements destinés aux contrats de convergence et de transformation qui découlent de ces deux dispositifs complémentaires.
Ces financements au titre de la politique contractuelle de l’État totalisent pour 2019 un montant additionnel de 23 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 15 millions d’euros en crédits de paiement. Ils devront impérativement faire l’objet d’une montée en charge durant les prochains exercices afin d’atteindre les objectifs ambitieux assignés à la mise en œuvre de ces deux textes.
Considérant que ces plans se substitueront aux contrats en cours, qu’il s’agisse des contrats de plan, des contrats de développement ou des contrats de projets, avec un périmètre budgétaire élargi, il conviendra d’être particulièrement vigilant sur le respect des engagements financiers de l’État en fin d’exécution des conventions. Mon collègue corapporteur et moi-même avons rappelé à plusieurs reprises, à l’occasion de l’examen annuel de ces crédits, l’insuffisance des sommes inscrites à ce titre au regard des engagements contractuels pris par l’État lors de leur signature.
S’agissant des autres domaines d’intervention – logement, action sociale et sanitaire, action de formation, notamment au travers du service militaire adapté –, le temps qui m’est imparti ne permet pas d’entrer dans une analyse détaillée. J’indiquerai succinctement que l’on peut relever dans l’ensemble un maintien des moyens budgétaires alloués.
Le budget qui nous est présenté pour 2019 se caractérise, en réalité, par sa stabilité ; il progresse même légèrement, contrairement à certains de ceux qui ont été votés durant la précédente décennie.
On peut s’en réjouir, ou au moins s’en satisfaire, dans un contexte de contrainte budgétaire, en notant que ces crédits représentent pour 2019 0, 54 % du budget de l’État, contre 0, 48 % en 2018.
On peut aussi, à l’inverse, regretter l’insuffisance des sommes destinées à la mise en œuvre des contrats de convergence et de transformation issus du Livre bleu outre-mer et de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, dont les ambitions, s’agissant du rattrapage des écarts de développement avec la métropole, nécessitent un effort financier nettement plus important de l’État, qui ne s’est pas totalement concrétisé pour 2019.
Je rappelle que, pour certaines collectivités, cet écart, calculé en points de PIB par habitant, représente un retard de plus de 60 % par rapport à la métropole, avec des taux de chômage compris entre 25 % et 30 %, voire plus de 50 % pour les jeunes, et une part de la population éligible au logement social atteignant parfois près de 80 %.
En définitive, ce budget préserve les grands équilibres dans le financement des principales interventions de l’État en outre-mer, dans une optique de continuité.
Il suscite, ne le nions pas, des inquiétudes, notamment en ce qui concerne les opérations de périmètre, lesquelles sont toujours sensibles, s’agissant de la transformation de dépenses fiscales ou sociales en crédits budgétaires et de la nécessaire validation concertée des volumes de ressources financières à transformer.
Il porte les premiers crédits destinés à financer les actions résultant de la mise en œuvre des dispositions de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et du Livre bleu outre-mer, même si l’on peut regretter leur insuffisance, au regard des enjeux de rattrapage économique et social dont tous les parlementaires ont souligné la gravité.
Pour toutes ces raisons, et tout en étant, comme vous, mes chers collègues, conscient de l’importance des efforts qui restent à fournir pour permettre aux outre-mer de réduire les écarts de développement qui se sont creusés avec la métropole, je vous propose d’adopter les crédits de la mission « Outre-mer ».
M. Vincent Delahaye et Mme Nathalie Goulet applaudissent.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues rapporteurs, mes chers collègues, hors mesures de périmètre, les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2019 stagnent par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, avec une augmentation de 0 % en autorisations d’engagement et de 0, 1 % en crédits de paiement.
L’effort financier total en faveur des outre-mer ne progresse que de 1, 5 % en 2019, avec 23, 62 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 22, 71 milliards d’euros en crédits de paiement, en incluant les dépenses fiscales, estimées à plus de 4, 3 milliards d’euros.
À périmètre constant, le budget de la mission pour 2019 respecte donc la programmation pluriannuelle. Celle-ci aurait dû, au contraire, être réévaluée après la tenue des Assises des outre-mer, lesquelles ont permis de définir la stratégie ultramarine du quinquennat et le niveau réel des besoins de la mission « Outre-mer ». Le maintien de cette trajectoire est regrettable, d’autant qu’il entre en contradiction avec l’objectif de rattrapage des territoires ultramarins, fil conducteur du Livre bleu outre-mer.
Certes, les crédits de la mission « Outre-mer » connaissent une hausse sensible – 20, 5 % en crédits de paiement et 22, 5 % en autorisations d’engagement –, mais celle-ci est uniquement due à des mesures de périmètre.
Ainsi, 170 millions d’euros de ressources nouvelles en autorisations d’engagement et 120 millions d’euros en crédits de paiement sont issus des réformes de la TVA non perçue récupérable et de la réduction d’impôt sur le revenu dont bénéficient les personnes physiques domiciliées fiscalement en outre-mer, et 296 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement correspondent à un transfert au profit du programme 138, « Emploi outre-mer », lié à la mise en œuvre des exonérations de charges spécifiques.
Il s’agit de mesures très décriées, vraiment loin de faire l’unanimité, qu’il nous faut donc accueillir avec une certaine prudence.
La suppression de la TVA NPR et l’abaissement du plafond de réduction d’impôt sur le revenu devraient représenter des gains budgétaires atteignant respectivement 100 millions d’euros et 70 millions d’euros par an. Le Gouvernement prévoit de mobiliser l’équivalent de cette dépense fiscale en dépense budgétaire afin de favoriser le développement économique des territoires et d’abonder le FEI.
Cette logique est toutefois à double tranchant, puisque, si le caractère pilotable des dépenses budgétaires permet un meilleur ciblage que la dépense fiscale, il n’offre toutefois aucune garantie ni quant à leur réaffectation totale ni quant à leur pérennité. Cette question se pose, par ailleurs, avec une pertinence particulière pour le FEI, lequel a déjà fait l’objet par le passé de promesses d’abondement qui n’ont pas été tenues.
Aussi, je souhaite que ces engagements soient, cette fois, spécialement surveillés, notamment par un contrôle budgétaire, afin de veiller à leur bonne exécution.
S’agissant de l’autre mesure qui impacte sensiblement les crédits de cette mission, c’est-à-dire la réforme des exonérations de charges sociales outre-mer, ses effets sont contrastés en fonction des secteurs et des territoires. Après d’âpres échanges ici même, le projet initial du ministère des outre-mer a été corrigé sur certains points afin d’éviter que cette réforme ne se traduise par une trappe à bas salaire.
Nous avons constaté des avancées. En revanche, malgré l’engagement de doter la Guyane d’un dispositif spécifique, celle-ci demeure lésée par cette réforme
Mme la ministre des outre-mer fait des signes de dénégation.
Globalement, les entreprises de Guyane perdent entre 25 millions d’euros et 30 millions d’euros
Mme la ministre des outre-mer le conteste.
Mon dernier point portera sur la somme de 1, 7 milliard d’euros non ventilée dans le document de politique transversale. De quoi s’agit-il ? Comment et quand sera-t-elle affectée ? Quid des contrats de convergence, qui doivent entrer en application en janvier 2019 ?
Madame la ministre, il faut faire vite, car nos territoires en ont grandement besoin. La Guyane, Mayotte, La Réunion connaissent une ébullition tournante. Vous intervenez dans un cadre contraint, j’en suis conscient, mais je veux pouvoir compter sur vous. Je voterai donc les crédits de cette mission, mais une extrême vigilance s’imposera !
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre commission des affaires économiques analyse ce budget des outre-mer pour 2019 comme l’addition de trois principaux mécanismes, que j’ai appelés « les trois R » : une reconduction et deux recyclages.
Reconduction, tout d’abord, de l’enveloppe de 2 milliards d’euros, qui se maintient à ce niveau depuis 2011, avec une difficulté récurrente d’activation des crédits.
La situation est particulièrement alarmante en matière de logement : au fil des ans, les crédits sont stables ou affichés en hausse, mais la construction ralentit pour un certain nombre de raisons, parmi lesquelles la complexité du parcours administratif figure en bonne place.
Notre premier message, qui vaut aussi pour la défiscalisation, porte sur la nécessité de fluidifier les procédures pour favoriser le climat de confiance avec les opérateurs et leur permettre de consacrer plus de temps à leur cœur de métier.
Ensuite, le Gouvernement propose, pour 2019, de greffer sur cette reconduction deux recyclages, lesquels ont suscité des réactions inédites par leur nombre et leur intensité. J’ai écouté les acteurs ultramarins pour analyser l’impact économique réel de l’ensemble de la tuyauterie sociale, budgétaire et fiscale pour 2019 et suggérer des réajustements.
Le premier recyclage a surpris les Ultramarins. Au sortir des Assises des outre-mer et après la publication du Livre bleu outre-mer, l’État nous propose en effet une démarche budgétaire de recentralisation.
Le projet de loi de finances prévoit, en particulier, de prélever en première partie 170 millions d’euros de fonds immédiatement disponibles entre les mains des ménages et des entreprises et de les redistribuer en seconde partie sous forme de subventions accessibles aux Ultramarins après instruction par l’administration d’un dossier de demande.
Sur le plan comptable, les chiffres sont à peu près équivalents, mais, économiquement, les subventions sont lentes à se mettre en place et les crédits sont volatiles d’année en année, alors que les suppressions de compensations fiscales sont pérennes !
Notre second message vise donc à demander au Gouvernement des garanties sur l’activation rapide de ces crédits et sur la continuité de l’effort budgétaire pour les prochaines années.
Le second recyclage est celui du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, transformé en exonération de charges, ce qui pose des problèmes d’évaluation et d’impact.
D’une part, on se demande encore s’il ne manque pas quelque 180 millions d’euros, peut-être parce que les calculs du Gouvernement se sont fondés non pas sur le CICE exigible, mais sur le CICE constaté, ce qui revient à pénaliser de fait certaines entreprises ultramarines qui n’ont pas exercé leur droit.
D’autre part, la concentration au voisinage du SMIC va certainement « booster » l’embauche dans un premier temps, mais risque, à l’avenir, d’enfermer les outre-mer dans la « smicardisation » et les productions de moyenne gamme, alors qu’il faut aussi aider les entreprises à retenir les talents ultramarins pour mener l’offensive sur les activités à haute valeur ajoutée.
Le Sénat a cependant voté des mesures de rééquilibrage en matière de réduction du coût du travail ainsi que des réaménagements fiscaux. Sous réserve de leur prise en compte, il nous est apparu logique de ne pas nous opposer à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2019.
La parole est à Mme Jocelyne Guidez, en remplacement de Mme la rapporteur pour avis.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la plupart des outre-mer, face à une situation sociale très dégradée, constituent de véritables poudrières. Nous le vérifions en ce moment même : La Réunion s’est embrasée devant des mesures qui risquent d’accroître encore la cherté de la vie. Ces événements font suite aux émeutes survenues en Guyane, aux manifestations contre l’insécurité à Mayotte, aux urgences sécuritaires et sanitaires à Saint-Martin.
Comment pourrait-il en être autrement, alors que le chômage des jeunes concerne plus de la moitié d’une génération, alors que plus de 110 000 logements sont insalubres dans les départements et régions d’outre-mer, alors que la mortalité infantile à Mayotte et en Guyane atteint un niveau très élevé ?
Dans ces conditions, il ne suffit pas de se déplacer sur le terrain ou d’organiser de nouvelles assises. Madame la ministre, vous avez, certes, écouté les attentes immenses des outre-mer ; encore faut-il que les actions mises en œuvre traduisent une réelle prise de conscience.
Or nous craignons que la plupart des mesures annoncées en ce début de quinquennat ne restent à l’état programmatique. Les Assises des outre-mer se sont tenues huit ans après les états généraux de 2009, alors que les propositions formulées à l’époque n’ont rien perdu de leur actualité.
Que penser, en outre, du renvoi des dispositions sur le logement à une nouvelle conférence nationale, alors que des objectifs chiffrés sont prévus par la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, ou loi ÉROM, et que le Livre bleu outre-mer contient des orientations claires ?
Notre commission s’est employée à rechercher la traduction de ces annonces dans le budget proposé. Dans le champ social, le bilan est bien mince : les crédits dédiés au logement et à la formation sont toujours en stagnation, de même que la maigre ligne budgétaire consacrée au sanitaire et au social.
En ce qui concerne le recentrage des exonérations de cotisations, la commission alerte sur le risque de création d’une trappe à bas salaires, même si l’équilibre finalement trouvé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale est plus satisfaisant que ne l’était la mesure initiale.
Notre commission n’est pas opposée par principe aux mesures de périmètre touchant la mission. La conversion de mesures fiscales en crédits budgétaires peut être positive, à condition de réaliser au préalable une bonne évaluation. En effet, la prédominance de la dépense fiscale n’est pas un choix des outre-mer, les budgets ayant été historiquement construits de cette façon. Prenons donc garde à ne pas asphyxier les économies ultramarines par un sevrage trop brutal.
Votre rapporteur est cependant opposée à la mesure touchant à l’impôt sur le revenu. Mal évaluée, celle-ci ne pourra répondre au problème des inégalités, qui résultent avant tout de la cherté de la vie.
Si la commission des affaires sociales n’a pas émis un avis défavorable sur ces crédits, c’est uniquement parce que, en réalité, ce budget ne comprend pas grand-chose à quoi nous pourrions nous opposer, dans la mesure où l’architecture budgétaire conduit la plupart des mesures touchant aux outre-mer à être opérées en dehors de cette mission. Cet avis est donc donné sans enthousiasme et dans l’attente d’un sursaut.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Outre-mer » connaissent une hausse de 20 % en raison, seulement, de mesures de périmètre. À périmètre constant, ils sont stables.
La baisse du plafond de l’abattement fiscal portant sur l’impôt sur le revenu a pu poser des difficultés, ou au moins donner lieu à des discussions. À titre personnel, je ne suis pas choqué par le fait que 4 % des foyers fiscaux les plus riches paient pour les plus pauvres.
Une discussion a également eu lieu sur les exonérations de charges, Georges Patient l’a évoquée et je ne vais pas insister. Une solution de compromis a été trouvée, mais les discussions pourraient être prolongées : il y va de l’attractivité de nos territoires, et cela mérite que l’on pousse la réflexion sur le sujet.
Ces éléments ont conduit la commission des lois à donner un avis favorable à l’adoption des crédits, tout en marquant sa vigilance.
Je souhaite aborder maintenant la situation des établissements pénitentiaires dans les outremers.
En dépit d’améliorations récentes, dont certaines sont en cours, cette situation reste globalement déplorable et présente des spécificités qui sont insuffisamment prises en compte. Ainsi, la suroccupation des établissements, l’absence d’activités proposées, l’isolement des détenus et l’accès difficile aux soins ont pour conséquence une grande violence, tant entre détenus qu’à l’égard des personnels pénitentiaires.
Au vu de ces difficultés, il me semble indispensable de mettre en œuvre une politique ambitieuse, avec trois objectifs principaux.
Le premier est de mieux prendre en compte les spécificités des territoires ultramarins, notamment en transformant la mission des services pénitentiaires de l’outre-mer en direction interrégionale, à l’image du dispositif en vigueur sur le territoire métropolitain, avec des moyens humains et financiers renforcés.
Le deuxième objectif est de réduire la surpopulation carcérale. À cette fin, il me semble nécessaire de prévoir la construction de nouvelles places de prison, d’améliorer les alternatives à l’incarcération et de développer les conventions internationales bilatérales.
Le troisième objectif est de favoriser la réinsertion des détenus. Cela implique un renforcement des moyens des services pénitentiaires d’insertion et de probation dans nos territoires.
Enfin, il importe de nouer un dialogue avec nos compatriotes ultramarins et de faire œuvre de pédagogie pour faciliter une meilleure acceptation de la prison et lutter contre la fameuse loi d’airain dénoncée par notre ancien collègue Robert Badinter : en raison de leurs conditions de vie souvent difficiles, nombre d’entre eux éprouvent en effet le sentiment délétère, exacerbé lorsque la population carcérale comprend un grand nombre d’étrangers, que le sort réservé aux personnes détenues serait plus enviable que le leur.
Mme Nathalie Goulet applaudit.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et le temps de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, c’est dans un contexte économique et social très dégradé dans nos territoires ultramarins que nous examinons les crédits consacrés à l’outre-mer.
