Intervention de Franck Riester

Réunion du 4 décembre 2018 à 14h30
Loi de finances pour 2019 — Culture

Franck Riester :

La politique culturelle que nous menons est ancrée dans nos territoires. Certains ont trop souvent été délaissés au profit de la capitale, chère Catherine Morin-Desailly. Nous allons y remédier, et le budget pour 2019 va nous y aider.

Vous connaissez mon expérience d’élu local, cher Vincent Éblé. Il n’y a nul besoin de me convaincre de la complémentarité entre l’action de l’État et celle des collectivités territoriales ! Notre politique culturelle part d’initiatives locales, au niveau des territoires, appuyées et confortées par la puissance publique. Cette coopération est indispensable ; elle est une chance.

De cette chance, je tire une conviction : pour que notre action bénéficie aux territoires, il faut que les moyens soient gérés au plus proche de ces derniers. Ainsi, en 2019, la part des crédits déconcentrés augmentera à nouveau de 30 millions d’euros. En deux ans, les moyens gérés par les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, auront progressé de 8 %. Dans la même logique, leurs effectifs seront sanctuarisés.

Ces moyens accrus renforceront notre soutien au patrimoine. Celui-ci est partout, dans nos villes et dans nos campagnes, en outre-mer et dans l’Hexagone. Il représente une formidable porte vers la culture.

Les crédits d’entretien et de restauration de monuments historiques seront sanctuarisés. Cela revient à 326 millions d’euros d’autorisations d’engagement, qui permettront de financer plus de 6 000 opérations partout en France métropolitaine et en outre-mer. Je suis fier de le dire, ce budget est dirigé à plus de 85 % vers des monuments en région.

Nous accompagnerons également, l’année prochaine, la croissance du fonds en faveur des collectivités à faibles ressources. Ce fonds a permis de lancer en 2018 plus de 150 opérations de restauration, mobilisant les acteurs locaux, avec la participation de quasiment toutes les régions.

À ces dispositifs, s’est ajoutée cette année, vous en avez parlé les uns et les autres, l’opération du loto du patrimoine, qui a suscité une mobilisation exceptionnelle des Français, un véritable engouement. Les recettes pour la Fondation du patrimoine devraient avoisiner, en net, les 20 millions d’euros.

Comme cela a été rappelé, avec Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, nous avons décidé d’accompagner cet élan populaire engagé par Stéphane Bern, avec un déblocage de 21 millions d’euros supplémentaires pour sauver les monuments en péril dès la fin de la gestion 2018.

Nous évaluerons le dispositif du loto du patrimoine, afin de voir s’il convient de le pérenniser. J’ai évidemment constaté l’engouement des Français, et j’ai entendu vos remarques, mesdames, messieurs les sénateurs, qui allaient toutes dans le sens d’une telle pérennisation. Le choix d’abonder les sommes récoltées à cette occasion mérite également d’être réfléchi dans ce cadre.

Même si je comprends bien l’intérêt de l’amendement voté par le Sénat pour exonérer ce loto de taxes versées au budget général, et le volontarisme politique présent derrière un tel vote, je signale que cette taxation fait partie du fonctionnement normal de la Loterie nationale et qu’elle était prévue dès le lancement du l’opération en 2018.

Pour autant, le message sous-tendu – il est le même que celui que Gérald Darmanin et moi-même avons voulu faire passer en accompagnant, par un abondement, l’enthousiasme des Français – entrera également dans le cadre de notre réflexion sur l’éventuelle pérennisation du loto du patrimoine.

Il existe un autre outil essentiel pour soutenir notre patrimoine, c’est le mécénat. Un quart des dons déclarés en France en 2017 bénéficient à la culture et au patrimoine. Ces dons constituent un outil exceptionnel au service du patrimoine et, plus largement, de la création et de la culture. Comme toute dépense fiscale, le mécénat culturel mérite d’être évalué. Toutefois, et je sais que vous en êtes totalement convaincus, ne cassons pas un outil fondamental pour la culture !

