Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Outre-mer » s’inscrit dans un contexte de maîtrise de la dépense publique. Pour autant, elle n’exclut pas l’ambition d’aider chaque territoire à construire son propre modèle de développement en créant les conditions pour que les initiatives s’expriment et soient soutenues de façon pragmatique, mais durable.
Le Livre bleu outre-mer, remis en juin dernier au Président de la République, constitue la feuille de route du Gouvernement pour les prochaines années. Cette mission en est une première traduction financière.
C’est pourquoi, à un budget 2018 de transition, succède un budget 2019 de transformation et de responsabilisation.
Il s’agit de dépenser mieux pour plus d’efficacité, avec des objectifs prioritaires tels que le développement des infrastructures indispensables au quotidien de la population et au fonctionnement des entreprises créatrices d’emplois et de richesses, mais aussi la réorganisation de l’aide à l’activité économique, la construction et la rénovation de logements et, enfin, la formation des jeunes.
Je rappelle que la mission ne couvre qu’un dixième de l’effort financier global de l’État pour les outre-mer. Celui-ci s’élève à plus de 23 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à plus de 22 milliards d’euros en crédits de paiement, soit des hausses respectives de 7, 6 % et de 4, 6 %. La mission en elle-même, qui représente 2, 57 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2, 49 milliards d’euros en crédits de paiement, correspond à 0, 54 % du budget général de l’État contre 0, 48 % l’an passé et 0, 40 % en 2017, ce qui témoigne de la préservation des crédits spécifiquement affectés aux outre-mer.
Les hausses de crédits de la mission de 22, 5 % en autorisations d’engagement et de 20, 52 % en crédits de paiement s’expliquent par des mesures de transfert et de périmètre, conséquences de votre volonté, madame la ministre, de mettre la dépense publique au service du plus grand nombre et de repenser les mécanismes d’accompagnement des économies d’outre-mer.
Ces mesures résultent de trois réformes majeures : la transformation nationale du CICE en exonérations de charges ciblées sur des secteurs en développement, la suppression de la TVA non perçue récupérable et la diminution du plafond de la réduction d’impôt pour les plus hauts revenus dans les DOM.
Ces changements, fussent-ils justifiés par un souci de justice et d’efficience économique, ne se font pas sans appréhension. Ils ont donné lieu à d’intenses débats sur nos travées et sur les bancs de l’Assemblée nationale. Certains craignent que des entreprises ne soient perdantes, que des territoires ne perdent de l’attractivité, que le pouvoir d’achat ne baisse.
Vous promettez de redéployer l’équivalent des euros ainsi obtenus aux outre-mer. Beaucoup voient un changement de paradigme : les outre-mer, dont les handicaps structurels et la légitimité à revendiquer une égalité réelle avec l’Hexagone sont indéniables, s’autofinanceraient dorénavant entre eux, les moins faibles aidant les plus pauvres.
Or, vous l’avez dit, madame la ministre, l’État ne se désengage pas. Il consacre 17 milliards euros de crédits aux outre-mer, bien que la fiscalité n’y rapporte que 4 milliards d’euros. J’ajoute que cet effort est largement fondé, ne serait-ce qu’en raison de la faiblesse répétée et toujours très importante du PIB par habitant de nos territoires : celui de Mayotte est ainsi 3, 6 fois plus faible que le taux national.
Nous attendons que la réduction des dépenses fiscales et sociales se traduise bien en dépenses budgétaires et pilotables. Les économies issues de la suppression de la TVA-NPR alimenteront le programme 138 de la mission pour améliorer l’accès au financement des entreprises. J’espère aussi que le fonds exceptionnel d’investissement du programme 123 ainsi abondé sera utilisé et ne perdra pas de sa substance au fil des années. Je l’attends d’autant plus qu’une partie de ce fonds doit être consacrée à la construction d’établissements scolaires en Guyane et à Mayotte. J’aurai l’occasion d’y revenir lors de l’examen de la mission « Enseignement scolaire ».
Le nouveau dispositif de zones franches, simplifié et ciblé sur des secteurs d’activités soumis à la concurrence, mais essentiels par leur capacité à créer activité et emplois, contribuera à la revitalisation des économies ultramarines.
Tout en restant ferme dans vos convictions, vous avez su écouter nos inquiétudes et apporter des ajustements, madame la ministre. Vous avez modifié les paramètres des nouvelles exonérations de charges pour les entreprises, afin d’atténuer le phénomène de trappe à bas salaires. Vous avez élargi les secteurs éligibles. Vous avez tenu compte des particularités de la Guyane, notamment.
J’insiste, nos territoires d’outre-mer restent fragiles. Cette fragilité recouvre des difficultés parfois semblables, parfois de nature très différente. Promouvoir un développement endogène est vertueux, mais veillons à ce que des outils mal ajustés ou mal compris ne nous entraînent pas dans une logique de mal-développement endogène. La crise qui a bloqué Mayotte plusieurs mois durant a révélé l’importance du contexte régional dans la conduite des politiques publiques locales. Mayotte, qui fait face à une très forte immigration, a montré qu’elle manquait cruellement de sécurité, de logements, d’écoles, de routes et d’un aéroport adapté – j’insiste sur ce dernier point. Dès lors, comment attirer les compétences et les y maintenir ?
Très récemment, les Réunionnais ont montré leur profond mal-être. Madame la ministre, vous êtes allée à leur rencontre et avez annoncé des mesures, dont plusieurs sont d’ailleurs déjà inscrites dans le budget de l’État. Vous avez ainsi annoncé la création d’une zone franche globale à 7 % à La Réunion. S’agit-il d’un dispositif tout à fait nouveau et particulier ?