Intervention de Rémi Féraud

Réunion du 3 décembre 2018 à 14h30
Loi de finances pour 2019 — Action extérieure de l'état

Photo de Rémi FéraudRémi Féraud :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite de Vincent Delahaye, je vais brièvement vous présenter les programmes de la mission « Action extérieure de l’État » qui concernent, d’une part, les Français à l’étranger et les affaires consulaires et, d’autre part, la diplomatie culturelle et d’influence et l’enseignement français. Les crédits afférents à ces programmes représentent environ un tiers du total des crédits de la mission.

Le premier constat, à la lecture du projet du Gouvernement, est celui du maintien global de la prévision budgétaire pour 2019 par rapport à l’exercice en cours. Après plusieurs années de baisse, la stabilité réelle de ces crédits doit être soulignée. Cependant, la réduction des emplois du ministère de l’Europe et des affaires étrangères reste préoccupante. La répartition des crédits ne semble donc pas totalement en accord avec la volonté d’avoir de grandes ambitions diplomatiques et une vocation universelle pour notre pays.

Le budget de l’administration consulaire ne pose pas de difficulté. Celle-ci mène de nombreux chantiers de modernisation qui sont source d’économies et qui font preuve d’une réelle efficacité, à telle enseigne que la délivrance des documents d’identité s’avère beaucoup plus rapide pour les Français de l’étranger que pour ceux qui vivent sur le territoire national. Autre marqueur de modernisation : la mise en place du vote électronique sera effective dès le prochain scrutin européen. Le budget alloué à l’organisation des élections européennes est de 3, 5 millions d’euros, soit une somme équivalente à celle de 2014. Cela ne devrait donc pas poser de difficultés.

S’agissant du remplacement de la réserve parlementaire, le Gouvernement a mis en place un dispositif nommé « STAFE », soutien au tissu associatif des Français de l’étranger, doté d’un budget de 2 millions d’euros pour 2018, reconduit pour 2019. La première année d’existence de ce dispositif semble relativement prometteuse, puisque 223 projets ont été approuvés, pour un montant de 1, 74 million d’euros. Il est intéressant de noter que près de la moitié des subventions sollicitées sont destinées à soutenir un projet éducatif. Nous pourrons certainement mieux en juger l’an prochain – nous pourrons tirer le bilan de l’année 2018 –, en espérant que les crédits pour 2019 pourront être intégralement consommés, car la campagne d’examen des demandes de subventions commencera plus tôt. Mais nous pouvons d’ores et déjà constater que ce dispositif de remplacement de la réserve parlementaire semble fonctionner avec efficacité.

Concernant les acteurs culturels et l’enseignement ainsi que les opérateurs chargés de la politique d’influence de notre pays, la stabilité des crédits apparaît davantage comme un sursis bienvenu, qui n’enlève rien à la nécessité d’établir une stratégie claire de développement du soft power français pour les années à venir.

À la suite des annonces du Président de la République sur le plan Langue française, en mars dernier, l’Institut français bénéficiera de 2 millions d’euros supplémentaires. Il faut saluer cet effort, en ajoutant que des précisions doivent encore être apportées, notamment, sur le rapprochement entre l’Institut français et la Fondation Alliance française, qui a été acté lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018.

Les subventions et les emplois des autres opérateurs sont, eux, maintenus à un niveau équivalent à celui de 2018, ce qui marque la volonté de préserver leurs missions en matière d’attractivité de notre pays.

J’en viens à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, sur laquelle nous avons travaillé, avec Vincent Delahaye, dans le cadre de la mission de contrôle budgétaire. Il s’agit d’un des plus grands réseaux d’enseignement public à l’étranger au monde, ce qui en fait un atout très précieux pour la scolarisation des enfants français à l’étranger et pour le rayonnement de notre pays.

Si la préservation, cette année, du budget de l’enseignement français à l’étranger semble positive, elle ne saurait occulter d’importantes tensions. L’annulation d’une partie de la subvention de l’AEFE, à hauteur de 33 millions d’euros, à l’été 2017, avait mis en évidence la difficile équation budgétaire de l’Agence. Celle-ci fait face, depuis de nombreuses années, à une hausse structurelle de ses dépenses parallèle à un désengagement progressif de l’État. Dans ces conditions, les familles sont de plus en plus mises à contribution et les frais de scolarité par élève ont beaucoup augmenté ces dernières années. La stabilité budgétaire, pour 2019, était donc indispensable. Il faut saluer sa concrétisation.

Pour faire face aux difficultés, en effet, l’AEFE a réduit le nombre de postes d’enseignants et d’encadrement qu’elle finance : elle a supprimé 80 postes d’expatriés et 100 postes d’enseignants résidents cette année ; elle prévoit d’en supprimer 166 autres en 2019. Or ces suppressions de postes, qui sont difficiles à accepter pour les établissements, risquent de nuire à la qualité de l’enseignement. Elles sont en outre contradictoires, en apparence en tout cas, avec l’objectif de doublement du nombre d’élèves scolarisés dans le réseau d’ici à 2030. Cet effet ciseaux fragilise l’Agence et l’ensemble des établissements d’enseignement qui lui sont liés. Il devient donc urgent que le Gouvernement donne aux acteurs une visibilité de long terme – tous l’attendent impatiemment – et nous dise comment il entend parvenir au doublement du nombre d’élèves dans les prochaines années.

Pour ma part, et comme beaucoup, je suis attaché à ce service public exceptionnel de l’enseignement français à l’étranger – nous devons trouver les moyens de le projeter dans l’avenir.

Pour conclure, je dirai que ce budget, s’il est tout à fait convenable du point de vue de l’examen de cet exercice budgétaire, semble insuffisant à long terme au regard des ambitions exprimées. Les subventions accordées aux opérateurs chargés de mettre en œuvre la politique d’influence de la France, quoique stables, demeurent d’un niveau insuffisant. Cette insuffisance est plus frappante encore lorsqu’on la compare aux annonces et aux ambitions affichées au début de son mandat par le Président de la République.

Si, comme l’a dit Vincent Delahaye, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l’adoption des crédits de la mission, nous resterons très attentifs, dans les années qui viennent, à leur inscription dans la durée.

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