L’accès à la culture passe aussi par l’accès aux œuvres et aux artistes, qui, trop souvent, sont cantonnés dans les grandes villes. Nous aiderons les brassages, les dynamiques territoriales avec le deuxième acte du plan « Culture près de chez vous », qui sera modifié dans un certain nombre de ses fonctionnements. Ce plan bénéficiera directement aux territoires et ce ne sont pas moins de 6, 5 millions d’euros qui seront mobilisés à cet effet en 2019.

L’accès à la culture passe également par l’accès aux bibliothèques – un projet qui, comme vous le savez, est important aux yeux du Président de la République.

Les bibliothèques sont aussi nombreuses que les bureaux de poste. Elles maillent le territoire et forment le premier réseau culturel de proximité, cette tête de pont de la culture dans les territoires. Nous aiderons les collectivités à les ouvrir plus et mieux. Pour cela, nous travaillerons en concertation avec elles et en fonction des réalités de chaque territoire. Bien évidemment, personne ne connaît mieux les territoires que les élus, d’où cette volonté de mener le projet en partenariat avec eux, mais aussi avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs.

Nous dénombrons déjà 265 bibliothèques accompagnées dans l’aménagement de leurs horaires, avec une extension moyenne de six heures par semaine. Ce n’est qu’un début, je l’espère. Ainsi, 2 millions d’euros de crédits additionnels seront engagés pour poursuivre cet effort, accompagner les nouveaux usages et offrir de nouveaux services.

Il ne suffit pas de combattre les inégalités territoriales en matière d’accès à la culture ; nous devons les affronter là où elle se forme, dès le plus jeune âge : à l’école. Avec Jean-Michel Blanquer, en lien avec nos partenaires, je fais de l’éducation artistique et culturelle un devoir pour l’école de la République. D’ici à 2022, chaque enfant rencontrera des œuvres et des artistes dès l’âge de trois ans. Pour faire de cet objectif une réalité, quelque 145 millions d’euros lui seront dédiés l’année prochaine – c’est deux fois plus qu’en 2017.

S’agissant du pass culture, évoqué par de nombreux orateurs, j’ai entendu les questionnements et les inquiétudes, qui sont légitimes. J’ai associé au projet – et je le ferai encore davantage dans l’avenir – les collectivités, les artistes, les opérateurs culturels et les futurs bénéficiaires.

Le pass culture a été pensé comme un levier des politiques territoriales de la culture – de nombreuses expériences, cela a été rappelé, sont déjà conduites dans les collectivités territoriales, en particulier à l’échelle des régions – et comme un moyen d’ouvrir aux jeunes les portes de nos institutions culturelles, de favoriser leurs pratiques des arts sur l’ensemble du territoire.

Je suis donc très heureux de vous annoncer que la première vague d’expérimentation débutera le 1er février auprès de 10 000 jeunes sélectionnés sur la base du volontariat dans cinq départements. Dans le courant de l’année 2019, une deuxième vague sera mise en place, suivie, peut-être, d’une troisième, dans le cadre de la montée en puissance du dispositif, qui se fera en associant des territoires différents.

Comme cela a été évoqué en commission, une enveloppe de 34 millions d’euros sera réservée à ce projet en 2019.

Je vous propose de rencontrer les députés et les sénateurs qui le souhaitent – notamment les membres du groupe de travail qui a été mentionné –, en lien avec Mme la présidente de la commission, au cours de la première quinzaine de janvier, c’est-à-dire avant le début de l’expérimentation. Je serai alors en mesure de vous indiquer comment le dossier aura progressé depuis vos échanges avec M. Éric Garandeau, le représentant du pass culture. Vous disposerez ainsi de tous les éléments d’information concernant cette expérimentation débutant le 1er février 2019.

Puisque j’évoque la jeunesse, j’en profite pour rappeler l’importance des 99 établissements d’enseignement supérieur rattachés au ministère.