Il faut que nous entendions la colère légitime qui s’exprime. Cette colère, d’où vient-elle ? Elle vient surtout de l’incertitude face à l’avenir. Elle vient aussi de l’attitude de l’État devant son obligation d’organiser la solidarité nationale.
En effet, au lieu de s’appuyer sur la solidarité nationale, le Gouvernement ne fait que transférer les contributions des Ultramarins vers leur propre territoire. Toutes les mesures que nous avons combattues, comme la suppression de la TVA non perçue récupérable pour les entreprises et le resserrement de l’abattement sur l’impôt sur le revenu, seront, in fine, financées par les Ultramarins eux-mêmes.
Or nos territoires ultramarins souffrent d’un chômage chronique, structurel, important, insupportable. Madame la ministre, vous étiez voilà quelques jours à l’île de la Réunion, où plus de six jeunes sur dix sont au chômage : vous avez pu constater de visu la souffrance et le désarroi de la population réunionnaise, dont près de 42 % vit sous le seuil de pauvreté.
Je vous félicite pour votre courage et pour l’écoute dont vous avez fait preuve vis-à-vis des Réunionnaises et des Réunionnais. Mais, vous l’aurez compris, il faut à présent aller vite, et beaucoup plus loin. Il faut que ces revendications soient entendues au plus haut niveau de l’État !
De fait, à l’image de cette crise sociale sans précédent qui secoue La Réunion, force est de constater que nos territoires d’outre-mer vivent actuellement dans la plus grande inquiétude. Cette situation doit s’améliorer rapidement, car les collectivités territoriales ne peuvent plus agir, en raison, notamment, de la contraction de la dotation globale de fonctionnement et de la suppression des contrats aidés.
L’emploi en outre-mer devrait être la première priorité de cette mission !
Le programme 138 est, en ce sens, crucial. Pour l’essentiel, il prend en charge les exonérations de cotisations de sécurité sociale. Il est donc fortement affecté par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, qui prévoit, sauf pour Mayotte, les modalités de suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont le taux en outre-mer était majoré à 9 %, contre 6 % en métropole.
Sur le régime des aides directes aux entreprises de la nouvelle action n° 04, je m’interroge : pourquoi remplacer un dispositif qui fonctionne de façon relativement simple – la TVA non perçue récupérable – par une multitude de petits dispositifs complexes de soutien aux entreprises ?
Je m’interroge aussi sur le délai d’activation de ces nouvelles aides, qui doit être le plus court possible : quand seront-elles opérationnelles ? Je m’interroge encore sur leur pérennisation, car on sait que les dispositifs de ce type finissent par être abandonnés par l’État après quelques années… Je m’interroge enfin sur leur efficacité, car on sait qu’un système unique et lisible est toujours préférable à un émiettement des aides.
Nous souhaitons que ce budget pour 2019 ne fasse aucun perdant.
J’en viens maintenant à nos compatriotes d’outre-mer, aux ménages touchés par la ponction de 70 millions d’euros par an prévue à l’article 4 du projet de loi de finances. A-t-on évalué les effets de cette mesure sur la classe moyenne ? A-t-on pris en compte que ralentir un peu plus la consommation en outre-mer nous amènera tout droit vers de nouvelles crises sociales ?
Le pouvoir d’achat, vous le savez, est l’une des principales préoccupations en outre-mer. L’État doit s’impliquer pour réduire les inégalités avec la métropole.
Plusieurs propositions vous ont été faites, madame la ministre, parmi lesquelles la mise en place d’une continuité territoriale des biens et des marchandises, la révision de certaines taxes et le plafonnement des prix. Le débat doit être ouvert. Je pense que vous avez pleinement conscience des attentes de nos populations.
Madame la ministre, nos outre-mer doivent surmonter à la fois l’éloignement géographique, l’insularité, l’étroitesse des marchés et l’exposition aux risques naturels. Ces défis nécessitent une solidarité de la part de la Nation tout entière. Aujourd’hui, il y a moins lieu que jamais de remettre en cause cette solidarité.
Le budget que vous nous présentez ce matin n’est pas encore à la hauteur des enjeux de nos territoires ultramarins. En conséquence, nous nous abstiendrons sur les crédits de la mission.
Mme Victoire Jasmin applaudit.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pauvreté et précarité records, problèmes d’éducation alarmants, criminalité grandissante, manque d’infrastructures scolaires et hospitalières : de quoi parle-t-on, mes chers collègues ? De nos banlieues ? De nos milieux ruraux ? D’un énième espace où l’État est en recul dans la France métropolitaine d’Emmanuel Macron ? Non ! Tout simplement d’autres territoires oubliés de la République, qu’on occulte bien trop souvent : les outre-mer.
À l’appui du constat des grandes difficultés que ces régions et départements rencontrent, la dernière étude de la Commission nationale consultative des droits de l’homme sur l’effectivité des droits de l’homme dans les outre-mer fait état de situations d’extrême pauvreté auxquelles doit faire face une proportion élevée des populations ultramarines. L’exclusion sociale est provoquée notamment par un système éducatif limité, dont les répercussions ne peuvent être que négatives sur l’insertion socioprofessionnelle et le développement des territoires. Les infrastructures scolaires délabrées et mal réparties ne permettent pas aux jeunes d’avoir accès à une éducation de qualité.
Sur le volet sanitaire également, le constat est préoccupant. Ainsi, le taux de la mortalité infantile et maternelle est largement supérieur à celui de la métropole. Pourtant, cette situation est décrite comme évitable, car la surmortalité serait due au manque de moyens dans les établissements hospitaliers et de mesures thérapeutiques.
En outre, les spécificités climatologiques de ces territoires entraîneraient une prévalence des maladies infectieuses et parasitaires, couplées à un déficit d’accès à l’eau potable, notamment à Mayotte et en Guyane. Les enjeux de santé publique les plus élémentaires sont négligés, au détriment d’une population particulièrement exposée.
Les régions et départements d’outre-mer ayant souffert trop longtemps du manque d’investissements de l’État et du recul des services publics, nous attendions beaucoup, madame la ministre, du budget qui leur serait alloué. Nous notons les augmentations d’autorisations d’engagement prévues par ce projet de loi de finances, bien qu’elles soient moindres que ce que laissaient présager les documents budgétaires liminaires transmis à l’Assemblée nationale en octobre dernier.
Toutefois, mes chers collègues, nous vous enjoignons de considérer un peu plus en détail les dépenses prévues par le projet de loi de finances. Plusieurs écueils devraient attirer votre attention.
Dans ce budget, madame la ministre, vous faites le choix de doter massivement l’investissement privé pour l’emploi et les entreprises, au détriment du programme « Conditions de vie outre-mer », au sein duquel nous constatons une réduction des financements accordés aux services publics et une stagnation de ceux alloués aux collectivités territoriales.
Une fois de plus, vous appliquez votre doxa, qui laisse entendre que le progrès social passe avant tout par une bonne santé économique, alors même que la pauvreté et la précarité de ces territoires exigeraient que l’on investisse davantage dans les services publics.
Il faut remarquer aussi le choix discutable que vous faites en matière économique : alors que vous promettez plus de 1 milliard d’euros pour redynamiser les territoires ultramarins, vous décidez de n’accorder que 15 millions d’euros à un « fonds vert » destiné à lutter contre les changements climatiques et à investir dans les énergies renouvelables. S’agit-il d’un acte manqué ?
Au regard du climat majoritairement tropical des outre-mer et compte tenu du fait que la France est la deuxième puissance maritime mondiale, nous avions les moyens de devenir les champions des énergies propres, notamment hydraulique et solaire. Mais, une fois de plus, le Gouvernement est absent là où il aurait pu impulser une politique économique novatrice dans ces territoires.
Mes chers collègues, par les résultats du référendum du 4 novembre dernier en Nouvelle-Calédonie, des Ultramarins ont renouvelé leur confiance en l’État français et ont signifié leur volonté d’appartenir à notre nation. Nous ne saurions leur répondre en les considérant comme des citoyens de seconde zone !
Puisque ce budget manque d’ambition, qu’il porte un énième coup de rabot aux services publics ultramarins et ne prend pas suffisamment en compte les spécificités économiques, sanitaires, sociales, territoriales et climatiques de l’outre-mer, nous voterons contre les crédits de la mission !
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, mes chers collègues, j’aimerais, madame la ministre, que vous vous sentiez exonérée du plaidoyer auquel je vais me livrer. Je vous ai vue au front, ces quatre derniers jours encore à La Réunion : vous avez essayé par tous les moyens, avec toute votre détermination et tout votre être, de rectifier ce qui pouvait l’être, et je vous rends hommage pour cela. Parce que je suis habitée par la justice, cette justice qui a tant fait défaut dans la construction de nos peuples, je me dois de vous rendre justice quand il le faut.
Mme Catherine Conconne. L’an dernier, à cette même tribune, j’avais parlé à propos du budget de l’outre-mer d’effet Doliprane, faisant allusion à un médicament célèbre censé calmer la douleur. Comme un pied de nez, vous avez choisi la couleur bleue pour désigner le document censé nous apporter des mesures, des solutions, des remèdes : le livre bleu, bleu un peu comme cette fameuse pilule censée redonner de la motivation…
Sourires.
Hélas, je me rends compte que, cette année encore, le couple formé par l’outre-mer et la France hexagonale s’installera inexorablement dans la routine.
La routine, une année de plus : tout cela parce qu’un énième gouvernement n’a toujours pas compris que, lorsqu’on a entre 23 % et 25 % de chômeurs, tous territoires confondus, et un niveau de revenus inférieur de 10 000 euros à celui du reste du territoire français, il faut sortir de la routine !
Un gouvernement qui n’a toujours pas compris qu’avec des territoires manquant d’infrastructures élémentaires, il faut sortir de la routine !
Un gouvernement qui n’a toujours pas compris qu’avec une industrie touristique qui pourrait être notre fer de lance, mais dont l’attractivité est en berne, et qui peine à faire face à la concurrence mondiale féroce, il faut sortir de la routine !
Un gouvernement qui n’a toujours pas compris qu’avec des territoires dans lesquels l’investissement de l’État par habitant est très inférieur à ce qu’il est dans le reste du territoire, il faut sortir de la routine !
Un gouvernement qui n’a toujours pas compris que, avec des territoires où plus de la moitié de la jeunesse est durablement installée dans le chômage, il faut sortir de la routine !
Il n’a pas compris qu’avec des territoires, comme la Guadeloupe et la Martinique, où entre 3 000 et 5 000 personnes quittent le pays et, pour l’essentiel, n’y reviennent pas, il faut sortir de la routine !
Ni que sur des territoires où la confiance durable est essentielle, on ne peut continuer à rapiécer, en ajoutant en cours de débat 10 millions d’euros par-ci, dix autres par-là. L’amendement du jour, que vous vous apprêtez à présenter, madame la ministre, est une nouvelle illustration de cette méthode. Là aussi, il faut sortir de la routine !
Or on prive la classe moyenne de nos territoires, la seule en mesure pour l’instant d’amorcer la pompe de la consommation, de ce que le Gouvernement, en chasseur de recettes, a qualifié, à tort, de « niche fiscale » : l’abattement légitime de 30 % sur l’impôt sur le revenu destiné à corriger les 38 % de vie chère supplémentaire. Partant, on frappe les classes moyennes en plein vol : alors qu’elles ont déjà arrêté leur plan d’investissement en fonction de leur reste à vivre, on leur annonce qu’elles disposeront d’un reste à vivre amoindri.
Dans des territoires où le logement insalubre fait encore florès, il faut sortir de la routine !
Dans un territoire où la mortalité infantile est trois fois plus élevée que dans le reste du territoire français, oui, il faut sortir de la routine !
Comme vous, madame la ministre, j’aurai « fait le job » ce matin. Mais je l’aurai fait sans espoir, en vain, car j’entends déjà qu’on me hurle un énième : « Nous gardons le cap ! » Ce fameux « Nous gardons le cap ! » qui entraîne aujourd’hui des milliers de Français dans la rue.
Madame la ministre, nous essaierons de faire. Dans nos pays, nous avons l’habitude de la résignation, la saine résignation, et de la résilience, la saine résilience. Nous avons l’habitude aussi de résister, de résister à la fatalité de la misère. Nous avons l’habitude de se maré ren, c’est-à-dire de nous ceindre les reins, en vaillants hommes et femmes, pour faire face aux difficultés.
Nous ferons donc, nous nous bâtirons, comme dirait le poète, « avec des bouts de ficelle, avec des rognures de bois, avec de tout tous les morceaux bas ».
J’aurai moi aussi fait le job, sans espoir, en vain, mais, parce que je refuse la résignation, parce que la situation est trop grave, durablement trop grave, pour que je puisse me contenter d’un « C’est bon comme ça », parce que nos pays ont résolument besoin d’un big-bang, sachez, madame la ministre, que notre groupe votera contre le budget de la mission !
Je finirai par un exemple : nous avons été destinataires du document de programmation par territoire, le DPT, que nous considérons comme un exercice difficile. On nous annonce, pour le pays que je connais le mieux, mais aussi pour les autres, des hausses de budget. Je veux bien y croire, et ce serait tant mieux.
Seulement, nous découvrons que ces hausses – 1, 5 % pour le pays que je connais le mieux, la Martinique – correspondent en fait à l’augmentation des budgets de la défense – 8 millions d’euros supplémentaires –, des forces de sécurité – 4 millions d’euros supplémentaires – et de l’administration générale et territoriale de l’État – 4 millions d’euros supplémentaires – et le budget de l’enseignement scolaire, soit tout ce qui fait le devoir de l’État, le devoir régalien de l’État ? J’ai envie de vous demander, pour parodier une célèbre publicité : What else ?
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, je vous annonce, la mort dans l’âme, que je voterai contre le budget de la mission « Outre-mer » !
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, de prime abord, le budget de la mission « Outre-mer » pour 2019 semble en légère hausse par rapport à celui de cette année : de 22, 5 % pour les autorisations d’engagement et de 20, 5 % pour les crédits de paiement.
Si l’on s’arrêtait à ces chiffres, on pourrait se réjouir. Mais, comme l’ont souligné les rapporteurs, en soustrayant les mesures de périmètre, il apparaît que les crédits de la mission sont en réalité stables, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement.
Cela est insuffisant, madame la ministre, pour répondre aux situations difficiles que connaissent nos territoires ultramarins, depuis très longtemps. Une augmentation des crédits aurait été nécessaire pour montrer à nos populations que le Gouvernement avait pris la mesure de leurs difficultés tant structurelles que conjoncturelles.
Malheureusement, budget après budget, ministre après ministre, nous sommes obligés de nous battre avec acharnement pour, simplement, conserver l’existant, déjà insuffisant…
L’augmentation du nombre de contribuables à l’impôt sur le revenu par la modification de l’abattement de 30 % et l’augmentation de la taxation sur le rhum, largement infondée, sont symptomatiques des incohérences et des incompréhensions dont fait preuve le Gouvernement en prenant des décisions unilatérales, le plus souvent sans étude d’impact.
S’agissant du rhum, madame la ministre, lorsque vous évoquez une mesure de santé publique, comprenez notre désarroi dans un contexte où, parallèlement, nous ne savons toujours pas si les taux de sucre dans les denrées alimentaires dans les outre-mer sont bel et bien contrôlés, plus de deux ans après le vote de la loi et la publication, bien tardive, du décret d’application. Comment peut-il y avoir, d’un côté, un empressement à taxer et, de l’autre, un manque de suivi dans l’application d’une loi pourtant fondamentale pour la santé publique ?
En ce qui concerne mon île, Saint-Martin, c’est avec force qu’il m’a fallu, avec l’aide de mes collègues, que je remercie, batailler, contre l’avis du Gouvernement, pour obtenir le maintien du dispositif prévu par la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM, en faveur des entreprises sinistrées après le passage d’Irma et qui peinent à repartir.
Il en a été de même pour arracher in extremis des mesures en faveur du logement social et de la rénovation hôtelière.
Madame la ministre, j’espère que vous aurez entendu mon message et celui que le Sénat a voulu vous adresser en adoptant ces deux amendements. Donnez à Saint-Martin les moyens de se relever et, plus largement, aux territoires ultramarins les moyens de faire face aux nombreux défis auxquels ils sont durablement confrontés !
Malgré nos ministres des outre-mer successifs, de Mme Penchard à vous-même, madame Girardin, en passant par M. Lurel, Mmes Pau-Langevin et Ericka Bareigts, le combat reste le même, malheureusement.
