Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous en convenons tous ici, il n’y a aucun doute sur le potentiel de la France en matière d’action extérieure de l’État, mais cela a un prix et nécessite un investissement. À ce titre, nous regrettons que la diplomatie économique soit considérée comme le levier majeur de notre diplomatie. Ce choix stratégique nous semble contestable.
Il existe toujours malgré tout un reliquat de colonialisme dans notre pratique des échanges commerciaux avec certains pays, notamment d’Afrique. Ainsi, sous couvert d’aide au développement de ces pays, l’enjeu est aussi d’assurer un avenir international à nos entreprises. Sauf que le focus mis sur la diplomatie économique a conduit, par exemple, à une diplomatie politique des ventes d’armes, à propos desquelles vous connaissez notre opposition. Ces ventes massives d’armes n’ont pas développé d’emplois en France, puisque le secteur de l’industrie de l’armement a vu disparaître 44 000 emplois en dix ans.
Dans le cadre de cette discussion budgétaire, je tiens aussi à intervenir sur un sujet dont on ne parle pas trop souvent, même si nous avons déjà abordé ce point avec vous, monsieur le ministre, à savoir le franc CFA, c’est-à-dire le franc des anciennes colonies d’Afrique.
Le maintien d’une zone franc après la décolonisation grève fondamentalement les capacités d’investissement des États et nuit à leur indépendance monétaire. Le franc CFA a le mérite de limiter l’inflation et d’apporter de la stabilité aux économies nationales, mais son indexation sur l’euro, une monnaie forte, freine de nombreuses PME africaines et encourage la fuite des capitaux.
Le fait d’aborder la problématique du franc CFA dans le cadre de cette mission vous surprendra peut-être, mes chers collègues, mais il me semble que ce point n’est pas sans lien avec nos objectifs dans le domaine des actions extérieures de la France. Si le franc CFA permet de maintenir un pré carré pour la France, il est aussi de plus en plus un motif de rejet de notre pays dans les pays concernés. Il faudra bien qu’on s’attelle un jour à ce problème.
J’aborde maintenant un autre point : la nécessité de réinvestir massivement dans notre diplomatie culturelle.
La situation de la diplomatie culturelle aujourd’hui est très délicate. C’est le domaine d’action qui présente le plus gros déficit entre les moyens mis en œuvre et les besoins auxquels ils sont censés répondre. À ce titre, monsieur le ministre, vous m’aviez dit en commission que la fermeture de l’institut français de Naplouse n’était pas figée et que les discussions restaient ouvertes. Qu’en est-il désormais ? La situation a-t-elle changé ? Plus largement, nous nous interrogeons sur la fusion des alliances françaises et des instituts français comme sur leur financement. Le désinvestissement de l’État, au motif d’encourager l’autofinancement, est contradictoire avec une ambition forte de politique étrangère.
Cette ambition se fracture également avec l’exemple des étudiants étrangers. On ne peut que condamner la décision du Gouvernement d’augmenter drastiquement les frais d’inscription des étudiants étrangers à l’université. Dire qu’il s’agit d’une mesure visant à compenser ce que ces étudiants coûtent, c’est remettre en cause le sens même d’un service public ! Certes le principe du service public repose sur le caractère contributif de son fonctionnement, mais un étudiant étranger crée lui aussi de la richesse puisque, en travaillant, il consomme et paie des impôts indirects.
Avec cette décision, vous ôtez tout espoir aux étudiants modestes de venir étudier en France, alors même qu’il existe déjà une barrière à l’entrée par le biais des revenus minimaux exigés. Doit-on considérer que les 620 euros demandés ne sont pas suffisants pour vivre en France ?
Cette sélection par l’argent se couple à l’absence de critères sociaux dans l’attribution de bourses du Gouvernement, comme vient de le souligner l’un de mes collègues. Au-delà de leur accessibilité directe, cela empêche chaque année un certain nombre de jeunes étrangers de postuler dans l’une de nos universités. Alors que la France est le quatrième pays d’accueil d’étudiants étrangers, cette situation risque d’entraîner un recul de notre pays en la matière.
Je terminerai en évoquant l’un des piliers les plus importants de notre action extérieure : notre réseau consulaire. La baisse des effectifs au sein des représentations françaises à l’étranger inquiète. Alors que le Quai d’Orsay a perdu 53 % de ses effectifs en trente ans et un tiers depuis 2008, le Gouvernement a encore annoncé la suppression de 10 % des effectifs. Aujourd’hui, on décompte seulement 13 800 agents pour 2 millions d’expatriés, sans tenir compte des touristes. J’y reviendrai lors de l’examen des amendements, mais le schéma « fermeture des accueils et dématérialisation des procédures » conduit à un certain recul.