Ces derniers accueillent près de 37 000 étudiants et emploient plusieurs milliers d’enseignants. Leurs moyens de fonctionnement sont préservés en 2019. Ils bénéficieront de plus de 15 millions d’euros de crédits d’investissement, pour des opérations structurantes comme celles des écoles d’architecture de Marseille, de Toulouse ou du conservatoire de Paris, pour n’en citer que quelques-unes. De nouvelles opérations seront également engagées, comme à Cergy. Ces établissements forment nos artistes de demain et, bien évidemment, des dispositifs de bourse sont prévus, notamment pour les étudiants étrangers.

Pour permettre à tous un égal accès à la culture, il faut soutenir celles et ceux qui la font vivre : les artistes.

Parce qu’il n’est pas de culture sans création, les crédits consacrés à cette dernière seront sanctuarisés. Dans l’attribution de ces crédits, mon ministère restera fidèle à ses valeurs : il sera attentif à favoriser l’émergence de nouveaux talents, à accompagner les artistes dans leur projet, à élargir les publics en améliorant la diffusion des œuvres, notamment dans les territoires ruraux et les quartiers prioritaires.

Des crédits de 706 millions d’euros seront consacrés au spectacle vivant. Dans le même temps, 1 million d’euros supplémentaires abondera le budget dédié aux structures labellisées et 500 000 euros iront à des projets relevant de l’économie sociale et solidaire dans le champ de la création artistique. Le soutien aux arts visuels sera, quant à lui, accru pour atteindre 75 millions d’euros. Le centre national des arts visuels devrait normalement être créé par un décret dès demain et prendre forme au tout début de l’année prochaine.

Parce qu’il n’est pas de création sans créateurs, nous continuerons à soutenir l’emploi dans le secteur culturel.

Le Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle sera prolongé au-delà de 2018. Le niveau des crédits de ce dispositif, encore mal connu, a été adapté au rythme de consommation. Et, comme je l’ai dit en commission, il pourra être modulé à la hausse, si besoin, en 2020 pour accompagner ce nécessaire mouvement de pérennisation des emplois.

Le ministère aura également à cœur de poursuivre le travail engagé avec les représentants des artistes-auteurs pour mieux les protéger.

Parce qu’il n’est pas non plus de création sans lieu de création, compte tenu des dépenses de sécurisation des sites et événements culturels qui, dans le contexte sécuritaire actuel, pèsent lourdement sur tous les acteurs, un montant de 2 millions d’euros sera pérennisé à compter de 2019, afin d’alléger la facture liée à ces dépenses, dans la continuité du fonds d’urgence créé temporairement à compter de 2016.

Je serai attentif à la question du coût de la mobilisation des forces de l’ordre, qui peut créer des difficultés pour certaines structures organisatrices de festival – nous en avons discuté en commission le 14 novembre dernier. Dans le soutien à la création, comme dans le combat pour l’accès à la culture, mon engagement sera total !

Je voudrais, enfin, apporter quelques réponses aux questions qui m’ont été posées.

Le Grand Palais – une opération inscrite dans la partie financée sur les programmes d’investissement d’avenir, ou PIA – ne verra pas les premières dépenses décaissées avant 2021, a priori. Les crédits fléchés vers le Grand Palais seront donc précisément mentionnés dans le plan 2020-2022.

Je reviendrai sur la question du CNM, le Centre national de la musique, à l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Vous savez l’engagement total qui est le mien pour la création de ce centre. Certes, celle-ci donnera lieu à une décision de gestion, mais je vous garantis que la structure disposera, en 2019, des moyens permettant sa création et son début de fonctionnement. Il reste beaucoup de travail à faire avec les partenaires de ce projet, en lien, bien évidemment, avec les parlementaires.

Le dossier de Villers-Cotterêts progresse. Sur les deux quadrilatères du site, le plus petit – là où se trouvait la résidence royale – se voit accorder un budget de 710 millions d’euros pour sa restauration et l’installation du laboratoire de la francophonie, qui doit être un formidable outil au service de la langue française et de la francophonie. Tout avance très positivement, donc, en lien avec le Centre des monuments nationaux, qui est le maître d’ouvrage de ce projet.

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