Comprenez que notre objectif à tous, c’est de défendre nos territoires, nos populations, non contre vous, mais avec vous ! À vos côtés, mais avec détermination, pour que s’expriment avec force et de façon audible les voix de nos territoires. Puissions-nous être un jour entendus. Alors les outre-mer ne seront plus considérés comme une charge, mais bien au contraire comme une chance pour la France, un atout supplémentaire pour sa cohésion nationale et son rayonnement international !
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Victoire Jasmin et M. Pierre Laurent applaudissent également.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons ce matin les crédits de la mission « Outre-mer ». Ce rendez-vous incontournable est l’occasion de nous prononcer sur les orientations politiques et budgétaires pour nos territoires ultramarins.
Je tiens avant tout à saluer le travail des rapporteurs, plus particulièrement de mes collègues centristes Mme Dindar, rapporteur pour avis, et M. Laurey, rapporteur spécial.
Il est difficile de prendre position sur une mission aussi vaste, avec des domaines divers et des territoires qui ont chacun leurs spécificités. De plus, cette mission ne représente qu’un dixième de l’effort total pour les outre-mer : celui-ci s’élève à 24 milliards d’euros, répartis entre quatre-vingt-huit programmes.
Cela devrait nous amener à une réflexion sur l’organisation du budget des outre-mer. En effet, cette mission est la seule à vocation géographique. Or nous devrions davantage intégrer les outre-mer dans toutes les composantes du budget. Nous pourrions aussi améliorer la lisibilité de ce budget, pour en avoir une vision plus globale et mieux adaptée à la diversité des territoires.
Sur le fond, les défis pour les outre-mer sont nombreux.
La situation actuelle à La Réunion est très préoccupante. Les taux de pauvreté et de chômage, bien plus élevés que dans l’Hexagone, ajoutés à la cherté de la vie, y ont amplifié et fait prendre une tournure violente au mouvement des « gilets jaunes ». Cette situation met en lumière les difficultés économiques, sanitaires, sociales et sécuritaires auxquelles nombre de territoires ultramarins sont confrontés.
Dans ce contexte difficile, ce budget doit avant tout permettre la mise en œuvre du Livre bleu, fruit des assises de l’outre-mer et remis au Président de la République en juin dernier. Nous en attendons cette année les premières concrétisations. Nous saluons cette initiative, mais nous serons attentifs à leur traduction concrète sur le terrain.
À première vue, la mission connaît une hausse exceptionnelle de ses moyens : 22 % d’autorisations d’engagement et 21 % de crédits de paiement en plus. Toutefois, comme il a été signalé à l’Assemblée nationale et au Sénat, cette hausse n’est qu’apparente : elle s’explique en réalité par des mesures de périmètre qui font évoluer les contours de la mission, ainsi que par trois sources de financement qui existaient déjà, mais dont la nature change.
La première de ces sources est la transformation du CICE en exonérations de charges à l’échelle nationale. Les deux autres, ce sont les 170 millions d’euros d’aides fiscales transformées en soutien budgétaire : 100 millions d’euros issus de la suppression de la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable, 70 millions d’euros de la diminution de l’abattement sur l’impôt sur le revenu applicable dans certains départements et régions d’outre-mer.
En définitive, les crédits de la mission « Outre-mer » sont donc stables.
La disparition d’aides fiscales a logiquement suscité des inquiétudes chez bon nombre de nos collègues ultramarins. Je crois qu’elle aurait mérité davantage de pédagogie de la part du Gouvernement.
Je salue néanmoins, madame la ministre, votre volonté de faire autrement, en changeant le mode d’accompagnement des territoires d’outre-mer.
En matière de logement, ainsi que l’a indiqué notre collègue Nuihau Laurey, rapporteur spécial, les moyens budgétaires visant à le favoriser sont stables, mais inférieurs aux besoins. Dans les collectivités du Pacifique, par exemple, les coûts de construction des logements sont très élevés, du fait de l’insularité et de l’éloignement. L’État doit pouvoir apporter un soutien plus actif à ses territoires les plus éloignés.
À l’Assemblée nationale, la défiscalisation applicable au secteur du logement social a été étendue aux travaux de rénovation d’immeubles de plus de vingt ans dans certaines zones prioritaires des collectivités d’outre-mer et de Nouvelle-Calédonie. C’est une avancée, mais c’est encore insuffisant. Étant donné les coûts de construction élevés, il faudrait relever le plafond du montant des travaux pris en compte pour le calcul de la réduction d’impôt par logement.
Je crois aussi que nous devrons résoudre le problème des effets de la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés sur les schémas de défiscalisation en Nouvelle-Calédonie. Je reviendrai sur cette question dans la suite de la discussion du projet de loi de finances.
Plus généralement, le changement aurait pu être mieux accompagné, mais le volontarisme de ce budget doit être salué. En dépit de certaines réserves, le groupe de l’Union Centriste votera donc les crédits de la mission « Outre-mer ».
Madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons ce budget au lendemain d’une journée historique pour la Nouvelle-Calédonie : le 4 novembre dernier, les Calédoniens ont choisi souverainement leur destin. Je tiens à saluer l’implication de l’État, qui a fait en sorte que la consultation se déroule dans les meilleures conditions. Nous avons franchi une étape de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. Il faut désormais nous intéresser à son développement économique, afin de consolider la paix et de construire ensemble un avenir commun !
Monsieur le président, mes chers collègues, la trajectoire de politique économique pour les outre-mer que vous nous présentez, madame la ministre, au cours de cette séquence budgétaire, ainsi que les mécanismes qui y président, ont suscité des inquiétudes d’une rare intensité.
Ainsi, au cours des nombreuses auditions que j’ai conduites, toutes les remontées de terrain ont convergé pour exprimer de très sérieux doutes sur les choix stratégiques opérés.
Au centre de cette politique, c’est la question du développement des outre-mer qui se pose. Ce développement implique une vision de long terme.
Or plusieurs points constituent des signaux d’alerte.
Le premier concerne la réforme des allégements de charges patronales, un paramètre essentiel pour la compétitivité des économies ultramarines. Si, face à la concurrence régionale et au niveau très bas du coût du travail, cette mesure se justifie, elle ne peut plus se comprendre si l’on se place sur le long terme. De plus, associée à la remise en cause de la baisse des charges sur les salaires d’encadrement et d’expertise, elle enferme les marchés ultramarins, les condamnant à s’inscrire sur des segments de basse et de moyenne gamme.
Surtout, cette orientation n’est pas cohérente avec une politique de développement de la formation et d’exhortation des jeunes à participer à la mobilisation économique.
Les crédits de l’aide à la formation et à la qualification professionnelles sont, à cet égard, en légère hausse, ce dont il faut se féliciter. Mais, faute de salaires attractifs, trop de jeunes diplômés choisiront de poursuivre leur carrière à l’étranger. Il faut plus globalement prendre garde au nivellement salarial provoqué par une telle politique.
Il me semble que le niveau du coût du travail touche à des sujets de fond.
J’ouvre d’ailleurs une parenthèse pour rappeler que, s’agissant de la formation de base, les outre-mer sont pionniers avec un service militaire adapté, le SMA, qui démontre année après année son efficacité. J’ai relevé une approbation unanime au sujet de la solidité de la formation des jeunes passés par ce service militaire. Il existe là un potentiel de formation qui doit être développé, car le SMA ne profite qu’à 6 000 jeunes par an.
Fort pertinemment, les travaux du Sénat ont permis de borner la discussion sur l’établissement des seuils d’exonération, qui a été poursuivie durant la navette et à laquelle, madame la ministre, vous vous étiez engagée, l’honnêteté commande de le souligner. Les échanges ont abouti à un relèvement des seuils qui, sans répondre intégralement aux demandes formulées par les socioprofessionnels, constitue une amélioration par rapport au dispositif initial.
Je crois pouvoir dire que toutes les collectivités ont exprimé un besoin d’adaptation aux réalités locales, dans un souci d’efficience des dispositifs.
Tel a été le cas à Saint-Barthélemy qui a souhaité faire prévaloir la stabilité, surtout dans un contexte économique qui reste, malgré une reconstruction avancée, marqué par l’après-Irma.
L’île de Saint-Barthélemy n’est pas bénéficiaire du CICE : elle n’était donc pas directement concernée par les enjeux de sa transformation en baisse de charges, et je vous sais gré, madame la ministre, d’avoir entendu cette demande.
Un autre signe est envoyé au travers de la méthode employée, qui est inédite – il faut bien le dire – dans ses principes et dans ses proportions : celle-ci a renvoyé l’idée que les outre-mer, par « recyclage » des sommes disponibles localement, financeraient leur propre développement.
Pour 2019, en effet, le budget opère une ponction de sommes disponibles entre les mains des agents économiques pour les centraliser : cela s’appelle une hausse de la fiscalité, qui va modifier les comportements économiques dans un sens restrictif.
Certes, nous comprenons bien les contraintes budgétaires qui obligent à faire des arbitrages douloureux, madame la ministre, mais je ne peux m’empêcher de m’étonner, sinon de l’inexistence, du moins de la faiblesse de la prise en compte des effets collatéraux de mesures qui peuvent paraître pertinentes budgétairement.
Dans ces économies qui peinent, les augmentations fiscales résultant, d’une part, de la réduction de la réfaction de l’impôt sur le revenu des classes moyennes et, d’autre part, de la suppression de la TVA non perçue récupérable, la TVA-NPR, ne pourront avoir qu’un effet déstabilisateur.
Avec la réduction de l’abattement de l’impôt sur le revenu, il reste que ce sont 70 millions d’euros dont seront privés des secteurs d’activité tels que les loisirs, les services à la personne, et j’en passe. Dans cette hypothèse, un cercle vicieux, qui pourrait se traduire à terme par une augmentation des dépenses sociales, s’enclenchera.
En outre, bien que n’ayant pas une inclination particulière pour le développement subventionné, il n’en demeure pas moins que la TVA-NPR constitue un élément de la trésorerie des entreprises. Il y a donc fort à parier que celles-ci seront tentées de compenser sa suppression par des augmentations de prix, créant un autre cercle vicieux inflationniste.
Il est vrai que les territoires ultramarins se caractérisent par leurs besoins en infrastructures. La progression du fonds exceptionnel d’investissement, dont les crédits s’établissent à 110 millions d’euros, est conforme aux préconisations du Livre bleu outre-mer.
Ainsi, à la dépense fiscale faisant appel au libre arbitre des agents économiques, vous préférez la recentralisation des crédits et l’étatisation de la dépense. Le choix a donc été fait de prendre un risque récessif pour améliorer les infrastructures.
Là encore, la compensation soulève de nombreuses inquiétudes essentiellement, très prosaïquement d’ailleurs, en raison du traitement administratif des demandes de financement qui seront présentées. Qui va les traiter, à quel rythme et selon quel processus ?
Dans tous les cas, entreprises et collectivités auront à remplir des dossiers qui devront ensuite être instruits, cette dernière étape comportant des incertitudes et entraînant des délais d’attente. Madame la ministre, le Gouvernement est-il en mesure de s’engager à garantir la célérité des démarches ?
L’annualité budgétaire se traduit trop souvent par des crédits non consommés et l’étape administrative ne doit en aucun cas se transformer en une variable de limitation de la consommation.
La stabilité du cadre fiscal et économique est l’autre enjeu pour les outre-mer.
Chaque gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, se fait fort de présenter sa réforme avant même que les mesures adoptées par ses prédécesseurs n’aient atteint leur rythme de croisière. C’est un stop and go incessant qui pousse les investisseurs à l’attentisme.
Il en va ainsi du CICE, transformé en réduction de cotisations, alors que les entreprises venaient à peine de s’y adapter. Au surplus, cette transformation ne sera pas dénuée de conséquences fiscales.
À la différence du CICE, c’est-à-dire un crédit d’impôt assis sur la masse salariale, les baisses de cotisations entraînent une hausse du résultat net et du bénéfice imposable de l’entreprise. Fiscalement, il n’est donc pas certain que les réductions de charges ne soient pas atténuées dans certains cas par des augmentations d’impôts.
Par ailleurs, en ce qui concerne les zones franches d’activité nouvelle génération, il conviendra de même d’être attentif aux effets d’éviction qui pourraient être occasionnés par la simplification du dispositif et la suppression des zones géographiques, ainsi qu’aux « trous dans la raquette », comme a pu le redouter un entrepreneur auditionné.
Au total, en dépit de toutes les réserves exprimées, je vous fais crédit, madame la ministre, d’avoir pris en compte l’apport du Sénat pour rééquilibrer une approche trop comptable des outre-mer. C’est dans cet esprit constructif que je ne m’opposerai pas à l’adoption des crédits de cette mission, espérant qu’elle permettra une coconstruction accrue dans l’unique intérêt des outre-mer.
Si, sur un plan purement comptable, notre groupe choisit de ne pas s’opposer à votre budget, reconnaissons ici que, derrière les chiffres, il existe des choix politiques forts et surprenants, pour ne pas dire inquiétants, faits par votre gouvernement. Je peux donc comprendre et partager les inquiétudes qui se sont généralisées en outre-mer.
Tout en affirmant votre volonté d’appliquer une politique de différenciation territoriale, madame la ministre, je constate avec une certaine amertume que vous choisissez une direction et un cap diamétralement opposés. C’est dans les territoires que se prennent les bonnes décisions, c’est dans les territoires que se prennent les décisions les mieux adaptées et les plus efficaces. Alors, pourquoi ne pas laisser et redonner aux territoires les moyens et la liberté d’agir ?
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Outre-mer » s’inscrit dans un contexte de maîtrise de la dépense publique. Pour autant, elle n’exclut pas l’ambition d’aider chaque territoire à construire son propre modèle de développement en créant les conditions pour que les initiatives s’expriment et soient soutenues de façon pragmatique, mais durable.
Le Livre bleu outre-mer, remis en juin dernier au Président de la République, constitue la feuille de route du Gouvernement pour les prochaines années. Cette mission en est une première traduction financière.
C’est pourquoi, à un budget 2018 de transition, succède un budget 2019 de transformation et de responsabilisation.
Il s’agit de dépenser mieux pour plus d’efficacité, avec des objectifs prioritaires tels que le développement des infrastructures indispensables au quotidien de la population et au fonctionnement des entreprises créatrices d’emplois et de richesses, mais aussi la réorganisation de l’aide à l’activité économique, la construction et la rénovation de logements et, enfin, la formation des jeunes.
Je rappelle que la mission ne couvre qu’un dixième de l’effort financier global de l’État pour les outre-mer. Celui-ci s’élève à plus de 23 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à plus de 22 milliards d’euros en crédits de paiement, soit des hausses respectives de 7, 6 % et de 4, 6 %. La mission en elle-même, qui représente 2, 57 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2, 49 milliards d’euros en crédits de paiement, correspond à 0, 54 % du budget général de l’État contre 0, 48 % l’an passé et 0, 40 % en 2017, ce qui témoigne de la préservation des crédits spécifiquement affectés aux outre-mer.
Les hausses de crédits de la mission de 22, 5 % en autorisations d’engagement et de 20, 52 % en crédits de paiement s’expliquent par des mesures de transfert et de périmètre, conséquences de votre volonté, madame la ministre, de mettre la dépense publique au service du plus grand nombre et de repenser les mécanismes d’accompagnement des économies d’outre-mer.
Ces mesures résultent de trois réformes majeures : la transformation nationale du CICE en exonérations de charges ciblées sur des secteurs en développement, la suppression de la TVA non perçue récupérable et la diminution du plafond de la réduction d’impôt pour les plus hauts revenus dans les DOM.
Ces changements, fussent-ils justifiés par un souci de justice et d’efficience économique, ne se font pas sans appréhension. Ils ont donné lieu à d’intenses débats sur nos travées et sur les bancs de l’Assemblée nationale. Certains craignent que des entreprises ne soient perdantes, que des territoires ne perdent de l’attractivité, que le pouvoir d’achat ne baisse.
Vous promettez de redéployer l’équivalent des euros ainsi obtenus aux outre-mer. Beaucoup voient un changement de paradigme : les outre-mer, dont les handicaps structurels et la légitimité à revendiquer une égalité réelle avec l’Hexagone sont indéniables, s’autofinanceraient dorénavant entre eux, les moins faibles aidant les plus pauvres.
