Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la plupart des outre-mer, face à une situation sociale très dégradée, constituent de véritables poudrières. Nous le vérifions en ce moment même : La Réunion s’est embrasée devant des mesures qui risquent d’accroître encore la cherté de la vie. Ces événements font suite aux émeutes survenues en Guyane, aux manifestations contre l’insécurité à Mayotte, aux urgences sécuritaires et sanitaires à Saint-Martin.
Comment pourrait-il en être autrement, alors que le chômage des jeunes concerne plus de la moitié d’une génération, alors que plus de 110 000 logements sont insalubres dans les départements et régions d’outre-mer, alors que la mortalité infantile à Mayotte et en Guyane atteint un niveau très élevé ?
Dans ces conditions, il ne suffit pas de se déplacer sur le terrain ou d’organiser de nouvelles assises. Madame la ministre, vous avez, certes, écouté les attentes immenses des outre-mer ; encore faut-il que les actions mises en œuvre traduisent une réelle prise de conscience.
Or nous craignons que la plupart des mesures annoncées en ce début de quinquennat ne restent à l’état programmatique. Les Assises des outre-mer se sont tenues huit ans après les états généraux de 2009, alors que les propositions formulées à l’époque n’ont rien perdu de leur actualité.
Que penser, en outre, du renvoi des dispositions sur le logement à une nouvelle conférence nationale, alors que des objectifs chiffrés sont prévus par la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, ou loi ÉROM, et que le Livre bleu outre-mer contient des orientations claires ?
Notre commission s’est employée à rechercher la traduction de ces annonces dans le budget proposé. Dans le champ social, le bilan est bien mince : les crédits dédiés au logement et à la formation sont toujours en stagnation, de même que la maigre ligne budgétaire consacrée au sanitaire et au social.
En ce qui concerne le recentrage des exonérations de cotisations, la commission alerte sur le risque de création d’une trappe à bas salaires, même si l’équilibre finalement trouvé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale est plus satisfaisant que ne l’était la mesure initiale.
Notre commission n’est pas opposée par principe aux mesures de périmètre touchant la mission. La conversion de mesures fiscales en crédits budgétaires peut être positive, à condition de réaliser au préalable une bonne évaluation. En effet, la prédominance de la dépense fiscale n’est pas un choix des outre-mer, les budgets ayant été historiquement construits de cette façon. Prenons donc garde à ne pas asphyxier les économies ultramarines par un sevrage trop brutal.
Votre rapporteur est cependant opposée à la mesure touchant à l’impôt sur le revenu. Mal évaluée, celle-ci ne pourra répondre au problème des inégalités, qui résultent avant tout de la cherté de la vie.
Si la commission des affaires sociales n’a pas émis un avis défavorable sur ces crédits, c’est uniquement parce que, en réalité, ce budget ne comprend pas grand-chose à quoi nous pourrions nous opposer, dans la mesure où l’architecture budgétaire conduit la plupart des mesures touchant aux outre-mer à être opérées en dehors de cette mission. Cet avis est donc donné sans enthousiasme et dans l’attente d’un sursaut.