Intervention de Catherine Conconne

Réunion du 3 décembre 2018 à 10h00
Loi de finances pour 2019 — Outre-mer

Photo de Catherine ConconneCatherine Conconne :

Hélas, je me rends compte que, cette année encore, le couple formé par l’outre-mer et la France hexagonale s’installera inexorablement dans la routine.

La routine, une année de plus : tout cela parce qu’un énième gouvernement n’a toujours pas compris que, lorsqu’on a entre 23 % et 25 % de chômeurs, tous territoires confondus, et un niveau de revenus inférieur de 10 000 euros à celui du reste du territoire français, il faut sortir de la routine !

Un gouvernement qui n’a toujours pas compris qu’avec des territoires manquant d’infrastructures élémentaires, il faut sortir de la routine !

Un gouvernement qui n’a toujours pas compris qu’avec une industrie touristique qui pourrait être notre fer de lance, mais dont l’attractivité est en berne, et qui peine à faire face à la concurrence mondiale féroce, il faut sortir de la routine !

Un gouvernement qui n’a toujours pas compris qu’avec des territoires dans lesquels l’investissement de l’État par habitant est très inférieur à ce qu’il est dans le reste du territoire, il faut sortir de la routine !

Un gouvernement qui n’a toujours pas compris que, avec des territoires où plus de la moitié de la jeunesse est durablement installée dans le chômage, il faut sortir de la routine !

Il n’a pas compris qu’avec des territoires, comme la Guadeloupe et la Martinique, où entre 3 000 et 5 000 personnes quittent le pays et, pour l’essentiel, n’y reviennent pas, il faut sortir de la routine !

Ni que sur des territoires où la confiance durable est essentielle, on ne peut continuer à rapiécer, en ajoutant en cours de débat 10 millions d’euros par-ci, dix autres par-là. L’amendement du jour, que vous vous apprêtez à présenter, madame la ministre, est une nouvelle illustration de cette méthode. Là aussi, il faut sortir de la routine !

Or on prive la classe moyenne de nos territoires, la seule en mesure pour l’instant d’amorcer la pompe de la consommation, de ce que le Gouvernement, en chasseur de recettes, a qualifié, à tort, de « niche fiscale » : l’abattement légitime de 30 % sur l’impôt sur le revenu destiné à corriger les 38 % de vie chère supplémentaire. Partant, on frappe les classes moyennes en plein vol : alors qu’elles ont déjà arrêté leur plan d’investissement en fonction de leur reste à vivre, on leur annonce qu’elles disposeront d’un reste à vivre amoindri.

Dans des territoires où le logement insalubre fait encore florès, il faut sortir de la routine !

Dans un territoire où la mortalité infantile est trois fois plus élevée que dans le reste du territoire français, oui, il faut sortir de la routine !

Comme vous, madame la ministre, j’aurai « fait le job » ce matin. Mais je l’aurai fait sans espoir, en vain, car j’entends déjà qu’on me hurle un énième : « Nous gardons le cap ! » Ce fameux « Nous gardons le cap ! » qui entraîne aujourd’hui des milliers de Français dans la rue.

Madame la ministre, nous essaierons de faire. Dans nos pays, nous avons l’habitude de la résignation, la saine résignation, et de la résilience, la saine résilience. Nous avons l’habitude aussi de résister, de résister à la fatalité de la misère. Nous avons l’habitude de se maré ren, c’est-à-dire de nous ceindre les reins, en vaillants hommes et femmes, pour faire face aux difficultés.

Nous ferons donc, nous nous bâtirons, comme dirait le poète, « avec des bouts de ficelle, avec des rognures de bois, avec de tout tous les morceaux bas ».

J’aurai moi aussi fait le job, sans espoir, en vain, mais, parce que je refuse la résignation, parce que la situation est trop grave, durablement trop grave, pour que je puisse me contenter d’un « C’est bon comme ça », parce que nos pays ont résolument besoin d’un big-bang, sachez, madame la ministre, que notre groupe votera contre le budget de la mission !

Je finirai par un exemple : nous avons été destinataires du document de programmation par territoire, le DPT, que nous considérons comme un exercice difficile. On nous annonce, pour le pays que je connais le mieux, mais aussi pour les autres, des hausses de budget. Je veux bien y croire, et ce serait tant mieux.

Seulement, nous découvrons que ces hausses – 1, 5 % pour le pays que je connais le mieux, la Martinique – correspondent en fait à l’augmentation des budgets de la défense – 8 millions d’euros supplémentaires –, des forces de sécurité – 4 millions d’euros supplémentaires – et de l’administration générale et territoriale de l’État – 4 millions d’euros supplémentaires – et le budget de l’enseignement scolaire, soit tout ce qui fait le devoir de l’État, le devoir régalien de l’État ? J’ai envie de vous demander, pour parodier une célèbre publicité : What else ?

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, je vous annonce, la mort dans l’âme, que je voterai contre le budget de la mission « Outre-mer » !

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