Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, trop souvent, les commémorations ne sont qu’une occasion de ressasser un passé glorieux pour tenter, un instant, d’oublier un présent peu engageant.
Cette année, le ministère de la culture vient assez discrètement de fêter le soixantième anniversaire de son existence et, le moins que l’on puisse dire, c’est que cette presque vieille dame a rarement été aussi radieuse.
Lorsque, le 24 juillet 1959, André Malraux prit les rênes du tout nouveau ministère des affaires culturelles, un ministère taillé sur mesure pour lui par le général de Gaulle, ils étaient peu nombreux, y compris dans les rangs gaullistes, à croire en sa pérennisation au-delà de celui qui l’incarnait.
Et pourtant, aujourd’hui, en 2018, le ministère de la culture est toujours là, et bien là, avec un budget à un cheveu à peine du mythique objectif du 1 % du budget global !
Ce budget est en progression pour la seconde année consécutive et situe notre pays dans les premiers rangs européens en termes de dépenses publiques consacrées à la culture par l’État. Mais la valeur des politiques publiques engagées dans le domaine culturel ne saurait s’apprécier qu’à l’aune quantitative de son poids dans le budget de l’État, même si celui-ci ne doit naturellement pas être minoré.
Nous-mêmes, parlementaires, quelle que soit notre appartenance politique, sommes toujours tentés d’exiger plus et toujours plus sur tel ou tel domaine de l’action culturelle pour lequel nous nous passionnons.
D’abord parce que, au fil des décennies, l’État est de moins en moins l’acteur prédominant qu’il fut par le passé en matière d’investissement culturel, les territoires, en particulier les communes, occupent désormais une place majeure dans ce domaine. L’investissement privé, notamment au travers du mécénat, n’est pas non plus en reste.
La valeur des politiques publiques en matière culturelle repose tout autant sur leur dimension qualitative, à travers les missions et les objectifs que nous leur fixons.
Si le Président de la République, le Gouvernement et, bien sûr, vous-même monsieur le ministre, ont fait de la culture une priorité – objectif que je partage pleinement –, c’est qu’ils sont convaincus que celle-ci n’est pas qu’un vecteur majeur d’attractivité économique ou touristique, mais quelle est aussi et d’abord un outil de cohésion nationale, d’inclusion sociale et de lutte contre toutes les disparités, notamment territoriales.
La culture ne peut être cet outil d’une pleine citoyenneté intelligente et intelligible que si elle s’adresse véritablement à toutes et à tous.
Favoriser le dynamisme de la création artistique et culturelle dans notre pays, protéger, entretenir et enrichir notre patrimoine national, faire rayonner la culture française dans le monde, ce sont là trois des principaux objectifs assignés au ministère de la culture lors de sa création en 1959. Ils demeurent aujourd’hui, soixante ans après, toujours pertinents.
Comme je l’ai dit assez longuement ici même l’an passé, nous avons assez largement failli à mettre en œuvre une quatrième autre grande mission attribuée à ce ministère, à savoir celle d’assurer l’accessibilité de tous à la culture dans notre pays. Au sens démocratique du terme, c’est d’ailleurs la plus noble de toutes les missions assignées à la culture, mais c’est aussi la plus difficile à mettre en œuvre.
C’est précisément, et sans négliger les trois autres missions fondatrices du ministère de la culture, celle que la majorité issue des élections de l’an passé s’est fixée comme priorité.
Dans ce budget, la volonté politique d’affronter enfin le défi de l’accessibilité du plus grand nombre à une culture de qualité s’incarne notamment à travers une augmentation très sensible des crédits de soutien à la démocratisation de l’éducation artistique et culturelle : près de 200 millions d’euros y sont consacrés en 2019, contre seulement 119 millions d’euros en 2017, soit une augmentation de 56 % en deux ans.
La mise en œuvre de cette accessibilité accrue à la culture est bien loin de se résumer à ce seul investissement. Elle est désormais un axe transversal de presque toutes les autres missions assignées au ministère.
Par manque de temps, je ne pourrai pas détailler ici toutes ces initiatives. Je ne retiendrai donc que celles qui me semblent les plus emblématiques et les plus prometteuses.
La meilleure circulation sur tout le territoire des grandes œuvres que recèlent nos musées parisiens a déjà été engagée, tout comme la volonté de faire davantage tourner en France les spectacles mis en scène par nos grands théâtres nationaux. Par ailleurs, l’élargissement des horaires d’ouverture de nos bibliothèques et de nos musées dépasse aujourd’hui le stade de l’expérimentation.
Cette démocratisation de l’accès à la culture passe bien évidemment par davantage d’investissements de l’État dans nos territoires, car Paris a trop longtemps été privilégié dans ce domaine. C’est pourquoi le Gouvernement a décidé d’accroître sensiblement les crédits déconcentrés, avec notamment le développement d’un fonds en faveur du patrimoine des petites communes, c’est-à-dire de celles de moins de 10 000 habitants.
En effet, l’objectif d’offrir un accès élargi aux richesses de notre culture passe par une plus grande équité territoriale – cela n’a pas toujours été le fort du ministère de la culture, il faut bien le dire, par le passé – et par une approche transversale, qui touche autant les actions consacrées à la création que celles qui sont dédiées au patrimoine.
À ce propos, je ne puis manquer d’exprimer ma satisfaction quant à l’engagement pris en faveur du lancement du projet de la cité de la francophonie de Villers-Cotterêts.
La réhabilitation du château de Villers-Cotterêts pour en faire un lieu consacré à la langue française et à la francophonie est loin d’être un projet de portée uniquement symbolique, qui aurait soudainement germé au sommet de l’État. Il répond en fait à une demande ancienne et au travail acharné de plusieurs associations locales que j’ai eu l’occasion de rencontrer, qui se sont mobilisées en sa faveur.
Enseignant depuis nombre d’années l’histoire des politiques culturelles en France, je puis vous garantir que les plus grands spécialistes s’accordent pour dire que l’ordonnance de Villers-Cotterêts, qui fut prise en 1539, …