Or, vous l’avez dit, madame la ministre, l’État ne se désengage pas. Il consacre 17 milliards euros de crédits aux outre-mer, bien que la fiscalité n’y rapporte que 4 milliards d’euros. J’ajoute que cet effort est largement fondé, ne serait-ce qu’en raison de la faiblesse répétée et toujours très importante du PIB par habitant de nos territoires : celui de Mayotte est ainsi 3, 6 fois plus faible que le taux national.
Nous attendons que la réduction des dépenses fiscales et sociales se traduise bien en dépenses budgétaires et pilotables. Les économies issues de la suppression de la TVA-NPR alimenteront le programme 138 de la mission pour améliorer l’accès au financement des entreprises. J’espère aussi que le fonds exceptionnel d’investissement du programme 123 ainsi abondé sera utilisé et ne perdra pas de sa substance au fil des années. Je l’attends d’autant plus qu’une partie de ce fonds doit être consacrée à la construction d’établissements scolaires en Guyane et à Mayotte. J’aurai l’occasion d’y revenir lors de l’examen de la mission « Enseignement scolaire ».
Le nouveau dispositif de zones franches, simplifié et ciblé sur des secteurs d’activités soumis à la concurrence, mais essentiels par leur capacité à créer activité et emplois, contribuera à la revitalisation des économies ultramarines.
Tout en restant ferme dans vos convictions, vous avez su écouter nos inquiétudes et apporter des ajustements, madame la ministre. Vous avez modifié les paramètres des nouvelles exonérations de charges pour les entreprises, afin d’atténuer le phénomène de trappe à bas salaires. Vous avez élargi les secteurs éligibles. Vous avez tenu compte des particularités de la Guyane, notamment.
J’insiste, nos territoires d’outre-mer restent fragiles. Cette fragilité recouvre des difficultés parfois semblables, parfois de nature très différente. Promouvoir un développement endogène est vertueux, mais veillons à ce que des outils mal ajustés ou mal compris ne nous entraînent pas dans une logique de mal-développement endogène. La crise qui a bloqué Mayotte plusieurs mois durant a révélé l’importance du contexte régional dans la conduite des politiques publiques locales. Mayotte, qui fait face à une très forte immigration, a montré qu’elle manquait cruellement de sécurité, de logements, d’écoles, de routes et d’un aéroport adapté – j’insiste sur ce dernier point. Dès lors, comment attirer les compétences et les y maintenir ?
Très récemment, les Réunionnais ont montré leur profond mal-être. Madame la ministre, vous êtes allée à leur rencontre et avez annoncé des mesures, dont plusieurs sont d’ailleurs déjà inscrites dans le budget de l’État. Vous avez ainsi annoncé la création d’une zone franche globale à 7 % à La Réunion. S’agit-il d’un dispositif tout à fait nouveau et particulier ?
Ou bien La Réunion rejoindrait-elle la Guyane et Mayotte dans le régime dit de « compétitivité renforcée » ?
Les besoins en logements sont considérables. Il faudrait en construire 50 000 en Guadeloupe d’ici à 2030, plus de 4 000 par an pendant vingt ans en Guyane. À Mayotte, seuls 570 logements locatifs sociaux et très sociaux ont été financés entre 2015 et 2017.
Les déplacements ultramarins du Président de la République et de nombreux ministres témoignent de l’intérêt de la Nation pour les outre-mer. À la suite de ce premier budget de transformation, les budgets qui lui succéderont continueront d’y apporter, je l’espère – et je répète, je l’espère ! –, une traduction concrète.
Le groupe La République En Marche votera les crédits de cette mission.
M. Julien Bargeton applaudit.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, « Notre combat, jusqu’ici, a été de tenter un rattrapage à tous les niveaux des départements d’outre-mer vers la métropole. Tout s’est passé comme si, dans l’Hexagone, cette volonté procédait d’un souhait utopique. » Ainsi s’exprimait le député de la Guadeloupe, Frédéric Jalton, en 1990 à l’Assemblée nationale. Ces propos demeurent vingt ans après d’une troublante actualité.
Aussi, madame la ministre, c’est à regret que je relaie ici les inquiétudes suscitées par votre budget, tant il est crucial pour nos collectivités de sortir de l’incompréhension qui mène au mal-développement.
Après plusieurs longs mois d’assises des outre-mer, la déception est d’autant plus grande que les attentes se sont exprimées directement à partir des territoires, qui savent assurément ce qui est bon pour eux.
Mes collègues ayant déjà évoqué avec pertinence les aspects purement budgétaires, je veux, dans le temps qui m’est imparti, me concentrer sur l’état d’esprit qui préside à la politique économique de votre gouvernement, dont nous examinons la traduction chiffrée aujourd’hui.
Si votre budget s’affiche en augmentation au plan comptable, cette hausse est en définitive le résultat de plusieurs ponctions fiscales, autrement dit des hausses d’impôts. Et pour la première fois, les territoires d’outre-mer financeront eux-mêmes les outre-mer.
Localement, la redéfinition des seuils d’exonération, dont les crédits de compensation nous sont présentés, laisse le sentiment amer d’un gouvernement sourd à la vision des socioprofessionnels ultramarins. Pis, le recentrage de nos économies sur les bas salaires risque de pénaliser plus encore une jeunesse déjà fragile et en mal de débouchés.
L’augmentation des crédits de cette mission résulte donc essentiellement d’un jeu d’écritures, inscrivant ici des crédits qui auraient pu l’être ailleurs, dans d’autres missions.
En outre, le « recyclage » mentionné par le président Magras et la « rebudgétisation » dénoncée il y a quelques jours par le sénateur Lurel inaugurent une rupture brutale de la solidarité nationale à l’endroit des outre-mer.
Dès lors se pose une question de fond, qui va bien au-delà de la simple annualité budgétaire : celle du maintien d’un ministère spécifique des outre-mer. À mon sens, ce ministère est certes un gage de sanctuarisation budgétaire, mais c’est aussi un « plafond de verre », qui nous enferme dans un entre-soi, qui ne parle de nous-mêmes qu’à nous-mêmes.
Mme la ministre opine.
Pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler que vous avez justifié votre position, madame la ministre, par l’obligation de rester dans le cadre de l’enveloppe qui vous avait été allouée. Ainsi, au fil des années, à périmètre constant, cette enveloppe stagne en réalité autour de 2, 5 milliards d’euros alors que, dans le même temps, la question du développement endogène de nos différents territoires se pose avec beaucoup plus d’acuité.
Je sais combien la tâche est lourde, madame la ministre, et que vous vous investissez sans relâche. Pour autant, je ne peux pas approuver les orientations de ce budget ni m’empêcher de penser, en conscience, qu’il est peut-être temps d’emprunter d’autres voies, notamment institutionnelles.
Je souhaite conclure par ces mots de Frantz Fanon : « La politisation des masses se propose non d’infantiliser les masses mais de les rendre adultes. »
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Madame la ministre, j’ai apporté mon soutien sans réserve au budget que vous proposiez l’an dernier. Vous veniez d’être nommée, il s’agissait d’un budget de transition, d’amorçage, et nous nous étions donné rendez-vous cette année.
Pour 2019, ce devait être, dans un terme très macronien, le budget de la transformation des outre-mer. Je dois dire que je le recherche aujourd’hui… À l’époque, j’avais déclaré que, pour élaborer un budget – nous sommes tous issus de collectivités –, il faut une colonne vertébrale, faute de quoi ce budget devient un sac d’os.
Quelque part, l’exercice qui nous est proposé ne me convient pas. Je l’avais déjà dit et nous n’avions d’ailleurs pas participé aux assises des outre-mer – d’ailleurs, certains de nos collègues, aujourd’hui, en reviennent.
Quand on fait de la politique, il faut avoir de l’humilité et de la lucidité.
Il faut de l’humilité pour revisiter les méthodes, qui sont les nôtres. Je mets au moins à votre crédit le fait que vous ayez engagé une réflexion approfondie sur les outils, notamment les aides économiques, malgré quelques tensions avec les acteurs ces derniers jours, notamment ceux de la Fédération des entreprises des départements d’outre-mer, la FEDOM, même si je sais que vous avez arraché un arbitrage à Matignon en faveur du maintien d’un certain nombre de dispositifs.
Pour autant, il faut aussi de la lucidité, pour reprendre une expression présidentielle, mais cette fois-ci de notre président, Gérard Larcher. À un moment donné, si le bateau gouvernemental ne suit pas la boussole, qui est celle du CROSS Étel et, en l’occurrence, la boussole parlementaire qui donne un certain nombre de signaux, il s’échoue sur les rochers ou sur les coraux.
Faire preuve d’humilité aujourd’hui, c’est reconnaître, comme l’a fait par exemple Didier Robert à La Réunion, que l’on n’est peut-être pas allé assez loin sur un certain nombre de sujets.
Faire preuve de lucidité, c’est aussi écouter les parlementaires et plus se servir d’eux. Je le dis en toute amitié, et avec tout le respect que j’ai pour la fonction que vous occupez, vous devriez bien plus vous appuyer sur les parlementaires et être en rupture, au sein de ce gouvernement, avec la méthode utilisée. Sinon, vous irez dans le mur, exactement comme le reste du gouvernement, et vous entraînerez avec vous l’ensemble des outre-mer, territoires dont les problématiques sont, je le sais, chaque fois un peu différentes.
L’action publique est avant tout une œuvre collective. Il existe deux délégations parlementaires aux outre-mer, l’une au Sénat et l’autre à l’Assemblée nationale, qui aimeraient œuvrer à vos côtés pour porter la politique de ces territoires au niveau national, de manière plus collective et plus participative, afin que l’on ne découvre plus après coup un certain nombre de choses.
Il faut aussi de la confiance. Et, en la matière, c’est un peu comme en amour, il faut des preuves.
Je vais prendre l’exemple de mon territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon : cette confiance, on l’apprécie à la demande que le préfet a adressée à la collectivité de financer un investissement portuaire dans un port d’intérêt national… La confiance, on la mesure en découvrant, d’après le document de politique transversale consacré à l’outre-mer, que les budgets globaux alloués à ce territoire sont en baisse de 15 millions d’euros en 2019, que l’on s’appuie sur l’analyse des 88 programmes concourant à cette politique transversale ou sur celle de la seule mission « Outre-mer ».
Je suis inquiet pour mon territoire, comme je le suis pour le reste des territoires d’outre-mer, compte tenu de la méthode employée et des crédits engagés. J’espère, madame la ministre, que vous pourrez apporter un certain nombre de réponses de nature à rassurer mes collègues du groupe du RDSE.
Aujourd’hui, nous sommes réservés sur cette mission parce que, comme l’a rappelé Guillaume Arnell, nous avons ces inquiétudes. Pour ma part, je me suis beaucoup concentré sur la méthode, mais aussi sur les aspects budgétaires de la mission. Nous espérons évidemment que, lors de votre intervention, vous pourrez éclairer notre lanterne !
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Jean-Louis Lagourgue applaudit également.
M. Vincent Delahaye remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.
Monsieur le président, messieurs les rapporteurs spéciaux, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, je reviens tout juste d’un déplacement à La Réunion.
Je suis allé au contact de la population, parce que la seule méthode qui ait du sens pour moi, c’est l’écoute et le dialogue avec nos concitoyens. J’ai également rencontré les élus, le monde économique, les syndicats.
Je voudrais affirmer ici que, en Guyane et à Mayotte, hier, à La Réunion comme dans les autres territoires que je n’oublie pas et à Paris, aujourd’hui, notre modèle de vivre-ensemble, qui a tant fait notre fierté, est mis à mal.
C’est dans ces moments que le mot « gouverner » doit prendre tout son sens : gouverner, ce n’est pas imposer d’en haut des choix déconnectés de la réalité du terrain ; c’est toujours agir en responsabilité, guidé par l’intérêt général, pour que chaque citoyen trouve sa place dans la société.
Le dialogue est nécessaire. Pas plus tard qu’hier, de retour de La Réunion, j’ai organisé une visioconférence avec les Réunionnais, comme je m’y étais engagée devant eux, car le grand débat sur les réseaux sociaux n’avait pas pu aller à son terme.
L’État a pris des engagements forts et je rendrai compte de leur mise en œuvre à La Réunion et dans tous les territoires, tout comme je veillerai d’ailleurs à ce que chacun joue le jeu républicain. Cette responsabilité et cette transparence sont à la base de mon action. Vous le savez tous, depuis dix-huit mois, je travaille pour transformer nos territoires dans la dignité, le respect et l’unité, pour des outre-mer pleinement inscrits au cœur de la République.
Le projet de budget que je vous présente découle bien sûr de choix politiques majeurs et de convictions fortes. Ce choix de la transformation, c’est le refus du conservatisme, c’est la volonté d’accompagner les territoires vers un développement qu’ils auront eux-mêmes défini. C’est le propre de la démocratie participative et ce besoin s’est clairement exprimé sur le terrain, ces jours derniers.
C’était l’intérêt premier des assises des outre-mer : l’expression directe de milliers de citoyens, d’entrepreneurs, de porteurs de projets, qui nous disent à quel point l’État est attendu ! Ce n’est pas toujours plus d’État, mais mieux d’État…
Les exaspérations, les inégalités, les injustices exprimées, je les comprends comme une incitation à aller plus loin et à poursuivre dans la voie de la transformation. L’État est le garant des institutions, il se doit de protéger les plus démunis, mais aussi de libérer les énergies, tout en restant au plus près des attentes des Ultramarins.
Ces attentes sont claires.
Il y a tout d’abord l’emploi. Oui, l’emploi est une priorité parce que, sans activité, sans travail, sans fierté, un territoire, quel qu’il soit d’ailleurs, n’est qu’un navire à la dérive avec un équipage totalement perdu, et souvent en colère.
Il y a le pouvoir d’achat, ensuite : nous devons travailler en profondeur sur ce sujet dans les territoires d’outre-mer.
N’oublions pas non plus la qualité de vie : plus de services publics, plus de crèches, un système de santé performant.
Il faut aussi des formations et des emplois pour la jeunesse ultramarine. Nous avons besoin d’une société moins inégalitaire – elle l’est à La Réunion ou dans d’autres territoires d’outre-mer aujourd’hui – et plus solidaire.
Il faut, par ailleurs, et j’en ai pris l’engagement, une totale transparence de l’action de l’État. J’invite du reste à une totale transparence de l’action des pouvoirs publics.
On m’a aussi rapporté qu’il fallait des responsables et des élus plus exemplaires dans leur manière de gouverner.
Face à ces aspirations, je ne promets pas une égalité réelle ni une convergence des niveaux de vie vers une moyenne nationale, dont tout le monde sait que celle-ci recouvre une grande diversité. Ce n’est pas ma vision des choses, vous le savez. Chaque territoire ultramarin doit trouver son propre modèle de développement. Et comme je le rappelais à La Réunion, l’État ne fera pas seul. Il n’est pas, tant s’en faut, le seul à détenir les réponses aux défis qui sont devant nous.
Pour permettre aux territoires d’enclencher cette dynamique de progrès économique, le présent projet de budget nous donne les moyens d’agir sur l’investissement public et d’appuyer les entreprises.
En ce qui concerne l’investissement public, les crédits du fonds exceptionnel d’investissement sont portés de 40 millions d’euros à 110 millions d’euros par an. Ce niveau d’engagement sera maintenu tout au long du quinquennat. Sur cinq ans, ce sont donc 500 millions d’euros que nous affecterons au financement des infrastructures essentielles aux territoires.
Nous parlions de convergence : ces crédits y contribuent. La loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer a par ailleurs prévu la signature d’une nouvelle génération de contrats dédiés au financement du rattrapage structurel. Ces contrats de convergence vont s’accompagner du mot « transformation ». Ils seront signés dans les prochaines semaines et scelleront les engagements de l’État et des collectivités jusqu’en 2022. Les outre-mer sont en avance sur l’Hexagone : sur quatre ans, l’effort de l’ensemble des périmètres ministériels va s’élever à 2 milliards d’euros. Pour ce qui est du ministère des outre-mer, nous allons y consacrer 179 millions d’euros en 2019, soit 15 % de plus que l’an passé.
L’investissement public, c’est également la construction et la rénovation de logements. Vous avez raison, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit d’une préoccupation essentielle dans les territoires d’outre-mer.
La ligne budgétaire unique est maintenue à 225 millions d’euros. Le produit de la cession des parts de l’État au sein des sociétés immobilières d’outre-mer, les SIDOM, opération que nous attendions tous et qui a rapporté une somme de 19 millions d’euros, est réservé au ministère des outre-mer dans la loi de finances rectificative pour 2018.
