Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 4 décembre 2018 à 9h30
Questions orales — Soutien à l'approvisionnement local en restauration collective

Olivier Dussopt :

Madame la sénatrice Delattre, Bruno Le Maire m’a chargé d’apporter une réponse à votre question sur le code de la commande publique.

L’article 28 de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Sapin 2, qui a autorisé le Gouvernement à adopter la partie législative du code de la commande publique, a précisé que la codification devait se faire à droit constant.

Les réformes visant à rendre la commande publique plus simple et plus attractive pour les PME sont donc portées par d’autres vecteurs législatifs et réglementaires. Leurs dispositions seront néanmoins consolidées le moment venu dans le code de la commande publique qui entrera en vigueur le 1er avril 2019.

Ces réformes comportent des mesures concrètes pour les acheteurs publics comme pour les entreprises. Il s’agit notamment de l’augmentation de 5 % à 20 % du montant des avances forfaitaires versées aux titulaires des marchés publics de l’État, de la diminution de 5 % à 3 % du taux de retenue de garantie lorsqu’elle doit être constituée dans les marchés de travaux, de l’obligation de prévoir des prix révisables, pour éviter de faire supporter par les fournisseurs les aléas majeurs des conditions économiques, comme c’est le cas pour les matières agricoles, et enfin de l’interdiction de la pratique des ordres de service à zéro euro, qui conduisait certaines collectivités à faire supporter des charges supplémentaires à leurs prestataires de travaux publics.

En matière d’accès des PME nationales à la commande publique, l’attribution des marchés publics sur la base d’un critère de préférence locale se heurterait aussi bien à la Constitution qu’au droit européen.

Par sa décision du 26 juin 2003, le Conseil constitutionnel a en effet affirmé que la liberté d’accès à la commande publique et l’égalité de traitement des candidats à des contrats de la commande publique étaient des principes à valeur constitutionnelle découlant des articles 6 et 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

La Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur les critères de choix dans les marchés publics et a constamment réaffirmé l’interdiction des critères visant à réserver les marchés publics à des opérateurs économiques installés dans un ressort géographique donné et des critères relatifs à l’utilisation de produits locaux.

Selon la CJUE, de tels critères porteraient atteinte aux principes de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité ou de non-discrimination. Ces principes s’appliquent aussi pour les entreprises de pays tiers à l’Union européenne, mais signataires, dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce, de l’accord « marchés publics ».

Pour autant, le droit de la commande publique ne fait aucunement obstacle à la mise en œuvre d’une politique responsable d’achats alimentaires visant à l’emploi de produits de qualité, segment sur lequel nos agriculteurs sont particulièrement bien placés.

L’article 32 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics pose une obligation de principe d’allotir les marchés publics afin de faciliter l’accès des PME à la commande publique. Un allotissement fin, notamment par type de denrée et par territoire, permet de susciter une large concurrence et de lever les obstacles à l’accès à la commande publique des producteurs locaux et de leurs groupements.

Les articles 30 et 38 de la même ordonnance font obligation aux acheteurs, lorsqu’ils définissent leurs besoins, de prendre en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale, et autorisent la prise en compte de ces considérations dans les conditions d’exécution d’un marché public, à condition qu’elles soient liées à l’objet du marché.

Les acheteurs publics peuvent ainsi exiger que les fournisseurs garantissent la fraîcheur et la saisonnalité de leurs produits. De même, les conditions d’exécution peuvent inclure des exigences en matière de sécurité et de célérité des approvisionnements alimentaires. Les acheteurs peuvent également recourir aux spécifications techniques définies par référence à des labels permettant de garantir la qualité des produits et de leur production, comme ceux ayant trait aux « spécialités traditionnelles garanties » ou à l’agriculture biologique, en vertu de l’article 10 du décret du 25 mars 2016.

La qualité des offres peut s’apprécier au regard de l’effort de réduction des transports, dès lors que celui-ci a, par exemple, pour effet de limiter l’émission de gaz à effet de serre. La rapidité d’intervention d’un prestataire, ainsi que les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture sont, aux termes de l’article 62 du décret relatif aux marchés publics, des critères de choix autorisés, pour autant qu’ils restent justifiés au regard de l’objet du marché public.

Ce cadre juridique permet de promouvoir les circuits courts pour les produits de l’agriculture, de diminuer le coût des intermédiaires et de préserver en conséquence l’environnement en limitant le déplacement des produits.

J’ajouterai que, par instruction du 28 juillet 2015, le Gouvernement a rappelé aux préfets qu’il appartenait à tous les acheteurs publics de s’assurer que les procédures de passation des marchés de la restauration collective recourent aux moyens mis à disposition par le droit de la commande publique afin de favoriser l’ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles. Un guide de référence a été édité par le ministère de l’agriculture.

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