Intervention de Jean-Louis Lagourgue

Réunion du 3 décembre 2018 à 14h30
Loi de finances pour 2019 — Compte de concours financiers : prêts à des états étrangers

Photo de Jean-Louis LagourgueJean-Louis Lagourgue :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, l’aide publique au développement est une composante essentielle de notre politique d’influence, mais également un impératif de justice et de solidarité internationale qui fait la fierté de la France.

Néanmoins, force est de constater que nous avons échoué depuis quarante ans à remplir nos engagements internationaux en la matière. L’aide publique française n’a jamais dépassé 0, 6 % du revenu national brut, contre un objectif fixé à 0, 7 % par l’Assemblée générale des Nations unies en 1970. Elle est aujourd’hui plus proche de 0, 4 %, ce qui semble insuffisant pour remplir les missions fixées au groupe AFD notamment, au Sahel et dans d’autres zones prioritaires.

Face à ces défis, nous saluons l’initiative du Gouvernement, conformément aux orientations données par le Président de la République, de remettre la France sur la voie du respect de ses engagements. L’objectif intermédiaire de 0, 55 % du RNB en 2022 nous semble réaliste, et l’augmentation de 4, 7 % des crédits de la mission « Aide publique au développement » cette année, est un bon signal dans ce sens.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires regarde avec bienveillance cette évolution, mais restera vigilant quant au respect effectif de cet engagement. Dans un contexte budgétaire contraint, la tentation est en effet, souvent, de considérer l’aide au développement comme une variable d’ajustement. D’autres pays comme la Chine en ont au contraire fait une composante essentielle de leur diplomatie d’influence, en Afrique, et en Europe de l’Est notamment, avec un volontarisme politique fort et un effort financier important, appuyé sur de puissants opérateurs.

Nous devons changer de logique dans notre approche de l’aide au développement. Elle est certes un impératif de solidarité, mais elle est aussi, et surtout, un investissement : un investissement dans l’avenir, un investissement dans la réussite, chez elle, d’une jeunesse qui s’abîme trop souvent dans une course folle vers l’Europe, un investissement pour que la prospérité, demain, ne soit plus dans ces pays un rêve d’ailleurs, mais une réalité concrète.

Avec cet objectif à l’esprit, il faut penser notre aide au développement d’une façon plus large, à la fois dans la définition des bailleurs, dans les types de projets financés et dans le pilotage des fonds.

En ce qui concerne les acteurs, nous devons impérativement améliorer l’articulation entre l’État, les collectivités territoriales, les ONG et les entreprises ou fondations privées. L’avenir de l’aide publique au développement est aussi, peut-être, dans des partenariats entre les différents types de bailleurs, en fonction des expertises de chacun.

En ce qui concerne les objectifs de l’aide au développement, nous voyons d’un bon œil la convergence des processus « objectifs du développement durable » et « financement du développement » sous l’égide des Nations unies.

Ce rapprochement entre aide au développement et développement durable s’est matérialisé lors de la troisième conférence internationale sur le financement du développement à Addis-Abeba en juillet 2015. Le programme d’action d’Addis-Abeba adopté à son issue a envoyé un message fort sur l’importance du climat et de son intégration dans l’ensemble des politiques de développement. Les événements climatiques extrêmes tels que les sécheresses ou les inondations sont des menaces importantes qui touchent l’ensemble des composantes – économique, sociale et politique – du développement.

Enfin, à propos du pilotage des fonds, deux divisions nous apparaissent structurantes et gagneraient à être éclaircies : tout d’abord, la division entre aides bilatérales et aides multilatérales – elles n’ont ni la même signification politique ni la même efficacité – ; ensuite, la division des crédits entre deux programmes distincts, pilotés par deux ministères différents. Cet émiettement conduit à multiplier les instances de coordination. Il fait perdre à notre politique d’aide au développement à la fois lisibilité et efficacité.

Sous réserve de ces quelques points de vigilance et en espérant, monsieur le ministre, que vous pourrez tenir compte de nos pistes de réflexion, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ces crédits, qui poursuivent une remontée en puissance bienvenue de notre aide au développement.

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