Ces derniers jours, j’ai eu l’occasion de réaffirmer les engagements pris en matière d’accession à la propriété et d’aide à la rénovation de l’habitat privé : traitement de l’ensemble des dossiers actuellement bloqués, réflexion sur la mise en place de nouveaux mécanismes en matière d’aide à la rénovation et d’accession à la propriété – je compte sur vous pour m’y aider, mesdames, messieurs les sénateurs. Bien évidemment, la diversification des parcours résidentiels outre-mer est une vraie préoccupation. Je crois que la réponse ne peut pas être que sociale, comme vous le savez tous ici.
D’ailleurs, le présent projet de loi de finances comporte de nombreuses mesures fiscales favorables à la construction de logements : prolongation de la défiscalisation, amélioration de la chronicité du versement du crédit d’impôt, mais aussi augmentation des quotas de prêts locatifs sociaux, allongement des délais de mise en location ou encore extension de la défiscalisation dans les collectivités d’outre-mer pour la réhabilitation du parc social existant.
Accroître l’investissement public est fondamental pour répondre aux besoins du quotidien des Ultramarins.
Mon second combat est tout aussi fondamental : c’est la bataille pour l’emploi, parce que c’est dans le travail, je le répète, que se construit la dignité, rappelée aujourd’hui encore dans les rues de La Réunion. Pour ce faire, il faut soutenir les entreprises et, bien sûr, créer des richesses.
Il m’a également été dit que, au-delà de la création de richesses, la vraie question était celle du partage : mieux répartir la richesse dans les territoires d’outre-mer est un défi que nous devons aussi relever ensemble.
Depuis décembre 2017, le Gouvernement a proposé de faire évoluer les aides pour l’emploi et l’activité économique outre-mer. Vous le savez, un travail énorme a été mené en ce sens. L’objectif était bien de définir une politique de développement économique volontaire, pilotée et cohérente et d’inscrire les dispositifs d’accompagnement dans le temps long.
Oui, certains outils disparaissent, parce qu’ils ne sont pas assez lisibles, parce que l’on ne savait pas, au final, où allaient véritablement les financements, parce qu’ils ne servaient qu’à quelques-uns, mais aussi parce que nos concitoyens nous demandent plus de transparence. Ils veulent savoir où va le moindre euro de leurs impôts, et il est normal que l’on puisse leur répondre, dans les territoires d’outre-mer comme ailleurs. Je puis vous assurer que cette transparence sera au rendez-vous !
Notre objectif n’a pas varié sur la question de l’écosystème d’accompagnement des entreprises : ce système doit être pérenne et ciblé, afin de faire des outre-mer des territoires de conquête économique. Si nous voulons l’excellence, nous devons être à la hauteur ! La transformation du CICE en allégement renforcé de charges sociales a entraîné un bouleversement des exonérations spécifiques aux outre-mer. Dans ce contexte, notre volonté a été d’assumer une politique de l’emploi, de simplifier les barèmes existants et de parier sur les secteurs d’avenir que sont l’économie bleue, l’innovation, le tourisme ou encore l’industrie.
Nous permettons que les zones les plus intenses en emploi bénéficient de charges égales à zéro. Outre-mer, 53 % des salariés gagnent moins de 1, 4 SMIC et 80 % des demandeurs d’emploi sont peu ou pas du tout diplômés.
C’est non pas une trappe à bas salaires, mais une trappe à chômage qui existe aujourd’hui dans les territoires d’outre-mer. Je veux les en sortir. Surtout, je veux en sortir la jeunesse non diplômée, la jeunesse non qualifiée. En effet, qui sont tous les jeunes qui manifestent aujourd’hui ? Ce sont des jeunes sans emploi, qui nous demandent de prendre nos responsabilités et de faire en sorte que leur avenir soit meilleur, demain, dans chaque territoire d’outre-mer. Je serai au rendez-vous.
Nous avons mené un travail approfondi avec les administrations et les professionnels. Le Gouvernement a réalisé un effort supplémentaire de l’ordre de 130 millions d’euros, afin d’abaisser le coût du travail en outre-mer, tout en conservant l’objectif de mener une politique volontariste pour l’emploi et contre le travail illégal.
Les conséquences budgétaires sont tirées sur la mission « Outre-mer ». Tel est le sens des amendements qui ont été adoptés à l’Assemblée nationale, avec 30 millions d’euros supplémentaires – 15 millions d’euros à la suite de l’ajout d’un certain nombre de secteurs et 15 millions d’euros pour répondre aux spécificités de la Guyane. Tel est également le sens de l’amendement que je présenterai tout à l’heure, pour un montant de 65 millions d’euros. Au final, ce sont donc 95 millions d’euros supplémentaires qui ont été mobilisés par rapport au projet initial qui a été présenté à l’Assemblée nationale.
Certains s’interrogeront sur la raison de ces petits ajouts. J’avais dit ici qu’il nous fallait encore travailler, et jusqu’au dernier jour, avec l’ensemble du monde économique et coller à la réalité des besoins des territoires. C’est ce que nous avons fait à ce stade. Je précise que la modification des circuits de financement des exonérations de charges a entraîné une mesure de périmètre, faisant entrer 300 millions d’euros dans notre budget. Il s’agit d’une mesure purement technique. Vous connaissez ma volonté de transparence : je ne me vante jamais de quelque chose qui n’existe pas !
Ce nouvel écosystème économique ne se résume pas aux exonérations, même si ces dernières occupent évidemment une place importante dans les crédits du ministère.
Pour améliorer le financement de l’économie, la mission « Outre-mer » sera enrichie de nouveaux outils nécessaires au démarrage des projets. C’est l’objet de la nouvelle action n° 04, qui figure désormais au sein du programme 138. Avec la réforme des dispositifs zonés et la prolongation de la défiscalisation, nous allons construire un ensemble cohérent et efficace. Surtout, nous allons en mesurer les conséquences. S’y ajoute le renforcement des moyens dédiés au financement des investissements structurants, qui bénéficient directement à l’activité des entreprises, puisque, vous le savez, construire des écoles ou des crèches ou encore régler les problématiques d’eau, c’est de l’activité sur les territoires.
Je vous rappelle que, pour les secteurs qui bénéficient des nouvelles zones franches d’activité, le taux d’impôt sur les sociétés est réduit à environ 6 %. Autrement dit, il est plus bas qu’en Irlande !
Comment faire mieux pour permettre l’excellence dans les territoires d’outre-mer ? Démontrons tous ensemble que nous sommes capables de relever le défi qui nous est posé. Mesdames, messieurs les sénateurs, conformément aux orientations du Livre bleu, ce projet de budget propose de transformer nos territoires pour les rendre plus attractifs, plus agréables à vivre, pour en faire des terres d’excellence et de rayonnement, car, oui, nous sommes des richesses. Être une richesse, être une chance pour la France, cela ne se décrète pas ; cela se construit. C’est ce que nous faisons ensemble.
Cela ne peut résulter de la prise de conscience d’une petite partie seulement des territoires d’outre-mer : il faut une prise de conscience de l’État, avec tous ses partenaires, avec l’ensemble des élus des différents territoires. Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’État ne peut pas tout ! La force de ce budget ne pourra être opérationnelle que si l’ensemble de la classe politique des territoires d’outre-mer, mais aussi de nos acteurs sur le terrain travaillent à une logique collective de construction.
Comme les Réunionnaises et les Réunionnais nous l’ont montré, les Ultramarins sont exigeants. Et ils ont raison de l’être ! Je le suis moi-même. Il ne saurait en être autrement, et il nous appartient, mesdames, messieurs les sénateurs, d’être à la hauteur de leurs attentes, à la hauteur de La Marseillaise qui a retenti, mercredi dernier, à La Réunion, chantée par plus de 2 000 manifestants. Nous devons être à la hauteur des valeurs qui sont au fondement de notre vivre-ensemble : la fierté, l’unité, la dignité et la fraternité. Ces valeurs sont le socle de l’esprit républicain, l’essence même de la France des outre-mer.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Outre-mer
Emploi outre-mer
Dont titre 2
159 681 065
159 681 065
Conditions de vie outre-mer
L’amendement n° II-642, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme la ministre.
Comme je viens de le dire, cet amendement, qui tend à une majoration des crédits à hauteur de 65 millions d’euros, traduit l’esprit de la réforme, qui s’inscrit dans une politique volontariste pour gagner la bataille de l’emploi, avec un certain nombre de secteurs d’avenir définis dans le projet de loi. Il vise à lutter contre la trappe à inactivité, ou trappe à chômage.
Il s’agit de faire passer les crédits totaux de 120 millions à 130 millions d’euros, de manière à tenir compte de l’ajout, à l’Assemblée nationale, des secteurs de la presse, des transports maritimes et aériens ainsi que du maintien des spécificités de la Guyane, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.
Nous allons consentir un effort supplémentaire de près de 100 millions d’euros sur le budget de la Nation. Ceux qui invoquaient la solidarité nationale constateront que nous sommes au rendez-vous !
Sur ces 130 millions d’euros, 35 millions d’euros seront financés par le budget de l’outre-mer, par redéploiement de crédits.
Du travail pour tous dépend la dignité d’un territoire tout entier.
Madame la ministre, ce matin, lors de la réunion de la commission des finances, nous avons examiné un amendement dont l’objet était de majorer les crédits de 50 millions d’euros. Ce nouvel amendement vise quant à lui un montant de 65 millions d’euros.
Cette modification est la confirmation que la réforme n’était pas aboutie et qu’il aurait fallu suivre la volonté du Sénat, manifestée sur toutes les travées de cet hémicycle, de la reporter d’un an. Cependant, vous avez tenu tête et vous l’avez maintenue.
Aujourd’hui, vous tirez argument des conséquences de la dernière concertation engagée avec les socioprofessionnels concernés pour justifier cet amendement. Avant d’émettre un avis sur celui-ci, nous aimerions obtenir quelques précisions sur cette concertation.
J’en profite pour regretter que, durant toute cette réforme, si vous avez beaucoup discuté avec les socioprofessionnels, vous ayez peu échangé avec les parlementaires. Pourtant, on sait que, au final, tout nous retombe toujours dessus !
Monsieur le rapporteur spécial, il y avait une erreur dans l’amendement que vous avez examiné ce matin.
N’étant revenue de La Réunion qu’hier, je n’ai pu rectifier le montant auparavant. Je vous prie de m’excuser de n’avoir pu vous soumettre le nouvel amendement qu’au tout dernier moment !
Cela dit, si la modification avait consisté en une diminution de crédits, j’aurais compris que tout le monde soit inquiet. En l’occurrence, il s’agit d’une hausse ! On ne peut que s’en réjouir.
Pourquoi ai-je souhaité maintenir cette réforme, notamment avec le milieu économique ? Parce que, avec la fin du CICE, les entreprises perdaient 500 millions d’euros en 2019, ce qui ne leur permettait pas de passer le cap de la modification. C’est avec elles que nous avons pris la décision de maintenir cette réforme, mais aussi, bien sûr, d’en exclure ceux qui ne touchaient pas le CICE ou qui étaient dans une situation très particulière, comme à Mayotte.
Avec la réforme, des crédits supplémentaires seront versés aux entreprises, dans chaque territoire d’outre-mer. Ainsi, la Guadeloupe et la Martinique toucheront, chacune, 24 millions d’euros de plus, quand la Guyane bénéficiera de 27 millions d’euros supplémentaires – nous ferons le compte avec chaque entreprise – et La Réunion, 41 millions d’euros.
Vous pouvez estimer que la négociation a eu lieu tardivement. De fait, nous avons essayé d’avancer sur un projet de transformation qui était essentiellement macroéconomique et nous avons bien vu, quand nous sommes entrés dans les détails microéconomiques, à partir de septembre dernier, qu’un certain nombre de points devaient être revus. Il faut dire que, quand les choses ne vont pas bien, je continue à dialoguer, je continue d’essayer de changer les choses, pour arriver au plus près possible de ce qui est nécessaire pour les territoires d’outre-mer. Je me suis battue jusqu’à la dernière minute ! Je vous prie de m’excuser si tous les parlementaires n’ont pas été autant associés qu’ils l’auraient voulu, mais ma priorité – vous pouvez me la reprocher – était bel et bien de travailler avec les entreprises, qui étaient en première ligne et sur lesquelles nous devrons compter, demain, pour créer plus d’emplois sur les territoires d’outre-mer. En effet, c’est sur la base du nombre d’emplois créés que je jugerai, à la fin de l’année 2019, si notre transformation a été utile aux territoires d’outre-mer ! Comme je m’y suis engagée à La Réunion, si le compte n’y est pas en matière d’emploi – un compteur sera ouvert territoire par territoire –, je procéderai aux changements nécessaires.
Je remercie Mme la ministre des précisions qu’elle a apportées.
Je rappelle que, ce matin, la commission avait émis un avis favorable sur l’amendement de majoration des crédits à hauteur de 50 millions d’euros.
Par conséquent, nous suivrons Mme la ministre sur ce nouvel amendement.
Je n’ai pas souhaité m’exprimer à la tribune ce matin.
Madame la ministre, vous constaterez que, au Sénat, les choses se passent de manière apaisée, sans crispation. Nous reconnaissons votre ténacité et votre volonté d’améliorer les choses.
Vous aviez pris ici l’engagement, et j’ose croire que c’est le résultat du travail du Sénat, de revoir votre copie et de vous donner quinze jours supplémentaires.
J’ose croire que cet amendement est le fruit de cette réflexion et de cette concertation. J’ai été invité à participer à celle-ci, mais je n’ai pas pu m’y rendre, ce dont je vous prie de nouveau de m’excuser.
Les membres du groupe socialiste et républicain voteront cet amendement, qui va dans le bon sens. Évidemment, son adoption ne permettra pas de compenser le caractère récessif des mesures prises. Je veux le dire sans aspérité, mais, sincèrement, c’est le plus mauvais budget qui nous est présenté depuis une vingtaine d’années !
M. Claude Raynal s ’ esclaffe.
Je le dis très clairement, je doute que vous soyez bien reçue lorsque vous vous rendrez outre-mer, parce que, au-delà des concertations de dernière minute, comme l’a dit Catherine Conconne, les amendements nous sont parfois transmis au dernier moment. Au reste, nos collègues de l’Hexagone ne sont pas toujours informés des réalités des outre-mer.
En l’occurrence, on a l’impression d’un budget qui augmente, alors qu’il n’y a pas un centime d’argent frais.
Mme la ministre le conteste.
Je suis assez atterré que l’on prenne des mesures sans en évaluer les conséquences macroéconomiques. Comment pouvez-vous vouloir diminuer à ce point la consommation, qui est le principal moteur de l’activité ? Le risque est que le PIB baisse et, avec lui, l’emploi ! Je suis consterné de constater que l’on concentre tout autour des bas salaires, ce qui était déjà pratiquement le cas. Dans le même temps, on nous dit que ce n’est pas une trappe à bas salaires, mais une trappe à chômage. Or les mesures proposées ne sont pas de nature à relancer l’emploi !
À l’époque, on m’avait demandé de réaliser 130 millions d’euros d’économies sur le budget des outre-mer – vous m’en aviez d’ailleurs fait le reproche, madame la ministre. J’avais refusé d’accéder à cette demande. Après discussion, un coup de rabot de 24 millions d’euros a été porté sur les hauts salaires, supérieurs à 4, 5 SMIC. Aujourd’hui, on est autour de 1, 4 SMIC. Vous venez de revoir les « plateaux », à savoir la dégressivité et la sortie du dispositif, à partir de certains seuils. C’est mieux que ce que vous aviez proposé à l’Assemblée nationale et ici même. Nous vous avions demandé de procéder à une telle correction, et vous avez tenu parole.
Mon groupe votera lui aussi cet amendement, qui va dans le bon sens et qui marque la volonté de Mme la ministre, saluée par des sénateurs siégeant dans toutes les travées, de défendre nos territoires jusqu’au dernier moment.
La situation difficile de nos territoires ne date pas d’aujourd’hui. Beaucoup a été dit sur les crédits de cette année.
Pour ma part, je tiens à souligner que, pour la première fois, on porte davantage d’attention aux territoires les plus en difficulté, alors que tous les territoires d’outre-mer sont en difficulté. Il ne s’agit pas ici de diviser les territoires entre eux, mais il convient de le noter. Je n’avais pas vu cela sous les quinquennats précédents.
