Avec le troisième réseau diplomatique et consulaire, avec l’un des meilleurs corps diplomatiques au monde, avec des relais d’influence culturels, stratégiques et politiques anciens sur tous les continents, la France a toutes les cartes en main pour demeurer une grande puissance de diplomatie et de paix. Néanmoins, nous devons veiller à ne pas prendre pour acquise cette position unique sur la scène internationale. L’histoire nous montre que, lorsque nous cessons d’investir dans notre diplomatie et notre action extérieure, notre connaissance du monde s’amoindrit, notre voix s’affaiblit.
À ce titre, l’affaiblissement continu du Quai d’Orsay et des réseaux culturels français depuis plusieurs années est inquiétant. II faut cesser de considérer notre action extérieure comme une variable d’ajustement. De l’aveu même de nombreux diplomates, le Quai d’Orsay est aujourd’hui à l’os. Je le dis aujourd’hui avec force : notre diplomatie est un actif précieux pour la France et un atout pour l’avenir ! Or vous semblez, monsieur le ministre, poursuivre dans cette logique de rabot progressif sur les crédits dédiés à cette mission, une fois corrigées les mesures de périmètre.
Si nous croyons souhaitable la rationalisation du système de prime des agents diplomatiques, si des économies de fonctionnement sont encore possibles, nous estimons que la logique d’économies structurelles arrive à son terme, à moins de revoir drastiquement notre stature diplomatique. Cette stature, pour l’avenir, doit reposer sur trois piliers dans lesquels nous devrons investir des moyens financiers et humains importants.
Le premier est la diplomatie d’influence, le fameux soft power. D’autres pays affichent des efforts colossaux dans ce domaine : la Chine, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, par exemple, investissent massivement dans leur réseau culturel à l’étranger et occupent les espaces que nous délaissons. Notre propre réseau, atomisé et en perte de puissance, gagnerait à être rationalisé pour répondre à ce défi. Il pourrait s’appuyer sur une ambition renouvelée.
Le deuxième pilier est notre présence dans les institutions multilatérales. Elle doit être renforcée et pilotée au plus haut niveau politique. La France, comme l’ont rappelé le président de la commission des affaires étrangères et d’autres collègues, est un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, et elle occupe ce rôle avec dynamisme et esprit d’initiative. Elle ne doit naturellement pas renoncer à ce privilège, comme je l’ai récemment entendu dire par nos amis Allemands. Face au retrait des États-Unis, face aux blocages persistants de la Russie, la France a une responsabilité accrue pour maintenir vivantes et efficaces les enceintes du multilatéralisme.
Le troisième pilier est l’Europe. Elle est l’horizon naturel de notre action extérieure qu’elle a vocation à amplifier et à catalyser. Nous devrons œuvrer à la construction d’une véritable politique extérieure commune – nous en parlons depuis tellement d’années ! – sur les grands sujets qui touchent à notre sécurité commune, aux crises dans notre voisinage et aux biens communs de l’humanité.
Monsieur le ministre, ces points de vigilance ayant été rappelés, le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra sur ces crédits qui ne nous semblent pas à la hauteur des enjeux que doit affronter notre diplomatie.