Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les sénateurs, je formulerai, après les rapporteurs et les différents orateurs qui sont intervenus, quelques observations sur une mission qui, chacun a bien voulu le reconnaître, enregistre une progression très significative de ses crédits.
Le programme 209 représente 3, 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2 milliards d’euros en crédits de paiement. Hors dépenses de personnel, il est doté de 1, 86 milliard d’euros en crédits de paiement, en progression de 80 millions d’euros en comparaison avec 2018. En matière d’autorisations d’engagement, l’augmentation est de 1, 37 milliard d’euros. Je tiens à le dire, en particulier à M. Vallini, qui formulait quelques observations pas forcément agréables, il s’agit d’une hausse sans précédent dans l’histoire de ce programme.
Madame Garriaud-Maylam, vous avez fait une comparaison entre les crédits de paiement et les autorisations d’engagement. Si l’on veut faire les choses correctement, les crédits de paiement doivent être mesurés par rapport aux autorisations d’engagement. L’important est de fixer les autorisations d’engagement, car, en matière d’aide au développement, vous le savez, vous qui connaissez bien ces sujets, les choses prennent du temps, les décaissements étant par nature progressifs. Je peux donc vous l’assurer, les autorisations d’engagement d’aujourd’hui seront les crédits de paiement de demain.
Je le répète, une trajectoire définie en fonction du PIB a été retenue par le CICID du 8 février dernier. Celle-ci sera confortée lors de la discussion du projet de loi de programmation de l’aide publique au développement, qui sera bientôt soumis au Parlement.
Par ailleurs, je voudrais préciser un point technique, le Gouvernement ayant déposé deux amendements – je présenterai le premier dans le cadre de cette mission, le second lors de l’examen de la mission « Action extérieure de l’État ».
Le Gouvernement a décidé, pour financer les annonces récentes du Premier ministre, un ajustement à la baisse de certains plafonds budgétaires. Or, pour ce qui concerne mon ministère, nous avons appris à la fin du mois de novembre que la contribution française au FED serait inférieure à la prévision initiale, ce qui nous permet de porter l’ensemble de l’ajustement qui nous est demandé sur le programme 209, sans qu’aucune des actions prévues soit remise en cause, tout en préservant les programmes de la mission « Action extérieure de l’État ». Pour le programme 209, cela signifie une hausse des crédits de paiement de 265 millions d’euros par rapport à 2018, ce qui représente, je le répète, une hausse sans précédent.
La hausse de nos engagements permettra de financer des priorités claires, que vous avez tous identifiées : la moitié de ces crédits ira aux secteurs de l’éducation, de la jeunesse ou de la santé ; l’autre moitié financera des actions pour résorber les fragilités en zone de crise, la lutte contre le changement climatique et l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle permettra aussi d’affirmer nos choix géographiques : l’Afrique et, plus particulièrement, dix-neuf pays prioritaires seront les principaux bénéficiaires de cet effort. Ainsi, en 2019, l’aide publique apportée à l’Afrique sera de 1, 2 milliard d’euros, dont 429 millions d’euros pour le seul Sahel.
Je récapitule les orientations que j’ai indiquées à plusieurs reprises devant vous : l’inversion de la proportion entre dons et prêts, au bénéficie des dons, entre bilatéral et multilatéral, en faveur du bilatéral, et réorganisation géographique parallèle. Ce sont les souhaits que vous avez émis dans vos différentes interventions ; c’est ce que nous mettons en œuvre très concrètement dans le cadre de ce projet de budget.
Ces crédits en hausse permettront également de financer l’aide humanitaire, dont j’ai fait, vous le savez, une priorité. Comme je m’y étais engagé l’an dernier, les crédits de gestion et de sortie de crise augmentent, cette année encore, de 14 millions d’euros, pour atteindre 100 millions d’euros. À ce titre, le Fonds d’urgence humanitaire sera porté à 45 millions d’euros et notre aide alimentaire programmée sera également renforcée. Nous devenons enfin un acteur humanitaire significatif et sortons d’une situation où nous investissions dans ce secteur moins qu’un pays comme la Belgique – j’avais eu l’occasion de vous le dire l’année dernière.
Je souhaite que le débat sur la future loi de programmation sur l’aide publique au développement soit l’occasion de réfléchir aux moyens permettant de suivre l’utilisation de ces ressources importantes. Il convient en effet de disposer de moyens de pilotage et d’évaluation adaptés à l’effort consenti. Plusieurs d’entre vous sont intervenus sur ce point, avec raison. Il nous faudra donc mettre en œuvre un dispositif adéquat. À cet égard, permettez-moi de souligner trois décisions.