Cette mesure me semble mériter d’être votée, même si cela n’enlève rien à ce que j’ai dit tout à l’heure sur le budget considéré globalement.
Elle est la preuve des efforts qui ont été consentis par Mme la ministre, à qui je rends hommage, pour tenter de retrouver un équilibre au vu de la disparition de la TVA non perçue récupérable, d’un certain nombre de mesures qui ont été, à tort, qualifiées de « niches fiscales », quand elles n’ont toujours visé qu’à remplir quelque chose qui nous semblait bien vide.
Au vu de ces efforts, nous voterons cet amendement.
Madame la ministre, vous vous étiez engagée à mener une concertation. J’ai pu participer à au moins une réunion au ministère avec vous, preuve que vous avez tenu parole.
Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, nous voulons travailler avec vous. Lorsque nous travaillons ensemble, lorsque nous arrivons à nous comprendre, lorsque nous sommes capables de faire abstraction des différences qui peuvent exister entre nos territoires, nous sommes capables d’aller au-delà de nos divergences et de trouver un terrain d’entente.
J’ai eu à défendre le maintien de la LODEOM pour Saint-Martin. Vous avez accepté la proposition intermédiaire pendant au moins un an.
Aujourd’hui, le groupe du RDSE, fidèle à sa réputation de recherche du consensus et à son souci de comprendre, votera unanimement l’augmentation de crédits que vous proposez.
Toutefois, il est vrai qu’il faut travailler davantage et ne pas procéder trop souvent par à-coups, parce que nous ne comprenons pas toujours la finalité de l’action publique. Une action publique se décline à l’avance, avec des orientations, un point de départ et un point d’arrivée.
Comment être opposé à des financements supplémentaires ? Il serait tout de même assez bizarre de ne pas voter cet amendement.
Bien évidemment, le groupe Union Centriste le votera.
L ’ amendement est adopté.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Ces amendements traitent de thématiques très variées. Ils ont cependant été mis en discussion commune, car ils prélèvent tous des crédits sur l’action n° 04 du programme 138 « Emploi outre-mer ».
Cette action ne comprend que 56, 5 millions d’euros en autorisations d’engagement. Or l’adoption cumulée de tous ces amendements conduirait à la prélever d’une somme très supérieure…
En conséquence, en cas d’adoption d’amendements, les amendements qui conduiraient à dépasser cette somme deviendraient sans objet.
Cette précision faite, nous passons à la présentation des amendements.
L’amendement n° II-441, présenté par M. Lurel, Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Victorin Lurel.
Il s’agit d’un amendement d’appel pour évoquer les fameux plans dits « de convergence », que Mme la ministre a rebaptisés « plans de convergence et de transformation ».
J’avoue que nous sommes assez surpris, outre-mer, du peu d’importance accordée par le Gouvernement à ce qui nous paraissait un concept novateur. La très longue concertation qui a été menée a débouché sur un texte, après la publication d’un rapport volumineux. J’ose dire, sans forfanterie aucune, que j’ai le sentiment d’être l’un des pères – il y en a beaucoup d’autres – de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer.
À l’époque, on disait que, pour se rapprocher des standards nationaux, des ratios hexagonaux, il fallait vingt ans à certains territoires, comme la Guadeloupe et la Martinique, et trente ans à Mayotte. Contrairement à ce qu’a dit mon collègue Thani Mohamed Soilihi, c’est sous le quinquennat de François Hollande que cette durée a été divisée par deux. Alors que M. Sarkozy estimait à vingt-cinq ans le temps nécessaire à l’alignement du RSA, nous avons ramené ce délai à douze ans. Il me semble tout de même que le plan « Mayotte 2025 » date du quinquennat de M. Hollande ! Nous avons alors enclenché une accélération des réformes, avec un nombre inédit d’ordonnances et de lois relatives à Mayotte. Au reste, cette tendance continue. Il en ira bientôt de même pour la Guyane, pour tenir compte de ses spécificités.
Sans chercher à tirer la couverture à soi, force est de constater que c’est la première fois que l’on voit un gouvernement décider de diminutions.
On a donné très peu de temps aux collectivités, aux départements, aux régions et aux EPCI pour préparer leur plan de convergence. Dans une première lettre qui leur a été adressée, il leur était même demandé de le faire en trois semaines, en fixant une date butoir au 15 septembre ! On s’est rendu compte qu’une telle méthode ne tenait pas la route et qu’il fallait donner aux collectivités le temps d’une véritable réflexion plurisectorielle pour préparer une contractualisation avec l’État. Les crédits prévus – 16 millions d’euros supplémentaires pour onze territoires habités, en particulier les cinq DROM – ne sont pas suffisants.
C’est la raison pour laquelle nous sollicitons 50 millions d’euros supplémentaires pour financer ces contrats.
L’amendement n° II-439, présenté par M. Lurel, Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Depuis deux ans déjà, on voit les crédits du logement diminuer.
Mme la ministre le conteste.
La ligne budgétaire unique a perdu près de 9 %, soit 22 millions d’euros, en autorisations d’engagement et plus de 4 %, soit 9 millions d’euros, en crédits de paiement.
Dans le texte proposé par le Gouvernement, on a vu disparaître une partie de l’article 199 undecies C du code général des impôts. Fidèle à sa culture du compromis, le Sénat a rétabli partiellement cet article, notamment pour l’amélioration, la confortation, la réhabilitation et la rénovation du logement privé, opérations assurées notamment par les organismes de logement social, les OLS.
J’espère que le Gouvernement aura la sagesse de faire en sorte que cet amendement survive à la commission mixte paritaire et à la nouvelle lecture.
Je rappelle qu’un tel dispositif a été adopté par l’Assemblée nationale, à l’occasion du vote d’un amendement déposé par Mme Vainqueur-Christophe et M. Letchimy.
Avec cette augmentation des crédits de 20 millions d’euros, il s’agit véritablement de dire qu’il faut faire mieux.
L’amendement n° II-537, présenté par Mme Jasmin, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Cet amendement vise à abonder les actions n° 02, Aménagement du territoire, et 08, Fonds exceptionnel d’investissement, du programme 123 « Conditions de vie outre-mer », afin d’y adjoindre un volet spécifique portant sur la prévention des risques naturels majeurs en outre-mer.
Cet amendement est en cohérence avec un récent rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer, publié à la suite du passage des ouragans Irma et Maria aux Antilles.
Il s’agit de mettre en place le plan d’investissement et de prévention des risques recommandé par ce rapport, afin de procéder au rattrapage en la matière, notamment sur les territoires les plus démunis.
Les différents entretiens que nous avons eus nous ont permis de constater que l’ensemble des outre-mer, notamment Mayotte et Wallis-et-Futuna, avaient vraiment besoin d’un certain nombre de moyens de prévention.
Le plan d’investissement et de prévention permettrait de réaliser, en synergie, des actions de sensibilisation, d’information et de mobilisation à destination des populations, des entreprises, des collectivités locales et de toutes les forces de secours, à l’instar de la sécurité civile, afin de garantir des capacités d’intervention rapide et efficace sur les territoires.
Il s’agit, par ce plan, d’une part, de renforcer l’acquisition de moyens de surveillance des phénomènes météorologiques dans les différents bassins océaniques – radars, houlographes, marégraphes… – et, d’autre part, d’institutionnaliser, dans les territoires, une « semaine des risques naturels majeurs » sur le modèle de REPLIK ou de SISMIK, avec des outils, des dispositifs et des messages spécifiques à chaque territoire, tels que la prévention en milieu scolaire ou des exercices de simulation d’aléas.
Des moyens supplémentaires aux différents dispositifs existants sont donc nécessaires pour anticiper et prévenir les dégâts et les pertes humaines évitables.
Ce financement est gagé par une diminution à due concurrence de l’enveloppe du programme 138, « Emploi outre-mer ». Cette diminution est supportée par les crédits de l’action n° 04, dans le seul objectif de garantir la recevabilité financière de l’amendement.
L’amendement n° II-440, présenté par M. Lurel, Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Victorin Lurel.
Cet amendement vise à augmenter les crédits de la continuité territoriale, issus, d’ailleurs, de la rebudgétisation de la TVA non perçue récupérable et de la réforme de l’abattement fiscal à l’impôt sur le revenu.
Il s’agit, puisque l’on prend aux ménages, de redonner un peu aux ménages.
Cette diminution est supportée par les crédits de l’action n° 04, dans le seul objectif de garantir la recevabilité financière de l’amendement.
La mobilité est un vrai sujet dans les outre-mer. Cette question revient de manière récurrente, en particulier pour ce qui concerne le transport aérien. Il y a là des améliorations à apporter.
L’amendement n° II-552, présenté par M. Lurel, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Victorin Lurel.
Cet amendement concerne les observatoires des prix, des marges et des revenus, les OPMR.
J’ai bien noté les déclarations de Mme la ministre et les engagements qu’elle a pris à l’île de La Réunion – elle m’a d’ailleurs « impacté » à cette occasion, en affirmant que je n’avais rien fait…
Je l’ai lu, j’ai vu les vidéos et, je le dis très clairement, j’accepte ces propos avec détachement. Nous avons fait voter un texte ; si le Gouvernement voulait mettre les moyens pour qu’il s’applique…
Il faudrait, par exemple, avoir des agents assermentés dans les directions des entreprises, de la concurrence, du travail et de l’emploi, les DIECCTE ; il faudrait, par exemple, vérifier qu’il n’y a pas de difficultés au niveau des marges de la société anonyme de la raffinerie des Antilles, la SARA, que les compagnies pétrolières respectent leurs engagements, qu’il y a bien 1 000 emplois dans les stations-service, ne serait-ce que chez moi, en Guadeloupe, que les marges abusives et les rentes de situation sont contrôlées. Mais les effectifs baissent dans les DIECCTE, et l’on a laissé s’accroître le pouvoir du secteur concurrentiel.
J’en viens donc à cet amendement n° II–552 et à la nécessité de donner des moyens aux observatoires des prix, des marges et des revenus. À l’époque, on avait parlé de mettre 50 000 à 70 000 euros par OPMR. Il n’en est rien aujourd’hui !
La ministre a pris des engagements à La Réunion. Dans la stricte ligne de ses propos, nous défendons cet amendement, représentant un montant de 300 000 euros – cette somme ne représente rien par rapport au budget, la proposition pourrait, je crois, être valablement acceptée.
Il y a une véritable politique de la concurrence à conduire ! Les instruments conceptuels existent, c’est à nous de les faire vivre !
L’avis est défavorable sur l’amendement n° II-441. Son adoption entraînerait une diminution des crédits de l’action n° 04, qui est importante pour le financement de l’économie des différentes collectivités.
Pour les mêmes raisons, l’avis est défavorable sur l’amendement n° II-439.
La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° II-537. Les mesures proposées dans cet amendement tiennent compte des recommandations que la délégation sénatoriale aux outre-mer a formulées sur les risques majeurs et leur prévention outre-mer.
L’avis est également favorable sur l’amendement n° II-440, compte tenu de la baisse significative du nombre de bénéficiaires du dispositif de continuité territoriale à la suite de la réforme engagée en 2015.
Sur l’amendement n° II-552, l’avis est défavorable.
L’amendement n° II-441, qui tend à augmenter de 50 millions d’euros le financement des plans de convergence, était un amendement d’appel, et j’y réponds bien volontiers.
Plus de 23 millions d’euros sont consacrés aux contrats de convergence et de transformation – j’insiste sur ce dernier terme, puisque, pour moi, la convergence ne va pas sans la transformation. L’État financera ces contrats à hauteur de 2, 1 milliards d’euros sur quatre ans.
Il faut effectivement prendre le temps de mener à bien les négociations, qui sont en cours entre l’État et les collectivités. Normalement, ces contrats devraient être finalisés dans les semaines à venir.
L’important, c’est d’être à la hauteur des attentes et bien montrer que l’État ne peut pas faire seul, qu’il ne pourra faire qu’aux côtés des collectivités !
Vous savez, monsieur le sénateur Lurel, que nous avons toujours eu une petite divergence sur le mot « réelle » dans l’expression « égalité réelle ».
Ce terme ne signifie pas grand-chose pour moi. Quand le taux de chômage ne dépasse pas 3 % à Saint-Barthélemy, quelle signification la notion de convergence a-t-elle ? Quand, au nom de cette convergence, on se félicite d’un rapprochement avec les taux de métropole, non parce qu’il y a eu une évolution positive outre-mer, mais parce que, malheureusement, on a enregistré une baisse en métropole, faut-il prendre ces éléments en compte ? On peut se fier à la moyenne nationale, mais quand le produit intérieur brut par habitant de la Sarthe est trois fois plus faible que celui de Paris, comment faisons-nous ?
Pour ma part, j’aime et je préfère le mot « équité » – équité à laquelle je veillerai !
L’avis est défavorable sur cet amendement d’appel.
S’agissant de l’amendement n° II-439, nous avons – c’est exact – de vrais défis à relever en matière de réhabilitation des logements.
On voit bien, sur le terrain, combien les bidonvilles – plus dans certains territoires que dans d’autres – sont nombreux. J’ai eu l’occasion de déclarer à Mayotte que la République devrait avoir honte de certaines situations… Et il y a des bidonvilles à La Réunion, aussi, en Guadeloupe, en Martinique ou encore en Guyane !
Mais, à côté de ces grands défis, nous avons un certain nombre de priorités : nous avons préservé la ligne budgétaire unique, fait en sorte que les 19 millions d’euros attendus soient bien versés au budget de l’outre-mer – un sujet sur lequel les débats ont été nourris – et maintenu des avantages fiscaux. C’était important de le faire.
Par conséquent, j’ai bien entendu les difficultés, mais j’émets un avis défavorable sur l’amendement, tout simplement parce que nous sommes au rendez-vous ! Sans doute n’avançons-nous pas aussi vite que je le souhaiterais, mais nous apportons des réponses qui sont, aussi, à la hauteur de ce qu’il est possible de faire dans ces territoires. On n’ira pas plus vite dans les programmes de logements à Mayotte ou en Guyane, par exemple, car on ne peut tout simplement pas construire plus vite avec les forces vives présentes sur le territoire, que ce soit les entreprises ou, eu égard à leurs capacités d’engagement, les collectivités.
Par ailleurs, je demande le retrait de l’amendement n° II-537. Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier », a été élargi dans ses actions, au cours de la discussion entre l’Assemblée nationale et le Sénat, et nous allons pouvoir aller plus loin, avec la nomination d’un délégué interministériel aux risques majeurs outre-mer, qui sera chargé d’animer et de coordonner toutes les politiques publiques.
Vous le savez aussi, je suis très vigilante au fait que les propositions de la délégation du Sénat aux outre-mer, tout comme de celles de la délégation de l’Assemblée nationale, soient suivies. Nous pourrons nous donner rendez-vous sur ces sujets dans le cours de l’année 2019. J’espère effectivement que nous porterons une loi d’amélioration dans ce secteur.
Le « fonds vert » est également au rendez-vous et, aujourd’hui, au regard des demandes remontant du terrain, nous répondons à la hauteur des besoins. Mais vous pouvez compter sur moi pour faire évoluer ce fonds, si besoin.
J’en viens à l’amendement n° II-440 sur la continuité territoriale. Le thème de la mobilité est effectivement au centre de certains de mes échanges actuels avec les parlementaires. Mieux prendre en compte cette mobilité est une vraie question, sur laquelle, avec les collectivités territoriales – notamment lors des dernières rencontres que j’ai pu avoir avec les présidents de régions et de collectivités –, nous nous sommes engagés à travailler collectivement.
Dans l’attente de l’aboutissement de ce travail, je demande le retrait de l’amendement n° II-440. À défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement n° II-552, enfin, concerne les observatoires des prix, des marges et des revenus. Vous avez suivi les déclarations que j’ai faites à La Réunion, monsieur le sénateur Lurel, et c’est très bien ! Nous avons un arsenal législatif ; qu’en avons-nous fait pour connaître encore de telles situations dans les territoires d’outre-mer ? Voilà ce que j’ai dit ! Monopole, concurrence, etc. : ces sujets suscitent de réelles interrogations et nous allons nous donner les moyens d’y répondre, en toute transparence, comme je me suis engagée à le faire.
Vous avez raison, ces observatoires doivent être renforcés.
