Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 22 février 2007 à 15h00
Droit au logement opposable — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, ce texte, que vous qualifiez de majeur, est pourtant celui de la dernière heure législative. Comme quoi l'importance est toujours relative !

Dans la précipitation de cette fin de session, nous sommes donc amenés à examiner les conclusions du rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

Je ferai quelques remarques de forme, puisque l'Assemblée nationale a terminé l'examen de ce texte cette nuit et que, ce matin, avant la réunion de la commission mixte paritaire, nous n'étions pas en mesure de connaître avec exactitude les dispositions adoptées !

Jamais sans doute l'urgence invoquée pour l'examen d'un texte n'aura mieux mérité son nom - je pense notamment au Président de la République qui, un 31 décembre, mandate son ministre Borloo pour proposer cette mesure spectaculaire !

Cette manière de procéder et de confectionner la loi est particulièrement regrettable et discutable, surtout lorsque, à partir d'un texte initial ne comprenant que neuf articles, on parvient, au terme d'une seule lecture par chaque assemblée, soit deux lectures en tout mais expédiées assez rapidement, vous en conviendrez, à un projet de loi comportant près de quatre-vingts articles !

Effectivement, le Parlement est prolixe. Il est capable de travailler vite - c'est ce que disait ce matin le rapporteur de l'Assemblée nationale -, mais tout de même !

Nombre des dispositions retenues par la commission mixte paritaire, notamment dans le cadre de la seconde partie du texte, apparaissent clairement comme une forme de session de rattrapage pour le Gouvernement - il était temps ! -, qui raccroche comme il peut à un véhicule déjà passablement baroque des mesures si diverses que la cohérence de l'ensemble est pour le moins douteuse !

Ainsi, les quatre articles initiaux de la seconde partie du projet de loi se sont transformés en plusieurs dizaines d'articles, aprèsl'adoption d'amendements gouvernementaux ou « sous-traités » par le Gouvernement à des parlementaires très compréhensifs.

Il ne faut pas voir malice de notre part dans cette remarque, certaines des dispositions votées dans cette seconde partie pouvant fort bien faire l'objet d'une large approbation sur l'ensemble des travées de cet hémicycle.

Néanmoins, et vous le reconnaîtrez d'autant plus volontiers que ce gouvernement touche à sa fin, cette manière de procéder est détestable sur la forme comme sur le fond : elle prive le Parlement de l'un de ses droits élémentaires, celui de débattre de la loi et de réfléchir dans la sérénité, notamment pour lui donner la qualité et la force nécessaires.

C'est d'ailleurs cette exigence de qualité qui a guidé le groupe CRC lors des débats au Sénat. Je constate, non sans une certaine satisfaction, qu'elle a également animé nos collègues de l'Assemblée nationale.

Il convenait, et il convient toujours, d'ailleurs, de donner à ce texte sur le droit au logement opposable une effectivité réelle, un sens immédiatement perceptible pour nos concitoyens au regard de la dramatique crise du logement que notre pays traverse depuis plusieurs années.

Les contours de cette crise sont nouveaux, car elle résulte singulièrement de l'inadaptation du marché à répondre aux besoins de la population. Cela souligne chaque jour un peu plus que la question du logement ne peut être résolue dans un contexte de libéralisme sans rivages.

J'ai été saisi aujourd'hui même d'un exemple de pratiques révoltantes, madame la ministre déléguée. Une agence immobilière dont je pourrais vous communiquer le nom, afin que vous traduisiez ses responsables en justice, exige des choses extraordinaires pour la location d'un appartement. On parlait de patrons voyous ; nous n'en sommes pas loin !

Pour pouvoir louer un appartement à Paris dans cette agence, les ressources du locataire « doivent être au moins égales à trois fois et demie le montant du loyer toutes charges comprises. » En l'occurrence, le demandeur s'est vu proposer un loyer de 1 000 euros : cela fait donc déjà trois fois et demie 1 000 euros !

De plus, les ressources de la caution solidaire, obligatoire, « doivent être au moins égales à cinq fois le montant du loyer toutes charges comprises. » Et 5 000 euros de plus !

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