Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quoi de plus essentiel en vérité, malgré leur modestie, que les crédits du Quai d’Orsay ? Ce budget porte en effet l’action diplomatique de la France dans le monde. Or la voix de la France est aujourd’hui absolument primordiale. Le monde est confronté à une forme de « chaos » géopolitique.
D’un côté, il y a l’aggravation des menaces. Menaces de la force, on le voit ces jours-ci en mer d’Azov, comme hier en Crimée, mais aussi en mer de Chine, dans les îles Éparses et jusqu’en Méditerranée. Menaces de la faiblesse, celle des États faillis, qui nourrissent le terrorisme djihadiste. Menaces hybrides, créant des situations « troubles », dans la zone grise entre guerre et paix, via l’utilisation de milices ou la désinformation massive. Nouveaux espaces de conflictualité : face au cyberespace, il faut aussi désormais l’espace extra-atmosphérique.
De l’autre côté, les outils de régulation des crises internationales issus de la Seconde Guerre mondiale sont contestés : le Conseil de sécurité de l’ONU est bloqué sur la Syrie, sur le Yémen, sur le conflit israélo-palestinien. Le droit international est bafoué, la liberté de circulation des mers est contestée, les traités de maîtrise de la prolifération chimique et nucléaire sont fragilisés. Nos alliances les plus solides, comme la relation transatlantique, vacillent. L’Europe elle-même est frappée en plein cœur par la montée des populismes et la sortie de sa troisième puissance économique, le Royaume-Uni.
Pourquoi, dans ce contexte, les crédits du Quai d’Orsay sont-ils si importants ? Parce que la France a, par sa diplomatie universelle, un rôle particulier à jouer sur la scène internationale.
Membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, puissance militaire parmi les seules au monde à se projeter au-delà de ses frontières, nation qui « parle à tous », indépendante, dotée d’armées disposant d’une autonomie stratégique basée sur une capacité d’appréciation propre, la France est l’une des seules puissances mondiales à ne pas avoir « d’agenda caché » dans la gestion des crises. La France, pour résumer, ne vise qu’à « produire de la sécurité » et à se battre pour la paix.
Néanmoins, si nous soutenons l’objectif de mieux intégrer les « 3 D » – diplomatie, défense et développement –, nous ne partageons pas toutes les orientations prises pour y parvenir.
Nous l’avons indiqué précédemment, l’aide au développement ne nous semble pas assez fermement pilotée du point de vue des priorités politiques. Nous l’avons dit samedi, notre confiance dans la bonne exécution de la loi de programmation militaire est désormais entamée : la défense a dû financer 400 millions de surcoûts des OPEX, qui auraient dû être pris sur la solidarité interministérielle.
Venons-en à la diplomatie.
Sur plusieurs sujets, la France n’est pas toujours au rendez-vous de son rôle historique. La vision un peu trop angélique qu’a l’exécutif du multilatéralisme ne nous permet pas de peser vraiment sur le cours des choses. Je déplore que nous soyons quasiment sortis des radars au Moyen-Orient, une région dont nous connaissons si bien les complexités. Il convient aussi de réinvestir l’Afrique, où notre leadership est sévèrement contesté.
Sur l’Europe, enfin, la vision très ambitieuse portée par le discours de la Sorbonne est quand même assez loin de la réalité. Prenons l’exemple du couple franco-allemand, qui – il faut bien le dire – ne pèse pas du même poids des deux côtés du Rhin !
Monsieur le ministre, à l’instar de Ladislas Poniatowski, je souhaite entendre votre réaction sur cette étonnante proposition allemande de mutualiser notre siège de membre permanent au Conseil de sécurité.