Ils doivent l’être au travers de la représentation citoyenne. À La Réunion, 50 citoyens siégeront dans l’instance pour une plus grande transparence, et je souhaite que tous les territoires d’outre-mer, dans le respect du niveau de leur population, connaissent un tel apport supplémentaire dans la représentation citoyenne. Pour avoir siégé dans ces observatoires, en tant que fonctionnaire dans une vie antérieure, mais aussi en tant que députée, je peux effectivement dire que nous ne sommes pas à la hauteur des attentes des territoires.
J’ai aussi annoncé le doublement des crédits et, parce qu’il rejoint totalement les annonces que j’ai faites sur le terrain, je m’en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée sur ce dernier amendement.
Je souhaite revenir sur l’amendement n° II-537, qui ne fait que traduire l’une des préconisations de la délégation sénatoriale aux outre-mer. Nous savons tous ici combien ces préconisations – et c’est le cas pour celle-ci – peuvent être bienvenues !
Cet amendement, mes chers collègues, n’est pas très « budgétivore » et vous ne pouvez pas imaginer à quel point, confrontées à de telles catastrophes naturelles, les populations qui sont éloignées de tout ont besoin d’être rassurées.
Vous avez demandé à notre collègue Victoire Jasmin de bien vouloir retirer son amendement, madame la ministre. Je l’exhorte à le maintenir, afin que nous puissions le voter. Il répond à un besoin essentiel en cas de sinistre !
Je suis entièrement d’accord avec vous sur la question du dérèglement climatique, monsieur le sénateur : nous sommes, dans les territoires d’outre-mer, les premières victimes de ce dérèglement et tout le monde, de ce fait, a envie de consacrer plus d’argent à la question. Mais pourquoi sur le budget de l’outre-mer ? Portons ensemble une loi sur la gestion des conséquences de ce dérèglement climatique et faisons en sorte que celle-ci n’affecte pas uniquement le budget de l’outre-mer !
C’est pourquoi je préférerais que cet amendement soit retiré et maintiens mon avis défavorable. Cela étant, nous avons effectivement un travail à mener ensemble, et nous allons le faire !
Je comprends vos propos, madame la ministre, mais je vais tout de même maintenir mon amendement.
Il s’agit, aussi, de prendre des décisions pertinentes et cohérentes par rapport aux problématiques. Nous voyons très souvent les effets du dérèglement climatique en outre-mer, comme dans l’Hexagone d’ailleurs – pensons aux inondations récentes, qui ont fait plusieurs victimes. Ils nous montrent qu’il est urgent d’agir !
Je saisis le sens de vos propositions. Peut-être faut-il prévoir des mesures de droit commun… Pourquoi pas ? Mais les recommandations de notre rapport sont importantes. Vos services, eux-mêmes, nous ont signalé rencontrer un certain nombre de difficultés pour faire de la prévention en vue de possibles évacuations de certaines zones.
Pour le moment, il est question de faire vite et bien !
Obtenir des marégraphes ou tout ce qui est demandé aujourd’hui sera peut-être un plus, mais les dysfonctionnements qui ont été mis en exergue au cours de nos auditions m’inquiètent. J’aurais donc souhaité que des dispositions soient prises, dans un premier temps, afin de réduire les difficultés rencontrées par vos propres services et toutes les personnes travaillant pour la sécurité civile, lesquelles ne sont pas en mesure de faire évacuer certaines zones dans les meilleurs délais, dans des délais permettant de protéger les populations.
Nous ne parlons pas de gros budgets, madame la ministre. En outre, une telle mesure ne vous interdit pas d’aller plus loin, plus tard. Mais il sera peut-être trop tard !
Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.
À mon tour, je souhaite intervenir spécifiquement sur cet amendement n° II-537, qui, je voudrais le rappeler ici, traduit l’essence même du travail de la délégation sénatoriale aux outre-mer.
Dans cette délégation, tous les groupes sont représentés et tous les textes votés le sont à l’unanimité – je n’en ai pas connu un, jusqu’à présent, qui ait donné lieu à un vote différent. Le fait que des collègues traduisent ses recommandations au moment de l’examen d’un texte de loi, indépendamment de la nature de ce dernier, correspond bien au sens du travail de cette délégation. Elle n’a pas de pouvoir législatif, mais chaque sénateur, individuellement, a le sien.
Je peux comprendre ce que vous nous dites, madame la ministre, mais peut-être avons-nous, tout particulièrement en outre-mer, un peu perdu l’habitude d’attendre… Si l’on peut aujourd’hui, à l’occasion de l’examen de ce budget et sans en déstabiliser les crédits, adopter l’amendement de notre collègue Victoire Jasmin, qui était rapporteur sur ces sujets pour la délégation et que je remercie pour ce dépôt, c’est avec grand plaisir que j’invite tous mes collègues à le voter.
Cela n’empêchera pas le Gouvernement, dans un futur projet de loi, ou le Sénat, lorsque le débat aura lieu, d’abonder et de prendre de nouvelles dispositions.
Je soutiendrai également l’amendement de Mme Victoire Jasmin, notamment dans ses dimensions rappelées par M. Michel Magras. Cet amendement, effectivement, va dans le sens des travaux parlementaires.
Je soutiendrai également l’amendement n° II-552 relatif aux observatoires des prix, des marges et des revenus, auquel le Gouvernement s’est rallié.
J’apporterai enfin quelques précisions sur les plans de convergence et profiterai de l’amendement d’appel sur ce sujet pour interpeler la ministre.
Les plans de convergence ne sont pas des plans de convergence et de transformation ! Je vous renvoie à la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, madame la ministre. Le terme « transformation » a été voulu par le président Macron pour se démarquer du mandat du François Hollande. Cela ne me pose aucune difficulté, mais il faut être précis !
Par ailleurs, il est précisé, à l’article 8 de la loi précitée, que les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution – collectivités à fiscalité particulière, compétences spécifiques, etc., dont fait partie Saint-Pierre-et-Miquelon – peuvent signer des plans ou des contrats de convergence.
La collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon compte 6 300 habitants ! Un contrat État-collectivité est déjà en cours de négociation sur un plan d’investissement. Je ne vois pas l’intérêt – et je vous pose la question, madame la ministre – de signer un plan de convergence. En termes d’efficacité administrative et de technocratie, on n’aura pas fait pire sur un territoire de 6 300 habitants !
Les demandes de la collectivité doivent donc être entendues. Il faut un seul contrat à Saint-Pierre-et-Miquelon. La signature d’un plan de convergence n’a aucun sens dès lors que le contrat de développement en cours de négociation peut intégrer un certain nombre de mesures prévues au titre des dispositifs de convergence.
Je voudrais réagir aux argumentaires de Mme la ministre sur les différents amendements.
Je rappelle, madame la ministre, que vous étiez déjà au Gouvernement lorsque le texte Égalité réelle outre-mer a été élaboré et que nous avons inventé, ensemble, ce concept. Ce n’est pas aujourd’hui qu’il faut remettre en cause l’adjectif « réelle » !
Nous avions bien précisé qu’il n’était pas employé pour traduire une opposition à l’irréalité ou à la virtualité. Il fallait bien un concept statistique, nous l’avons trouvé, à travers la convergence des moyennes nationales.
Nous avons en outre précisé, en termes de lois probabilistes, pour ne pas dire stochastiques, qu’il était question, non pas d’un rapprochement à la virgule près, mais d’un rapprochement dans un intervalle de confiance, traduisant une marge de progrès.
Je vous invite donc à ne pas remettre ce concept en cause, madame la ministre. L’article 1er de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer est un bon article, qui donne aux collectivités le pouvoir d’élaborer des conceptions.
Oui, il faut prendre le temps de discuter avec elles, mais je rappelle que, au regard des milliards d’euros mentionnés dans le rapport qui avait été remis, les 16 millions d’euros en crédits de paiement et les 23 millions d’euros en autorisations d’engagement apparaissent, pour le moment, dramatiquement insuffisants, même si ce dispositif a le mérite de servir d’amorçage.
Dans le domaine du logement, je vous invite, madame la ministre, à conserver ce qui a été voté par le Sénat.
Vous venez d’affirmer que vous disposiez des crédits relatifs aux sociétés immobilières d’outre-mer, les SIDOM, pour 2018 : 19 millions d’euros. Mais rappelez-vous que nous parlons, en tout, de 80 millions d’euros.
Je précise, pour que tous mes collègues comprennent, CDC Habitat – l’ancien groupe SNI – s’est porté acquéreur des SIDOM et l’on a décidé que l’argent de cette opération serait versé au budget de la mission « Outre-mer » – sur trois ans, peut-être, à raison de 20 millions d’euros la première année et de 20 millions d’euros la deuxième.
Vous avez déclaré à l’Assemblée nationale que cela figurerait dans la loi de finances rectificative ; ce n’est pas le cas !
J’aimerais bien que vous le repreniez, au moment où la ligne budgétaire unique, contrairement à ce que vous avez pu dire, diminue. De 263 millions d’euros, nous sommes passés à 247 millions d’euros et, maintenant, à 225 millions d’euros.
Dans le même temps, vous restreignez le champ de la défiscalisation en faveur du logement. L’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, n’intervient pas encore comme il convient. En d’autres termes, on organise une récession dans les outre-mer !
Je conclurai en évoquant la société d’économie mixte de Saint-Martin, la SEMSAMAR.
Je vous engage, madame la ministre, à vous opposer à ce qui va se faire le 15 ou le 17 décembre prochain, car, je le dis très clairement et solennellement, c’est une fusion à marche forcée que l’on est en train d’imposer, avec la Caisse des dépôts et consignations et sa filiale CDC Habitat, en « virant », en plus, une directrice qui avait fait des efforts de développement et des efforts – un peu comme tout le monde ici – pour diminuer son propre salaire. Celui-ci avoisine désormais les 400 000 euros, loin de ce qui se faisait avant – d’ailleurs, le ministre Jacques Mézard s’était trompé à l’époque…
C’est un chantage qui est exercé contre la collectivité de Saint-Martin pour que le président actuel devienne PDG et que l’on vire l’actuelle directrice générale. J’espère que, en tant qu’originaire de l’outre-mer, vous vous y opposerez !
Madame la ministre, vous avez observé que, depuis le début de cette matinée, tous les intervenants ont d’emblée salué votre courage. Vous êtes allée au-devant de la colère, des colères ! Aujourd’hui, ce sont les Réunionnais qui s’expriment, pour eux et pour les autres populations d’outre-mer, mais la Guyane, en 2017, avait anticipé le mouvement qui se développe actuellement un peu partout en France, dans l’Hexagone et ailleurs !
Je salue votre courage, mais je vous dis, aussi, que je vais voter l’amendement de Mme Victoire Jasmin. Il est le fruit d’un travail collectif de la délégation aux outre-mer, une délégation au sein de laquelle, depuis un certain temps, nous faisons prévaloir la collégialité et, souvent, l’unité pour pouvoir faire entendre notre voix.
Trop longtemps, nous avons été – nous le sommes, pour beaucoup – des cautions exotiques de la République ! Cela devient de plus en plus insupportable, alors qu’il est urgent d’agir pour nos outre-mer !
Si je vote cet amendement, c’est aussi parce qu’il est de plus en plus insupportable d’entendre toujours les mêmes propos sur les bancs du Gouvernement : « Nous allons faire, nous ferons… » On ne peut plus attendre ! Il faut agir, et vite, parce que les événements actuels en France hexagonale sont précisément le résultat de ces discours que tous les gouvernements qui se sont succédé ont tenus. Les gens ne supportent plus cela !
Je soutiendrai aussi l’amendement de Mme Victoire Jasmin. Nous travaillons tous ensemble au sein de la délégation aux outre-mer et je pense qu’il est important de soutenir les amendements issus de ses travaux.
Moi aussi, je soutiendrai tous ces amendements de bon sens. Certes, un budget a été construit par un ministère, qui est dans son rôle et qui, de manière assez exceptionnelle, a créé un dialogue assez nourri. Il a été à l’écoute du Sénat, par exemple, quand nous avons réclamé que ce budget soit corrigé, en particulier sur le chapitre des exonérations.
Toutefois, un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ! Les risques majeurs, c’est tous les jours ! Ce sont des communes qui sont inondées, des personnes qui disparaissent, des travaux importants qu’il faut réaliser dans l’urgence, des moyens dont il faut doter les services de sécurité civile, qui se portent au-devant des populations et se retrouvent parfois, eux-mêmes, dans la difficulté.
Donc, je dis oui au grand plan sur les risques majeurs promis par le ministère et, plus largement, par le Gouvernement. C’est un souci de notre siècle, qu’il faut affronter avec lucidité ! Mais quand, dans les mois qui viennent, des événements nous tomberont sur la tête, nous aurons besoin de moyens supplémentaires.
C’est pourquoi, personnellement, je soutiendrai l’amendement n° II-537, ainsi que les autres amendements. Dans le respect du périmètre du budget, ces derniers font la preuve du bon sens des élus que nous sommes. Parce que nous connaissons nos territoires, nous préférons faire pencher la balance du côté des préoccupations qui nous apparaissent prioritaires.
Il va de soi que nous voterons l’amendement n° II-537, relatif au fonds exceptionnel d’investissement du programme 123 et visant à lui adjoindre un volet spécifique portant sur la prévention des risques naturels majeurs en outre-mer, volet auquel nous tenons au sein du groupe CRCE – spécifiquement moi, en tant qu’écologiste. Nous voterons aussi les autres amendements.
Je vais exprimer la position du groupe du RDSE, étant précisé que j’ai été le rapporteur coordonnateur de la mission sur les risques naturels majeurs et que n’importe lequel d’entre nous aurait pu présenter cet amendement – mais je remercie Victoire Jasmin de l’avoir fait.
Nous comprenons votre inquiétude, madame la ministre. Pourquoi inscrire cette dépense spécifiquement dans le budget de l’outre-mer ? Le rapporteur pour avis Michel Magras a peut-être donné un signal fort, en indiquant que, si nous actons cette disposition, il vous restera ensuite à traduire la prise en considération de ce sujet dans d’autres textes. Nous le ferons chaque fois que nous en aurons l’occasion !
Ne nous en voulez pas, mais il en est ainsi !
S’agissant, tout d’abord, de la remarque du sénateur Stéphane Artano concernant l’intitulé du contrat de convergence et de transformation, on peut effectivement s’interroger sur le sens que revêt le mot « convergence » pour un territoire, dont nous sommes issus tous les deux, comme Saint-Pierre-et-Miquelon.
Mais, qu’il s’agisse d’un plan de développement et de transformation, d’un plan de transformation ou d’un plan de convergence, l’idée est bien de permettre à ce territoire, comme tous les autres, de trouver sa place dans son bassin maritime et l’élan de développement qui créera de l’emploi et de la richesse. J’ai déjà évoqué, avec le président de la collectivité, le fait que l’intitulé n’était pas le plus important dans le travail que nous allions mener en commun.
S’agissant du document de politique transversale, pour Saint-Pierre-et-Miquelon, ce n’est pas moins 15 millions d’euros, mais plus 2 millions d’euros, soit 2 % d’augmentation. Selon les projets, nous aurons l’occasion d’en débattre à nouveau.
Sur le dérèglement climatique, vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, que j’ai été une de ceux qui se sont largement impliqués dans la COP21. Je travaille sur ces sujets depuis de nombreuses années. J’ai répété à plusieurs reprises que le milieu insulaire était la première victime de ce dérèglement climatique et que nous avions un travail immense devant nous.
Je suis entièrement d’accord avec ce qui a été dit. Je ne changerai pas une virgule… sauf que – je sais que vous allez tous voter l’amendement, mais je l’aurai dit – vous ouvrez une porte, en proposant que les outre-mer, qui, loin d’être les plus gros pollueurs, sont les principales victimes, prennent en charge eux-mêmes les conséquences du dérèglement climatique. Je vous rappelle que ce sont 12 cyclones qui ont frappé nos territoires, dans les trois bassins, au cours des derniers mois.
Le combat que je mène, c’est de dire que la responsabilité doit être partagée ! Elle ne doit pas reposer sur le seul ministère des outre-mer ! Mais j’ai aussi compris que vous vouliez donner un signal… Faites attention, mesdames, messieurs les sénateurs : c’est ouvrir une porte !
L ’ amendement est adopté.
L ’ amendement est adopté.
L ’ amendement est adopté.
L ’ amendement est adopté.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Ces amendements, comme les précédents, traitent de thématiques très variées. Ils ont cependant été mis en discussion commune, car ils prélèvent tous des crédits sur l’action n° 09 du programme 123 « Conditions de vie outre-mer ».