Premièrement, l’AFD sera en première ligne dans la mise en œuvre de ces moyens nouveaux. Nous renégocierons en 2019 sa rémunération. Les ressources ainsi dégagées abonderont le Fonds de solidarité pour les partenariats innovants, le FSPI, qui est facile d’usage, très réactif et généralement à la main des ambassadeurs pour financer des programmes de volume modeste ou dans leur phase initiale. C’est ainsi que ce fonds a permis les premiers travaux de conception du futur campus franco-sénégalais de Dakar.
Deuxièmement, les nouveaux moyens financiers accordés à l’AFD doivent conduire à renforcer son pilotage. Dans la réflexion que nous menons pour élaborer le projet de loi, plusieurs propositions formulées par le député Hervé Berville dans le rapport qu’il nous a remis ont retenu notre attention. Comme il l’a proposé, nous envisageons de créer un conseil de développement sous l’autorité du Président de la République. Par ailleurs, il sera bien précisé dans le projet de loi qu’il reviendra au ministre chargé de la coopération, qui est aujourd’hui le ministre des affaires étrangères, c’est-à-dire moi-même – j’assume ma tâche complètement, vous le savez, madame la sénatrice Garriaud-Maylam –, de présider le conseil d’orientation stratégique de l’Agence.
Troisièmement, une commission nationale d’évaluation indépendante sera amenée à juger l’impact, l’efficacité et l’efficience de nos actions en matière de développement. La création de cette instance, qui répond également à une demande du président Cambon et de certains d’entre vous, sera mise en œuvre par le biais de la loi de programmation.
Je formulerai encore quelques observations complémentaires.
Monsieur Yung, je suis favorable à une clarification de notre architecture budgétaire. Sans doute serait-il souhaitable d’inscrire les dons dans le programme 209 et les prêts dans le programme 110. Quant au FSD, il devrait être abondé par la TTF et orienté prioritairement vers les fonds multilatéraux. Une telle simplification paraît indispensable pour sortir du maquis des fonds dans lequel certains d’entre vous se perdent. Il m’arrive moi-même de m’y perdre, tant l’architecture est complexe.
Notre volonté d’un meilleur suivi de l’augmentation des crédits qui seront affectés à l’AFD doit également s’étendre à l’affectation des fonds multilatéraux, lesquels continuent à être abondés par le budget français. Dans le cadre de leur articulation avec les actions bilatérales et de leur bonne utilisation, ils devront nécessiter de notre part une plus grande vigilance. En effet, le Fonds européen de développement bénéficiera quant à lui de 850 millions d’euros. C’est une somme très importante, sans doute la plus importante qui lui soit affectée, ce qui nécessite, certains l’ont souligné, une vigilance accrue concernant son utilisation.
Concernant Expertise France, j’ai eu l’occasion de m’en entretenir avec le président Cambon, je serai très vigilant sur le maintien de son identité au sein de l’AFD et pour éviter toute dérive. À l’heure actuelle, rien n’est tranché pour ce qui concerne les modalités, les synergies étant possibles.
Il a été fait état de l’importance du Fonds vert pour le climat. Je le souligne, sa reconstitution est prévue en 2019. La conférence de reconstitution se réunira au cours de l’année. Nous apporterons notre propre contribution sur l’aspect pluriannuel. Nous serons très vigilants sur le maintien et l’augmentation de ce fonds.
Par ailleurs, le Secrétaire général des Nations unies a demandé au Président de la République, lors de la réunion du G 20 à Buenos Aires, que la France joue un rôle majeur dans le cadre du sommet sur le climat de septembre 2019 qu’il organisera à New York. Nous aurons la responsabilité, avec la Jamaïque, d’identifier les enjeux de financement du futur et de faire en sorte que les outils de financement soient au rendez-vous.
Enfin, Mme Perol-Dumont a évoqué le problème de la comptabilisation de l’APD. Comment une somme est-elle identifiée dans le cadre de l’aide publique au développement ? Il existe des règles internationales établies par l’OCDE mentionnant tous les critères nécessaires pour rendre une intervention financière, publique ou privée, éligible à l’aide publique au développement. C’est en fonction de ces critères que nous avons identifié le chiffre de 0, 55 % de notre revenu national brut, que devra représenter notre aide en 2022. Tel est l’engagement du Président de la République. La trajectoire qui vous est aujourd’hui proposée permettra d’atteindre cet objectif.