Cette action ne comprend que 39, 3 millions d’euros en autorisations d’engagement. Or, l’adoption cumulée de tous ces amendements conduirait à la prélever d’une somme très supérieure…
En conséquence, en cas d’adoption d’amendements, les amendements qui conduiraient à dépasser cette somme deviendraient sans objet.
Cette précision faite, nous passons à la présentation des amendements.
L’amendement n° II-536, présenté par Mme Jasmin, est ainsi libellé :
I - Créer un programme :
Fonds pour l’accès à l’eau
II - En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
Fonds pour l’accès à l’eau
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Le manque d’eau, au quotidien, fait partie de la vie ordinaire de nombreux Ultramarins, qui sont obligés de rechercher en permanence des solutions palliatives.
Cette situation, indigne pour une nation comme la nôtre, requiert de la part de la solidarité nationale un engagement massif et urgent pour doter l’ensemble des territoires d’infrastructures adaptées en matière d’assainissement et de distribution d’eau potable.
Pour faire face à l’urgence, le Gouvernement a donc décidé de relancer le plan « Eau pour les départements d’outre-mer », dit Eau-DOM, de 2016. Ce dernier vise, en partenariat avec les ministères en charge de l’environnement, des outre-mer et de la santé, l’Agence française de développement, la Caisse des dépôts et consignations et l’Agence française pour la biodiversité, à accompagner par contractualisation, sur une durée de cinq ans, les collectivités locales compétentes dans l’amélioration du service rendu à leurs usagers en matière d’eau potable et d’assainissement.
Il serait souhaitable de créer un fonds, permettant aux communes et aux EPCI qui n’auraient pas contractualisé de faire bénéficier chaque usager d’un accès à l’eau. C’est un droit !
L’amendement n° II-509, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Fonds de soutien au sanitaire, social, culture, jeunesse
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
Fonds de soutien au sanitaire, social, culture, jeunesse
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Cet amendement vise à mettre en place un fonds de 10 millions d’euros, en soutien aux services publics des secteurs du sanitaire, du social, de la culture et de la jeunesse.
L’action n° 04 destinée à ces domaines n’a bénéficié que d’une augmentation factice de 0, 51 %. Vous conviendrez, mes chers collègues, que cette hausse est bien insuffisante pour améliorer de manière réelle les conditions de vie de nos concitoyens ultramarins.
Alors que les outre-mer souffrent d’une véritable carence en termes d’investissements et de structures sanitaires, sociales et de loisirs, nous ne pouvons laisser se créer de tels écarts avec la France hexagonale.
Nous proposons donc de financer une telle action par la ponction de 10 millions d’euros de l’action n° 09 du programme « Conditions de vie outre-mer », qui ne sert qu’à payer des intérêts bancaires.
Les dotations des collectivités publiques étant en baisse et le budget en faveur des services publics stagnant dans ce projet de loi de finances pour 2019, il nous semble plus judicieux d’injecter les financements étatiques dans des actions pouvant impacter positivement le quotidien des Ultramarins.
Un tel geste viendrait contrebalancer un budget fortement tourné vers l’investissement afin de redynamiser économiquement ces territoires, où le chômage est élevé et l’emploi précaire.
Le problème de la pauvreté ne peut être simplement résolu en donnant une activité professionnelle à tous. D’autres paramètres sont également à prendre en compte, et c’est là le sens de cet amendement.
Un soutien accru à l’action n° 04 du programme « Conditions de vie outre-mer » pourrait se révéler salutaire pour des territoires dont les habitants souffrent au quotidien des manques sanitaires et sociaux, mais aussi de l’absence d’infrastructures éducatives, sportives et culturelles.
Nulle part sur le territoire de la République l’exécutif ne devrait abandonner ses administrés sujets aux inégalités sociales.
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° II-437, présenté par Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lurel et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Créer un nouveau programme :
Fonds pour la mobilité retour
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
Fonds pour la mobilité retour
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Catherine Conconne.
Madame la ministre, tout à l’heure, vous avez fait appel aux élus locaux, et moi je partage cette façon de voir. Je ne crois pas en la tutelle bienfaitrice d’une mère patrie qui ferait tout pour nous à notre place et en nous remplaçant.
Je crois dans cette main qui n’écrase pas, en un cheminement, pacifique, serein, entre les populations de ladite outre-mer et l’État central.
Alors, madame la ministre, avec cet amendement, je vous prends au mot. Le poète a dit : « Gardez-vous de vous croiser les bras en l’attitude stérile du spectateur. » Nos pays, la Guadeloupe et la Martinique, vivent un vrai drame : le dépeuplement. En une dizaine d’années, en Martinique, nous avons perdu environ 30 000 habitants. Chaque année, nous comptons dans nos rangs entre 3 000 et 5 000 personnes en moins, en particulier des jeunes.
Vous imaginez l’impact sur la démographie : la population vieillit, puisque cette population jeune qui s’en va, c’est celle qui assure, en quelque sorte, par sa fertilité, le repeuplement.
C’est un vrai drame, et face à ce drame, aucune politique publique ne tient debout. Aucune ! Toutes les infrastructures sont touchées : hôpitaux, écoles, etc. Aujourd’hui, on ferme des écoles à tour de bras dans toutes les communes. Ainsi, à Fort-de-France, ville que je connais le mieux, 14 écoles ont fermé leurs portes, la démographie scolaire subissant l’érosion de la démographie globale.
Que faisons-nous ? Avec un groupe de jeunes martiniquais revenus au pays après en être partis, nous avons mis en place un mouvement que nous avons appelé Alé Viré, ce qui, en créole, signifie « partir, mais revenir ». Lundi prochain, à cette même heure, ce mouvement présentera très solennellement le résultat des travaux issus de son groupe de travail.
Ainsi, nous rendrons publiques les conclusions d’une étude que nous avons financée par nos propres moyens et menée auprès de 8 000 ressortissants de ladite outre-mer vivant aujourd’hui en France et ailleurs dans le monde entier. Nous proposerons des pistes de travail déclinées autour d’une vingtaine de fiches action.
Nous avons besoin de vous, madame la ministre. Le travail a été mené en amont et les populations martiniquaises ont œuvré en faveur de ces propositions. L’Agence de l’outre-mer, LADOM, aujourd’hui, apporte une aide au départ, mais pas au retour. Nous vous demandons, symboliquement, et à périmètre constant, de flécher 10 millions d’euros pour amorcer la pompe du retour et travailler à mettre en œuvre les propositions que nous sommes aujourd’hui en mesure de vous faire.
L’amendement n° II-510, présenté par M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lalande, Duran et Todeschini, Mmes Conway-Mouret et Tocqueville, M. Daudigny et Mme Monier, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Maurice Antiste.
Cet amendement d’appel vise à attirer l’attention du Gouvernement sur une question importante pour les entreprises et leur pérennité.
Le non-respect des délais de paiement est aujourd’hui un véritable fléau pour les entreprises, qu’elles soient grandes, moyennes ou petites, voire individuelles ou artisanales. Les retards de paiement dans les départements et régions d’outre-mer restent courants.
Par exemple, en 2016, 40 % des entreprises ultramarines subissaient un tel retard. Elles étaient par ailleurs 45 % à régler leurs fournisseurs au-delà de 60 jours.
Les retards de paiement ont donc un impact important sur la trésorerie des entreprises. Celles-ci peuvent être incitées à reporter le règlement de leurs factures.
Les délais de paiement des entreprises domiennes sont ainsi supérieurs à la moyenne nationale : 63 jours d’achat contre 51 jours pour les délais fournisseurs, et 54 jours de chiffre d’affaires contre 44 jours pour les délais clients.
Les délais fournisseurs restent eux aussi supérieurs à la valeur de 60 jours d’achat prise comme estimation de la limite légale de 60 jours de règlement introduite par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.
De la même manière, le délai légal de paiement pour les collectivités territoriales est de 30 jours ; dans les faits, il est en moyenne de 28 jours en France hexagonale. Il atteint toutefois 74 jours en Guadeloupe, 115 jours en Martinique, 86 jours en Guyane, 45 jours à La Réunion et 57 jours à Mayotte.
Dans des territoires où les marchés sont étroits et au sein desquels le poids de la commande publique dans l’économie est prépondérant, il est délicat pour les entreprises de demander aux services de l’État des mandatements d’office. Il est par conséquent urgent que l’État dresse un bilan clair de l’état des retards de paiement dans ces territoires et qu’il établisse un ordre de priorité des dépenses à payer.
À plus long terme, les dispositions prévues pour éviter les retards de paiement n’ayant pas permis d’éviter les dérives actuelles, il conviendrait d’engager une réflexion plus générale sur une éventuelle refonte les concernant.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Effectivement, nous allons renégocier le plan Eau-DOM. Même si cela ne relève pas de sa compétence, l’État est aux côtés des collectivités. Vous le savez, de nombreux crédits ont été mis à la disposition d’un certain nombre de collectivités, notamment en Guadeloupe, sans que le résultat soit au rendez-vous.
Oui, il faut mettre fin aux tours d’eau, ce à quoi nous nous sommes engagés, avec les collectivités, qu’il s’agisse de la région ou du département. Nous continuerons à travailler dans ce sens, au-delà du plan que nous allons mettre en place.
Créer un fonds d’urgence n’est pas, en soi, une mauvaise idée. Mais où allez-vous chercher l’argent ? Sur le « fonds vert », sur lequel nous venons d’avoir un débat et qui vient d’être abondé selon le souhait des auteurs d’un précédent amendement. À un moment, il faut faire des choix.
S’agissant de LADOM, madame la sénatrice, je suis bien consciente que nous avons un travail à faire sur la démographie de certains territoires d’outre-mer – la Martinique d’abord, la Guadeloupe ensuite, qui est aussi concernée. Quand je discute avec eux, les jeunes me disent qu’ils manquent d’air dans leurs territoires.
Mme Catherine Conconne s ’ en étonne.
Vous pouvez sourire, madame la sénatrice. Mais sachez que cette remarque vaut également pour La Réunion, même si la question démographique ne se pose pas du tout dans les mêmes termes ; au contraire, la croissance démographique y est largement positive.
Je vous propose que nous menions ce travail ensemble. C’est de l’attractivité des territoires d’outre-mer qu’il est question : l’attractivité de la Martinique, l’attractivité de la Guadeloupe.
LADOM doit revoir un certain nombre de ses missions, pourquoi pas en étendant son aide à la continuité territoriale au billet retour ou en prolongeant la possibilité de conserver le bon de réduction pendant cinq ans, comme nous l’avons évoqué l’an dernier. En effet, aider les jeunes Ultramarins à acquérir de l’expérience ailleurs que dans leur territoire, à l’international comme en métropole, n’est pas une mauvaise chose. Et même peut-être faudrait-il aller encore au-delà de ces cinq ans. Toujours est-il que votre amendement n’est pas le bon outil.
Je le répète, madame la sénatrice, menons ce travail ensemble. Le Président de la République, à qui vous en avez parlé, vous a lui aussi entendue et m’avait dit, après votre intervention, de travailler sur ce sujet.
Enfin, s’agissant des délais de paiement, que l’État établisse un ordre de priorité dans les factures à payer, je vous réponds : chiche ! Cela demandera du courage, mais cela ne peut être imposé sans un travail avec les collectivités. Oui, certains délais sont bien supérieurs à 250 jours : ils atteignent parfois 325 jours dans certains cas. C’est juste inadmissible ! C’est un cercle vicieux dont il est impossible de sortir : le non-paiement de leurs factures par les collectivités conduit les entreprises à ne pas payer leurs charges sociales et fiscales, ce qui entraîne une hausse des devis, puis des prix.
Il faut construire tous ensemble un nouveau cycle, un cycle vertueux. J’y suis favorable, mais cela demandera du courage. J’ouvrirai ce débat dans le cadre de la conférence nationale des territoires qu’a lancée le Premier ministre. Ce sujet sera abordé avec les collectivités. Au final, au cas où personne ne voudrait bouger, je serais plutôt partante pour que l’État prenne ses responsabilités. Tentons au préalable d’agir tous ensemble.
L ’ amendement est adopté.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, l’amendement n° II-437 n’a plus d’objet.
En effet, le programme « Conditions de vie outre-mer » était initialement doté de 39 millions d’euros de crédits. Or, 20 millions d’euros lui ont été retirés à la suite du vote par le Sénat de l’amendement n° II-536, puis 10 millions d’euros supplémentaires après le vote, à l’instant, de l’amendement n° II-509. Il ne reste donc plus sur ce programme que 9 millions d’euros de crédits.
Je mets aux voix l’amendement n° II-510.
L ’ amendement est adopté.
Monsieur le président, notre groupe sollicite une suspension de séance de quelques minutes avant de passer au vote sur les crédits de la mission.
J’accède bien volontiers à votre demande, mon cher collègue.
Nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance suspendue à douze heures quarante est reprise à douze heures quarante-cinq.
La séance est reprise.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 33 :
Nombre de votants342Nombre de suffrages exprimés236Pour l’adoption216Contre 20Le Sénat a adopté.
Bravo ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.
J’appelle en discussion l’article 77 quinquies, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Outre-mer ».
Outre- mer
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2020, un rapport sur les résultats concrets et l’effectivité réelle des aides aux entreprises outre-mer, en particulier les fonds alloués au titre de l’action « Soutien aux entreprises » du programme « Emploi outre-mer ». Ce rapport permet notamment d’évaluer le soutien à l’autonomie économique de ces territoires, de chiffrer le ratio entre création d’emplois et fonds alloués, c’est-à-dire le coût estimé en euros d’un nouvel emploi créé et soutenu à ce titre.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les règles d’intervention en discussion générale étant strictes, je n’ai pas pu donner mon sentiment sur cette mission. Je profite donc de cette demande de rapport sur l’évaluation des aides économiques pour intervenir.
Je n’apprendrai rien à personne en vous disant que les Français sont en colère, car le président Macron reste sourd à leur désarroi et à leurs doléances. Outre-mer, 86 % des citoyens n’ont pas ou peu confiance dans les politiques publiques menées à destination de leurs territoires ; 54 % d’entre eux sont pessimistes quant à l’avenir de leur territoire ; 82 % d’entre eux conseillent aux jeunes qui cherchent à faire leurs études ou à trouver un travail de quitter leur pays.
Au regard de votre projet de loi de finances, cette opinion n’évoluera pas positivement
Depuis le début de mon mandat de parlementaire, je répète inlassablement que les territoires ultramarins sont malades, et les symptômes de ce mal sont multiples : un taux de chômage des jeunes deux fois supérieur à celui de l’Hexagone ; des collectivités en situation précaire, voire critique, selon un rapport de la Cour des comptes – 90 collectivités territoriales sur 136, soit les deux tiers – ; des hôpitaux au bord de l’implosion.
Pourtant, sourd à ces réalités, le Gouvernement a fait un choix d’austérité vis-à-vis de l’outre-mer. L’augmentation en trompe-l’œil du budget de cette mission n’abuse pas nos populations, qu’elles soient actives ou retraitées, qu’il s’agisse d’entrepreneurs ou de fonctionnaires.
Je ne reviendrai pas sur la suppression de la TVA non perçue récupérable ou l’abaissement du plafond d’abattement sur l’impôt dans les DOM, étant déjà intervenu sur le sujet. J’ajouterai néanmoins que j’ai de forts doutes sur la réalité des estimations fiscales de vos mesures.
Le président Macron a déclaré, lors la présentation du Livre bleu outre-mer le 28 juin dernier, que « la clé de notre stratégie, c’est une responsabilité partagée qui sera gagnée si nous parvenons à développer et structurer partout les filières économiques ». Il avait omis de préciser que les Ultramarins devraient s’autofinancer, ce qui permettrait à l’État de se désengager de nos territoires.
En conclusion, ce budget pour l’outre-mer est un très mauvais signal pour nos territoires. Il ne réglera rien, bien au contraire. L’exécutif n’écoute rien de ce qui se dit dehors, ne prend même pas la peine d’évaluer l’impact des dispositifs qu’il supprime ni de ceux qu’il crée, et ignore purement et simplement les cris du peuple. D’après les remontées locales qui me parviennent directement, il faut s’attendre au pire.
Toutes nos interventions devraient constituer un signal pour la politique du Gouvernement à destination des outre-mer !
L ’ article 77 quinquies est adopté.
J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la délégation sénatoriale aux outre-mer a été publiée. Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévue par notre règlement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.